LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :
Vu les articles 1116 et 1382 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, par acte notarié du 29 mars 2006, la banque Pelletier (la banque ) a consenti à la société Tarusate de plomberie (la société), dont Mme Nathalie X... est la gérante et associée, un prêt de 120 000 euros dont M. X... et Mme Bernadette X..., ses parents, également associés, se sont rendus cautions ; qu'ils ont également consenti à la banque une hypothèque sur leur maison d'habitation ; que le 6 septembre 2006, la société a fait l'objet d'une liquidation judiciaire ; que la banque a poursuivi la vente du bien hypothéqué ; qu'invoquant le dol de la banque, M. X... et Mme Bernadette X... ont demandé l'annulation de leur engagement de caution ;
Attendu que pour déclarer nul l'acte de caution du 29 mars 2006 et par voie de conséquence le commandement aux fins de saisie immobilière délivré le 7 février 2007 et condamner la banque au paiement de la somme de 2 500 euros à titre de dommages-intérêts, l'arrêt relève que la situation débitrice du compte de la société qui se dégradait en 2005-2006 et la mise en attente d'échéances impayées pour une somme de 75 685,53 euros étaient parfaitement connues de la banque et que le prêt de 120 000 euros n'avait d'autre but que de couvrir les impayés et non de permettre la poursuite de l'activité économique ; qu'il relève encore que la banque n'a pas informé les cautions du fait que le prêt allait être immédiatement absorbé par le comblement du déficit antérieur, soit 45 095,52 euros et par les échéances impayées mises en attente, soit 75 685,53 euros, ce qui correspond au montant du prêt cautionné et en déduit que la banque a engagé M. et Mme X... dans un cautionnement d'un nouveau prêt inadapté à la situation économique de la société à seule fin de se prémunir du risque encouru ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à établir si les cautions, qui étaient également associés de la société, et avaient autorisé la gérante à souscrire le prêt par l' assemblée générale du 21 mars 2006, étaient ou non informés de la situation de la société au moment de leur engagement, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a déclaré l'appel recevable, l'arrêt rendu le 8 juillet 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;
Condamne M. et Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du six octobre deux mille neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Le Bret-Desaché, avocat aux Conseils pour la banque Pelletier
PRIS DE CE QUE l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré nul et de nul effet l'acte de caution du 29 mars 2006 et, par voie de conséquence, le commandement aux fins de saisie immobilière délivré le 7 février 2007 et a condamné la Banque PELLETIER au paiement de la somme de 2.500 à titre de dommages et intérêts ;
- AUX MOTIFS QUE, le 29 mars 2006, le compte courant de la Société TARUSATE DE PLOMBERIE était depuis plusieurs mois en position débitrice, à hauteur de 45.095, 52 au 25 mars 2006 et de 68.576, 43 au 1er avril 2006 ; que le prêt de 120.000 a été crédité sur le compte le 5 avril 2006 avec date de valeur au 29 mars 2006 ; que, au 8 avril 2006, le compte était cependant toujours débiteur de 4.228, 11 compte tenu spécialement d'une somme de 75.685, 53 , dénommée « échéances impayées » au 29 mars 2006, que la banque avait mis en attente ; que la banque fait valoir qu'elle n'a eu connaissance des pièces comptables concernant 2005 qu'après l'acte de prêt ; que, cependant, une situation comptable intercalaire, pour la période du 1er janvier 2005 au 30 septembre 2005, avait été établie par EXCO et versée aux débats ; qu'il est peu vraisemblable que la banque ait accordé le prêt de 120.000 sans demander quelques éléments comptables, début 2006, sur la situation de l'entreprise ; qu'en tout état de cause, la situation débitrice du compte courant qui se dégradait en 2005-2006, et surtout la mise en attente d'échéances impayées pour une somme importante de 75.685, 53 était parfaitement connue de la banque ; que le prêt de 120.000 n'avait d'autre but que de simplement couvrir les impayés et non de permettre la poursuite de l'activité économique ; que c'est donc bien à seule fin de se prémunir du risque encouru que la Banque PELLETIER a engagé les emprunteurs dans le cautionnement d'un nouveau prêt inadapté à la situation économique de la société ; que ce comportement de la Banque PELLETIER, au regard de l'article 2288 du Code Civil, caractérise des manoeuvres dolosives de la banque qui n'a pas informé les cautions du fait que le prêt allait être immédiatement absorbé par le comblement d'un déficit antérieur, soit 45.095, 52 correspondant au découvert du compte courant au 25 mars 2006 plus les échéances impayées mises en attente de 75.685, 53 , ce qui correspond à quelques euros près au montant du prêt cautionné ; que l'acte de caution intervenu le 29 mars 2006 sera donc déclaré nul et de nul effet ainsi que, par voie de conséquence, le commandement aux fins de saisie immobilière délivré le 7 février 2007 ; que le comportement fautif de la banque a entraîné pour les époux X... un préjudice moral certain qui sera réparé par l'octroi d'une somme de 2.500 à titre de dommages et intérêts ;
- ALORS, D'UNE PART, QUE, pour poursuivre la nullité du cautionnement pour dol, les époux X... faisaient valoir que la banque avait manqué à ses obligations de contracter de bonne foi en s'abstenant de les informer de la situation irrémédiablement compromise ou du moins lourdement obérée du débiteur ; que, de son côté, la banque contestait que la société débitrice ait été dans une situation irrémédiablement compromise à l'époque de la conclusion du prêt et des actes de cautionnement et soulignait que les cautions disposaient de toutes les informations relatives à sa situation financière ; qu'en retenant que le dol imputable à la banque consistait pour celleci à ne pas avoir informé les cautions du fait que le prêt consenti allait être immédiatement absorbé par le déficit antérieur de la société cautionnée, la Cour d'Appel a méconnu les termes du litige et violé les articles 4 et 5 du Code de Procédure Civile ;
- ALORS, D'AUTRE PART, QUE la réticence dolosive de la banque invoquée par la caution pour poursuivre l'annulation du cautionnement faute d'avoir été informée de la situation irrémédiablement compromise ou du moins lourdement obérée du débiteur suppose la démonstration d'une telle situation dont la banque avait connaissance lors de l'engagement de caution ; qu'il ressort en l'espèce des motifs de l'arrêt que la banque connaissait la situation débitrice du compte courant de la Société TARUSATE DE PLOMBERIE qui se dégradait en 2005-2006 ainsi que la mise en attente d'échéances impayées pour une somme importante de 75.685, 53 et que le prêt n'avait d'autre but que de couvrir les impayés et non de permettre la poursuite de l'activité économique ; qu'en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à établir que, à la date du cautionnement du prêt, la Société TARUSATE DE PLOMBERIE était dans une situation irrémédiablement compromise, ce dont la Banque PELLETIER avait connaissance, la Cour d'Appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1116 et 1382 du Code Civil ;
- ET ALORS, ENFIN, QUE le dol par réticence suppose, pour être retenu, que celui qui l'allègue n'ait pas pu connaître par lui-même l'information dont l'absence a déterminé son consentement au contrat ; que la Banque PELLETIER faisait en l'occurrence valoir que les cautions disposaient de toutes les informations relatives à la situation financière de la société emprunteuse et que le prêt cautionné avait été souscrit à l'issue d'une assemblée générale réunissant l'ensemble des associés dont les cautions faisaient partie ; qu'en retenant le dol de la banque pour déclarer nul et de nul effet l'acte de cautionnement et la condamner au paiement de dommages et intérêts sans apprécier, comme elle y était invitée, si les cautions associés de la société débitrice étaient ou non informées de la situation de cette société au moment de leur engagement, la Cour d'Appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1116 et 1382 du Code Civil.