LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 18 avril 2007), que Mme X... a été engagée par l'association Trait d'union (ATU) par contrats à durée déterminée successifs, à compter du 2 janvier 2002 jusqu'au 30 septembre 2004 ; qu'elle a, par courrier du 4 octobre 2004, réclamé le paiement de ses primes d'usages et la délivrance des documents de rupture ; qu'à la suite d'une lettre de mise en demeure de réintégrer son poste en date du 7 octobre 2004, Mme X... a été licenciée pour faute le 28 octobre 2004 ; qu''elle a saisi la juridiction prud'homale de demandes de requalification de ses contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et en paiement de diverses sommes ;
Sur le premier moyen :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de l'avoir condamné à payer à la salariée des sommes au titre de l'indemnité de précarité, de l'indemnité de requalification et de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse alors, selon le moyen, que les secteurs d'activité définis par l'article D 121 2 du code du travail tels qu'il résultent des décrets pris pour l'application de l'article L. 122 1 1 3° du même code, et dans lesquels des contrats de travail à durée déterminée peuvent être conclus pour des emplois pour lesquels il est d'usage constant de ne pas recourir au contrat à durée déterminée en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois, sont les secteurs correspondant à l'activité principale de l'entreprise et pour déterminer les secteurs d'activité concernés, les juges doivent donc se référer non à l'activité du salarié mais à celle de l'entreprise qui l'emploie ; qu'ainsi en s'attachant, pour considérer que l'ATU qui exerce son activité principale dans le secteur de la formation des personnes en recherches d'emploi visé par l'article D 121 2 du code du travail, à l'activité de Mme X... qui ne serait pas de formation, la cour d'appel a violé le texte précité ;
Mais attendu que s'il résulte de la combinaison des articles L. 1242 1, L. 1242 2, L. 1244 1 et D. 1242 1 du code du travail, que dans les secteurs d'activité définis par décret ou par voie de convention ou d'accord collectif étendu, certains des emplois en relevant peuvent être pourvus par des contrats à durée déterminée lorsqu'il est d' usage constant de ne pas recourir à un contrat à durée indéterminée en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois, et que des contrats à durée déterminée successifs peuvent, en ce cas, être conclus avec le même salarié, l'accord-cadre sur le travail à durée déterminée conclu le 18 mars 1999, mis en oeuvre par la Directive 1999/70/CE du 28 juin 1999, en ses clauses 1 et 5, qui a pour objet de prévenir les abus résultant de l'utilisation de contrats à durée déterminée successifs, impose de vérifier que le recours à l'utilisation de contrats à durée déterminée successifs est justifié par des raisons objectives qui s'entendent de l'existence d'éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l'emploi ;
Et attendu que la cour d'appel a constaté que Mme X... avait été employée pour exercer une mission d'accompagnement des personnes en difficulté dans leur recherche de logement , qui ne relève pas d'une activité de formation mais du secteur social, ce dont elle a exactement déduit que le recours aux contrats à durée déterminée n'est pas d'un usage constant pour l'emploi concerné ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de l'avoir condamné à payer à la salariée des sommes au titre de l'indemnité de précarité, de l'indemnité de requalification et de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse alors selon le moyen, qu'il résulte de l'article L. 122 3 10 du code du travail que si à l'issue du contrat de travail à durée déterminée la relation de travail se poursuit, le contrat devient à durée indéterminée et le salarié conserve de droit l'ancienneté acquise ; qu'ainsi en refusant d'admettre qu'au terme du dernier contrat de travail à durée déterminée de Mme X..., un contrat à durée indéterminée s'était formé par la poursuite des relations de travail et notamment la mise en demeure de reprendre le travail adressée à la salariée, au motif que l'employeur n'établit pas avoir proposé un contrat à durée indéterminée avec de nouvelles conditions de travail et le maintien de l'ancienneté, la cour d'appel a violé le texte précité par refus d'application ;
Mais attendu qu'ayant constaté l'absence de poursuite de la relation de travail à l'issue du dernier contrat de travail à durée déterminée, la cour d'appel, qui a fait droit à la demande de requalification des contrats à durée déterminée conclus, a exactement alloué une indemnité de requalification ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de l'avoir condamné au paiement d'une indemnité de précarité alors, selon le moyen, que l'indemnité de précarité qui compense, pour le salarié, la situation dans laquelle il est placé du fait de son contrat à durée déterminée, n'est pas due en cas de requalification des contrats à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée ; qu'ainsi en allouant à Mme X... une telle indemnité, après avoir jugé que le contrat à durée déterminée dont elle avait bénéficié devait être requalifié depuis l'origine en contrat à durée indéterminée, la cour d'appel a violé par fausse application l'article L. 122 3-4 du code du travail ;
Mais attendu que l'indemnité de précarité prévue par l'article L. 1243 8 du code du travail est due lorsqu'aucun contrat à durée indéterminée pour occuper le même emploi ou un emploi similaire n'a été proposé au salarié à l'issue du contrat à durée déterminée ;
Et attendu que la cour d'appel qui, appréciant souverainement les éléments qui lui étaient soumis, a retenu que l'employeur n'avait proposé à la salariée aucun contrat de travail à l'issue des contrats à durée déterminée conclus, a exactement alloué à cette dernière une indemnité de précarité ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne l'association Trait d'union aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne l'association Trait d'union à payer à Mme X... la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par M. Ludet, conseiller le plus ancien en ayant délibéré, conformément aux articles 452 et 456 du code de procédure civile, en son audience publique du seize septembre deux mille neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Bachellier et Potier de La Varde, avocat aux Conseils pour l'association Trait d'union
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir condamné l'association ATU à payer à Mme X... les sommes suivantes : 5 045 euros au titre de l'indemnité de précarité, 1 525 euros au titre de l'indemnité de requalification et 9 150 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
AUX MOTIFS QU'en vertu de l'article L 122-3-13 du code du travail, tout contrat conclu en méconnaissance des dispositions notamment de l'article L 122-1-2-3° est réputé à durée indéterminée ; qu'il convient de rechercher si pour l'emploi concerné, et sauf si une convention collective prévoit précisément le recours au contrat à durée indéterminée, s'il est effectivement d'usage constant de ne pas recourir à un contrat à durée indéterminée au niveau du secteur d'activité défini par l'article D 121-2 du code du travail ou par la convention collective applicable ; qu'il incombe à l'employeur de rapporter la preuve de l'usage constant de recourir à un contrat à durée déterminée pour cet emploi ; qu'en l'espèce, le contrat de travail et le bulletin de salaire de la salariée indique comme qualification « formatrice » or il ressort des faits qu'elles exerçait en réalité une mission d'accompagnement des personnes en difficultés dans leur recherche de logement, ce qui ne relève pas d'une activité de formation mais du secteur social ; que les contrats à durée déterminée de Mme X... ne pouvaient être conclus en vertu d'un usage tel qu'il a été développé ci-dessus, qu'ainsi ils sont réputés à durée indéterminée sur le fondement de cette irrégularité ;
ALORS QUE les secteurs d'activité définis par l'article D 121-2 du code du travail tels qu'il résultent des décrets pris pour l'application de l'article L 122-1-1-3° du même code, et dans lesquels des contrats de travail à durée déterminée peuvent être conclus pour des emplois pour lesquels il est d'usage constant de ne pas recourir au contrat à durée déterminée en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois, sont les secteurs correspondant à l'activité principale de l'entreprise et pour déterminer les secteurs d'activité concernés, les juges doivent donc se référer non à l'activité du salarié mais à celle de l'entreprise qui l'emploie ; qu'ainsi en s'attachant, pour considérer que l'ATU qui exerce son activité principale dans le secteur de la formation des personnes en recherches d'emploi visé par l'article D 121-2 du code du travail, à l'activité de Mme X... qui ne serait pas de formation, la cour d'appel a violé le texte précité.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir condamné l'association ATU à payer à Mme X... les sommes suivantes : 5 045 euros au titre de l'indemnité de précarité, 1 525 euros au titre de l'indemnité de requalification et 9 150 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
AUX MOTIFS QUE l'employeur ne peut échapper au paiement de l'indemnité de requalification en prétendant que la relation s'est poursuivie au-delà du terme du contrat à durée déterminée, ce dernier ne rapportant pas la preuve qu'il a proposé un contrat à durée indéterminée à Mme X..., les attestations fournies émanant toutes de salariées sous la subordination de ce dernier devant être écartées et il ne fournit aucun document écrit attestant des nouvelles conditions de travail de la salariée, notamment la prétendue reprise de son ancienneté, ni que celle-ci l'aurait refusé, le simple fait de s'inscrire sur un planning est insuffisant ; que le licenciement de la salariée est intervenu alors que son contrat à durée déterminée était arrivé à terme, l'employeur ne peut alors reprocher à la salariée de ne pas avoir réintégré son poste suite à sa mise en demeure ;
ALORS QU'il résulte de l'article L 122-3-10 du code du travail que si à l'issue du contrat de travail à durée déterminée la relation de travail se poursuit, le contrat devient à durée indéterminée et le salarié conserve de droit l'ancienneté acquise ; qu'ainsi en refusant d'admettre qu'au terme du dernier contrat de travail à durée déterminée de Mme X..., un contrat à durée indéterminée s'était formé par la poursuite des relations de travail et notamment la mise en demeure de reprendre le travail adressée à la salariée, au motif que l'employeur n'établit pas avoir proposé un contrat à durée indéterminée avec de nouvelles conditions de travail et le maintien de l'ancienneté, la cour d'appel a violé le texte précité par refus d'application.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir condamné l'ATU au paiement d'une indemnité de précarité de 5 045 euros ;
AUX MOTIFS QU'en vertu de l'alinéa 4 de l'article L 122-3-4 du code du travail, le salarié ne peut prétendre à l'indemnité de précarité quand il est d'usage constant de ne pas recourir à un contrat à durée déterminée ou encore quand le salarié a refusé d'accepter la conclusion d'un contrat à durée indéterminée pour occuper le même emploi ou un emploi similaire, assorti d'une rémunération identique ; qu'en l'espèce, Mme X... n'a pas refusé de contrat à durée indéterminée, ses contrats à durée déterminée ne sont pas des contrats d'usage et ce vice originel n'est pas couvert par sa transformation automatique ultérieure en contrat à durée indéterminée par l'effet de l'article L 122-3-13 du code du travail ; qu'il convient par conséquent de lui accorder une indemnité de précarité pour chacun des quatre contrats, pour un montant correspondant à 10 % du cumul brut pour les années 2002, 2003 et 2004, soit 5 045 euros ;
ALORS QUE l'indemnité de précarité qui compense, pour le salarié, la situation dans laquelle il est placé du fait de son contrat à durée déterminée, n'est pas due en cas de requalification des contrats à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée ; qu'ainsi en allouant à Mme X... une telle indemnité, après avoir jugé que le contrat à durée déterminée dont elle avait bénéficié devait être requalifié depuis l'origine en contrat à durée indéterminée, la cour d'appel a violé par fausse application l'article L 122-3-4 du code du travail.