LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu que Mme X..., divorcée de M. Joël Y... par jugement du 16 novembre 1990, a assigné, en son nom et en qualité d'administratrice légale de son fils Thomas, né le 10 décembre 1989, son beau frère, M. Yves Y..., en paiement de subsides sur le fondement de l'article 342 du code civil ; qu'une expertise génétique à laquelle M. Yves Y... a refusé de se soumettre, a été ordonnée par jugement avant dire droit du 22 novembre 2004 ; que, par jugement au fond du 18 septembre 2006, le tribunal a rejeté l'action à fins de subsides de Mme X... ; que l'arrêt attaqué (Caen, 6 décembre 2007) a confirmé le jugement avant dire droit du 22 novembre 2004 et infirmé celui du 18 septembre 2006 et dit que M. Yves Y... devait payer une certaine somme mensuelle à titre de subsides ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. Yves Y... fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement avant dire droit en ce qu'il a ordonné une analyse comparative des groupes sanguins et tissulaires par la méthode de la recherche d'ADN sur sa personne, ainsi que sur Mme X... et son fils Thomas, alors, selon le moyen :
1°/ que l'expertise biologique n'est de droit en matière d'action à fins de subsides que lorsqu'il n'existe pas de motif légitime de ne pas y procéder ; que constitue un tel motif légitime l'identité, même partielle, de patrimoine génétique entre celui auquel les subsides sont réclamés et son frère, mari de la mère de l'enfant à l'époque de la conception, qui fait perdre à l'expertise biologique toute valeur probante en termes de vraisemblance de paternité ; qu'en l'espèce, la cour d'appel qui a jugé le contraire a violé l'article 342 du code civil ;
2°/ que le juge peut inviter les parties à mettre en cause tous les intéressés dont la présence lui paraît nécessaire à la solution du litige ; qu'en l'espèce, où elle a constaté que l'identité partielle du patrimoine génétique entre M. Yves Y... et son frère, mari de la mère de l'enfant, pouvait priver l'expertise biologique de tout caractère probant en termes de vraisemblance de paternité, la cour d'appel, qui a reproché à M. Y... de n'avoir pas appelé son frère en la cause, cependant qu'elle avait le pouvoir de l'inviter à ce faire, a violé l'article 332 du code de procédure civile, ensemble l'article 342 du code civil ;
Attendu qu'après avoir rappelé qu'en matière d'action à fins de subsides, l'expertise biologique est de droit sauf s'il existe un motif légitime de ne pas y procéder, la cour d'appel, qui n'était pas tenue d'user de la faculté que lui donne l'article 332, alinéa 1, du code de procédure civile, a pu considérer qu'une identité partielle de patrimoine génétique entre deux frères biologiques ne constituait pas, a priori, un motif légitime de ne pas procéder à cette simple mesure d'instruction ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Sur le second moyen, tel qu'il figure au mémoire en demande et est reproduit en annexe :
Attendu que le moyen n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit juillet deux mille neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. Y....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement du 22 novembre 2004 en ce qu'il a ordonné une expertise médicale et commis pour y procéder le docteur Z... avec pour mission de procéder à l'analyse comparative des groupes sanguins et tissulaires par la méthode de la recherche d'ADN de Brigitte X..., divorcée Y..., de Yves Y... et de Thomas X... ;
Aux motifs qu'il est constant que Mme X... était toujours mariée à l'époque de la conception de Thomas avec Monsieur Joël Y... (le frère de Monsieur Yves Y...) même si celui-ci indique qu'il n'avait plus alors de rapports avec son épouse ; que le fait qu'il existe une identité partielle de patrimoine génétique entre deux frères biologiques et que les résultats obtenus par une recherche d'ADN même la plus précise puissent être insuffisamment probants en termes de vraisemblance de paternité ne constituait pas a priori un motif légitime de ne pas faire procéder à cette simple mesure d'instruction ; que Monsieur Y... pouvait parfaitement contester les résultats de l'expertise a posteriori et/ou appeler en la cause son frère Joël Y... afin que celui-ci y soit également soumis, s'il l'estimait nécessaire ;
ALORS D'UNE PART QUE l'expertise biologique n'est de droit en matière d'action à fins de subsides que lorsqu'il n'existe pas de motif légitime de ne pas y procéder ; que constitue un tel motif légitime l'identité, même partielle, de patrimoine génétique entre celui auquel les subsides sont réclamés et son frère, mari de la mère de l'enfant à l'époque de la conception, qui fait perdre à l'expertise biologique toute valeur probante en termes de vraisemblance de paternité ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel qui a jugé le contraire a violé l'article 342 du Code civil ;
ALORS D'AUTRE PART QUE le juge peut inviter les parties à mettre en cause tous les intéressés dont la présence lui paraît nécessaire à la solution du litige ; qu'en l'espèce, où elle a constaté que l'identité partielle du patrimoine génétique entre M. Yves Y... et son frère, mari de la mère de l'enfant, pouvait priver l'expertise biologique de tout caractère probant en termes de vraisemblance de paternité, la Cour d'appel, qui a reproché à M. Y... de n'avoir pas appelé son frère en la cause, cependant qu'elle avait le pouvoir de l'inviter à ce faire, a violé l'article 332 du Code de procédure civile, ensemble l'article 342 du Code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que M. Y... doit payer à Mme X... agissant en qualité de représentante légale de son fils Thomas la somme de 150 par mois à titre de subsides à compter du 11 avril 2003 ;
Aux motifs que le fait qu'hormis les propres allégations de Mme X..., l'existence d'une relation sexuelle entre celle-ci et Monsieur Yves Y... pendant la période de conception de Thomas ne soit étayée par aucun document, photographie ou témoignage ne saurait justifier le refus de la mise en oeuvre d'une expertise biologique ; que s'agissant d'une relation sexuelle unique dans un lieu privé, Mme X... ne dispose pas d'éléments suffisants pour la prouver en dehors d'une expertise biologique ;
Qu''il est constant que Monsieur Yves Y... a refusé de se soumettre à l'expertise génétique alors que les parties doivent apporter leurs concours aux mesures d'instruction ordonnées par le juge ; qu'il convient de tirer toutes les conséquences de ce refus par application de l'article 11 du Code de procédure civile, sauf à vider de son sens le principe selon lequel l'expertise biologique est de droit en la matière ; que cette conséquence ne peut être que la démonstration suffisante de l'existence de relations intimes entre l'intéressé et la mère pendant la période de conception de l'enfant ; qu'il serait, en effet, paradoxal d'ordonner dans les conditions indiquées plus haut une telle mesure d'instruction dont l'enjeu est capital puis de considérer que la carence de celui à qui les subsides sont réclamés suffit à le mettre hors de cause ; que l'attitude de Monsieur Yves Y... ne peut d'ailleurs se comprendre s'il n'avait rien à redouter à cet égard de la mesure expertale ; que c'est pourquoi le jugement du 18 septembre 2006 qui n'a pas tiré les conséquences qui s'imposaient du refus de Monsieur Y... sera réformé et l'action à fins de subsides exercée par Mme X... accueillie ;
ALORS D'UNE PART QUE les juges du fond disposent du pouvoir d'apprécier les conséquences qui s'évincent du refus de celui auquel des subsides sont réclamés de se livrer à une expertise biologique ; qu'en l'espèce, où elle a énoncé que la conséquence de ce refus ne pouvait être que la démonstration suffisante de l'existence de relations intimes entre l'intéressé et la mère pendant la période de conception de l'enfant, « sauf à vider de son sens le principe selon lequel l'expertise biologique est de droit en la matière », cependant qu'il lui appartenait d'apprécier la portée de ce refus au regard de l'ensemble des éléments de l'espèce, la Cour d'appel a méconnu l'étendue de ses pouvoirs et a violé les articles 11 du Code de procédure civile, 342 et 1353 du Code civil ;
ALORS D'AUTRE PART QUE M. Y... faisait valoir dans ses conclusions d'appel (p. 5, avant dernier §) que l'expertise sollicitée par Mme X... l'exposait au risque d'être déclaré le père vraisemblable de l'enfant Thomas, à raison de la similitude de son patrimoine génétique avec celui de son frère Joël, avec lequel Mme X... était mariée et pouvait entretenir des relations sexuelles ; qu'en retenant, pour le condamner à verser des subsides à Mme X..., que le refus de M. Y... de se soumettre à l'expertise biologique ne pouvait se comprendre s'il n'avait rien à redouter à cet égard de la mesure expertale, sans s'expliquer sur ces conclusions, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 11 du Code de procédure civile et 342 du Code civil.