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16/09/2009 | FRANCE | N°08-40575

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 16 septembre 2009, 08-40575


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu l'article L. 1234 9 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé à compter du 4 septembre 2003 en qualité de directeur de l'agence de Cologne de la société Mory Assistrans ; qu'informé le 19 janvier 2004 de la fermeture prochaine de cette agence, il a été avisé le 20 février 2004 de sa mutation à compter du 15 mars, en application de la clause de mobilité figurant dans son contrat de travail, à l'agence de Mitry Mory en qualité de directeur

chargé du développement international ; qu'ayant refusé cette mutation, M. X....

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu l'article L. 1234 9 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé à compter du 4 septembre 2003 en qualité de directeur de l'agence de Cologne de la société Mory Assistrans ; qu'informé le 19 janvier 2004 de la fermeture prochaine de cette agence, il a été avisé le 20 février 2004 de sa mutation à compter du 15 mars, en application de la clause de mobilité figurant dans son contrat de travail, à l'agence de Mitry Mory en qualité de directeur chargé du développement international ; qu'ayant refusé cette mutation, M. X... a été licencié pour faute grave le 31 mars 2004 ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale pour contester le bien fondé de ce licenciement et en réclamer indemnisation ;
Attendu que pour débouter M. X... de ses demandes, l'arrêt retient que la mutation qui lui a été imposée en application de la clause de mobilité est la conséquence directe de la fermeture de l'agence de Cologne, dont il était le directeur, en raison de pertes récurrentes de 20 000 à 30 000 euros par mois ; que dans son courriel du 29 janvier 2004, le salarié n'a pas contesté le bien fondé de la décision de la direction et a indiqué la respecter ; que le poste qui lui a été proposé à la suite de sa demande d'un poste d'encadrement est identique à celui de directeur d'agence et qu'ainsi le bouleversement des fonctions n'est pas établi ; qu'il s'ensuit que son refus de rejoindre son nouveau poste est constitutif d'une faute grave ;
Attendu cependant que le refus par le salarié, dont le contrat de travail contient une clause de mobilité, de la modification de son lieu de travail constitue en principe un manquement à ses obligations contractuelles mais ne caractérise pas à lui seul une faute grave ;
Qu'en statuant comme elle a fait sans caractériser la faute grave du salarié, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et attendu que la Cour de cassation est en mesure en cassant sans renvoi de mettre fin au litige par application de la règle de droit appropriée ;
Vu l'article 627 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a jugé que le licenciement était fondé sur une faute grave, l'arrêt rendu le 29 novembre 2007, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Dit que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse ;
Condamne la société Mory Assistrans à payer à M. X... la somme de 11 505 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 1 150 euros au titre des congés payés afférents ;
Condamne la société Mory Assistrans aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Mory Assistrans à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du seize septembre deux mille neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat aux Conseils, pour M. X...

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur X... (salarié) de sa demande tendant à ce que la Société MORY ASSISTRANS (employeur) soit condamnée à lui verser les sommes de 11.505 à titre d'indemnité de préavis, 1.150 à titre de congés payés afférents, et 38.350 à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE Monsieur X... a été engagé par la Société MORY ASSISTRANS en qualité de directeur d'agence le 4 septembre 2003 ; que le 20 février 2004, il a été informé de sa mutation à l'agence de MITRY-MORY à la suite de la fermeture de l'agence de COLOGNE où il avait été affecté ; qu'ayant refusé cette mutation, il a été licencié pour faute grave le 31 mars 2004 ; que le premier grief tiré de l'utilisation abusive du téléphone portable n'est pas suffisamment sérieux pour justifier le licenciement ; que le deuxième grief tiré de dégradations commises sur le véhicule de fonction n'est pas établi ; que le grief tiré du refus du salarié de rejoindre son nouveau poste est constitutif d'une faute grave rendant impossible son maintien dans l'entreprise pendant la durée du préavis ; que la mutation imposée à Monsieur X... est la conséquence directe de la fermeture de l'agence de COLOGNE dont il était le directeur en raison de pertes récurrentes de 20.000 à 30.000 par mois ; que, dans son courriel du 29 janvier 2004, le salarié ne conteste pas le bien-fondé de la décision de mutation et indique au contraire «respecter la décision de la direction du groupe MORY de procéder à la fermeture de l'agence MORY ASSISTRANS et de l'entreprise ASSISTRANS DEUTSCHLAND GMBH à COLOGNE», ceci alors qu'en sa qualité de directeur de l'agence, il était le mieux placé pour s'étonner de cette décision, à la supposer abusive ; que le salarié produit aux débats le témoignage de E. CHARENTIER qui explique que les déficits d'ASSISTRANS Allemagne étaient critiques au moment de l'embauche de Monsieur X... en septembre 2003 et que sa situation économique a continué de se dégrader ; que ces pertes avérées, tout en légitimant la décision de l'employeur de fermer son agence de COLOGNE, ne sont pas significatives, toutefois, d'une mise en péril du groupe ni de l'un de ses secteurs d'activité justifiant la mise en oeuvre d'une procédure de licenciement économique ; que la preuve n'est pas rapportée que la décision de l'employeur a été prise pour des raisons étrangères à l'intérêt de l'entreprise ; que Monsieur X... qui avait été embauché en qualité de directeur de l'agence de COLOGNE, s'est vu proposer le poste de directeur chargé du développement international sans modification de rémunération et de classification ; que son emploi initial prévoyait l'animation des services d'exploitation, le contrôle des trafics et de leur rentabilité, ainsi que le développement du portefeuille client, avec le suivi du fonds de commerce, de la rentabilité du centre de profit et du fonctionnement correct de l'agence ; que le salarié ne conteste pas que le poste de directeur chargé du développement international qui lui a été proposé le 20 février 2004 suite à sa demande d'un poste d'encadrement le 29 janvier 2004, correspond à celui de directeur d'un centre de profit, identique à celui de directeur d'agence ; qu'il n'a pas réclamé à son employeur un descriptif précis de ce poste avant de le refuser quatre jours seulement avant la date prévue pour sa mutation, étant observé que sa demande de description de poste formulée le 29 janvier 2004 portait sur le poste de responsable grands comptes proposé dans le cadre de précédents échanges, et non pas celui de directeur chargé du développement international ; que le bouleversement des fonctions de Monsieur X... n'est pas établi hormis le lieu d'exécution du contrat que l'employeur était en droit d'imposer en vertu de la clause de mobilité ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE la clause de mobilité contenue dans le contrat de travail (article 13) et acceptée de volonté claire et non équivoque par Monsieur X... est ainsi rédigée : «Compte tenu de la nature de ses fonctions, M X... acceptera tout changement de lieu de travail nécessité par l'intérêt du fonctionnement du Groupe au sein des différents établissements, des différentes sociétés, actuels et/ou futurs. M. X... sera informé par écrit de ce changement de lieu de travail. Les frais de déménagement seront pris en charge par la société. Le salarié déclare expressément reconnaître que les dispositions du présent article ont un caractère déterminant pour les sociétés du Groupe et que le changement du lieu de travail ne constituerait pas une modification de son contrat de travail. Par conséquent, le refus d'accepter une mutation dans un établissement quelconque serait susceptible de constituer une faute grave pouvant entraîner l'application de sanctions disciplinaires pouvant aller jusqu'au licenciement» ; que cette clause est opposable à Monsieur X... ; que sa mise en oeuvre n'entraînait aucune modification de son contrat de travail ; que le refus du salarié ne constituerait pas à lui seul une faute grave mais du fait de son acceptation de sa mutation à MITRY-MORY dans un premier courrier du 29 janvier 2004 en ces termes : « Le poste m'étant proposé de «responsable grands comptes» pour les trafics «Allemagne-France» à MITRYMORY peut correspondre à une perspective de collaboration que j'accepte » et de son refus ultérieur et quatre jours seulement avant sa nouvelle affectation alors que, dès le 20 février, la société lui avait précisé que son contrat de travail restait inchangé, le Conseil considère que cette attitude caractérise une violation de l'article 13 de son contrat de travail entraînant la constitution d'une faute grave prévue dans cet article ; que la faute grave est caractérisée de ce seul chef ;

ALORS, D'UNE PART, QUE le juge est tenu d'appliquer au litige la règle de droit appropriée, peu important que les parties n'en ait pas sollicité expressément l'application ; qu'est entachée de nullité la clause de mobilité qui ne définit pas de manière précise sa zone géographique d'application et confère au surplus à l'employeur le pouvoir d'en étendre unilatéralement la portée ; que tel est le cas en l'espèce de la clause de mobilité expressément rappelée par le jugement entrepris, dont les motifs ont été adoptés par la Cour d'appel, aux termes de laquelle : « Compte tenu de la nature de ses fonctions, M X... acceptera tout changement de lieu de travail nécessité par l'intérêt du fonctionnement du Groupe au sein des différents établissements, des différentes sociétés, actuels et/ou futurs » ; que la Cour d'appel aurait dû en déduire que le refus de Monsieur X... d'accepter une mutation géographique dans le cadre d'une telle clause ne revêtait aucun caractère fautif, peu important que le salarié n'ait pas invoqué expressément dans ses conclusions d'appel la nullité de la clause de mobilité ; qu'en retenant l'existence d'une faute grave à l'encontre du salarié, la Cour d'appel a violé, par refus d'application, les articles L. 1234-1 (anciennement L. 122-6), L. 1234-5 (anciennement L. 122-8), L. 1234-9 (anciennement L. 122-9), L. 1235-2 et L. 1235-3 (anciennement L. 122-14-4) du Code du travail, 1134 du Code civil, ensemble l'article 12 alinéa 1 du Code de procédure civile ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE selon les dispositions de l'article L. 1222-6 (anciennement L. 321-1-2) du Code du travail, lorsque l'employeur, pour l'un des motifs énoncés à l'article L 321-1, envisage une modification substantielle des conditions de travail, il en informe chaque salarié par lettre recommandée avec accusé de réception ; qu'il en résulte que, lorsque l'employeur propose à l'acceptation du salarié une mutation géographique, il reconnaît que cette mutation constitue une modification du contrat de travail que le salarié est en droit de refuser ; que la Cour d'appel, ayant relevé, par motifs adoptés, que par courrier du 29 janvier 2004, le salarié avait écrit à l'employeur : « Le poste m'étant proposé de « responsable grands comptes » pour les trafics «Allemagne-France» à MITRY-MORY peut correspondre à une perspective de collaboration que j'accepte », devait en déduire que l'employeur avait reconnu que cette proposition avait pour objet une modification du contrat de travail et qu'il en était dès lors nécessairement de même de la décision définitive de mutation qui avait le même objet et la même cause (fermeture de l'agence de COLOGNE où était affecté le salarié) même si les postes proposés étaient différents ; qu'en considérant que la mutation constituait un changement des conditions de travail que l'employeur avait décidé dans l'exercice de son pouvoir de direction, la Cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses constatations de fait, a à l'évidence violé, par fausse application, les articles L. 1232-1 (anciennement L.122-14-3) et L. 1235-2 et L. 1235-3 (anciennement L. 122-14-4) du Code du travail, ensemble l'article 1134 du Code civil ;
ALORS, AU DEMEURANT, QUE seul constitue une faute grave fait ou un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis ; que le refus par le salarié, dont le contrat de travail contient une clause de mobilité, de la modification de son lieu de travail, constitue un manquement à ses obligations contractuelles mais ne caractérise pas à lui seul une faute grave ; qu'en relevant à titre de faute grave, en premier lieu, le refus par le salarié de sa mutation en France et, en second, lieu le fait d'avoir manifesté son refus quatre jours avant la date de la mutation alors qu'il avait accepté la première proposition d'un autre poste en France après avoir demandé la fiche descriptive de poste, ce qu'il n'avait pas fait lors de la mutation définitive pour le nouveau poste, la Cour d'appel, qui n'a pas caractérisé en quoi ces circonstances révélaient un fait ou un ensemble de faits constituant une violation des obligations du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis, n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 1234-1 (anciennement L.122-6), L. 1234-5 (anciennement L. 122-8) et L. 1234-9 (anciennement L. 122-9) du Code du travail ;
ET ALORS ENFIN QUE la détermination de la faute grave relève de l'appréciation des juges, tenus d'appliquer une législation d'ordre public, à laquelle l'employeur ne peut se soustraire en définissant par anticipation les cas de faute grave dans le contrat de travail, ce qui aboutit à restreindre contractuellement les droits du salarié ; qu'en retenant, par motifs éventuellement adoptés, la faute grave à l'encontre de l'exposant sur le fondement la clause de son contrat de travail qui prévoit le licenciement pour faute grave en cas de refus par le salarié d'une décision de mutation géographique, la Cour d'appel a violé, par fausse application, l'article 1134 du Code civil, et par refus d'application, L.1234-1 (anciennement L. 122-6), L. 1234-5 (anciennement L. 122-8) et L. 1234-9 (anciennement L. 122-9) du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 08-40575
Date de la décision : 16/09/2009
Sens de l'arrêt : Cassation partielle sans renvoi
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Orléans, 29 novembre 2007


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 16 sep. 2009, pourvoi n°08-40575


Composition du Tribunal
Président : Mme Mazars (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Ricard, SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2009:08.40575
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