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23/09/2009 | FRANCE | N°08-44000

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 23 septembre 2009, 08-44000


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a été embauchée par la société Soléa, le 24 septembre 1979, en qualité de conducteur receveuse de bus ; qu'ayant été déclarée inapte à la conduite de bus par le médecin du travail à l'issue de deux visites médicales, les 13 et 28 novembre 2003, elle a été licenciée, le 17 février 2004, pour inaptitude et impossibilité de reclassement ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale d'une contestation du bien-fondé du licenciement et d'une demande en paiement

de diverses sommes ;
Sur le premier moyen
Attendu qu'il n'y a pas lieu de s...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a été embauchée par la société Soléa, le 24 septembre 1979, en qualité de conducteur receveuse de bus ; qu'ayant été déclarée inapte à la conduite de bus par le médecin du travail à l'issue de deux visites médicales, les 13 et 28 novembre 2003, elle a été licenciée, le 17 février 2004, pour inaptitude et impossibilité de reclassement ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale d'une contestation du bien-fondé du licenciement et d'une demande en paiement de diverses sommes ;
Sur le premier moyen
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Mais sur le deuxième moyen :
Vu les articles L. 1226-10 et L. 1226-15 du code du travail ;
Attendu que pour débouter Mme X... de ses demandes, l'arrêt retient que l'origine professionnelle de l'inaptitude de la salariée n'est pas subordonnée à la reconnaissance par la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du lien de causalité entre la maladie ou l'accident dont le salarié a été victime et son inaptitude, que même si par décision du 3 février 2004, la CPAM de Mulhouse a refusé de prendre en charge la maladie de Mme X... au titre de la législation relative aux risques professionnels, il convient de rechercher si son inaptitude a ou non une origine professionnelle, qu'il y a lieu de constater que le médecin du travail n'a pas mentionné que l'inaptitude de la salariée avait une origine professionnelle, que le certificat médical d'arrêt de travail du médecin traitant de la salariée du 8 octobre 2002 fait état de ce que cet arrêt de travail serait en rapport avec une maladie professionnelle, que cependant ce certificat médical a été contesté comme en atteste la décision de la CPAM de Mulhouse qui, si elle ne s'impose pas à la cour, n'en constitue pas moins un indice à prendre en compte pour l'appréciation de l'origine professionnelle ou non de l'inaptitude de la salariée, que dans ces conditions ce certificat médical ne suffit pas à lui seul à établir que l'inaptitude de la salariée trouve sa source dans une maladie professionnelle ou un accident du travail, qu'à défaut pour Mme X... de justifier d'autres éléments constituant un faisceau d'indices précis et concordants de l'origine professionnelle de son inaptitude, il convient de dire que les dispositions de l'article L. 122-32-5 de l'ancien code du travail devenu l'article L. 1226-10 du nouveau code du travail, dont notamment la consultation des délégués du personnel, n'avaient pas à s'appliquer ;
Attendu, cependant, que les règles protectrices applicables aux victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle s'appliquent dès lors que l'inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée, a, au moins partiellement, pour origine cet accident ou cette maladie ;
Qu'en se déterminant comme elle l'a fait, alors que la salariée se prévalait pour établir que son inaptitude avait une origine professionnelle, d'une précédente décision de la CPAM du 27 octobre 2003 admettant le caractère professionnel de son affection chronique du rachis, la cour d'appel qui, après avoir rappelé la seule décision du 3 février 2004 de la CPAM refusant la prise en charge de la maladie (tendinite) au titre de la législation professionnelle, s'est fondée sur l'absence de mention par le médecin du travail que l'inaptitude avait une origine professionnelle, sans vérifier si, comme le soutenait la salariée sur la base de la décision du 27 octobre 2003, son inaptitude n'avait pas partiellement une origine professionnelle, n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur le troisième moyen :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qui concerne la demande en nullité du licenciement, l'arrêt rendu le 5 juin 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Metz
Condamne la société Soléa aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Soléa à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois septembre deux mille neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils pour Mme X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à la décision attaquée d'AVOIR débouté Madame X... de l'intégralité de ses demandes ;
AUX MOTIFS QU'« aux termes de l'article R.241-51de l'ancien Code du travail, devenu l'article R.4624-23 du nouveau Code du travail, la visite de pré-reprise a pour objet de préparer le retour du salarié dans l'entreprise "lorsqu'une modification de l'aptitude au travail est prévisible" ; Attendu toutefois que tel n'a pas été l'objet des deux visites médicales des 13 et 28 novembre 2003, aux termes desquelles le médecin du travail s'est clairement prononcé sur l'inaptitude définitive de Madame X... sans faire état d'une évolution prévisible de son aptitude au travail ; Attendu de plus que ces deux visites médicales ont été qualifiées de visite de reprise par le médecin du travail luimême qui s'est placé dans une perspective de constatation de l'inaptitude de la salariée avec ses conséquences et non de préparation de son retour dans l'entreprise ; Attendu enfin que la salariée s'est soumise sans protester à ces deux examens médicaux dont elle ne pouvait ignorer qu'ils visaient à apprécier son aptitude au travail et non à évaluer sa capacité future à travailler compte tenu de l'évolution de son état de santé; Attendu qu'elle a accepté ses visites de reprise en connaissance de cause ; Attendu que l'inaptitude de la salariée a donc bien été constatée au vu des deux visites médicales du médecin du travail exigées par la loi ; Attendu que ce double examen médical a mis de plein droit un terme à la période de suspension du contrat de travail, peu important que la salariée ait continué à bénéficier d'un arrêt de travail de son médecin traitant prononcé le 8 octobre 2002 et jusqu'au 31 décembre 2004 ; Attendu que le jugement entrepris doit donc être infirmé en ce qu'il dit et jugé que le licenciement de Madame X... était intervenu en période de suspension pour maladie en l'absence de visite de reprise auprès du médecin du travail et condamné l'employeur à lui payer la somme de 11.787 de dommages et intérêts au motif que "le licenciement pour inaptitude fondé sur l'avis d'une visite de pré-reprise (...) Est tout simplement nul" ; Attendu que, statuant à nouveau, la salariée doit être déboutée de sa demande en paiements de dommages et intérêts pour nullité du licenciement au motif que la procédure de constatation de l'inaptitude de la salariée n'aurait pas été respectée » ;
ALORS QUE les visites médicales réalisées par le médecin du travail en cours de suspension du contrat de travail, le salarié bénéficiant d'arrêts maladie, ne peuvent constituer des visites de reprises qu'à condition qu'elles aient été passées en vue de la reprise du travail, ce qui suppose que le salarié ait manifesté son intention de reprendre le travail ; qu'en l'espèce, la Cour d'Appel a constaté que la salariée avait bénéficié d'arrêts de travail du 8 octobre 2002 jusqu'au 31 décembre 2004 (arrêt page 3 in fine) ; qu'en jugeant que les deux visites médicales réalisées les 13 et 28 novembre 2003, en cours de suspension du contrat de travail, pouvaient être qualifiées de visites de reprise, au prétexte qu'elles étaient désignées comme telles par le médecin du travail et qu'elles avaient eu pour objet d'apprécier l'aptitude de la salariée qui aurait accepté ses visites en connaissance de cause, sans constater la salariée avait manifesté la volonté de reprendre le travail, les visites litigieuses ayant ainsi pu être diligentées en vue de la reprise du travail, la Cour d'Appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article R.241-51 devenu R4624-21 et suivants du Code du travail.
DEUXIEME MOYEN (SUBSIDIAIRE) DE CASSATION
Il est fait grief à la décision attaquée d'AVOIR débouté Madame X... de l'intégralité de ses demandes ;
AUX MOTIFS QUE « l'origine professionnelle de l'inaptitude de la salariée n'est pas subordonnée à la reconnaissance par la CPAM du lien de causalité entre la maladie ou l'accident dont le salarié a été victime et son inaptitude ; Attendu ainsi que même si par décision du 3 février 2004, la CPAM de MULHOUSE a refusé de prendre en charge la maladie de Madame X... au titre de la législation relative aux risques professionnels, il convient de rechercher si son inaptitude a ou non une origine professionnelle ; Attendu toutefois qu'il y a lieu de constater que le médecin du travail n'a pas mentionné que l'inaptitude de la salariée avait une origine professionnelle ; Attendu que le certificat médical d'arrêt de travail du médecin traitant de la salariée du 8 octobre 2002 fait état de ce que cet arrêt de travail serait en rapport avec une maladie professionnelle ; Attendu cependant que ce certificat médical a été contesté comme en atteste la décision de la CPAM de MULHOUSE qui, si elle ne s'impose pas à la Cour, n'en constitue pas moins un indice à prendre en compte pour l'appréciation de l'origine professionnelle ou non de l'inaptitude de la salariée ; Attendu dans ces conditions que ce certificat médical ne suffit pas à lui seul à établir que l'inaptitude de la salariée trouve sa source dans une maladie professionnelle ou un accident du travail ; Attendu qu'à défaut pour Madame X... de justifier d'autres éléments constituant un faisceau d'indices précis et concordants de l'origine professionnelle de son inaptitude, il convient de dire que les dispositions de l'article L. 122-32-5 de l'ancien Code du travail devenu l'article L.1226-10 du nouveau Code du travail, dont notamment la consultation des délégués du personnel, n'avaient pas à s'appliquer ; Attendu que le jugement entrepris doit donc être confirmé en ce qu'il a débouté la salariée de sa demande en paiement de dommages et intérêts fondée sur l'article L. 122-32-7 de l'ancien Code du travail devenu l'article L.1226-15 du nouveau Code du travail » ;
ET AUX MOTIFS QUE « l'obligation pour l'employeur d'informer le salarié inapte des motifs qui s'opposent à son reclassement prévue à l'article L. 122-32-5 alinéa 2 de l'ancien Code du travail devenu l'article L. 1226-12 du nouveau Code du travail, est réservée aux salariés dont l'inaptitude a pour origine un accident du travail ou une maladie professionnelle, ce qui n'est pas le cas de Madame X... ; Attendu que le jugement entrepris doit donc être confirmé en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour non-respect de cette obligation » ;
ALORS QUE les règles protectrices bénéficiant aux victimes d'une maladie professionnelle s'appliquent dès lors que l'inaptitude du salarié a, au moins partiellement, cette maladie pour origine ; qu'en l'espèce, tel que l'a relevé la Cour d'Appel (arrêt page 3), la salariée reprochait à l'employeur de n'avoir « ni consulté les représentants du personnel, ni notifié par écrit l'impossibilité de la reclasser » bien que « le caractère professionnel de sa maladie a été reconnu par une décision de la CPAM du 27 octobre 2003 » ; qu'en effet la salariée se prévalait (conclusions d'appel page 2), pour établir que son inaptitude avait une origine professionnelle, de la décision de la CPAM du 27 octobre 2003 (dossier nº 021008677) admettant le caractère professionnel de son affection chronique du rachis (inscrite au tableau nº 97) ; qu'en retenant que la salariée ne justifiait pas du caractère professionnel de son inaptitude sans dire en quoi elle n'avait pas, au moins partiellement, une origine professionnelle en lien avec la maladie de la salariée, inscrite au tableau nº 97, prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels par la CPAM le 8 octobre 2002, la Cour d'Appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.122-32-5 devenu L.1226-12 et L.1226-15 du Code du travail.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à la décision attaquée d'AVOIR débouté Madame X... de l'intégralité de ses demandes ;
AUX MOTIFS QUE « le salarié inapte ne peut être licencié que pour impossibilité de reclassement démontrée par l'employeur et mentionnée dans la lettre de licenciement; Attendu que le médecin du travail a déclaré la salariée inapte à un poste de conductrice de bus mais apte à un poste aménagé à la condition qu'il ne comprenne ni station debout ni station assise prolongée, ni manutention lourde ni conduite prolongée d'un véhicule léger en déplacement prolongé ; Attendu qu'il préconisait "un poste sédentaire pouvant s'effectuer en alternance assis/debout" ; Attendu que le profil de poste recommandé par le médecin du travail présentait des caractéristiques telles que les opportunités de reclassement étaient nécessairement restreintes même en recourant à des mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail ; Attendu en effet que les postes sédentaires où le salarié est alternativement assis puis debout sans qu'il s'agisse de situations prolongées, sont rares et difficiles à aménager ; Attendu que l'employeur justifie avoir fait des recherches de reclassement dans ses différents services qui ont tous répondu par la négative ; Attendu en outre qu'il ressort d'une lettre que l'employeur a adressée à la salariée le 24 décembre 2003, qu'après une première prospection qui n'avait pas donné de résultats, il avait relancé des recherches de reclassement après un entretien qu' il avait eu avec elle le 22 décembre 2003 ; Attendu qu'il a ainsi épuisé son obligation de reclassement ; Attendu dans ces conditions que l'impossibilité de reclassement de Madame X... est démontrée si bien que son licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse » ;
ALORS QU'il appartient à l'employeur qui licencie un salarié au motif de son inaptitude de justifier de l'impossibilité de procéder à son reclassement, fut-ce par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail ; qu'en affirmant en l'espèce que l'employeur aurait satisfait à son obligation de reclassement après avoir relevé qu'il avait « fait des recherches de reclassement dans ses différents services qui ont tous répondu par la négative » sans constater qu'il justifiait de l'impossibilité de reclasser la salariée notamment à un poste d'agent de vente, standardiste, gardien de loge dont elle faisait valoir (conclusions d'appel page 5) qu'ils étaient disponibles et adaptés ou adaptables à son état de santé, la Cour d'Appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.122-24-4 du Code du travail devenu L.1226-2 du Code du travail ou L.122-32-5 devenu L.1226-12 du Code du travail (dès lors que l'on considère, tel que cela a été montré à l'appui du deuxième moyen, que l'inaptitude avait une origine professionnelle).


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 08-44000
Date de la décision : 23/09/2009
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Colmar, 05 juin 2008


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 23 sep. 2009, pourvoi n°08-44000


Composition du Tribunal
Président : M. Trédez (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Thouin-Palat et Boucard

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2009:08.44000
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