LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 30 octobre 2007), qu'en 1988, la société civile immobilière du Cap Chabian (SCI) a fait édifier un ensemble hôtel-centre de thalassothérapie ; qu'une mission de conception et de maîtrise d'oeuvre a été confiée à M. X..., architecte, assuré auprès de la société MAF ; que les installations techniques de thalassothérapie ont été confiées à la société Largier ; que M. Y..., thermicien conseil, a établi une étude relative aux ouvrages de plomberie-chauffage-ventilation ; qu'une mission de contrôle technique a été confiée à la société Socotec ; que les travaux ont été réceptionnés avec réserves le 30 juin 1989 ; qu'en 1992, des désordres sont apparus dans l'unité de chauffage, les locaux techniques et l'installation de thalassothérapie ; qu'après expertise, la SCI et la société Hôtel et bains du Cap Chabian, venant aux droits de la société Compagnie hôtelière le Chabian, locataire exploitant, ont assigné les intervenants à l'acte de construire en indemnisation de leurs préjudices ;
Sur le troisième moyen du pourvoi principal, ci-après annexé :
Attendu que la cour d'appel a retenu, par motifs adoptés, que même si Mme Z... avait retenu la responsabilité de M. Y... dans le défaut de débit de l'eau puisque même si le matériel qu'il avait prévu n'avait pas été mis en place, c'était la puissance de ce matériel qu'il avait préconisée qui avait été adoptée, elle n'avait pas retenu de travaux de réfection à sa charge, car il avait été déjà remédié en cours d'exploitation à l'insuffisance du débit prévu par l'ancien locataire du centre de thalassothérapie et que sa responsabilité n'apparaissait pas finalement engagée ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le premier moyen du pourvoi principal et le premier moyen du pourvoi provoqué :
Vu l'article 1792 du code civil ;
Attendu que pour déclarer M. X..., la société Largier et la société Socotec tenus d'indemniser la SCI du préjudice subi par elle l'arrêt retient qu'il résulte des rapports d'expertise que la réalisation du programme de la SCI a été entachée de désordres, dont les premiers juges ont exactement retenu le caractère décennal, soit en ce que pour certains ils compromettent la solidité de l'ouvrage, soit en ce que pour les autres, bien qu'affectant les éléments d'équipement pour certains détachables, ils rendent dans son ensemble l'ouvrage impropre à sa destination et que les premiers juges ont donc pu en déduire la responsabilité, sur le fondement de l'article 1792 du code civil, des acteurs de la construction que sont M. X..., la société Largier et la société Socotec ;
Qu'en statuant ainsi, sans rechercher comme il lui était demandé, si le maître de l'ouvrage n'avait pas joué un rôle causal dans la survenance des désordres affectant le local technique, d'une part, en procédant, après réception, à l'adjonction d'une cloison non figurée sur le plan établi par l'architecte faisant obstacle à la circulation de l'air, d'autre part, en procédant de sa propre initiative, dans ce local aux dimensions arrêtées en accord avec un ingénieur en considération d'un équipement déterminé, à l'ajout d'équipements Ecoenergie commandés en direct par lui, hors marché, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Et sur le deuxième moyen du pourvoi principal et le second moyen du pourvoi provoqué, réunis :
Vu l'article 624 du code de procédure civile ;
Attendu que les dispositions relatives à la responsabilité de M. X..., de la société Largier et de la société Socotec attaquées par le premier moyen se rattachant par un lien de dépendance nécessaire au chef critiqué par le deuxième moyen, la cassation de l'arrêt sur le premier moyen entraîne, par voie de conséquence, l'annulation de ces dispositions ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, seulement en ce qu'il a condamné M. X... et la société Axa France Iard à payer à la SCI du Cap Chabian la somme de 709 939,97 euros, l'arrêt rendu le 30 octobre 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes, autrement composée ;
Condamne la SCI du Cap Chabian aux dépens des pourvois ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, déboute les parties de leurs demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux septembre deux mille neuf.
Le conseiller rapporteur le president
Le greffier de chambre
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits au pourvoi principal par la SCP Boulloche, avocat aux Conseils, pour M. X...
LE
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré M. X... tenu d'indemniser la SCI DU CAP CHABIAN du préjudice subi par elle du fait des désordres constatés par les experts judiciaires nommés en première instance sur l'ensemble immobilier, aux motifs qu'il ressort des trois rapports successifs d'expertise de M. A... (qui prend appui sur les travaux de Mme Z... pour la partie génie climatique, sanitaire, production d'eau chaude, fluides, et sur les travaux de M. B... expert comptable pour la partie financière) dont les constatations ne sont pas sérieusement remises en cause par aucune partie (les critiques ne portant que sur les rapports d'imputabilité juridiques ou les évaluations sur lesquelles il sera statué plus loin, même si à tort, la SCI DU CAP CHABIAN conteste la méthode trop expérimentale et pas assez théorique de Mme Z...), que la réalisation du programme de la SCI DU CAP CHABIAN a été incontestablement entachée de désordres du fait de malfaçons et/ou erreurs de conception parfaitement décrits et dont les premiers juges ont exactement retenu le caractère décennal soit en ce que pour certains (repris d'une liste établie par les experts et non critiquée) ils compromettent la solidité de l'ouvrage soit en ce que pour les autres, bien qu'affectant des éléments d'équipement pour certains détachables, ils rendent dans leur ensemble ledit ouvrage impropre à sa destination particulière « qui est le logement et le traitement dans les plus grandes conditions de sécurité et d'efficacité médicale » d'une centaine de curistes par jour ; que les premiers juges ont donc pu en déduire la responsabilité totale et incontestable à l'égard des maîtres de l'ouvrage, sur le fondement des articles 1792 et suivants du code civil, des acteurs de la construction que sont M. X... en sa qualité d'architecte concepteur tant de l'hôtel que du centre de balnéothérapie, de la société LARGIER, et même par application de l'article 111-24 du code de la construction et de l'habitation, de la société SOCOTEC, contrôleur technique qui n'a pas rempli sa mission, contrairement à ses allégations (arrêt p. 12 et 13)ALORS QUE le maître d'ouvrage engage sa responsabilité civile s'il a commis une faute ayant contribué à l'apparition ou à l'aggravation des désordres ; qu'en retenant la responsabilité totale de M. X... à l'égard de la SCI DU CAP CHABIAN, sans rechercher, comme elle y était invitée, si le maître de l'ouvrage, en la personne de M. C..., n'avait pas joué un rôle causal dans la survenance des désordres affectant le local technique, au moins partiellement exonératoire, d'une part, en procédant, après réception, à l'adjonction d'une cloison non figurée sur le plan établi par l'architecte faisant obstacle à la circulation de l'air, d'autre part, en procédant de sa propre initiative, dans ce local aux dimensions arrêtées en accord avec un ingénieur en considération d'un équipement déterminé, à l'ajout d'équipements ECOENERGIE commandés en direct par lui, hors marché, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1792 du code civil.
LE
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné M. X... à payer à la SCI DU CHABIAN une somme de 709 939,97 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compte du 1er août 1998, aux motifs que pour le surplus et plus particulièrement en ce qui concerne le montant des réparations, il y a lieu d'inclure dans la réparation de la SCI DU CAP CHABIAN son préjudice financier autant que son préjudice matériel en relevant les évaluations expertales selon les distinctions faites dans le dispositif ci-après et dont aucune des parties en cause d'appel ne démontrent la fausseté, la SCI DU CAP CHABIAN justifiant exactement sa demande par une démonstration que la cour fait sienne sauf à y inclure tout de même (pour les soustraire) les avatars « de procédure » tels que le préfinancement D-O et la provision déjà versée, la cour ne perdant pas de vue non plus que le jugement déféré est pour grande partie exécutoire par provision (arrêt p. 13 et 14),ALORS, D'UNE PART, QUE c'est à celui qui sollicite la réparation d'un préjudice qu'il incombe de rapporter la preuve de son existence et de son étendue ; que dès lors, en retenant qu'aucune des parties ne démontrait la fausseté des préjudices allégués par la SCI DU CAP CHABIAN, la Cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé les articles 1792 et 1315 du code civil ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE toute décision de justice doit, à peine de nullité, être motivée ; qu'en déclarant faire sienne la démonstration de la SCI CAP CHABIAN sur le montant de son préjudice, sauf à y inclure, tout de même, pour les soustraire, certaines sommes, sans rappeler dans sa décision, fut-ce sommairement, la teneur de cette démonstration, disséminée au fil des 63 pages des conclusions de cette dernière, la Cour d'appel a méconnu les exigences des articles 455 et 458 du code de procédure civile ;
ALORS QU'ENFIN, il résultait du rapport d'expertise judiciaire que Monsieur A... avait limité le montant des travaux effectués par le maître d'ouvrage pour la réouverture du centre à la somme de 1.215.206 Frs HT soit 190.973,55 , aux motifs que les travaux effectués n'avaient pas consisté seulement en des réparations du centre préalablement existant mais en une restructuration totale de ce centre ; que la cour d'appel a admis que le maître de l'ouvrage n'était pas fondé à réclamer ce qui apparaissait comme une opération de restructuration de son fonds et non la réparation déjà assurée par l'assureur dommages ouvrage ; qu'en faisant droit cependant à la demande du maître d'ouvrage portant sa demande au titre du montant des travaux de réparation à la somme de 412.906,79 soit 2.708.491 F, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et violé l'article 1792 du Code civil.
LE
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir mis hors de cause M. Y... et son assureur la CIAM, aux motifs que M. Y... doit être mis hors de cause dans la mesure où sa mission contractuelle a donné lieu à des résultats que ses cocontractants, qui ne sont pas les maîtres de l'ouvrage mais des constructeurs dont un n'est d'ailleurs pas au procès, n'ont pas suivis, préférant adopter d'autres solutions finalement préjudiciables ; qu'il sera donc mis hors de cause tout comme son assureur, la CIAM, par confirmation du jugement déféré (arrêt p. 13) ;ALORS QUE les décisions de justice doivent à peine de nullité être motivées ; qu'en prononçant la mise hors de cause de M. Y..., au motif que les constructeurs n'auraient pas suivi ses préconisations, en s'écartant ainsi des conclusions du rapport de Mme Z... selon lesquelles les constructeurs avaient, au moins pour partie, suivi les résultats de la mission de M. Y... en adoptant la puissance du matériel préconisée par celui-ci, sans préciser sur quels éléments de preuve elle se fondait pour se prononcer ainsi, la Cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits au pourvoi provoqué par la SCP Boutet, avocat aux conseils, pour la société Axa France Iard
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR déclaré la société AXA FRANCE IARD, en sa double qualité d'assureur dommages-ouvrage et d'assureur responsabilité décennale de la société LARGIER, tenue, in solidum avec d'autres, d'indemniser la SCI DU CAP CHABIAN du préjudice subi par elle du fait des désordres constatés par les experts judiciaires nommés en première instance sur l'ensemble immobilier et de l'avoir condamnée en conséquence à lui payer la somme de 709.939,97 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 1 er août 1998
AUX MOTIFS QU'il ressort des trois rapports successifs d'expertise de Monsieur A... (qui prend appui sur les travaux de Madame Z... pour la partie génie climatique, sanitaire, production d'eau chaude, fluides, et sur les travaux de Monsieur B... expert comptable pour la partie financière) dont les constatations ne sont pas sérieusement remises en cause par aucune partie (les critiques ne portant que sur les rapports d'imputabilités juridiques ou les évaluations sur lesquelles il sera statué plus loin, même si à tort, la SCI DU CAP CHABIAN conteste la méthode trop expérimentale et pas assez théorique de Madame Z...), que la réalisation du programme de la SCI DU CAP CHABIAN a été incontestablement entachée de désordres du fait de malfaçons et/ou erreurs de conception parfaitement décrits et dont les premiers juges ont exactement retenu le caractère décennal soit en ce que pour certains (repris d'une liste établie par les experts et non critiquée) ils compromettent la solidité de l'ouvrage soit en ce que pour les autres, bien qu'affectant des éléments d'équipement pour certains détachables, ils rendent dans leur ensemble ledit ouvrage impropre à sa destination particulière «qui est le logement et le traitement dans les plus grandes conditions de sécurité et d'efficacité médicale » d'une centaine de curistes par jour ; que les premiers juges ont donc pu en déduire la responsabilité totale et incontestable à l'égard des maîtres de l'ouvrage, sur le fondement des articles 1792 et suivants du Code Civil, des acteurs de la construction que sont Monsieur X... en sa qualité d'architecte concepteur tant de l'hôtel que du centre de balnéothérapie, de la société LARGIER, et même par application de l'article 111-24 du Code de la Construction et de l'Habitation, de la société SOCOTEC, contrôleur technique qui n'a pas rempli sa mission, contrairement à ses allégations (arrêt p. 12 et 13) ;
ALORS QUE le maître d'ouvrage engage sa responsabilité civile s'il a commis une faute ayant contribué à l'apparition ou à l'aggravation des désordres; qu'en retenant la responsabilité de la société LARGIER à l'égard de la SCI DU CAP CHABIAN pour condamner son assureur, la société AXA FRANCE IARD, sans rechercher, si le maître de l'ouvrage, initial, Monsieur C..., n'avait pas commis une faute causale dans la survenance des désordres affectant le local technique, au moins partiellement exonératoire, d'une part, en procédant, après réception, à l'adjonction d'une cloison non figurée sur le plan établi par l'architecte faisant obstacle à la circulation de l'air, d'autre part, en procédant de sa propre initiative, dans ce local aux dimensions arrêtées en accord avec un ingénieur en considération d'un équipement déterminé, à l'ajout d'équipements ECOENERGIE commandés en direct par lui, hors marché, la Cour d'Appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1792 du Code Civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR condamné la société AXA FRANCE IARD, en sa double qualité d'assureur dommages ouvrage et d'assureur responsabilité décennale de la société LARGIER à payer à la SCI DU CAP CHABIAN la somme de 709 939,97 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 1 er août 1998.
AUX MOTIFS QUE pour le surplus et plus particulièrement en ce qui concerne le montant des réparations, il y a lieu d'inclure dans la réparation de la SCI DU CAP CHABIAN son préjudice financier autant que son préjudice matériel en relevant les évaluations expertales selon les distinctions faites dans le dispositif ci-après et dont aucune des parties en cause d'appel ne démontrent la fausseté, la SCI DU CAP CHABIAN justifiant exactement sa demande par une démonstration que la cour fait sienne sauf à y inclure tout de même (pour les soustraire) les avatars « de procédure » tels que le préfinancement D-O et la provision déjà versée, la Cour ne perdant pas de vue non plus que le jugement déféré est pour grande partie exécutoire par provision ;
ALORS D'UNE PART QUE c'est à celui qui sollicite la réparation d'un préjudice qu'il incombe de rapporter la preuve de son existence et de son étendue; qu'en retenant qu'aucune des parties ne démontrait la fausseté des préjudices allégués par la SCI DU CAP CHABIAN laquelle supportait en réalité le fardeau de la démonstration de leur exactitude, la Cour d'Appel a inversé la charge de la preuve et violé les articles 1315 et 1792 du Code Civil ;
ALORS D'AUTRE PART QUE toute décision de justice doit être motivée à peine de nullité ; qu'en déclarant faire sienne la démonstration de la SCI DU CAP CHABIAN sur le montant de son préjudice, sauf à y inclure pour les soustraire, certaines sommes, sans préciser la teneur de cette démonstration, disséminée au fil des nombreuses pages des conclusions de cette dernière, la Cour d'Appel a méconnu les exigences des articles 455 et 458 du Code de Procédure Civile ;
ALORS ENFIN QUE dans son rapport d'expertise judiciaire Monsieur A... avait limité le montant des travaux effectués par le maître d'ouvrage pour la réouverture du centre à la somme de 1.215.206 Frs HT soit 190.973,55 , aux motifs que les travaux effectués n'avaient pas consisté seulement en des réparations du centre préalablement existant mais en une restructuration totale de ce centre ; que tout en admettant que la SCI DU CAP CHABIAN, maître de l'ouvrage, n'était pas fondée à réclamer ce qui apparaissait comme une opération de restructuration de son fonds et non la réparation déjà assurée par l'assureur dommages-ouvrage, la Cour d'Appel qui a cependant fait droit à sa demande au titre du montant des travaux de réparation à la somme de 412.906,79 , la Cour d'Appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et observations en violation de l'article 1792 du Code Civil.
Le greffier de chambre