La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/07/2009 | FRANCE | N°08-18586

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 07 juillet 2009, 08-18586


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant, tant sur le pourvoi principal formé par la société Fermob, que sur le pourvoi incident éventuel relevé par la société Pier import ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 29 mai 2008), que la SARL Fermob a agi à l'encontre de la société Pier Import Europe (la société Pier Import) en contrefaçon d'un brevet français n° 95.04292 dont elle était titulaire, couvrant un siège pliant de jardin ; que, constatant que la SARL Fermob avait fait l'objet d'une fusion-absorption avant le jugem

ent accueillant sa demande, la cour d'appel a annulé ce jugement, puis, sur l'i...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant, tant sur le pourvoi principal formé par la société Fermob, que sur le pourvoi incident éventuel relevé par la société Pier import ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 29 mai 2008), que la SARL Fermob a agi à l'encontre de la société Pier Import Europe (la société Pier Import) en contrefaçon d'un brevet français n° 95.04292 dont elle était titulaire, couvrant un siège pliant de jardin ; que, constatant que la SARL Fermob avait fait l'objet d'une fusion-absorption avant le jugement accueillant sa demande, la cour d'appel a annulé ce jugement, puis, sur l'intervention aux débats de la SA Fermob, société absorbante, a déclaré l'action en contrefaçon recevable, mais annulé l'entier brevet ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal :

Attendu que la SA Fermob fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré nul pour insuffisance de description le brevet français n° 95 04 292, alors, selon le moyen :

1°/ que le brevet de la société Fermob décrit "deux longerons métalliques (…) engagés dans les ourlets latéraux d'une nappe de garnissage" et revendique"deux longerons latéraux (…) engagés dans les ourlets latéraux d'une nappe de garnissage" ; qu'en énonçant que la nappe de garnissage était glissée par ses ourlets dans les longerons métalliques et en relevant l'impossibilité de retirer la nappe de garnissage des longerons, pour conclure à l'insuffisance de description de l'invention, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis du brevet en violation de l'article 1134 du code civil ;

2°/ que le brevet n'est déclaré nul que s'il n'expose pas l'invention de façon suffisamment claire et complète pour qu'un homme du métier puisse l'exécuter ; que l'exhaustivité du brevet quant aux opérations permettant d'exécuter l'invention n'est pas une condition de sa validité ; qu'en déclarant nul le brevet de la société Fermob pour la raison que les opérations permettant d'effectuer le remplacement des garnissages n'étaient pas décrites en totalité dans le brevet et que la société Fermob avait dû les préciser dans ses conclusions, la cour d'appel a violé l'article L. 613-25 b) du code de la propriété intellectuelle ;

3°/ que le brevet de la société Fermob ayant pour objet un produit un siège de jardin présentant les caractéristiques revendiquées la cour d'appel ne pouvait énoncer, pour déclarer nul le brevet, que le procédé permettant d'effectuer le retrait des garnissages en vue de leur remplacement n'était pas décrit sans statuer par un motif inopérant, privant ainsi sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 613-25 b) du code de la propriété intellectuelle ;

4°/ qu'est suffisamment décrite l'invention que l'homme du métier peut exécuter à l'aide de ses seules connaissances professionnelles par le jeu de simples opérations d'exécution ; qu'il résulte des énonciations de l'arrêt que, sur les trois opérations permettant d'effectuer le remplacement des garnissages, l'une (le retrait des deux traverses ayant pour effet de supprimer la tension de la nappe de garnissage) était décrite dans le brevet et que les deux autres consistaient simplement d'une part à dévisser les deux consoles afin de les désolidariser des longerons et d'autre part à faire coulisser les longerons pour les extraire des ourlets latéraux de la nappe ; qu'en se bornant à affirmer qu'il était "évident" que l'homme du métier ne pouvait réaliser l'invention avec les seules indications du brevet et ses propres connaissances techniques et professionnelles sans s'expliquer sur le fait qu'il était à la portée de l'homme du métier et même de tout utilisateur moyen d'effectuer les deux simples opérations de dévissage des consoles et d'extraction des longerons en les faisant coulisser hors des ourlets de la nappe, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 613-25 b) du code de la propriété intellectuelle ;

Mais attendu, en premier lieu, que la cour d'appel, constatant que le retrait de la nappe de garnissage est impossible par les côtés, en raison des ourlets, ce dont il résulte nécessairement que ces ourlets enveloppent les longerons, le moyen s'attaque à une erreur de plume ;

Attendu, en deuxième lieu, qu'ayant relevé que le brevet se proposait de remédier aux inconvénients de l'art antérieur en fournissant un siège réduisant les usures par frottement de ses composants et dont les éléments de garnissage, de l'assise et du dossier, peuvent être aisément remplacés, la cour d'appel qui a procédé à une recherche opérante à propos de la description de ce dernier avantage, n'a pas exigé que le brevet soit exhaustif à ce propos, mais constaté qu'en l'espèce il ne contenait aucune indication quant à la manière de procéder à ce remplacement, et que l'action sur les traverses extensibles, contrairement aux mentions du brevet, n'était pas suffisante pour permettre de retirer les garnissages en vue de cette opération ;

Et attendu, enfin, qu'après avoir expressément rappelé les opérations décrites par les conclusions prétendument délaissées, la cour d'appel a souverainement apprécié la suffisance de la description au regard des indications du brevet et des connaissances techniques de l'homme du métier ;

D'où il suit que le moyen, qui manque en fait en ses première et deuxième branches, ne peut être accueilli pour le surplus ;

Et sur le second moyen du pourvoi principal :

Attendu que la SA Fermob fait encore grief à l'arrêt d'avoir annulé la revendication n° 2 du brevet, alors, selon le moyen, que dans ses conclusions signifiées le 18 février 2008, la société Pier import demandait que soient annulées les evendications 1 et 3 à 6 du brevet de la société Fermob, sans invoquer la nullité de la revendication 2 opposée dont elle ne contestait pas non plus qu'elle ait été contrefaite ; qu'en annulant en toutes ses revendications le brevet de la société Fermob, y compris la revendication 2, et en rejetant par voie de conséquence l'action en contrefaçon de cette revendication, la cour d'appel a méconnu les termes du litige tels qu'ils étaient fixés par les conclusions qui lui étaient soumises, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;

Mais attendu que le prononcé sur des choses non demandées, comme l'omission de statuer, lorsqu'ils ne s'accompagnent pas d'une violation de la loi, ne constituent pas des cas d'ouverture de cassation, mais une irrégularité qui ne peut être réparée que selon la procédure prévue aux articles 463 et 464 du code de procédure civile ; que le moyen est irrecevable ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur le pourvoi incident, qui est éventuel ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Fermob aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à la société Pier import Europe la somme de 2 500 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du sept juillet deux mille neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par Me Bertrand, avocat aux Conseils pour la société Fermob, demanderesse au pourvoi principal

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré nul pour insuffisance de description le brevet français n° 9 5 04 292 publié sous le n° 2 732 565 dont est titulaire la société FERMOB ;

AUX MOTIFS QU'il est précisé que l'invention – qui porte sur un siège pliant de jardin – « a pour but de remédier aux inconvénients de l'art antérieur en fournissant un siège réduisant considérablement les usures par frottement de ses composants et dont les éléments de garnissage, de l'assise et du dossier, peuvent être aisément remplacés » ; que la société appelante soutient que le brevet est totalement muet quant aux moyens qui permettraient à l'homme du métier d'atteindre ce second résultat, à savoir le remplacement aisé des éléments de garnissage ; qu'en effet la seule mention de ce remplacement dans la description du brevet se trouve en page 6 et indique : « en complément des avantages énoncés ci-dessus, il est précisé que la présence de traverses extensibles longitudinalement permet, lorsque c'est nécessaire, de rattraper la tension des nappes d'assise et de dossier et, si besoin est, de remplacer aisément les nappes défaillantes lacérées ou crevées » ; qu'aucune indication n'est fournie quant à la manière de procéder à ce remplacement et ce d'autant plus que l'action sur les traverses extensibles, contrairement aux mentions du brevet, n'est pas suffisante pour permettre de retirer les garnissages en vue de leur remplacement ; qu'en effet, en ce qui concerne l'assise, la nappe de garnissage est glissée par ses ourlets latéraux dans les longerons métalliques sur lesquels sont fixées au moyen de vis des consoles formant palier d'articulation avec les branches courtes du piètement, ces longerons étant entrecroisés par deux traverses de mise en tension de la nappe placées l'une à l'extrémité avant des longerons et l'autre à l'extrémité arrière des mêmes longerons ; qu'il ne suffit pas d'enlever les traverses pour que le garnissage puisse être retiré ; qu'en effet le retrait de la nappe de garnissage de l'assise du siège des longerons est impossible vers l'avant en raison de la présence des consoles vissées et de la traverse, vers l'arrière en raison des douilles et de la traverse ou par les côtés en raison des ourlets ; que le brevet est insuffisamment explicité sur la manière de procéder au remplacement des garnissages ; que la société FERMOB se voit contrainte à préciser dans ses conclusions les opérations nécessaires pour effectuer ce remplacement : « - le retrait de la traverse arrière 21 et le retrait de la traverse avant 31, les retraits de ces deux traverses ayant pour effet de supprimer la tension de la nappe, - il ne reste plus alors pour l'homme du métier qu'à dévisser les deux consoles qui pourront alors être désolidarisées des longerons, - une fois ces simples opérations effectuées, il n'y a plus qu'à faire coulisser les longerons pour les extraire des ourlets latéraux de la nappe de garnissage » ; que comme le soutient la société appelante ce procédé n'est nullement décrit dans le brevet litigieux seules les traverses et leur caractère extensible étant décrites à l'homme du métier comme permettant le remplacement aisé des nappes de garnissage ; qu'il est évident que l'homme du métier ne pouvait réaliser l'invention avec les seules indications du brevet et ses propres connaissances techniques et professionnelles » (arrêt attaqué p. 7) ;

ALORS, d'une part, QUE le brevet de la société FERMOB décrit (p. 1, lignes 31, 32 et 33) « deux longerons métalliques (…) engagés dans les ourlets latéraux d'une nappe de garnissage » et revendique (p. 7, lignes 11, 12 et 13) « deux longerons latéraux (…) engagés dans les ourlets latéraux d'une nappe de garnissage » ; qu'en énonçant que la nappe de garnissage était glissée par ses ourlets dans les longerons métalliques et en relevant l'impossibilité de retirer la nappe de garnissage des longerons, pour conclure à l'insuffisance de description de l'invention, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis du brevet en violation de l'article 1134 du Code civil ;

ALORS, d'autre part, QUE le brevet n'est déclaré nul que s'il n'expose pas l'invention de façon suffisamment claire et complète pour qu'un homme du métier puisse l'exécuter ; que l'exhaustivité du brevet quant aux opérations permettant d'exécuter l'invention n'est pas une condition de sa validité ; qu'en déclarant nul le brevet de la société FERMOB pour la raison que les opérations permettant d'effectuer le remplacement des garnissages n'étaient pas décrites en totalité dans le brevet et que la société FERMOB avait dû les préciser dans ses conclusions, la cour d'appel a violé l'article L.613-25 b) du Code de la Propriété Intellectuelle ;

ALORS, de troisième part, QUE le brevet de la société FERMOB ayant pour objet un produit – un siège de jardin présentant les caractéristiques revendiquées – la cour d'appel ne pouvait énoncer, pour déclarer nul le brevet, que le procédé permettant d'effectuer le retrait des garnissages en vue de leur remplacement n'était pas décrit sans statuer par un motif inopérant, privant ainsi sa décision de toute base légale au regard de l'article L.613-25 b) du Code de la Propriété Intellectuelle ;

ALORS, enfin, QU'est suffisamment décrite l'invention que l'homme du métier peut exécuter à l'aide de ses seules connaissances professionnelles par le jeu de simples opérations d'exécution ; qu'il résulte des énonciations de l'arrêt que, sur les trois opérations permettant d'effectuer le remplacement des garnissages, l'une (le retrait des deux traverses ayant pour effet de supprimer la tension de la nappe de garnissage) était décrite dans le brevet et que les deux autres consistaient simplement d'une part à dévisser les deux consoles afin de les désolidariser des longerons et d'autre part à faire coulisser les longerons pour les extraire des ourlets latéraux de la nappe ; qu'en se bornant à affirmer qu'il était « évident » que l'homme du métier ne pouvait réaliser l'invention avec les seules indications du brevet et ses propres connaissances techniques et professionnelles sans s'expliquer sur le fait qu'il était à la portée de l'homme du métier et même de tout utilisateur moyen d'effectuer les deux simples opérations de dévissage des consoles et d'extraction des longerons en les faisant coulisser hors des ourlets de la nappe, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L.613-25 b) du Code de la Propriété Intellectuelle.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré nul en totalité le brevet français n° 95 04 292 publié sou s le n° 2 732 565 dont est titulaire la société FERMOB, en ce compris la revendication 2 de ce brevet, et rejeté par voie de conséquence l'action en contrefaçon de cette revendication ;

AUX MOTIFS QUE le brevet qui n'expose pas l'invention de façon suffisamment complète pour qu'un homme du métier puisse l'exécuter ne satisfait pas à l'exigence de l'article 613-25 du Code de la Propriété Intellectuelle (arrêt attaqué pp. 6-7) ; que les demandes de revendication pour contrefaçon de ce brevet sont devenues sans fondement du fait de l'annulation de ce brevet (arrêt attaqué p. 7 in fine) ;

ALORS QUE dans ses conclusions signifiées le 18 février 2008, la société PIER IMPORT demandait que soient annulées les revendications 1 et 3 à 6 du brevet de la société FERMOB, sans invoquer la nullité de la revendication 2 opposée dont elle ne contestait pas non plus qu'elle ait été contrefaite ; qu'en annulant en toutes ses revendications le brevet de la société FERMOB, y compris la revendication 2, et en rejetant par voie de conséquence l'action en contrefaçon de cette revendication, la cour d'appel a méconnu les termes du litige tels qu'ils étaient fixés par les conclusions qui lui étaient soumises, en violation de l'article 4 du Code de Procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 08-18586
Date de la décision : 07/07/2009
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 29 mai 2008


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 07 jui. 2009, pourvoi n°08-18586


Composition du Tribunal
Avocat(s) : Me Bertrand, SCP Thomas-Raquin et Bénabent

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2009:08.18586
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award