LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :
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X... Joël,
LA SOCIÉTÉ GENERALI IARD, partie intervenante,
contre l'arrêt de la cour d'appel de GRENOBLE, chambre correctionnelle, en date du 20 novembre 2007, qui, dans la procédure suivie, notamment contre le premier, du chef d'homicide involontaire, a prononcé sur les intérêts civils ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu le mémoire produit, commun aux demandeurs, et les mémoires en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation de l'article 470-1 du code de procédure pénale, ensemble les articles 1er et suivants de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 ;
"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré Joël X... seul tenu d'indemniser les conséquences dommageables de l'accident de la circulation ayant entraîné le décès d'Anthony Y... ;
"aux motifs que sur l'action publique, (…) le rapport technique dressé à la demande du procureur de la République par Philippe Z..., le 30 juin 2006, a établi que le véhicule Ford, en se mettant ou restant au niveau du véhicule Toyota, a permis le frottement entre ces deux véhicules et que le véhicule Ford avait, par son pare-chocs avant droit, percuté le véhicule Toyota au niveau de la porte arrière gauche, ce qui avait eu pour effet d'orienter la trajectoire de ce dernier vers sa gauche par rapport à son sens de circulation (rotation autour d'un axe vertical passant par le centre de gravité dans le sens inverse des aiguilles d'une montre) ; que Philippe Z... a conclu son rapport en considérant que la dernière tentative de dépassement qui a conduit à l'accident est le fait du conducteur du véhicule Ford, les frottements soutenus ayant eu pour effet de déstabiliser la trajectoire du véhicule Toyota et la forme des traces laissées sur les deux véhicules par la percussion conduisant à imputer une direction et un sens à la force à l'origine de cette déstabilisation orientée sans équivoque du véhicule Ford vers le véhicule Toyota et que ce dépassement par le véhicule Ford a été effectué en infraction des dispositions du code de la route ; (…) que les clichés photographiques des deux véhicules confirment la présence de traces de frottement circulaires de couleur noire sur le véhicule Ford à hauteur du bas de caisse, ces traces correspondant à la roue avant-gauche du véhicule Toyota lorsque le conducteur de celui-ci tournait son volant à gauche afin d'éviter que son véhicule ne quitte la route ; (…) que François A... n'a pas contesté avoir bu trois whisky-sodas lors de la soirée, affirmant qu'il se sentait bien et avait les idées claires ; que la conduite en état d'alcoolémie n'a eu aucune incidence causale sur l'accident de la circulation à la suite duquel Anthony Y... est décédé ; (…) que l'ensemble de ces éléments précis et concordants établissement non seulement l'absence des éléments constitutifs du délit d'homicide involontaire, mais encore le comportement fautif de Joël X... qui, ainsi que l'ont relevé, à juste titre, les premiers juges, aurait dû ralentir le plus possible sur sa voie de circulation au lieu de tenter d'effectuer un dépassement dangereux, a été la cause exclusive de l'accident de la circulation ; (…) ; sur l'action civile ; (…) qu'aux termes de l'article 470-1 du code de procédure pénale, la juridiction répressive demeure compétente, après relaxe d'un prévenu et sur demande de la partie civile, pour accorder, en application des règles du droit civil, réparation de tous les dommages résultant des faits qui ont fondé la poursuite ; (…) qu'en l'espèce, il est constant que les deux véhicules de marque Ford et Toyota ont été impliqués dans l'accident de la circulation au sens des dispositions de l'article 1er de la loi du 5 juillet 1985 ; (…) qu'il a été établi ci-dessus que l'état d'alcoolémie de François A... n'avait eu aucune incidence causale sur l'accident de la circulation ; (…) que les pièces versées aux débats établissent que Jöel X... avait omis de vérifier la configuration des lieux et qu'il s'était engagé dans une manoeuvre sans issue puisqu'un îlot séparatif était installé et signalé par un panneau et que la voie de droite se trouvait à nouveau rétrécie ; que ce comportement qualifié de fautif de Joël X... qui aurait dû ralentir le plus possible sur sa voie de circulation au lieu de tenter de dépasser en force le véhicule de marque Toyota et d'effectuer trop tard une manoeuvre de freinage, conscient du danger et suivant les conseils de sa passagère, apparaît comme étant la cause exclusive de l'accident de la circulation ; qu'en conséquence, il convient d'infirmer le jugement déféré, de déclarer Joël X... conducteur d'un véhicule impliqué dans l'accident de la circulation, seul tenu d'indemniser les conséquences dommageables de l'accident de la circulation en date du 26 février 2006 ayant causé la mort d'Anthony Y... ;
"1°) alors que le conducteur d'un véhicule impliqué dans un accident de la circulation est tenu d'indemniser la victime ; que, dès lors qu'il y a eu heurt entre deux véhicules, chacun d'eux est impliqué dans l'accident ; qu'en déclarant Joël X..., conducteur du véhicule Ford, seul responsable de l'accident ayant causé la mort d'Anthony Y..., tout en constatant que « les frottements soutenus entre les deux véhicules (ont) eu pour effet de déstabiliser la trajectoire du véhicule Toyota », que « la forme des traces laissées sur les deux véhicules par la percussion conduisant à imputer une direction et un sens à la force à l'origine de cette déstabilisation orientée sans équivoque du véhicule Ford vers le véhicule Toyota » (arrêt page 6, § 2), « que les clichés photographiques des deux véhicules confirment la présence de traces de frottements circulaires de couleur noire sur le véhicule Ford à hauteur du bas de caisse » (arrêt page 6, § 3), et enfin que « les deux véhicules de marque Ford et Toyota ont été impliqués dans l'accident de la circulation au sens des dispositions de l'article 1er de la loi du 5 juillet 1985» (arrêt page 7, § 1er), ce dont il s'évince que le véhicule Ford conduit par François A... était impliqué dans l'accident ayant entraîné le décès d'Anthony Y..., la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations et a ainsi violé les textes susvisés ;
"2°) alors que l'absence de lien de causalité entre la faute d'un conducteur et le dommage subi par la victime n'exclut pas que le véhicule puisse être impliqué dans l'accident ; qu'en retenant, pour déclarer Joël X... seul tenu d'indemniser les conséquences dommageables de l'accident de la circulation ayant causé la mort d'Anthony Y..., l'absence d'incidence causale de la conduite en état d'alcoolémie de François A... sur l'accident de la circulation à la suite duquel Anthony Y... est décédé ou bien encore que le comportement de Joël X... apparaît comme la cause exclusive de l'accident, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants privant ainsi sa décision de base légale au regard des textes susvisés" ;
Vu les articles 1er et 3 de la loi du 5 juillet 1985 ;
Attendu que, selon ces textes, les victimes, hormis les conducteurs, sont indemnisées des dommages résultant des atteintes à leur personne subies à l'occasion d'un accident de la circulation dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur , sauf si leur faute inexcusable est la cause exclusive de l'accident ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que Joël X... a heurté, au volant de son véhicule, celui conduit par François A... , dont le passager, Antony Y..., est décédé deux jours après l'accident ; que les deux conducteurs ont été poursuivis devant le tribunal correctionnel pour homicide involontaire, François A... l'étant en outre pour conduite sous l'empire d'un état alcoolique ; que le tribunal les a retenus dans les liens de la prévention ; qu'il les a déclarés, chacun, responsables de l'accident et a prononcé sur les demandes en réparation des ayants droit de la victime ; que, sur son appel, François A... a été relaxé du chef d'homicide involontaire ;
Attendu que, prononçant sur l'action civile, les juges du second degré, pour dire que Joël X... était seul tenu d'indemniser les conséquences dommageables de l'accident, retiennent que l'alcoolémie de François A... n'a eu aucune incidence sur les circonstances de l'autre collision, qui trouve sa cause exclusive dans le comportement de l'automobiliste ;
Mais attendu qu'en se déterminant ainsi tout en relevant que l'automobile de François A... était impliquée dans la survenance de l'accident, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée des textes susvisés et du principe ci-dessus rappelé ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Grenoble, en date du 20 novembre 2007, en ses seules dispositions ayant exonéré François A... de son obligation d'indemnisation, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Lyon, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Grenoble et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Farge conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Chaumont conseiller rapporteur, M. Blondet conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : M. Souchon ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;