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08/10/2009 | FRANCE | N°08-18288

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 08 octobre 2009, 08-18288


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu que par acte établi le 19 février 1987 par M. X..., notaire, la société PAP a cédé des terrains à la SCI Bella Vista, celle-ci vendant à celle-là en l'état futur d'achèvement divers lots au sein des immeubles qui devaient être édifiés sur ces parcelles ; que le paiement du prix des terrains était garanti par le privilège du vendeur dont l'inscription, aux termes du contrat instrumenté devait être "prise à la diligence du propriétaire" ; que le projet n'a pu être mené à son terme e

t la banque ayant accordé en septembre 1987 et avril 1992 des crédits à la SCI...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu que par acte établi le 19 février 1987 par M. X..., notaire, la société PAP a cédé des terrains à la SCI Bella Vista, celle-ci vendant à celle-là en l'état futur d'achèvement divers lots au sein des immeubles qui devaient être édifiés sur ces parcelles ; que le paiement du prix des terrains était garanti par le privilège du vendeur dont l'inscription, aux termes du contrat instrumenté devait être "prise à la diligence du propriétaire" ; que le projet n'a pu être mené à son terme et la banque ayant accordé en septembre 1987 et avril 1992 des crédits à la SCI pour le financement du programme immobilier a procédé à la saisie immobilière des terrains sur lesquels elle bénéficiait d'une hypothèque de premier rang, à défaut d'inscription du privilège du vendeur ; que le 9 mars 2004, la société PAP a engagé une action en responsabilité contre le notaire ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société PAP fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir retenu que la responsabilité notariale ne pouvait être recherchée sur un fondement contractuel, alors, selon le moyen, que le mandat peut se former tacitement ; qu'en se bornant à énoncer qu'il résultait de l'acte instrumenté que le notaire n'avait pas reçu mandat de procéder aux formalités d'inscription, sans rechercher si en l'absence de clause dispensant expressément l'officier public de cette tâche à l'imitation de celle figurant dans le même acte pour le privilège du vendeur des immeubles en l'état futur d'achèvement, la société PAP n'avait pas pu légitimement croire lui avoir donné mandat, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

Mais attendu que c'est après avoir constaté que la stipulation litigieuse était rédigée en des termes clairs et dépourvus d'ambiguïté que la cour d'appel, procédant ainsi à la recherche de la commune volonté des parties, a exclu l'existence d'un mandat ; que le moyen manque en fait ;

Mais sur le second moyen, pris en sa troisième branche :

Vu l'article 2270-1 du code civil issu de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 applicable à l'espèce ;

Attendu que la prescription d'une action en responsabilité ne court qu'à compter de la réalisation du dommage ou de la date ultérieure à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu précédemment connaissance ;

Attendu que pour déclarer irrecevable, par l'effet de la prescription décennale, l'action en responsabilité recherchée sur le fondement d'un éventuel manquement du notaire à son devoir de conseil, après avoir énoncé qu'à ce titre, la demande indemnitaire était de nature extra-contractuelle, l'arrêt attaqué retient que le 19 avril 1987 à l'expiration du délai qui lui était imparti pour l'inscription du privilège, la société PAP ne pouvait ignorer que sa défaillance était susceptible de lui être dommageable en cas de défaut de paiement du prix ou d'inexécution de la vente, de sorte que le préjudice était manifeste à cette date ;

Qu'en statuant ainsi par des motifs impropres à démontrer que le dommage était réalisé à cette date, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les deux autres branches du second moyen :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 14 mai 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Bastia ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. X... et le condamne à payer à la société PAP la somme de 2 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit octobre deux mille neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par Me Spinosi, avocat aux Conseils pour la société PAP

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir dit que Maître X... n'avait pas reçu mandat de procéder à l'inscription du privilège du vendeur au profit de la société PAP ;

Aux motifs que, « la responsabilité notariale a une double nature, délictuelle lorsque le notaire enfreint une obligation d'origine statutaire ou légale et contractuelle lorsqu'il agit en qualité de mandataire de son client ;

que le juge doit rechercher l'existence du mandat invoqué par la société PAP et prétendument donné au notaire de procéder aux formalités d'inscription du privilège du vendeur pour déduire la responsabilité contractuelle de celui-ci recherchée par la société PAP ;

que le paragraphe de l'acte de vente du 19 février 1987 intitulé "Privilège de vendeur et Réserve d'action résolutoire" mentionne qu'à la sûreté et garantie du paiement du prix ainsi que de l'exécution de cette vente, l'immeuble vendu demeurera affecté par privilège spécial expressément réservé par le propriétaire et que pour assurer le rang de ce privilège, "inscription sera prise à la diligence du propriétaire et à son profit" contre le constructeur acquéreur au bureau des hypothèques de Bastia dans le délai de deux mois de ce jour ;

qu'il résulte des termes clairs et dépourvus d'ambiguïté de cette stipulation selon lesquels l'inscription du privilège du vendeur "sera prise à la diligence du propriétaire" et à son profit que le notaire n'avait pas reçu mandat, fût-ce tacitement, de procéder à cette formalité en sorte que la société PAP ne peut pas utilement soutenir que maître Gérard X... avait l'obligation de faire inscrire le privilège du vendeur d'immeuble qui ne lui incombe pas d'office en sa qualité de rédacteur de l'acte ;

par ailleurs, que le notaire est tenu envers son client d'un devoir d'information et de conseil qui trouve son fondement dans la loi et non dans le contrat qui le lie à celui-ci pour assurer l'efficacité de ses actes, qui se rattache à sa qualité d'officier ministériel et dont la méconnaissance est susceptible, en conséquence, d'entraîner la mise en oeuvre de sa responsabilité délictuelle » ;

Alors que le notaire engage sa responsabilité contractuelle lorsqu'il agit en qualité de mandataire de son client ; que le contrat de mandat peut se former tacitement ; qu'en se bornant à énoncer qu'il résulte de la mention de l'acte authentique de vente selon laquelle l'inscription du privilège « sera prise à la diligence du propriétaire » que Maître X... n'avait pas reçu mandat de procéder à cette formalité, sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si, faute de clause dispensant expressément Maître X... de procéder à cette inscription à l'imitation de celle figurant dans le même acte concernant le privilège du vendeur pour la vente en l'état futur d'achèvement conclue entre la SCI BELLA VISTA et la société PAP, cette dernière n'avait pas pu légitimement croire avoir donné mandat à Maître X... de procéder à l'inscription du privilège, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1147 et 1984 du code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt infirmatif d'avoir dit irrecevable l'action engagée par la société PAP ;

Aux motifs que « les manquements reprochés à maître X... relèvent, dès lors, de sa seule responsabilité délictuelle en sorte que la société PAP était tenue d'engager son action dans le délai de 10 ans à compter de la manifestation du dommage ou de son aggravation ;

qu'il convient de constater à cet égard que la société PAP a assigné le notaire en responsabilité délictuelle, ce dont il résulte du visa du seul article 1382 du code civil mentionné dans l'acte de saisine du tribunal de grande instance de Bastia, pour ensuite invoquer sa responsabilité contractuelle en réponse au moyen pris de la prescription de son action soulevé par le notaire ;

que, selon la stipulation contractuelle précitée, le propriétaire était tenu d'effectuer les diligences pour inscrire son privilège dans le délai de deux mois suivant le 19 février 1987 en sorte qu'il ne pouvait pas ignorer qu'à compter du 19 avril 1987 sa défaillance était susceptible de lui être dommageable en cas de non paiement du prix ou d'inexécution de la vente ;

qu'il s'induit de ces circonstances que le dommage de la société PAP était manifeste à cette date ;

qu'il n'existe, enfin, aucune justification de l'obligation impartie au notaire de procéder au renouvellement de cette inscription ;

que l'action de la société PAP ayant été engagée le 9 mars 2004, soit au delà du délai de 10 ans à compter du 19 avril 1987 correspondant à la date de la manifestation du dommage, il s'ensuit que maître X... invoque à bon droit son irrecevabilité au motif de sa tardiveté » ;

1. Alors que, d'une part, la prescription d'une action en responsabilité ne court qu'à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu précédemment connaissance ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a jugé que la date de la manifestation du dommage devait être fixée au 19 avril 1987, soit à l'expiration du délai de deux mois pour faire inscrire le privilège du vendeur afin qu'il puisse prendre rang à la date de la vente et non de son inscription ; qu'en ne recherchant pas, comme elle y était pourtant invitée, si la société PAP n'avait pas eu effectivement connaissance du défaut d'inscription qu'à compter du 22 janvier 2003, date du commandement de saisie immobilière diligentée par la société FGI qui a révélé l'absence d'inscription du privilège, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2270-1 du code civil ;

2. Alors que, subsidiairement, la prescription d'une action en responsabilité ne court qu'à compter de la réalisation du dommage, lequel doit être certain ; qu'en retenant que le dommage était manifeste à la date du 19 avril 1987, tout en jugeant qu'à cette même date l'absence d'inscription du privilège était susceptible de lui être dommageable, la Cour d'appel, qui a statué par des motifs contradictoires ne caractérisant par la certitude du dommage à cette date, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

3. Alors que, encore plus subsidiairement, qu'en retenant que le dommage était manifeste à la date du 19 avril 1987, tout en jugeant qu'à cette même date l'absence d'inscription du privilège était susceptible de lui être dommageable, la Cour d'appel, qui n'a pas caractérisé en quoi le dommage était certain à la date du 19 avril 1987, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2270-1 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 08-18288
Date de la décision : 08/10/2009
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bastia, 14 mai 2008


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 08 oct. 2009, pourvoi n°08-18288


Composition du Tribunal
Président : M. Bargue (président)
Avocat(s) : Me Spinosi, SCP Boré et Salve de Bruneton

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2009:08.18288
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