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14/10/2009 | FRANCE | N°08-14430

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 14 octobre 2009, 08-14430


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu que Mme Jacqueline X..., née le 2 juillet 1949, a obtenu du juge des tutelles le 21 novembre 2003, la délivrance d'un acte de notoriété constatant sa possession d'état d'enfant naturel de Xavier Y..., né le 2 janvier 1924 et décédé le 13 avril 2002 ; que le 30 août 2004, M. Jean Y... et Mme Christelle Y... (les consorts Y...), enfants naturels reconnus du défunt, ont fait assigner Mme X... devant le tribunal de grande instance aux fins d'annulation de l'acte de notoriété ;

Sur le pre

mier moyen :

Attendu que les consorts Y... font grief à l'arrêt attaqué ...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu que Mme Jacqueline X..., née le 2 juillet 1949, a obtenu du juge des tutelles le 21 novembre 2003, la délivrance d'un acte de notoriété constatant sa possession d'état d'enfant naturel de Xavier Y..., né le 2 janvier 1924 et décédé le 13 avril 2002 ; que le 30 août 2004, M. Jean Y... et Mme Christelle Y... (les consorts Y...), enfants naturels reconnus du défunt, ont fait assigner Mme X... devant le tribunal de grande instance aux fins d'annulation de l'acte de notoriété ;

Sur le premier moyen :

Attendu que les consorts Y... font grief à l'arrêt attaqué (Saint Denis, 4 décembre 2007) de les débouter de leur demande, alors, selon le moyen, que l'action en constatation d'état est soumise à la prescription trentenaire, le délai de prescription étant suspendu pendant la minorité de l'enfant ; qu'en l'espèce, en considérant que l'acte de possession d'état d'enfant naturel n'avait pas à être sollicité par Mme X... dans les trente ans suivant la fin de sa minorité, la cour d'appel a violé l'article " 311-17 " du code civil, en réalité 311-7 ;

Mais attendu que si la demande tendant à l'établissement par le juge des tutelles d'un acte de notoriété faisant foi de la possession d'état jusqu'à preuve contraire, en application de l'ancien article 311-3 du code civil dans sa rédaction de la loi n° 93-22 du 8 janvier 1993, était soumise à la prescription de trente ans telle qu'instaurée par l'ancien article 311-7 du code civil, ce délai ne pouvait commencer à courir qu'à compter du jour où l'intéressé avait été privé de l'état qu'il réclamait, soit en l'espèce à compter du décès du père prétendu le 13 avril 2002 ; que la demande de délivrance d'un acte de notoriété dressé le 21 novembre 2003 n'était donc pas prescrite ; que par ce motif de pur droit substitué à ceux de la décision attaquée dans les conditions de l'article 1015 du code de procédure civile, l'arrêt se trouve légalement justifié ;

Sur le second moyen, pris en ses deux branches, tel qu'annexé à l'arrêt :

Attendu que les consorts Y... font encore le même grief à l'arrêt ;

Attendu que, tenant compte des trois attestations versées par les consorts Y..., dont ils ont souverainement apprécié la portée, les juges du fond ont estimé que ces témoignages ne rapportaient pas la preuve contraire aux énonciations de l'acte de notoriété et que les attestations produites par Mme X..., plus nombreuses et plus circonstanciées démontraient que Xavier Y... l'avait toujours considérée comme sa fille, avait pourvu à son entretien et avait eu la volonté d'assurer son avenir en achetant un terrain pour lui faire construire une maison ; qu'en l'état de ces constatations, la cour d'appel, qui a répondu aux conclusions des parties, a légalement justifié sa décision au regard des articles 311-1 et 311-2 du code civil dans leur rédaction alors applicables ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne les consorts Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze octobre deux mille neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils pour les consorts Y...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté les consorts Y... de leur demande en annulation de l'acte de notoriété constatant la possession d'état d'enfant naturel de Madame X... par Monsieur Xavier Y... ;

AUX MOTIFS ADOPTES QUE : « selon l'article 311-7 du Code civil, toutes les fois qu'elles ne sont pas enfermées par la loi dans des termes plus courts, les actions relatives à la filiation se prescrivent par 30 ans à compter du jour où l'individu aurait été privé de l'état qu'il réclame ou a commencé à jouir de l'état qui lui est contesté. Par ailleurs, aux termes de l'article 311-3 du Code civil, les parents ou l'enfant peuvent demander au juge des tutelles, un acte de notoriété faisant foi de la possession d'état jusqu'à preuve contraire, sans préjudice de tous autres moyens de preuve auxquels ils pourraient recourir pour en établir l'existence si elle venait à être contestée. L'établissement d'un acte de notoriété en dehors de toute procédure contentieuse n'est quant à lui soumis à aucune prescription (CA Fort de France 1ere ch. Du 17 / 08 / 1995). Conformément à l'article 1157-1 du nouveau Code de procédure civile, le juge qui délivre l'acte de notoriété constatant la possession d'enfant légitime ou naturel en donne aussitôt avis au procureur du lieu de naissance où est détenu l'acte de naissance de l'intéressé pour qu'il en soit porté mention en marge de cet acte de naissance. Il se déduit en premier lieu de ces dispositions que l'acte de possession d'état d'enfant naturel n'avait pas à être sollicité par Melle X... dans les 30 ans suivant la fin de sa minorité. Il en découle en second lieu que cet acte est soumis à publicité pour remédier à son caractère occulte et permettre ainsi sa contestation sans prise en compte du caractère déclaratif de l'établissement de la filiation » ;

ALORS QUE : l'action en constatation d'état est soumise à la prescription trentenaire, le délai de prescription étant suspendu pendant la minorité de l'enfant ; qu'en l'espèce, en considérant que l'acte de possession d'état d'enfant naturel n'avait pas à être sollicité par Mademoiselle X... dans les trente ans suivant la fin de sa minorité, la cour d'appel a violé l'article 311-17 du Code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté les consorts Y... de leur demande en annulation de l'acte de notoriété constatant la possession d'état d'enfant naturel de Madame X... par Monsieur Xavier Y... ;

AUX MOTIFS ADOPTES QUE : « en vertu des articles 311-1 et 311-2 du Code civil, la possession d'état, qui doit être continue, s'établit par une réunion suffisante de faits qui indiquent le rapport de filiation et de parenté entre un individu et la famille à laquelle il dit appartenir. Les principaux de ces faits sont que :
l'individu a toujours porté le nom de ceux dont on le dit issu, (nomen)
ceux-ci l'ont traité comme leur enfant (et celui-ci les a traités comme ses père et mère), ils ont en cette qualité pourvu à son éducation, à son entretien et à son établissement (tractatus)
il est reconnu comme tel dans la société et par la famille et l'autorité publique le considère comme tel (fama).
Une jurisprudence constante rappelle que la réunion de tous les éléments énumérés par l'article 311-2 précité n'est pas nécessaire dès lors qu'il suffit qu'existe une réunion suffisante d'éléments constitutifs. Aux termes de l'article 311-3 du Code civil, l'acte de notoriété produit une conséquence procédurale particulièrement favorable en renversant la charge de la preuve qui pèse ainsi sur le demandeur à la contestation de l'acte de notoriété.
En l'espèce les consorts Y... estiment qu'aucun des trois éléments constitutifs de la possession d'état n'est réunie en faisant valoir que :
sur le nomen :
Cette première donnée ne revêt pas la même importance que dans la filiation légitime et son absence importe peu du moment que d'autres éléments suffisants constituent la possession d'état (Cour d'appel de Paris 6 / 02 / 1992 ; Cour d'appel de Toulouse 23 / 11 / 1999).
sur le tractatus :
S'il est exact que la défenderesse est la seule des trois enfants naturels à n'avoir pas été reconnue et la seule dont le prénom ne commence pas par « Chris » en référence à la première syllabe du nom du défunt, ces éléments ne sont toutefois nullement significatifs dès lors que la défenderesse est née en 1949 tandis que les demandeurs sont nés plus de 25 ans après en 1975 et 1978 et que l'état d'esprit de Monsieur Y... a forcément changé entre ces deux dates. L'affirmation que ce dernier n'a jamais traité Mademoiselle X... comme sa fille est démentie par les attestations de Madame Z... (secrétaire pendant 40 ans de l'intéressé) et de Monsieur Raymond A... (demi frère du défunt) qui témoignent respectivement (en plus de ceux ayant comparu devant le juge des tutelles) que :
- « elle est comme étant la fille de Monsieur Y... et il existait des relations parentales affectueuses et régulières entre eux » ;
- « Y... Xavier était toujours proche de sa fille Jacqueline, elle était son premier enfant et il avait 25 ans à sa naissance. Il n'a jamais abandonné sa fille elle vivait avec sa grand-mère, il était toujours présent quand sa fille avait besoin de lui (…) il allait souvent rendre visite à sa fille et sa fille allait le voir à son bureau à Saint André. Jusqu'à sa mort, sa fille était auprès de lui ».
Elle est également contredite par le fait que ces témoins confirment que :
- le défunt « me remettait régulièrement de l'argent à remettre à sa fille mademoiselle Jacqueline C...» (madame Z...). Peu importe, les modalités de remise de l'argent dans la mesure où l'entretien de l'enfant existe.
- « en 82, il a acheté un terrain pour elle et a fait construire une maison, c'est moi qui allait faire le terrassement du terrain » (M. A...). Cela établit la volonté manifeste du père d'assurer un avenir à sa fille. Peu importe la date à laquelle cette acquisition a été réalisée puisque Mlle X... était correctement hébergée avant 1982.
sur la fama :
Les demandeurs se contentent de fournir trois attestations d'une très vieille amie de monsieur Y... (madame D...), d'un ami de ce dernier (Jean Pierre E...) dans les dernières années de sa vie, ainsi que de son neveu Thierry A..., aux termes desquels l'intéressé n'a jamais parlé de la défenderesse mais seulement de ses deux enfants Chrisna et Christelle.
Elles sont contredites par les témoignages émanant de la famille de Monsieur Y... mais aussi de tiers présentés au juge des tutelles selon lesquels M Y..., bien que n'ayant pas reconnu sa fille, a toujours pourvu à son éducation et qu'elle a toujours été, par tous, considérée comme son enfant. Par ailleurs, l'affirmation de Roland A... attestant sur l'honneur reconnaître que les enfants Christelle et Chrisna sont le seuls enfants en sa connaissance de son demi frère Xavier Y... est formellement démentie par la déclaration de Raymond A... qui souligne qu'il n'est « pas d'accord quand (m) on frère Roland et (m) on neveu Thierry déclarent qu'il ne connaît pas Jacqueline et que Y... Xavier a seulement deux enfants. C'est faux ».
L'ensemble de ces éléments conduit à conséquence à débouter les consorts Y... qui ne rapportent pas la preuve suffisante que la défenderesse n'a pas la possession d'état d'enfant naturel du défunt » ;

ET AUX MOTIFS PROPRES QUE : « les appelants ne produisent que des attestations indiquant qu'ils ne connaissent que deux enfants à M. Y... ; que la plupart des témoins sont des relations professionnelles ; que seuls un demi-frère du défunt et un neveu attestent en faveur des consorts Y... ; que cependant un autre demi-frère de M. Y... et deux autres neveux attestent en sens contraire ; que les attestations produites par Madame X... sont plus nombreuses et plus circonstanciées ; que le premier juge a justement considéré que la preuve contraire aux énonciations de l'acte de notoriété n'étaient pas rapportée ; Attendu qu'au vu des pièces versées aux débats et en l'absence d'élément nouveau susceptible d'être soumis à son appréciation, la Cour s'appropriant l'exposé des faits établi par le premier juge estime que ce dernier par des motifs pertinents qu'elle approuve, a fait une exacte appréciation des faits de la cause et du droit des parties » ;

ALORS 1° / QUE : les consorts Y... soutenaient qu'il ressortait de l'attestation du neveu du défunt, Monsieur Thierry A..., que les membres de la famille de Monsieur Y... ont changé de comportement envers celui-ci à l'époque où il a reconnu ses deux seuls enfants, et que « la famille de Monsieur Y... s'en prenait à ses « nouveaux héritiers » », ce qui était de nature à discréditer les attestations délivrées par les membres de la famille s'étant ainsi comportés envers les exposants ; qu'en délaissant cette attestation, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 311-1 et 311-2 du Code civil ;

ALORS 2° / QUE : la possession d'état doit être continue et exempte de vice ; que les consorts Y... avaient fait valoir qu'il résultait des écritures de Madame X... elle-même que celle-ci avait été hébergée de 1975 à 1982 chez Monsieur H..., ce dont il se déduisait que, cette période de 7 ans au moins, Monsieur Y... n'avait pas pourvu à son entretien ce qui confirmait le fait qu'il ne la traitait pas comme sa fille ; qu'en délaissant ce chef péremptoire des conclusions d'appel des exposants, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 311-1 et 311-2 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 08-14430
Date de la décision : 14/10/2009
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, 04 décembre 2007


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 14 oct. 2009, pourvoi n°08-14430


Composition du Tribunal
Président : M. Bargue (président)
Avocat(s) : SCP Bachellier et Potier de La Varde, SCP Thouin-Palat et Boucard

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2009:08.14430
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