LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été blessé le 13 juillet 1986 dans un accident de la circulation impliquant le véhicule automobile qu'il conduisait, et a subi une transfusion sanguine ; qu'ayant été déclaré en avril 2002 atteint par le virus de l'hépatite C, il a, après expertise ordonnée en référé, assigné en responsabilité et réparation l'Etablissement français du sang (EFS), en présence de la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde (la caisse) ;
Sur le premier moyen, tel que reproduit en annexe :
Attendu que l'EFS fait grief à l'arrêt de le déclarer entièrement responsable de la contamination et de le condamner à payer à M. X... diverses indemnités et à rembourser des sommes à la caisse ;
Mais attendu que sous le couvert du grief non fondé de violation de l'article 1147 du code civil, le moyen ne tend qu'à remettre en discussion devant la Cour de cassation l'appréciation souveraine de la valeur et de la portée des éléments de preuve par la cour d'appel, qui en a exactement déduit que l'EFS, fournisseur de sang ayant manqué à son obligation de sécurité de résultat de livrer des produits exempts de vices au bénéfice du receveur en faveur de qui il stipulait, ne pouvait s'exonérer de sa responsabilité contractuelle que par la preuve d'un cas de force majeure ;
D'où il suit que le moyen ne peut qu'être écarté ;
Mais sur le second moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article 1147 du code civil et le principe de la réparation intégrale du dommage sans perte ni profit pour la victime ;
Attendu que pour fixer le préjudice de M. X... à la somme de 100 999, 69 euros et condamner l'EFS à lui payer la somme de 81 600 euros en réparation de son préjudice et à la caisse la somme de 16 399, 97 euros outre les arrérages échus et à échoir de la rente d'invalidité, l'arrêt procède à l'évaluation des indemnités réparant les postes de préjudice du retentissement professionnel, du déficit fonctionnel permanent et du préjudice spécifique de contamination, y ajoute le montant des indemnités journalières versées par la caisse et fait porter le recours de la caisse sur le préjudice global formé du total de ces indemnités ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la somme constituant l'indemnisation du préjudice global subi par la victime ne pouvait comprendre le montant des prestations servies par la caisse, la cour d'appel a violé le texte et le principe susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du second moyen :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il confirme le jugement déféré ayant déclaré l'Etablissement français du sang entièrement responsable de la contamination de M. X... par le virus de l'hépatite C, l'arrêt rendu le 10 décembre 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, sauf sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux, autrement composée ;
Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux octobre deux mille neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils pour l'Etablissement français du sang.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré l'E. F. S. entièrement responsable de la contamination de M. X... par le virus de l'hépatite C et de l'avoir condamné à payer à M. X... la somme de 81. 600 euros en réparation de son préjudice et à la C. P. A. M. de la Gironde la somme de 16. 399, 97 euros outre les arrérages échus et à échoir de la rente invalidité à concurrence de 20 %, dans la limite de 3. 000 euros,
AUX MOTIFS QUE l'E. F. S., qui était tenu par son contrat de délivrer un produit exempt de vices, ne saurait s'exonérer de son obligation de résultat à l'égard de M. X... au motif que celui-ci serait à l'origine de ses blessures ;
ALORS QUE la faute de la victime qui a contribué à la production de son propre dommage exonère partiellement de sa responsabilité le débiteur qui a manqué à son obligation de résultat ; qu'en affirmant, pour condamner l'E. F. S. à réparer l'entier préjudice de M. X..., que la faute éventuellement commise par ce dernier lors de l'accident de la circulation ayant rendu nécessaires les transfusions de produits sanguins à l'origine de sa contamination par le virus de l'hépatite C était sans incidence sur son droit à indemnisation, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré l'E. F. S. responsable de la contamination de M. X... par le virus de l'hépatite C, d'avoir fixé le préjudice de M. X... à la somme de 100. 999, 69 euros et d'avoir condamné l'E. F. S. à payer à M. X... la somme de 81. 600 euros en réparation de son préjudice et à la C. P. A. M. de la Gironde la somme de 16. 399, 97 euros outre les arrérages échus et à échoir de la rente invalidité à concurrence de 20 %, dans la limite de 3. 000 euros,
AUX MOTIFS QUE M. X..., né le 27 août 1968, a été examiné par un expert, le professeur Y..., qui a indiqué qu'il a été hospitalisé du 13 juillet 1986 jusqu'au 9 septembre 1986, qu'il est resté ensuite en arrêt-maladie jusqu'à la fin de l'année 1987 et aurait repris une activité à mi-temps comme jardinier en 1991, qu'il aurait bénéficié d'un reclassement Cotorep comme cordonnier à partir d'avril 1997, qu'extrêmement fatigué au cours d'une intervention sur les métacarpiens, des taux élevés de transaminases ont été découverts, comme d'ailleurs auparavant de tels taux l'avaient été lors de son hospitalisation initiale en août 1986, que ces découvertes n'avaient provoqué aucune réaction du corps médical et que ce n'est qu'en avril 2002 que, suite à son asthénie persistante, de nouvelles analyses ont été faites et le diagnostic posé ; que M. X... souffre d'une hépatite chronique avec des lésions d'activité modérée et une fibrose septale importante pré-cirrhotique ; qu'un traitement par interféron a été entrepris et interrompu, se révélant inefficace ; que les conclusions du médecin expert font état d'une consolidation à la date du 27 mai 2003, M. X... Frédéric n'étant pas cependant guéri ; que l'expert fixe un taux d'incapacité partielle de 20 % à compter du premier constat de transaminases élevées soit août 1986 ; que le taux d'IPP définitif à ce jour est de 20 % et les souffrances endurées sont estimées à 3, 5 / 7 ; que ce rapport médical contre lequel aucune critique médicalement fondée n'est avancée sera pris en considération par la cour pour déterminer le préjudice de M. X... ; qu'il résulte de ce rapport que les séquelles de l'intéressé sont les suivantes : ITT pour une durée de 7 mois : 600 euros x 7 = 4. 200 euros et ITP à 20 % du mois d'août 1986 au 31 octobre 2002 ; que l'E. F. S. soutient que cette période d'ITP ne peut être retenue et que seule la date de découverte de la contamination virale doit être prise en compte ; mais que, précisément, si la date de diagnostic a été aussi tardive, c'est qu'en 1986, il n'était pas possible de déterminer la présence du virus de l'hépatite C et que l'on attribuait la hausse des transaminases à différents facteurs comme la prise de gardénal, faute de pouvoir déterminer la véritable origine de l'anomalie ; que, dans la mesure, où M. X... a été contaminé à partir d'août 1986, il doit être indemnisé pour la gêne subie pendant toute cette période soit 600 X 195 X 20 % : 100 = 23. 400 euros ; … que le tribunal, statuant en 2006, soit avant la loi du 21 décembre 2006, avait fixé dans le cadre de l'IPP l'indemnisation du préjudice de M. X... correspondant à un déficit fonctionnel permanent et au retentissement professionnel en majorant le point d'IPP ; qu'il convient, du fait de l'application immédiate de la loi du 21 décembre 2006, de distinguer le déficit fonctionnel permanent et le retentissement professionnel ; qu'il sera, compte tenu de l'âge de M. X... et des constatations médicales, accordé à l'intéressé une somme de 24. 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent et une somme de 3. 000 euros au titre du retentissement professionnel ; … que le préjudice de contamination regroupe les souffrances endurées tant physiques que morales ainsi que le préjudice d'agrément ; qu'il ne saurait faire double emploi avec la somme allouée au titre de l'ITP comme le soutient l'E. F. S., dans la mesure à la somme allouée de ce chef tend à réparer les difficultés éprouvées pendant cette période par le malade pour assumer la charge de sa vie quotidienne ; qu'en l'espèce, les souffrances endurées ont été estimées à 3, 5 / 7 par le médecin expert ; qu'au surplus, le traitement entrepris s'est révélé pénible à supporter et en outre inefficace ; que, pour le moment, aucun traitement n'est envisageable ; que, dès lors, la somme de 25. 000 euros accordée par le tribunal a insuffisamment indemnisé par M. X... ; qu'il lui sera accordé une somme de 30. 000 euros ; que le préjudice de M. X... sera donc, au total, de 4. 200 euros + 23. 400 euros + 3. 350, 63 euros + 9. 938, 28 euros + 3. 111, 06 euros + 24. 000 euros + 3. 000 euros + 30. 000 euros = 100. 999, 69 euros ;
1° / ALORS QUE les indemnités journalières versées à la victime d'un dommage corporel par les organismes sociaux ont vocation à compenser la perte de revenus professionnels résultant de son déficit fonctionnel ; qu'en incluant dans le préjudice subi par M. X... à raison de sa contamination par le virus de l'hépatite C, outre ses pertes de gains professionnels actuelles et futures, indemnisées au titre de l'incapacité temporaire totale de travail, d'une part, et du retentissement professionnel du déficit fonctionnel permanent, d'autre part, le montant des indemnités journalières versées par la C. P. A. M. de la Gironde, la cour d'appel, qui a indemnisé M. X... au-delà de son préjudice, a violé l'article 1147 du code civil et le principe de réparation intégrale ;
2° / ALORS QUE le préjudice spécifique de contamination par le virus de l'hépatite C recouvre l'ensemble des préjudices de caractère personnel, tant physiques que psychiques, consécutifs à l'infection virale ; qu'il inclut par conséquent le déficit fonctionnel temporaire et permanent, qui correspond aux incidences, sur la sphère personnelle de la victime, de la réduction de son potentiel physique et psychique avant et après la date de consolidation ; qu'en indemnisant, outre le préjudice spécifique de contamination de M. X... par le virus de l'hépatite C, son déficit fonctionnel temporaire et permanent, la cour d'appel, qui a réparé deux fois les mêmes dommages, a violé l'article 1147 du code civil et le principe de réparation intégrale ;
3° / ALORS QU'en toute hypothèse, l'E. F. S. faisait valoir, dans ses conclusions d'appel, que ne pouvait être indemnisé, au titre du préjudice spécifique de contamination par le virus de l'hépatite C, « le préjudice fonctionnel d'agrément déjà indemnisé par le poste … déficit fonctionnel permanent après la consolidation » (conclusions récapitulatives de l'E. F. S. signifiées le 27 septembre 2007, p. 5) ; qu'en allouant à M. X... une indemnité de 30. 000 euros en réparation de son préjudice spécifique de contamination par le virus de l'hépatite C et une indemnité de 24. 000 euros au titre de son déficit fonctionnel permanent, sans répondre à ce chef de conclusions pertinent, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile.