LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Maroquinerie LHC a été condamnée à diverses réparations, pour contrefaçon de modèles de sacs au préjudice de M. X... et de la société Jean X..., ainsi qu'au paiement de dommages-intérêts, pour concurrence déloyale à l'encontre de la société Jean X... ;
Sur les deuxième et troisième moyens, et sur le quatrième moyen, pris en sa première branche :
Attendu que ces moyens ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Mais sur le premier moyen :
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu que pour décider que la société Maroquinerie LHC avait commis des actes de contrefaçon, l'arrêt se borne à constater que, selon l'ordonnance autorisant la saisie-contrefaçon, l'huissier avait notamment pour mission de saisir deux exemplaires du sac litigieux dans chacune de ses versions disponibles, et en déduit qu'il était habilité à appréhender les sacs argués de contrefaçon sous trois références différentes ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans répondre aux conclusions de la société Maroquinerie LHC faisant valoir que l'huissier n'avait pas le pouvoir d'apporter sur les lieux de la saisie le modèle 28103, qui n'avait pas été trouvé sur place, ainsi qu'il reconnaissait l'avoir fait, et soutenant que ses investigations ne pouvaient porter que sur les modèles 28101 et 28104 présentés à l'appui de la requête en autorisation de saisie-contrefaçon, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
Sur la recevabilité du quatrième moyen, pris en sa seconde branche, contestée en défense :
Attendu que ce moyen, nouveau, ne pouvait être formulé avant que la décision attaquée ne soit rendue ; qu'il est recevable ;
Et sur ce moyen :
Vu les articles 4 et 954, alinéa 2, du code de procédure civile ;
Attendu que l'arrêt retient que les premiers juges ont fait une juste appréciation du préjudice, sauf à accorder également à la société Jean X... une indemnité de 40 000 euros au titre de la concurrence déloyale ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que les conclusions d'appel doivent formuler expressément les prétentions de la partie et les moyens sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée, que toute formule de renvoi ou de référence à des écritures précédentes ne satisfait pas aux exigences de l'article 954, alinéa 2, du code de procédure civile et est dépourvue de portée, et que la société Jean X... se bornait à réclamer l'infirmation du jugement ayant rejeté sa demande, sans chiffrer sa réclamation, dans le corps ni dans le dispositif de ses conclusions, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné la société Maroquinerie HCL pour contrefaçon et condamné cette société à payer à la société Jean X... la somme de 40 000 euros en réparation du préjudice subi au titre de la concurrence déloyale, l'arrêt rendu le 24 septembre 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société Longchamp, M. X... et la société Jean X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf septembre deux mille neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par Me Bertrand, avocat aux Conseils pour la société Maroquinerie LHC
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR décidé que la société MAROQUINERIE LHC avait commis des actes de contrefaçon au préjudice de Monsieur Philippe X... et de la société JEAN X... ;
AUX MOTIFS QUE si la société MAROQUINERIE LHC soutient que l'huissier avait cherché à étendre ses investigations à un modèle non visé par l'ordonnance, autorisant la saisie-contrefaçon, il résulte de cette ordonnance que « l'huissier avait notamment pour mission de « saisir deux exemplaires du sac litigieux dans chacune de ses versions disponibles (taille(s), matériau(x), couleur(s)) contre paiement du prix » de sorte que celui-ci était fondé à rechercher et appréhender tout modèle de sac susceptible de constituer une contrefaçon du modèle PLIAGE, de sorte qu'il était habilité à appréhender les sacs argués de contrefaçon sous trois références différentes : 28101, 28102 en réalité 28103 et 28104 » (arrêt attaqué p. 5, al. 7) ;
ALORS QUE dans des conclusions demeurées sans réponse (signifiées le 5 juin 2008, pp. 5-6), la société MAROQUINERIE LHC faisait valoir que l'huissier n'avait pas le pouvoir d'apporter sur les lieux de la saisie le modèle 28103, non trouvé sur place, ainsi qu'il reconnaissait l'avoir fait, de sorte que ses investigations ne pouvaient porter que sur les modèles 28101 et 28104 présentés au président du Tribunal de Grande Instance à l'appui de la requête ; qu'en énonçant que l'huissier était habilité à appréhender tout modèle de sac pouvant constituer une contrefaçon sans répondre au moyen déterminant des conclusions qui lui étaient soumises, l'huissier de justice n'ayant pas la possibilité d'apporter une pièce sur les lieux de la saisie afin de provoquer les explications des personnes présentes, la cour d'appel a privé sa décision de motifs en violation de l'article 455 du Code de Procédure civile.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué, confirmatif de ce chef, d'AVOIR décidé que la société MAROQUINERIE LHC avait commis des actes de contrefaçon au préjudice de Monsieur Philippe X... et de la société JEAN X... ;
AUX MOTIFS « qu'il résulte de l'examen auquel la cour a procédé des modèles invoqués par la société appelante dans ses dernières écritures pour certains décrits pour d'autres reproduits, à savoir le sac CHAPELIER de 1988, les sacs WINKLER de 1974 et LEDERER de 1925 que si les éléments qui composent les modèles contestés reprennent certaines des caractéristiques de ces sacs qui d'une manière plus générale sont effectivement connues et qui prises séparément doivent être regardées comme appartenant au fonds commun de la maroquinerie, en revanche leur combinaison, telle que revendiquée, dès lors que l'appréciation portée par la cour doit s'effectuer de manière globale, en fonction de l'aspect d'ensemble produit par la combinaison de leurs différents éléments propres et non par l'examen de chacun d'eux pris individuellement, confèrent au modèle litigieux une physionomie propre traduisant un parti pris esthétique qui porte l'empreinte de la personnalité de son auteur » (arrêt attaqué, p. 6 dernier al.) ;
ET AUX MOTIFS QUE « pour caractériser la contrefaçon, au regard des Livres I et III du Code de la Propriété Intellectuelle, il convient de prendre en considération la reprise des éléments originaux et caractéristiques du modèle de sac PLIAGE, sans qu'il soit nécessaire de rechercher s'il en résulte un risque de confusion pour un consommateur d'attention moyenne, notion étrangère au droit d'auteur ; qu'il résulte de l'examen comparatif des modèles de sacs opposés que les modèles de sac commercialisés par la société MAROQUINERIE LHC reprennent à l'identique les éléments originaux et caractéristiques, précédemment retenus au titre de l'originalité, à savoir, d'abord, la même forme caractéristique du corps du sac avec le même fond rectangulaire et le même profil triangulaire, ensuite, le même type de petit rabat aux coins sensiblement arrondis et dont le pourtour est souligné par une épaisse couture surpiquée qui passe entre les deux poignées par-dessus la fermeture à glissière, encore la même double couture surpiquée qui fixe ce petit rabat au dos du sac et la présence à l'identique de petites languettes arrondies soulignant les coins supérieurs du sac, et, enfin de semblables poignées tubulaires, fixées à l'identique au corps du sac, de chaque côté du rabat, à l'aide de pattes soulignées de la même façon par une couture surpiquée ; que l'absence de reprise à l'identique de l'élément constitué par le bouton-pression sur le rabat est sans influence dès lors que tous les autres éléments originaux et caractéristiques sont repris à l'identique, de même que le simple ajout de pressions sur les languettes du sac qui ne constituent pas une caractéristique du sac PLIAGE ; que se trouve tout aussi inopérant l'argument tiré par la société appelante de la fonction pliante du modèle de sac PLIAGE, dès lors que celle-ci n'est pas revendiquée par les intimés comme constituant une des caractéristiques de leur modèle de sac » (arrêt attaqué p. 7, al. 2 à 5) ;
ALORS, d'une part, QUE la contrefaçon d'une création de l'art appliqué, telle qu'un modèle de sac, suppose qu'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public, même lorsque la protection est recherchée sur le fondement du droit d'auteur ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel qui, pour décider que le sac de la société MAROQUINERIE LHC constituait la contrefaçon du modèle de sac PLIAGE, s'est fondée sur le fait que se trouvaient reproduits « les éléments originaux et caractéristiques » de ce modèle et qui s'est dispensée de prendre en considération les différences des modèles de sacs en présence invoquées par la société MAROQUINERIE LHC et propres à dissiper toute confusion dans l'esprit du public, a violé l'article L.122-4 du Code de la Propriété Intellectuelle ;
ALORS, d'autre part, QU'en énonçant que les éléments du sac PLIAGE, dont elle a considéré qu'ils étaient repris par le sac de la société MAROQUINERIE LHC, constituaient autant « d'éléments originaux et caractéristiques » (arrêt p. 7, al. 3), après avoir retenu, au contraire, que certains de ces éléments étaient « effectivement connus » et que, pris séparément, ils devaient être regardés comme « appartenant aux fonds commun de la maroquinerie » (arrêt p. 6, dernier al.), la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction qui la prive de motifs en violation de l'article 455 du Code de Procédure civile ;
ALORS, enfin et subsidiairement, QUE la cour d'appel ayant constaté que l'élément caractéristique du modèle de sac PLIAGE tenant à la présence du bouton-pression sur le rabat ne se retrouvait pas dans le modèle critiqué, il en résultait que le modèle de la société MAROQUINERIE LHC ne reprenait pas dans tous ses éléments la combinaison dont la cour d'appel a relevé l'originalité et qu'il n'en constituait pas la contrefaçon ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a méconnu la portée juridique de ses constatations en violation de l'article L.122-4 du Code de la Propriété Intellectuelle.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué, confirmatif de ce chef, d'AVOIR décidé que la société MAROQUINERIE LHC avait commis des actes de concurrence déloyale au préjudice de la société LONGCHAMP, à laquelle elle a été condamnée à payer une somme de 80.000 à titre de dommages-intérêts ;
AUX MOTIFS ADOPTES QUE « la vente de sacs contrefaisants constitue à l'encontre de la société LONGCHAMP qui fabrique et distribue à titre exclusif le sac PLIAGE des actes de concurrence déloyale ; qu'il existe en effet en raison de la similarité du sac PLIAGE et de ceux commercialisés par la société défenderesse un risque de confusion dans l'esprit du public » (jugt. p. 7, al. 2) ;
ALORS QUE la cassation de l'arrêt en ce qu'il a décidé que la société MAROQUINERIE LHC avait commis des actes de contrefaçon en raison de l'imitation du modèle de sac PLIAGE par son propre sac, entraînera, par voie de conséquence, en application de l'article 625 du Code de Procédure civile, la cassation de l'arrêt ayant condamné cette même société envers la société LONGCHAMP pour concurrence déloyale en raison de la similarité des sacs en présence.
QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR décidé que la société MAROQUINERIE LHC avait commis des actes de concurrence déloyale à l'égard de la société JEAN X... et de la société LONGCHAMP, auxquels il l'a condamnée respectivement au paiement des sommes de 40.000 et 80.000 en réparation du préjudice subi ;
AUX MOTIFS QUE « constitue une pratique déloyale, induisant un comportement fautif portant directement préjudice aux sociétés JEAN X... et LONGCHAMP, le fait pour la société MAROQUINERIE LHC d'avoir réalisé un effet de gamme, en déclinant à l'instar de la société intimée le modèle litigieux, de nature à créer un risque de confusion dans l'esprit du consommateur moyen de la catégorie des produits concernés, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé » (arrêt p. 8, al. 2) ;
ET AUX MOTIFS QUE « les premiers juges ont fait une juste appréciation du préjudice propre à chacun des intimés, sauf à accorder également à la société JEAN X... une indemnité de 40.000 au titre de la concurrence déloyale » (arrêt p. 8, al. 7) ;
ALORS, d'une part, QUE ne constitue pas une pratique déloyale constitutive d'une faute le seul fait de commercialiser un produit déclaré contrefaisant dans une certaine gamme ; qu'en décidant au contraire que le fait par la société MAROQUINERIE LHC d'avoir « réalisé un effet de gamme » en « déclinant » le modèle litigieux à l'instar du produit déclaré imité, lui-même décliné dans une telle gamme, sans que les caractéristiques mêmes de cette gamme aient été reproduites, constituait une faute, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ;
ALORS, d'autre part, QUE l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; que la société X... n'ayant pas, dans ses conclusions devant la cour d'appel, sollicité la condamnation de la société MAROQUINERIE LHC à lui payer une quelconque somme d'argent à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de la concurrence déloyale, la cour d'appel ne pouvait condamner la société MAROQUINERIE LHC à lui payer, à ce titre, une somme de 40.000 , sans méconnaître l'objet du litige tel qu'il était fixé par les prétentions de la société JEAN X..., violant ainsi l'article 4 du Code de Procédure civile.