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21/10/2009 | FRANCE | N°08-41907

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 21 octobre 2009, 08-41907


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l'article 3 de l'annexe 3 du statut national du personnel des industries électriques et gazières, le décret n° 54-50 du 16 janvier 1954 portant règlement d'administration publique pour l'application au personnel d'EDF et de GDF du décret du 9 août 1953 relatif au régime de retraite des personnels de l'Etat et des services publics, la circulaire PERS 70 du 10 février 1947 et l'article 1134 du code civil ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., né le 1er novembre

1950, devenu agent statutaire au sein des sociétés EDF et GDF en 1970 et exerç...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l'article 3 de l'annexe 3 du statut national du personnel des industries électriques et gazières, le décret n° 54-50 du 16 janvier 1954 portant règlement d'administration publique pour l'application au personnel d'EDF et de GDF du décret du 9 août 1953 relatif au régime de retraite des personnels de l'Etat et des services publics, la circulaire PERS 70 du 10 février 1947 et l'article 1134 du code civil ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., né le 1er novembre 1950, devenu agent statutaire au sein des sociétés EDF et GDF en 1970 et exerçant en dernier lieu les fonctions de chargé de mission, emploi classé "sédentaire", a été mis en inactivité à compter du 1er novembre 2005 par l'employeur ;

Attendu que pour juger que la mise en inactivité de M. X... constituait un licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamner en conséquence les sociétés EDF et GDF au paiement de diverses sommes au profit de cet agent, l'arrêt retient que si la mise en inactivité peut être prononcée d'office à l'égard d'un agent ayant cinquante-cinq ans d'âge, vingt-cinq ans de service dont quinze ans dans un service actif, le manuel pratique des questions du personnel exige comme condition supplémentaire que l'agent soit affecté à un poste classé actif au moment de la rupture de son contrat, et que ce manuel, confirmé sur ce point par une note du 10 juillet 1990 émanant du chef de division de la direction nationale du personnel et des relations sociales, constitue un engagement unilatéral de l'employeur ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'aucun engagement de l'employeur ne peut résulter de simples commentaires figurant dans un document de travail interne sans valeur normative, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 février 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un octobre deux mille neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Roger et Sevaux, avocat aux Conseils, pour la société Electricité de France, et autres

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la rupture du contrat de travail de Monsieur X... constitue un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamné les sociétés EDF et Gaz de France à lui payer les sommes de 28.664,79 euros au titre de l'indemnité de licenciement, 120.000 euros à titre de dommages et intérêts, outre la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Aux motifs propres qu'il résulte de la combinaison de l'article 2 du décret n° 54-50 du 16 janvier 1954, de l'article 3 de l'annexe 3 du statut du personnel des I.E.G. et de la circulaire PERS 70 que la mise en inactivité peut être prononcée d'office à l'égard d'un agent ayant 55 ans d'âge, 25 ans de service dont 15 ans dans un service actif ; qu'il n'est pas discuté que Monsieur Patrice X... réunissait les conditions réglementaires précitées ; que le Manuel pratique des questions du personnel, document de travail interne à l'entreprise, qui reproduit le corpus réglementaire (statut, circulaires PERS, circulaires N, notes d'instruction de la direction du personnel) contient des mentions en italiques qui, selon l'avertissement figurant en-tête de l'ouvrage, sont tirées d'explications ou d'instructions données par la direction du personnel et des relations sociales dans des cas particuliers qui lui ont été soumis ; que dans cet ouvrage, s'agissant de la mise en inactivité d'office de l'agent ayant 55 ans d'âge, figure, en ajout des conditions réglementaires précitées, et par mention en italiques, celle tenant à l'affectation, à l'âge précité, à un poste classé actif à 100 % ou par prépondérance ; que M. Patrice X... ne remplissait pas cette condition ; qu'il est constant que cette mention n'a pas valeur normative dans le sens où elle n'est pas incluse dans l'arsenal des documents constituant la règlementation interne à l'entreprise ; que pour autant, elle peut valablement être opposée à l'employeur si elle traduit de la part de ce dernier un engagement unilatéral ; qu'ainsi que l'a exactement rappelé le Conseil, l'engagement unilatéral de l'employeur, dès lors qu'il résulte d'une manifestation claire et non équivoque de volonté, peut être créateur de droits au profit du salarié, et permet à celui-ci de s'en prévaloir s'il en découle des dispositions plus avantageuses que celles du statut collectif antérieur ; que cet engagement a force obligatoire envers l'employeur ; que conformément à ce qu'ont relevé les premiers juges, la mention litigieuse est confirmée par une note du 10 juillet 1990 par laquelle le chef de division de la direction nationale du personnel et des relations sociales confirme cette exigence d'affectation pour pouvoir imposer à un agent la mise en inactivité à 55 ans ; que ce responsable est bien la personne compétente pour fournir les explications et préciser les modalités d'application des textes, comme le rappelle la circulaire PERS 70 ; qu'on ne peut manquer d'observer que la condition tenant au lieu d'affectation de l'agent lorsqu'il atteint 55 ans est claire, ne nécessite pas d'interprétation, et au travers de sa diffusion dans le Manuel pratique des questions du personnel, a traduit de la part de l'employeur sa volonté claire d'en faire application au sein de l'entreprise ; que par ailleurs les sociétés appelantes ne sont pas fondées à invoquer l'obsolescence de ce document, alors qu'elles n'ont jamais diffusé de note pour en interrompre l'utilisation, et qu'elles continuent au contraire à y faire référence dans nombre de domaines relatifs à la gestion du personnel cités par M. Patrice X..., ce qu'elles ne contestent pas ; qu'en conséquence, c'est à juste titre que les premiers juges ont reconnu que M. Patrice X... pouvait se prévaloir de la disposition constitutive d'un engagement unilatéral de son employeur et non valablement dénoncé par lui ;

Et aux motifs implicitement repris des premiers juges, qu'en droit, l'engagement unilatéral de l'employeur, dès lors qu'il résulte d'une manifestation claire et non équivoque de volonté peut être créateur de droits au profit du salarié et a force obligatoire ; que les salariés peuvent, en présence d'un engagement unilatéral pris par l'employeur, se prévaloir des dispositions plus avantageuses que celles découlant du statut collectif antérieur, l'employeur étant lié par les règles qu'il a lui-même fixées ; que les conditions édictées d'une part, par le statut du personnel issu du décret du 22 juin 1946 et du décret du 16 janvier 1954 portant réglementation d'administration publique pour l'application à ce personnel du décret du 9 août 1953 relatif au régime des retraites des personnels de l'Etat et des services publics, d'autre part, par la circulaire PERS 70 du 10 février 1947 complétant l'annexe 3 du statut national, permettaient à l'entreprise de mettre à la retraite à 55 ans un agent comptabilisant 25 ans de services dès lors qu'il avait passé 15 ans en service actif ; que cependant, l'employeur a, dans plusieurs documents écrits, prévu une condition supplémentaire supposant qu'à la date de la mise en inactivité d'office, l'agent soit affecté à un service actif ou insalubre ; que cet engagement plus favorable aux salariés résulte d'une part des mentions en italiques figurant au Manuel Pratique ; que si ces mentions sont en elles-mêmes dépourvues de valeur normative, leur force obligatoire se déduit d'une part d'une note datée du 10 juillet 1990 où le chef de division de la direction nationale du personnel de l'entreprise indique que l'agent âgé de 55 ans, outre les conditions d'ancienneté (25 ans de service et 15 ans de services actif) doit être affecté dans un emploi classé actif à 100 %, à la date de mise en inactivité ; que d'autre part, le document n° 91/004 émanant de la direction des études et recherches de l'entreprise qui bien que non daté, a été, semble-t-il établi en février 1993 (voir note de bas de page : "MAJ actuelle 02/93") rappelle également (page 1) la nécessité de 4 conditions cumulatives pour un départ d'office d'un agent, à l'initiative de l'unité, dont celle d'occuper un poste ayant un taux d'activité égal à 100 % ou par prépondérance égal à 100 % ou ayant un caractère insalubre ; que ces deux documents écrits, postérieurs à l'élaboration du statut collectif résultant des textes réglementaires précités, émanent de la direction du personnel de l'entreprise et constituent un engagement clair et non équivoque de l'employeur de rajouter une condition supplémentaire pour la mise en inactivité d'office des agents âgés de 55 ans ; qu'il n'est pas justifié que les sociétés défenderesses aient dénoncé l'engagement pris dont Monsieur X... est donc en droit de se prévaloir ; que dans la mesure où Monsieur X... n'était pas affecté à un poste dit actif lorsqu'il s'est vu notifier sa mise en inactivité d'office le 5 avril 2005, la rupture du contrat intervenue le 1er décembre 2005 doit s'analyser en un licenciement imputable à l'employeur et dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Alors, de première part, que la Cour d'appel qui a, à juste titre, rappelé que la mention du Manuel pratique reproduisant la condition litigieuse n'avait pas de valeur normative dans la mesure où elle n'était pas incluse dans l'arsenal des documents constituant la règlementation interne à l'entreprise et constituait un simple commentaire figurant dans un document de travail interne sans valeur normative, ne pouvait ensuite déduire du contenu d'une note du 10 juillet 1990 d'un chef de division de la direction nationale du personnel et des relations sociales confirmant cette exigence d'affectation, par cela qu'elle aurait été « diffus ée dans le Manuel pratique des questions du personnel », pas plus au demeurant, par motifs implicitement adoptés des premiers juges, que du contenu de la note de la direction des études et de recherches reproduisant le Manuel pratique, l'existence d'un engagement unilatéral d'un employeur, sans méconnaître la portée de ses propres énonciations et violer l'article 1134 du Code civil ;

Alors, de deuxième part qu'à tout le moins, en faisant produire quelque effet juridique à la diffusion de ce Manuel dont elle avait constaté que le contenu était dépourvu de valeur normative, la Cour d'appel a entaché son arrêt d'une contradiction de motifs qui équivaut à un défaut de motifs, en violation de l'article 455 du Code de procédure civile ;

Alors, de troisième part, qu'il résulte des propres énonciations de l'arrêt attaqué que la note du 10 juillet 1990 consiste elle-même en de simples commentaires dans un document de travail interne sans valeur normative ; que la Cour d'appel ne pouvait alors en déduire quelque engagement unilatéral de l'employeur sans violer l'article 1134 du Code civil ;

Alors, de quatrième part, que la Cour d'appel qui s'est bornée à relever que l'auteur de cette note avait « compéten ce pour fournir les explications et préciser les modalités d'application des textes », sans rechercher, comme elle y était invitée par les écritures d'appel des sociétés exposantes, s'il avait le pouvoir d'engager celles-ci à l'égard de leur personnel, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil ;

Alors, de cinquième part, que dans leurs écritures d'appel, délaissées de ce chef, les sociétés exposantes faisaient également valoir que l'auteur de la note de la direction des études et recherches, citée par les premiers juges, n'avait pas plus qualité pour les engager ; que la Cour d'appel qui ne s'explique pas sur ce moyen, a entaché son arrêt d'un défaut de réponse à conclusions et l'a privé de motifs en violation de l'article 455 du Code de procédure civile ;

Alors, enfin, que, pareillement, dans leurs écritures d'appel, les sociétés exposantes faisaient valoir que Monsieur X... qui ne dépendait pas de cette direction des études et recherches, ne pouvait se prévaloir de ce document interne à celle-ci ; qu'à nouveau, la Cour d'appel qui n'a pas répondu à ce chef pertinent des écritures d'appel des exposantes a, par là même, entaché son arrêt d'un défaut de réponse à conclusion et l'a privé de motifs en violation de l'article 455 du Code de procédure civile ;


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 08-41907
Date de la décision : 21/10/2009
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Toulouse, 20 février 2008


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 21 oct. 2009, pourvoi n°08-41907


Composition du Tribunal
Président : M. Bailly (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Roger et Sevaux, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2009:08.41907
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