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14/10/2009 | FRANCE | N°08-41896

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 14 octobre 2009, 08-41896


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé le 27 juin 1977 par la société Clemessy en qualité de technicien de chantier ; qu'il a été licencié le 21 novembre 2005 pour faute grave pour le motif, suivant la lettre de licenciement, "d'insuffisance professionnelle fautive et de négligences délibérées ayant entraîné des coûts importants pour la société et qui auraient pu mettre en péril votre intégrité physique et celle de vos collègues" ; qu'une transaction est intervenue le 16 décemb

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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé le 27 juin 1977 par la société Clemessy en qualité de technicien de chantier ; qu'il a été licencié le 21 novembre 2005 pour faute grave pour le motif, suivant la lettre de licenciement, "d'insuffisance professionnelle fautive et de négligences délibérées ayant entraîné des coûts importants pour la société et qui auraient pu mettre en péril votre intégrité physique et celle de vos collègues" ; qu'une transaction est intervenue le 16 décembre 2005 entre M. X... et son employeur ; que M. X..., contestant la qualification de faute grave et la validité de la transaction, a saisi la juridiction prud'homale ;

Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :

Vu les articles L. 1232 1 et L. 1234 1 du code du travail ;

Attendu que pour dire que la transaction conclue entre la société Clemessy et M. X... était nulle et de nul effet et avoir condamné l'employeur au paiement de diverses sommes à titre de préavis, de congés payés sur préavis, d'indemnité de licenciement et de dommages intérêts, la cour d'appel a retenu qu'une insuffisance professionnelle ne peut en aucun cas être qualifiée de faute grave, que les "négligences délibérées" imputées à M. X... ne peuvent que s'analyser en une insuffisance professionnelle, et que la somme de 7 589 euros prévue à la transaction est très largement inférieure à celle que l'employeur aurait versée dans le cadre d'un licenciement pour cause réelle et sérieuse et dérisoire compte tenu de l'ancienneté et de l'âge du salarié ;

Attendu, cependant, que des "négligences délibérées" du salarié peuvent avoir un caractère fautif ;

Qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 février 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Chambéry ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze octobre deux mille neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

.

Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Clemessy.

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que la transaction conclue entre la société CLEMESSY et Monsieur X... était nulle et de nul effet et d'AVOIR condamné la SA CLEMESSY au paiement de la somme de 3.750 euros à titre de préavis, 375 euros à titre de congés payés sur préavis, 11.275 euros à titre d'indemnité de licenciement, 38.000 euros à titre de dommages et intérêts, outre la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

AUX MOTIFS QUE « Régie par les articles 2044 à 2058 du Code civil, la transaction peut être utilisée pour régler un conflit relatif à la rupture d'un contrat de travail. Elle n'est valable que si elle est conclue après la rupture définitive du contrat de travail, que s'il y a un désaccord préalable entre les parties et que si celles-ci se sont consenties des concessions réciproques et réelles.

En l'espèce, la transaction doit être annulée eu égard au fait que la lettre de licenciement qui fait grief à Monsieur X... d'une insuffisance professionnelle fautive, qualifie celle-ci de faute grave et eu égard au fait que la somme allouée à Monsieur X... – 7.589 bruts – est dérisoire compte tenu de l'ancienneté et de l'âge du salarié (47 ans).

Une insuffisance professionnelle ne peut en aucun cas être qualifiée de faute grave.

Les « négligences délibérées » imputées à Monsieur X... ne peuvent que s'analyser en une insuffisance professionnelle.

La somme de 7.589 prévue à la transaction est très largement inférieure à celle que l'employeur de Monsieur X... lui aurait versée dans le cadre d'un licenciement pour cause réelle et sérieuse. Dans ce cadre, Monsieur X... avait vocation à percevoir 3.750 et 375 au titre du préavis et des congés payés afférents ainsi que 11.275 au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement, soit au total 15.400 plus du double de la somme brute prévue à la transaction. »

1. ALORS QUE l'insuffisance professionnelle peut être qualifiée de faute grave en cas d'abstention volontaire ou de mauvaise volonté délibérée du salarié ; qu'en affirmant néanmoins qu'« une insuffisance professionnelle ne peut en aucun cas être qualifiée de faute grave », la Cour d'appel a violé l'article L. 1234-1 du Code du travail (anc. L. 122-6).

2. ALORS en outre QUE peuvent constituer une faute grave les négligences caractérisées d'un chef de chantier dans la direction et la surveillance de son équipe ayant permis la réalisation d'erreurs grossières au préjudice de clients de l'employeur et la mise en péril de la sécurité des salariés, et ce en dépit de sanctions antérieures ; qu'en l'espèce, la lettre de licenciement reprochait à Monsieur X... de ne pas avoir, selon ses propres déclarations, ni donné d'instructions à son équipe sur le mode opératoire à respecter sur les chantiers, ni davantage surveillé le travail accompli, de telle sorte que n'avaient pu être évitées des erreurs contraires aux règles de l'art commises au préjudice des clients et propres à compromettre la sécurité du personnel ; qu'en affirmant péremptoirement que les "négligences délibérées" imputées à Monsieur X... ne pouvaient que s'analyser en une insuffisance professionnelle, sans aucunement expliquer en quoi les faits visés dans la lettre de licenciement ne pouvaient pas être qualifiés de faute grave, la Cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L. 1232-1 et L. 1234-1 du Code du travail (anc. L. 122-14-3 et L. 122-6).

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « Attendu que ne constitue pas une transaction la convention conclue entre un employeur et un salarié ne comportant de concessions qu'à la charge du salarié qui renonce sans contrepartie aux indemnités conventionnelles auxquelles il peut prétendre ;

Attendu qu'il appartient au juge de rechercher en quoi il y a eu de la part des parties des concessions réciproques ;

Attendu notamment qu'une transaction est nulle dès lors que son montant est dérisoire ;

Attendu que l'existence de concessions réciproques doit s'apprécier en fonction des prétentions des parties au moment de la signature de l'acte ; que le juge peut se fonder sur les faits invoqués lors de la signature de l'acte indépendamment de la qualification qui leur a été donnée ;

Attendu en l'espèce qu'il est reproché à Monsieur X... d'avoir utilisé le 24 octobre 2005 un télex pour tirer des câbles, ce qui aurait été à l'origine de dommages sur un câble électrique relié aux machines de production ;

Attendu qu'il apparaît que ce sont les deux monteurs expérimentés qui sont à l'origine de cette faute réalisée à l'insu de Monsieur X..., que l'intéressé, au cours de son entretien disciplinaire, a confirmé qu'il « avait expliqué le travail à faire » dans le cadre de son rôle de chef de chantier ; qu'il n'entrait pas dans ce rôle de surveiller des employés autonomes en leur indiquent d'utiliser une aiguille dans le cadre de la réalisation de leur travail, que Monsieur X... était lui-même amené à intervenir à un autre endroit du chantier, et qu'il a lui-même signalé l'incident le 26 octobre 2005, que la responsabilité de cette erreur ne peut lui en être entièrement attribuée et son caractère intentionnel ne peut être caractérisé ;

Attendu par ailleurs que l'entreprise CLEMESSY n'apporte pas la preuve de la matérialité du préjudice subi par le client AVERY DENNISON pour un montant de 7.600 qu'elle mentionne dans la lettre de licenciement ;

Attendu que le deuxième grief invoqué dans la lettre de licenciement qui fait état de la section d'un câble de commande de pont roulant constitue une erreur matérielle et occasionnelle, dommageable mais inhérente à ce genre d'activité, qu'il est difficile d'en conclure une légèreté de comportement de la part du demandeur sur les chantiers en terme de respect des consignes de travail et de sécurité ou de conclure en des négligences « délibérées qui auraient pu mettre en péril votre intégrité physique et celle de vos collègues » notamment de la part d'un salarié ayant apporté toute satisfaction dans son activité durant 28 années ;

Attendu que Monsieur X... a été licencié par la société CLEMESSY sur la base d'une faute grave relevant d'un motif disciplinaire mais que la lettre de licenciement énonce le motif « d'insuffisances professionnelles » ; que ce motif ne peut présenter un caractère fautif puisque ne relevant pas d'un comportement délibéré ;

Que l'insuffisance professionnelle ne peut priver le salarié du versement de son préavis et de son indemnité conventionnelle de licenciement ;

Attendu par ailleurs en l'espèce que les griefs ne peuvent être qualifiés d'agissements délibérés ou de comportement intentionnel de la part du demandeur et que l'insuffisance professionnelle pour un salarié avec une pareille expérience et ancienneté dans le métier apparaît pour le moins surprenante ;

Que d'ailleurs, la société CLEMESSY, par l'intermédiaire de M. Z..., supérieur hiérarchique de Monsieur X..., établit une lettre de recommandation le 22 décembre 2005 vantant les compétences de Monsieur X..., sa reconnaissance comme « un bon professionnel » et « sa réelle expérience dans le domaine des chantiers de type industriel a contribué à la réussite des projets confiés autant sur le plan technique que relationnel » ;

Que le dernier grief de la lettre de licenciement relatif à l'intervention d'un salarié d'une société sous-traitante sur le site du CEA, au nom de la société CLEMESSY, ne saurait en aucune façon emporter une analyse différente quant à la validité de la rupture du contrat de travail du demandeur, cette faute ayant fait l'objet d'une mise à pied contestée le 4 juin 2005 par le demandeur qui l'estimait disproportionnée au regard du caractère bref de l'intervention (deux heures sur le chantier) et de la réaction modérée du CEA ;

Attendu en conséquence que les sommes liées à la rupture du contrat de travail, soit 3.750 et 375 (indemnités de préavis et de congés payés) ainsi que 11.275 (indemnité conventionnelle de licenciement) auraient dues être normalement versées à Monsieur X... si les faits avaient été valablement qualifiés ; que ce dernier a seulement perçu dans le cadre de la transaction le somme de 7.500 , le Conseil en conclut que l'employeur n'a pas versé à Monsieur X... de que le droit lui accorde et que dès lors, les concessions réciproques ne sont pas véritables et qu'il n'existe aucune contrepartie à la transaction, celle-ci devra être déclarée nulle ;

Le Conseil, qui confirme que le licenciement ne repose pas sur l'existence d'une faute grave ou d'une insuffisance professionnelle et constitue une rupture abusive, prendra en considération pour l'évaluation de la demande de dommages et intérêts :

- l'ancienneté de Monsieur X... dans l'entreprise
- son âge pour la difficulté de ce dernier à retrouver un nouvel emploi. »

3. ALORS QUE le juge chargé d'apprécier la validité d'une transaction ne peut rechercher si les prétentions émises par les parties à la transaction étaient fondées, ni si les faits étaient établis ; qu'il peut seulement apprécier le bien-fondé de la qualification retenue au regard des faits invoqués dans la lettre de licenciement et repris dans l'acte de transaction ; qu'en retenant que le contrat de travail avait été abusivement rompu pour invalider la transaction litigieuse, au terme d'une analyse complète des faits invoqués et des éléments de preuve produits, la Cour d'appel a tranché le litige que ladite transaction avait pour objet de clore, en méconnaissance de l'autorité de la chose jugée qui lui était attachée et, partant, a violé les articles 1134, 2044 et 2052 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 08-41896
Date de la décision : 14/10/2009
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Grenoble, 20 février 2008


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 14 oct. 2009, pourvoi n°08-41896


Composition du Tribunal
Président : M. Gosselin (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Masse-Dessen et Thouvenin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2009:08.41896
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