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20/10/2009 | FRANCE | N°08-42499

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 20 octobre 2009, 08-42499


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen pris en sa première branche :

Vu l'article L. 1332 2 du code du travail ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué que M. X..., engagé le 16 janvier 2001 en qualité de directeur commercial par la société Tipag, a été convoqué à un entretien préalable pour le 3 mai et reconvoqué le 24 mai pour un entretien préalable le 4 juin avec mise à pied conservatoire et licencié par lettre du 6 juin 2002 ;

Attendu que pour condamner la société Tipag à payer 32 000 euros de domma

ges intérêts pour licenciement abusif et 14 268 euros à titre d'indemnité compensatrice de ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen pris en sa première branche :

Vu l'article L. 1332 2 du code du travail ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué que M. X..., engagé le 16 janvier 2001 en qualité de directeur commercial par la société Tipag, a été convoqué à un entretien préalable pour le 3 mai et reconvoqué le 24 mai pour un entretien préalable le 4 juin avec mise à pied conservatoire et licencié par lettre du 6 juin 2002 ;

Attendu que pour condamner la société Tipag à payer 32 000 euros de dommages intérêts pour licenciement abusif et 14 268 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et congés payés et à rembourser à l'ASSEDIC les indemnités de chômage dans la limite de six mois, l'arrêt retient que les premier et deuxième griefs énoncés dans la lettre de licenciement, sur lesquels a porté l'entretien préalable du 3 mai 2002 ne peuvent justifier le licenciement, cette sanction, prononcée le 6 juin 2002, étant intervenue plus d'un mois après ledit entretien ;

Qu'en statuant ainsi, alors que, lorsqu'en raison de la révélation de faits fautifs nouveaux postérieurement à un entretien préalable, l'employeur adresse au salarié, dans le délai d'un mois à compter du premier entretien, une convocation à un nouvel entretien préalable, c'est à compter de la date de ce dernier que court le délai d'un mois qui lui est imparti pour notifier la sanction, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 mai 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Tipag ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt octobre deux mille neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils pour la société Tipag

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR déclaré dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement de Monsieur Philippe X... et condamné en conséquence la SAS TIPAG à lui verser les sommes de 32 000 à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif et 14 268 à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés y afférents, ainsi qu'à rembourser à l'Assedic concernée les indemnités de chômage versées à Philippe X... du jour de son licenciement au jour de sa décision, dans la limite de six mois ;

AUX MOTIFS QUE "…il est constant que Philippe X... a été embauché à compter du 16 janvier 2001 par la Société intimée par contrat à durée indéterminée en qualité de directeur commercial ; qu'il percevait une rémunération brute de 4 756 ; que l'entreprise employait de façon habituelle plus de dix salariés ;

QUE l'appelant a été convoqué par lettre recommandée avec avis de réception à un entretien préalable le 3 mai 2002 pour faute grave pour avoir pris, du 18 au 23 avril 2002, un nombre de jours de congés supérieur à celui auquel il avait droit sans en informer la société et pour avoir abandonné une installation en cours de réalisation chez un client le 18 avril 2002 ; qu'à la suite de cet entretien, il a été convoqué à nouveau par courrier en date du 24 mai 2002 à un entretien le 4 juin 2002 en vue de son licenciement avec mise à pied à titre conservatoire ; qu'à l'issue de cet entretien son licenciement pour faute grave lui a été notifié par lettre recommandée avec avis de réception en date du 6 juin 2002 ;

QUE les motifs du licenciement tels qu'invoqués dans la lettre sont les suivants :

1° - le 18 avril 2002 vous avez abandonné sans autorisation pour partir en congés une installation en cours chez un important client, la Société Faguier (…). Ce comportement est d'autant plus inadmissible de la part d'un directeur commercial que l'importance de cette installation était une des raisons qui nous avaient amené à vous refuser ces congés.
2° - Vous avez pris des congés du jeudi 18 au mardi 23 avril, congés qui vous avaient été refusés (…). Il en résulte …un acte d'insubordination manifeste, une absence injustifiée de plusieurs jours, une désinvolture et un désintérêt à l'égard de la clientèle et de vos responsabilités que nous ne pouvons tolérer. Le fait que vous ayez proposé de rembourser les jours d'absence à la société ne justifie ni n'excuse un tel comportement.

3° Vous avez été sollicité par un de nos plus gros clients, la Société Tonnelier, qui vous avait demandé le 16 avril une offre pour une intervention sur le matériel que nous lui avions livré. Cette offre ne lui étant pas parvenue, la Société Tonnelier vous a relancé et vous lui avez alors fait part du fait que "vous étiez en délicatesse" avec votre employeur et de vos doutes sur la pérennité de l'entreprise et ce, sans lui adresser la proposition demandée.
Début mai, sans nouvelle de vous, la société Tonnelier s'est résolue à faire appel directement à notre fournisseur allemand pour programmer une intervention qui a eu lieu le 22 mai. La Société Sofroga, qui nous avait amené le client, informée par celui-ci, a pu (le) rassurer…quant à la continuité de Tipag.
Ce n'est qu'à la réception du fax du 22 mai de la Société Tonnelier …que vous vous êtes décidé à lui adresser la proposition attendue depuis le 16 avril.
Nous vous reprochons donc d'avoir raconté à un client les difficultés que vous rencontriez avec votre employeur, ce qui est inacceptable, de ne pas avoir donné suite pendant plusieurs semaines à une demande d'intervention d'un de nos plus gros clients, l'obligeant ainsi à s'adresser directement à notre fournisseur, ce qui aurait pu amener celui-ci à s'interroger sur notre sérieux et sur notre capacité à être son agent pour la France, de n'avoir réagi enfin qu'au vu du courrier du client vous annonçant que l'intervention avait été effectuée, et ce sans le moindre mot pour vous excuser et tenter d'excuser votre retard" ;

QUE Philippe X... expose que les griefs relatifs à l'absence de congés et au fait qu'il n'a pas pu assurer un dépannage ont fait l'objet du premier entretien préalable et n'ont pas été sanctionnés dans un délai de 30 jours ; qu'au surplus, ils sont dépourvus de fondement ; que le troisième grief n'est pas conforme à la réalité ; que son licenciement est consécutif à la fermeture de l'Agence d'Evry (…) ;

QU'il résulte des dispositions combinées des articles L.122-6, L.122-14-2 et L.122-14-3 du Code du travail (…) qu'il incombe à l'employeur qui a licencié un salarié pour faute grave, d'une part d'établir l'exactitude des faits imputés à celui-ci dans la lettre de licenciement, d'autre part de démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail telle qu'elle rend impossible le maintien de ce salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis ;

QUE le premier et le deuxième griefs concernent des faits qui sont à l'origine de la convocation à l'entretien préalable fixé au 3 mai 2002 ; que la lettre de convocation à cet entretien en date du 24 avril 2002 expose précisément les faits à l'origine de la mise en oeuvre de la première procédure de licenciement ; qu'à la suite de l'entretien, aucune sanction n'est intervenue dans le délai d'un mois exigé par l'article L.122-41 du Code du travail ; que de tels faits ne peuvent donc justifier le licenciement prononcé le 6 juin 2002 ;

QUE le dernier grief articulé dans la lettre de licenciement à l'encontre de l'appelant se réfère en réalité exclusivement au comportement de celui-ci à l'encontre d'un client, la Société Tonnelier ; qu'il est fondé sur des propos tenus sur son employeur et sur l'absence de communication d'une offre pour une intervention sur du matériel livré par la Société ; que toutefois, pour justifier ce grief, la Société ne s'appuie que sur un courrier de la Société Tonnelier ; que cette correspondance, en date du 22 mai 2002, émanait du dirigeant de la société, était adressée à l'appelant et destinée à dissiper des malentendus ; qu'elle ne contient pas les accusations articulées ; que Pierre Y... ne précise nullement avoir été informé par l'appelant des difficultés que celui-ci aurait rencontrées avec son employeur ; qu'il ajoute avoir déduit de lui-même que la Société Tipag n'existait plus ou que l'appelant n'y était plus employé ; que cette erreur était à l'origine de sa démarche auprès de la Société BasysPrint destinée à substituer la Société Tipag pour l'intervention envisagée ; qu'il n'est nullement démontré que l'appelant ait manqué de réactivité ni qu'un tel manque ait occasionné un préjudice à la Société Tonnelier ; qu'en effet, le courrier de la Société Tonnelier ne permet pas de considérer que celle-ci ait sollicité une intervention de la Société Tipag dès le 16 avril 2002 ; que son dirigeant a exprimé dans ce courrier son souhait de continuer d'entretenir des relations commerciales avec la Société Tipag, qu'aucune perte n'a été enregistrée puisque l'appelant a communiqué à Pierre Y... le jour de la réception de son fax le prix de la proposition d'intervention d'un montant total d'environ 1 800 HT ; qu'il s'ensuit que ce dernier grief n'est pas caractérisé ; que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse (…)" ;

1°) ALORS QUE l'employeur qui envisage de licencier un salarié doit, avant toute décision, convoquer l'intéressé en lui indiquant l'objet de la convocation ; que cette précision est substantielle ; que par ailleurs l'ensemble des manquements commis par le salarié doit être pris en considération pour apprécier la gravité de son comportement ; qu'il s'ensuit qu'en cas de nouveau manquement du salarié, considéré comme fautif, commis entre l'entretien préalable organisé à la suite d'une première faute et la décision la sanctionnant, l'employeur est tenu d'organiser un nouvel entretien préalable aux fins de permettre au salarié de s'expliquer sur l'ensemble des manquements ainsi pris en considération pour leur appliquer une sanction unique, épuisant son pouvoir disciplinaire ; qu'en l'espèce, il ressortait des propres constatations de l'arrêt attaqué qu'à la suite de l'abandon de son poste de travail entre le 18 et le 23 avril 2001 contre la volonté de l'employeur, Monsieur X... avait été convoqué à un premier entretien préalable, lequel s'était déroulé le 3 mai 2002 ; qu'à l'intérieur du délai d'un mois suivant cet entretien avait été découvert un nouveau manquement du salarié dans ses rapports avec la Société Tonnelier, lequel avait conduit l'employeur à différer sa décision initiale et à convoquer le salarié à un nouvel entretien préalable aux fins d'apprécier, dans son ensemble, la gravité de son comportement ; que le licenciement, notifié dans le délai d'un mois suivant ce second entretien préalable, n'était pas entaché de nullité ; qu'en décidant le contraire, la Cour d'appel a violé l'article L.122-41 ancien (article L.1332-2) du Code du travail ;

2°) ALORS subsidiairement QU'aux termes de son courrier du 22 mai 2002 Monsieur Y..., représentant de la Société TONNELIER, écrivait à Monsieur X... que son entretien du 15 avril avec la Société BASYS PRINT, au cours duquel avaient été décidées la révision de "l'UV-Setter" et sa réparation éventuelle "confirmaient ce (qu'ils) av(aient) envisagé ensemble", ce dont il avait, dès le lendemain, fait part à Monsieur X... lequel avait déclaré déjà être informé par le technicien ; qu'il poursuivait : "dans les jours qui ont suivi, j'ai attendu votre proposition ainsi qu'une date. Début mai, toujours sans nouvelles et vous sachant "en délicatesse" avec vos employeurs, j'ai peut-être un peu vite cru que Tipag n'existait plus ou pour le moins que vous n'y étiez plus (…). J'ai donc contacté directement BasysPrint et nous avons statué pour une intervention à ce jour (…). Si j'avais eu des nouvelles, je serais naturellement passé par vous (…)" ; qu'il résultait de ce courrier que la Société Tonnelier avait dès le 16 avril informé Monsieur X... de la nécessité d'une intervention conjointe avec BASYSPRINT sur le matériel concerné et s'était finalement passée de l'intervention de TIPAG qu'en conséquence de l'inertie de Monsieur X... qui l'avait laissée sans nouvelles pendant plusieurs semaines ; qu'en énonçant que cette lettre ne "démontr(ait) pas que l'appelant ait manqué de réactivité ni qu'un tel manque ait causé un préjudice à la Société" la Cour d'appel, qui en a dénaturé les termes clairs et précis, a violé l'article 1134 du Code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné la SAS TIPAG à verser à Monsieur Philippe X... la somme de 32 000 à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif et à rembourser à l'Assedic du Sud Est Francilien les indemnités de chômage servies à ce salarié dans la limite de six mois ;

AUX MOTIFS QUE "…il est constant que Philippe X... a été embauché à compter du 16 janvier 2001 par la Société intimée par contrat à durée indéterminée en qualité de directeur commercial ; qu'il percevait une rémunération brute de 4 756 ; que l'entreprise employait de façon habituelle plus de dix salariés (…) ;

QUE l'appelant était âgé de 47 ans et bénéficiait d'une ancienneté de plus de deux années au sein de la Société ; qu'il a dû solliciter le bénéfice d'allocations de chômage qui lui ont été versées (…) jusqu'en novembre 2005 ; qu'en réparation du préjudice subi, il convient de lui allouer la somme de 32 000 sur le fondement de l'article L.122-14-4 du Code du travail (…) ;

QU'en application de l'article L.122-14-4 alinéa 2 du Code du travail, le remboursement des allocations de chômage peut être obtenu par l'Assedic lorsque le salarié a plus de deux ans d'ancienneté au sein de l'entreprise et que celle-ci occupe habituellement plus de dix salariés ; que ces conditions étant réunies en l'espèce, il convient d'ordonner le remboursement par celle-ci des allocations versées à l'appelant dans les conditions prévues à l'article précité" ;

1°) ALORS QU'en énonçant, à l'appui de sa décision fixant le montant des dommages et intérêts dus au salarié et ordonnant le remboursement des indemnités de chômage, que le salarié avait plus de deux ans d'ancienneté après avoir expressément précisé qu'il avait été embauché "à compter du 16 janvier 2001" et licencié "par lettre recommandée avec avis de réception en date du 6 juin 2002", toutes énonciations dont résultait une ancienneté du salarié inférieure à 18 mois la Cour d'appel, qui s'est déterminée par motifs contradictoires, a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;

2°) ALORS en outre QUE les écritures et pièces produites par les deux parties concordaient sur les dates d'embauche (16 janvier 2001) et de licenciement (6 juin 2002) du salarié, dont résultait une ancienneté inférieure à deux ans ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel a violé l'article 7 du Code de procédure civile, ensemble les articles L.122-14-4 et L.122-14-5 anciens du Code du travail (L.1235-3, L.1235-4 et L.1235-5) ;

3°) ALORS en toute hypothèse QUE l'exposante avait rappelé dans ses écritures (p.17), que Monsieur X... et son épouse étaient les seuls salariés de la Société TIPAG ; que cet effectif n'était pas contesté par le salarié ; qu'en retenant, à l'appui de sa décision "qu'il est constant…que l'entreprise employait de façon habituelle plus de dix salariés" la Cour d'appel a derechef violé l'article 7 du Code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 08-42499
Date de la décision : 20/10/2009
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 06 mai 2008


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 20 oct. 2009, pourvoi n°08-42499


Composition du Tribunal
Président : M. Chauviré (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Boré et Salve de Bruneton

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2009:08.42499
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