La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/06/2009 | FRANCE | N°08-REV036

France | France, Cour de cassation, Commission revision, 29 juin 2009, 08-REV036


n° 08 REV 036

La Commission de révision des condamnations pénales, en sa séance publique au Palais de Justice, à Paris, le vingt neuf juin deux mille neuf, a rendu la décision suivante ;
Sur le rapport de Monsieur le Conseiller référendaire Delbano, les observations de Maître Balling, avocat de Marc X..., et les conclusions de Madame l'Avocat Général Magliano, en présence de Madame Y..., partie civile et de Maître Olivier, avocat de Madame Z..., partie civile, à l'audience tenue en chambre du Conseil, le 24 juin 2009 en présence de Madame Anzani, Présidente, Monsieu

r Barthélemy, Monsieur Guérin, Madame Proust, membres de la Commission, ...

n° 08 REV 036

La Commission de révision des condamnations pénales, en sa séance publique au Palais de Justice, à Paris, le vingt neuf juin deux mille neuf, a rendu la décision suivante ;
Sur le rapport de Monsieur le Conseiller référendaire Delbano, les observations de Maître Balling, avocat de Marc X..., et les conclusions de Madame l'Avocat Général Magliano, en présence de Madame Y..., partie civile et de Maître Olivier, avocat de Madame Z..., partie civile, à l'audience tenue en chambre du Conseil, le 24 juin 2009 en présence de Madame Anzani, Présidente, Monsieur Barthélemy, Monsieur Guérin, Madame Proust, membres de la Commission, Madame Guénée, greffier, à l'issue de laquelle l'affaire a été mise en délibéré, la décision devant être prononcée à l'audience du 29 juin 2009.

SAISINE DE LA COUR DE REVISION des demandes présentées par Le garde des sceaux, ministre de la justice, en faveur de X... Marc, et par ce dernier, et tendant à la révision de la condamnation prononcée le 30 novembre 2005 par la cour d'assises d'appel des Yvelines, ayant déclaré Marc X... coupable de meurtre commis le 1er décembre 2001 sur la personne de Marie-Agnès A..., et ayant prononcé une peine de dix-huit ans de réclusion criminelle, assortie d'une période de sûreté de douze ans ;
LA COMMISSION DE REVISION,
Vu les demandes susvisées ;
Vu les articles 622 et suivants du code de procédure pénale ;
Faits et procédure :
Le samedi 1er décembre 2001, vers 9 heures, Robert E..., sans domicile fixe, traversait le pont de Neuilly et empruntait les escaliers situés au milieu du pont, et découvrait, étendu au sol, face contre les marches, un corps inanimé qu'il supposait être celui d'une femme, ainsi que la présence de taches de sang sur les marches.
Paniqué, selon ses dires, il passait son chemin avant de revenir sur place et décidait de se rendre au commissariat de police de Neuilly-sur-Seine afin d'alerter les secours.
Vers 10 heures, un équipage du commissariat se rendait sur les lieux et relevait sur une carte orange l'identité de la personne comme étant Marie-Agnès A.... Les pompiers constataient le décès de la victime qui présentait plusieurs plaies par arme blanche.
Cette dernière, que les pompiers avaient retournée sur le dos, était vêtue d'une tenue de sport (coupe-vent bleu marine et jaune, sweat-shirt blanc, collant de gymnastique noir, grosses chaussettes et baskets noires) dont le bas était légèrement baissé.
Des traces de sang étaient relevées en plusieurs endroits de l'escalier. A droite du corps, se trouvaient deux bouteilles de rhum vides. Sur l'une d'elles étaient relevées deux traces digitales (les investigations n'ont par la suite donné aucun résultat), sur l'autre, une trace de sang et un cheveu.
Le médecin légiste chargé de l'autopsie relevait quatre plaies par arme blanche sur le thorax dont une à l'origine d'un pneumothorax mortel. Il remarquait également des lésions dites de défense par arme blanche au niveau des deux poignets et des mains, ainsi que des pointes en région abdominale. Les lésions sur la face et les genoux étaient compatibles avec une chute en avant. La victime présentait aussi une estafilade sur la joue gauche et une plaie peu profonde en région temporale droite.
L'examen anatomo-pathologique confirmait que la plaie pulmonaire par arme blanche avait été à l'origine d'une hémorragie aiguë ayant provoqué une anoxie cérébrale.
Les enquêteurs établissaient rapidement que la victime, assistante de direction, très sportive, s'était, comme à son habitude, levée tôt pour se rendre au Gymnase Club de la porte Maillot. Ils apprenaient qu'elle prenait toujours un sac de sport bleu marine, qui n'avait pas été retrouvé près de son corps, Robert E... déclarant ne l'avoir vu à aucun moment.
L'enquête de voisinage amenait l'audition de Sylvia F... épouse G..., infirmière à l'hôpital de Neuilly et demeurant à proximité du domicile de la victime. Celle-ci indiquait avoir quitté son domicile, le jour des faits, vers 7 heures 25 à pied. En bas de la passerelle reliant l'esplanade de La Défense au pont de Neuilly, elle avait été abordée par un homme qui lui avait tenu les propos suivants : " Excusez-moi Madame. Voulez-vous que je vous suce la chatte ? ". Effrayée, elle avait pris la fuite en courant.
Ce témoin donnait un signalement de cet individu et précisait qu'il était vêtu d'un blouson en cuir de type bombardier.
Des recherches menées auprès des commissariats de police locaux se sont orientées sur Marc X... ; ce dernier avait été interpellé en mars 2000 pour viol ; il avait suivi une femme dans un hall d'immeuble où, après lui avoir demandé une cigarette, il lui avait dit " J'aimerais te sucer le minou, je vais te faire jouir ", et lui avait introduit un doigt dans le vagin. Appréhendé quelques instants plus tard, il avait reconnu ces faits.
Un album photographique était présenté à Sylvia G..., qui désignait la photographie de Marc X... comme ressemblant très fortement à son agresseur.
Le 13 décembre 2001, Marc X... était interpellé au domicile de son père, où les policiers découvraient, dans la chambre du suspect, un blouson de type " bombardier ".
L'expertise biogénétique d'une très petite tache de sang découverte dans la poche extérieure droite de ce blouson révélait ultérieurement qu'il s'agissait du sang de l'intéressé.
Marc X..., présenté seul à Sylvia G... derrière une glace sans tain, était reconnu de façon quasi certaine par le témoin, qui soulignait en outre la similitude de la voix et de la tenue vestimentaire avec celles de l'homme qui l'avait abordée sur la passerelle.
Lors de sa garde à vue, Marc X... niait les faits à trois reprises. Il affirmait que, le vendredi 30 novembre 2001 au soir, il s'était rendu à Colombes acheter du cannabis avec Francky H... et qu'ils étaient tous deux allés dormir chez un ami, Gérard I..., absent de son domicile dans le 18ème arrondissement de Paris. Francky H... en serait parti entre 8 et 9 heures tandis que Marc X... affirmait s'être levé vers 10 ou 11 heures.
Cet alibi était cependant infirmé par les auditions de Francky H... et Gérard I....
Placé devant ces contradictions, Marc X..., tout en se disant étranger aux faits, déclarait ne plus se souvenir de son emploi du temps dans la nuit du 30 novembre au 1er décembre 2001.
A la question " En résumé, sous l'emprise d'alcool et de cannabis, pensez-vous être capable d'avoir commis les faits pour lesquels nous enquêtons, et ne plus vous souvenir de vos agissements ? ", il répondait : " Oui, il y a des chances, mais c'est incompréhensible " et il concluait son interrogatoire en indiquant : " J'ignore si c'est moi qui ai commis ces faits. Si c'est le cas ce doit être un dédoublement de personnalité ".
Toujours au cours de la garde à vue, Marc X... admettait avoir parfois sur lui un couteau et disait ne plus porter depuis six mois le blouson " bombardier " découvert à son domicile, la fermeture éclair étant cassée. Son père et la compagne de celui-ci assuraient pourtant qu'il portait encore de temps à autre ce vêtement.
Dans un rapport daté du 14 décembre 2001, le commandant de police C... relatait qu'avant 22 heures, Marc X... avait tenu en présence du commandant J... et de gardiens de la paix " des propos ambigus " : invoquant une " double personnalité ", il avait déclaré que, s'il était l'auteur des faits, il aurait très certainement jeté le couteau dans la Seine et qu'ainsi il n'aurait pas été retrouvé ; que le meurtrier se serait lavé pour faire disparaître toute trace susceptible de le confondre ; que ce personnage se serait-tenu " au milieu du pont ".
A plusieurs reprises, Marc X... disait être pris de pulsions et d'accès de violences, évoquant le cas de Guy K..., et manifestait la volonté de se soigner.
A l'occasion de sa cinquième audition, qui suivait un entretien avec Jean-Claude L..., policier, Marc X... déclarait être l'auteur du meurtre de Marie-Agnès A.... Il confiait que, placé en famille d'accueil après le divorce de ses parents, il y avait été violé à l'âge de 6 ou 7 ans par un garçon plus âgé que lui, et que, sa mère puis sa grand-mère étant ensuite décédées, son père l'avait alors accueilli à Paris où il avait rapidement sombré dans la délinquance. Il expliquait ressentir des pulsions sexuelles liées à son passé douloureux, estimait possible d'avoir prononcé la phrase rapportée par Sylvia G..., dont les mots correspondaient à l'un de ses fantasmes.
En ce qui concerne le meurtre, il déclarait que, vêtu de son blouson bombardier, il avait passé la nuit à marcher dans la rue en buvant une bouteille de whisky et en fumant du cannabis, qu'il était parti du parc des Princes, avait traversé le bois de Boulogne à la recherche d'une prostituée, puis avait traversé Neuilly pour arriver au pont.
Il ne se souvenait pas avoir croisé Sylvia G..., se souvenant seulement qu'il faisait nuit et que le jour commençait à pointer.
Il déclarait ne pas se rappeler la victime ni la manière dont il l'avait abordée, expliquant que ses souvenirs recommençaient au moment où il se rendait compte qu'il était sur un pont (D232) : " En fait, à ce moment là, je me réveille. Je suis sur ce pont, où plutôt, dans un renfoncement que je ne peux décrire, j'ai mon couteau à la main, la lame dépliée, et je vois à mes pieds une flaque de sang. Une femme est allongée et ne bouge plus. Je vois des marches également, mais je ne me rappelle pas si la femme ou moi sommes sur ces marches. Je me rappelle qu'à côté d'elle il y a des feuilles d'arbres séchées et qu'il y a une grosse mare de sang. Je ne sais pas combien de coups de couteau j'ai donnés, j'essaie de mémoriser la scène mais ça ne vient pas, je ne sais pas si elle a parlé ou si elle a crié. La lame de mon couteau était maculée de sang, et j'ai alors pris conscience que je venais de la planter. Je n'ai pas osé regarder son visage et j'ignore si elle était en vie. Je me rappelle qu'elle portait une espèce de parka ou de coupe-vent dont je ne me rappelle pas la couleur dominante, mais je me souviens qu'il y avait du violet. Elle avait également je crois un pantalon de jogging très serré, moulant de couleur noire ".
Marc X... expliquait ensuite s'être débarrassé du couteau en le jetant dans la Seine et avoir pris la fuite en direction de la Défense, puis être rentré chez lui en métro, cachant sa main droite ensanglantée dans son blouson ou dans son jean. A son domicile, il s'était douché puis couché. Tourmenté par son geste, il s'était relevé et s'était rendu chez Gérard I.... En fin d'audition, il présentait ses excuses aux proches de Marie-Agnès A....
Lors de sa première comparution devant le magistrat instructeur, le 15 décembre 2001, Marc X... se déclarait conscient de ce qu'il avait fait, et prêt à se faire soigner sur le plan psychologique et psychiatrique. Il disait avoir agressé la victime en raison de pulsions sexuelles et confirmait qu'il avait repris ses esprits en voyant le sang à côté " du corps de la dame qui ne bougeait plus " et qui " était sur le dos ". Les constatations des policiers ont pourtant établi que la victime reposait face contre les marches et que ce sont les sapeurs-pompiers qui, pour lui porter secours, ont du la retourner.
Présenté le même jour au juge des libertés et de la détention, le mis en examen déclarait à ce magistrat : " j'ai 19 ans, ma vie est foutue. Je trouve normal d'aller en prison. Il ne faut pas penser qu'aux risques que je fais courir à la société mais aussi à ma personne. J'ai envie d'avoir une vie normale, je ne souhaite pas devenir un tueur en série. Je souhaite me faire soigner, je sais que j'en ai besoin ".
Le 8 janvier 2002, au cours d'un premier interrogatoire au fond, Marc X... revenait sur ses aveux. Il exposait qu'il avait avoué en fin de garde à vue sous la pression psychologique de Jean-Claude L.... Ce policier était entendu le 11 décembre et exposait qu'à la demande de son chef de service, il avait été amené, compte tenu de son expérience de 25 ans à la brigade criminelle, à créer un climat de confiance avec Marc X... lors de sa garde à vue au 36, quai des Orfèvres. Vers 21 heures 15, le 14 décembre 2001, il avait reçu Marc X... dans son bureau en présence des fonctionnaires chargés de l'enquête. Il lui avait donné un gilet car il avait froid, lui avait remis sa carte, puis avait commencé à discuter avec lui de son enfance. Marc X... s'était alors ouvert à lui, lui confiant notamment avoir été violé à l'âge de 7 ou 8 ans. Quand Jean-Claude L... avait avancé l'hypothèse selon laquelle la femme agressée sur le pont de Neuilly pouvait, par son regard, avoir attisé de la haine de la part de Marc X..., celui-ci avait opiné. Sentant que Marc X... était en voie de s'exprimer plus avant sur les faits, le policier l'avait fait réintégrer sa cellule. Moins de deux minutes plus tard, Marc X... avait demandé à s'entretenir de nouveau avec lui et lui avait annoncé " oui, c'est moi, je vais m'expliquer ".
Jean-Claude L..., entendu par le juge d'instruction (D694) revendiquait une approche psychologique, soulignait que l'entretien n'avait pas duré plus de 15 minutes, et réfutait tout chantage. Par ailleurs, alors que Marc X... avait précisé que ce policier lui avait dit, en consultant le code pénal, que, si une qualification d'homicide involontaire était retenue, il ne serait pas condamné à plus de trois ans d'emprisonnement, Jean-Claude L... ne contestait pas avoir fait allusion aux dispositions du code pénal, " pour lui faire sentir qu'une approche personnalisée de son acte pouvait être envisagée ou appréciée " et ajoutait que le terme le plus fort qu'il ait employé n'était pas meurtre, mais agression, " pour éviter des blocages de sa part ". Toutefois, il contestait avoir incité le suspect à avouer et lui avoir dit qu'il ne ferait alors que quelques années de prison pour homicide involontaire.
Entendu sur ce point, Marc X... reconnaissait que sa rencontre avec Jean-Claude L... n'avait pas duré plus de 15 à 20 minutes et qu'alors même qu'il n'avait pas encore réintégré le local de garde à vue, il avait " décidé de revenir voir " ce policier pour s'épancher. Il attribuait cette décision à un " lavage de cerveau " mais ne fournissait pas d'explication sur la réitération de ces aveux en première comparution et devant le juge des libertés et de la détention. Il qualifiait ses aveux de " foutaises ", " baratin ", " pipeau " et Sylvia G... de faux témoin.
Marc X... déclarait qu'en fin de garde à vue, il avait été en mesure de donner des détails sur la tenue vestimentaire de Marie-Agnès A... parce qu'il avait vu 7 ou 8 photographies de la victime, qu'un enquêteur avait fait fortuitement tomber devant lui. Dans le même interrogatoire, il affirmait qu'il n'avait en fait vu qu'une seule de ces photographies, l'enquêteur maladroit la lui ayant immédiatement reprise des mains en lui indiquant qu'il n'avait pas le droit de voir ces clichés.
Le commissaire divisionnaire, chef de la brigade criminelle, a assuré au juge d'instruction qu'à aucun moment l'un des enquêteurs chargés du dossier n'avait, même accidentellement, laissé voir à Marc X... les photographies du corps de la victime et du lieu du crime.
Au cours du deuxième interrogatoire sur le fond, Marc X..., a qualifié d'incohérentes les déclarations constantes de Sylvia G....
Lors du transport sur les lieux, cette dernière, en proie à une vive émotion, se mettait à pleurer, avait du mal à respirer et murmurait " c'est lui ", désignant Marc X... comme son agresseur.
Toutefois, les empreintes génétiques relevées sur les lieux de la découverte du crime et sur la victime n'ont pas été identifiés comme ayant été laissées par Marc X....
Un autre meurtre était commis sur le pont de Neuilly, alors que Marc X... était en détention provisoire : le 22 mai 2002 à 13 heures 30, le corps sans vie de Maria De M..., était découvert au même endroit que le cadavre de Marie-Agnès A.... La victime avait été tuée à l'aide de tessons de bouteille, aux environs de 5 heures 50. L'agression sexuelle n'était pas établie.
Ce crime faisait l'objet d'une information distincte, toujours en cours, confiée à un juge d'instruction du tribunal de grande instance de Nanterre. Il était considéré que, malgré le lieu et l'heure matinale des faits, et le sexe des victimes, aucun lien ne pouvait être retenu entre ces deux meurtres en raison de leurs modes opératoires différents.
Lors de l'enquête de voisinage effectuée à la suite de ce meurtre commis le 20 mai 2002 sur Mme M..., une jeune femme, Jessica N..., a déclaré avoir été importunée par un homme qui lui avait crié " ta chatte elle pue " alors qu'elle promenait son chien sur l'Ile du pont, entre février et avril 2002.
Elle a précisé qu'en décembre 2001, au même endroit, elle avait vu le corps de la première victime, Mme A..., lorsque les secours arrivaient et elle a ajouté que l'incident dont elle a été l'objet était survenu postérieurement à cette découverte et à l'arrestation d'un individu soupçonné d'avoir commis le crime.
Entendue le 28 mai 2002, elle a confirmé avoir été agressée verbalement quelques semaines après le premier meurtre.
Toutefois, sur les photos qui lui ont été présentées, elle n'a reconnu personne, désignant seulement la personne ressemblant le plus par son allure générale à son agresseur, sur une photo qui représentait Marc X....
Le 30 novembre 2005, la cour d'assises d'appel des Yvelines a déclaré Marc X... coupable du meurtre de Marie-Agnès A... et l'a condamné à dix-huit ans de réclusion criminelle, assortie d'une période de sûreté de douze ans.
Dans la nuit du 3 au 4 mars 2008, David O... s'est présenté au commissariat de police de la Défense pour se constituer prisonnier en s'accusant du meurtre de Maria de M... et de celui de " Marie-Agnès P... " qui s'avérait être Marie-Agnès A... divorcée P....
Prétendant effectuer cette démarche pour se rapprocher de Dieu, il donnait de nombreux détails sur le meurtre de Marie-Agnès A... : date, heure, lieu (signalant notamment que la victime se trouvait du côté gauche des marches), position du corps face contre les marches, arme utilisée (un couteau de cuisine volé dans le foyer des religieuses qui l'hébergeaient et conservé dans son sac à dos).
Dans leur rapport de transmission du 26 mars 2008, la brigade criminelle relate les déclarations de David O... et leurs vérifications dans les termes suivants :
" Arrivé à hauteur de l'escalier donnant accès à l'île du pont située en contrebas et alors qu'il lui emboîtait le pas, David O... se ruait sur sa victime sans crier gare et se saisissait de son sac de sport qu'il utilisait opportunément comme un " balancier ", pour mieux la précipiter dans le vide et ainsi la déséquilibrer. Il se jetait ensuite sur elle pour l'immobiliser avant de lui asséner, selon lui, une dizaine de coups de couteau. David O... décrivait précisément son action sans jamais laisser transparaître la moindre émotion, expliquant qu'il se trouvait au moment des faits dans un état second, dans une sorte de " torpeur ". Il communiquait sans difficulté le signalement de la victime, dont il détaillait par ailleurs la tenue vestimentaire avec la même aisance et sans erreur.
" Lors de cette lutte qu'il qualifiait de " combat ", la victime lui opposait une résistance certaine. Elle tentait par une manoeuvre désespérée de le désarmer en lui saisissant le bras porteur du couteau. David O... déclarait avoir eu des difficultés pour se défaire de cette étreinte, au point de devoir mordre sa victime au niveau de sa main droite. Cette information se révélait décisive, dans la mesure où l'examen des clichés photographiques réalisés sur la scène de crime permettait effectivement de relever la trace d'une plaie ouverte au niveau indiqué (sur la partie molle de sa main droite, entre le pouce et l'index) et pouvant correspondre à une morsure.
" David O... donnait le " coup de grâce " à sa victime déjà inanimée, à la manière d'un geste sacrificiel, en se saisissant de son couteau à deux mains, avant de lui porter un coup violent au niveau de sa hanche gauche qu'il avait préalablement mise à nu. Il décidait alors de structurer sa gestuelle en lui donnant une dimension à la fois symbolique et mystique. Il lapait ainsi le sang de sa victime qui s'écoulait sur les marches de cet escalier, mais également directement sur les contours des plaies apparentes et ce, dans le but de puiser de l'énergie (SIC).
" A l'issue de ce qu'il qualifiait de " rite ", David O... se livrait à des attouchements sexuels sur la victime, dont il caressait la poitrine, avant de se focaliser sur les organes génitaux. Il introduisait son poing gauche dans le vagin, puis deux doigts dans l'anus de la victime, procédant méthodiquement à huit va-et-vient dans les deux cas. Cette affirmation ne pouvait être confirmée par le médecin légiste, dans la mesure où aucune lésion à caractère sexuel n'était décelée, que ce soit lors de l'autopsie ou encore lors des examens anatomo pathologiques.
" David O... arrachait ensuite sans trop de difficulté la culotte de la victime qu'il conservait dans la perspective d'un autre cérémonial dont il n'avait pas encore défini les contours. Sa description de la culotte correspondait au type de sous-vêtement que la victime était susceptible de porter.
" Après avoir assouvi son envie irrépressible de meurtre et ses pulsions sexuelles, David O... quittait les lieux non sans avoir au préalable récupéré le sac de sport de la victime. Il se réfugiait dans un parc situé non loi à l'abri des regards indiscrets et procédait à son inventaire. Malgré le temps écoulé, le mis en cause parvenait à décrire précisément les effets personnels contenus dans ce sac. Il évoquait notamment la présence :- d'un pantalon de ville de couleur mauve ou bleu gris,- d'une petite bouteille d'eau,- d'un paquet de cigarette de couleur rouge,- d'un lecteur de compact disc contenant un disque de " Johnny Rivers ",- un portefeuille en cuir noir de grande dimension contenant divers documents d'identité supportant la photographie de la victime.
" Le compte-rendu détaillé de cet inventaire constituait un élément supplémentaire de nature à conforter la thèse de l'implication de David O... dans les faits de l'espèce. Les investigations menées au sein de la famille A... permettaient en effet de retrouver dans la discothèque de la victime une pochette de compact disc de l'artiste " Johnny Rivers ", sans disque. De même, la fille de la victime se souvenait que sa mère avait effectivement à l'époque un pantalon de ville de couleur mauve, précisant au passage qu'il s'agissait de l'une de ses couleurs préférées "
L'analyse de prélèvements effectués par l'expert requis le 18 mars 2008 a permis de relever sur le ciré et le collant de Marie-Agnès A... des traces d'empreintes génétiques appartenant à David O.... D624 à D634). Aucune empreinte génétique de Marc X... n'a été relevée.
Par la suite, après avoir appris qu'il n'avait pas reconnu la victime sur une photo qui lui était présentée, David O... était revenu sur ses aveux, mettant alors en cause un individu noir d'une trentaine d'années, lequel lui avait dit avoir trouvé un sac sur le pont de Neuilly, contenant un baladeur CD et un compact disc de " Johnny Rivers ". C'est ainsi qu'il aurait fait le rapprochement après avoir lu un article consacré au meurtre de Mme A....
Il disait encore avoir voulu passer pour un tueur en série et souhaiter retourner en prison afin d'échapper à sa famille.
Il est ensuite définitivement revenu sur cette rétractation.
A l'issue de l'enquête préliminaire, le procureur de la République de Nanterre a requis, le 27 mars 2008, l'ouverture d'une information contre David O... des chefs d'assassinat, viol et vol commis à Neuilly le 1er décembre 2001 au préjudice de Marie-Agnès A... divorcée P....
Les juges d'instruction saisis ont procédé à de nombreuses investigations et ordonné des expertises. L'ensemble de leurs actes de procédure ont été versé au dossier de révision.
Par requête du 28 mars 2008, la garde des sceaux, ministre de la Justice, a saisi la commission de révision des condamnations pénales d'une demande de révision de la condamnation de Marc X..., en application des dispositions des l'articles 622 et suivants du code de procédure pénale.
Par requête du 31 mars 2008, l'avocat de Marc X... a demandé à la commission de suspendre l'exécution de la condamnation en faisant valoir qu'il apparaissait des éléments factuels reconnus par celui qui s'accusait et des indices scientifiquement vérifiés que la responsabilité de Marc X... semblait exclue.
Par décision du 9 juin 2008, la commission a rejeté, en l'état, la demande de suspension de l'exécution de la condamnation de Marc X....
Par requête du 10 juin 2008, l'avocat de Marc X... a formé une nouvelle demande de suspension de la condamnation et s'est associé à la demande de révision.
La commission a, par décision du 1er juillet 2008, au vu des dernières investigations, ordonné la suspension de l'exécution de la condamnation prononcée contre Marc X....
Toutefois, Marc X..., ayant été condamné le 15 septembre 2008 par la cour d'appel de Rouen à quatre mois d'emprisonnement pour violences sur personne dépositaire de l'autorité publique commises à Val de Reuil le 26 juin 2008, n'a été libéré qu'après avoir purgé cette peine, le 7 octobre 2008.
Il a été, aussitôt, soumis à l'exécution d'une mesure de sursis avec mise à l'épreuve assortissant une peine de dix-huit mois d'emprisonnement prononcée le 27 juin 2002 par le tribunal correctionnel de Paris pour une agression sexuelle commise à Paris le 17 janvier 2001.
Le 15 juin 2009 Marc X... a été interpellé et le 17 juin 2009 il a été mis en examen et placé en détention provisoire du chef d'une agression sexuelle commise à Paris le 5 juin 2009.
Décision :
Attendu que, depuis sa mise en examen, David O..., entendu à plusieurs reprises par les juges d'instruction, a maintenu être l'auteur du meurtre de Marie-Agnès A... et étayé ses déclarations de nombreuses précisions, déclarant avoir agi seul, sans connaître Marc X... ; qu'ainsi, il résulte des procès-verbaux d'interrogatoire (cotes D605, D644, D694), que Mme A... marchait, son sac de sport sur le dos et que, lorsqu'elle est arrivée à hauteur des escaliers, il a attrapé le sac et l'a tiré ; que la victime est tombée, a essayé de se relever puis qu'il s'est jeté sur elle et a commencé à la poignarder, en la maintenant, alors qu'elle était sur les escaliers et essayait de se relever mais qu'il l'en a empêchée en utilisant le poids de son corps ; que, pendant la lutte, alors que la victime tenait le poignet de sa main gauche portant le couteau, David O... a décroché les doigts de cette dernière un par un et pense l'avoir mordue ;
Attendu qu'il a ajouté que, la victime étant allongée sur le ventre, il lui a donné un dernier coup de couteau puis a passé sa main sous son coupe-vent et lui a caressé les seins, lui a baissé le pantalon jusqu'au bas des cuisses, au-dessus des genoux, en le tirant par la taille à l'arrière, et a arraché son slip, qu'il a mis dans son sac ; que selon ses dernières déclarations il a ensuite introduit quatre de ses doigts dans le vagin de Mme A... (D644) ;
Attendu que David O... a donné du contenu du sac de la victime une description très précise qui s'est avérée correspondre à la réalité ; qu'une carte d'identité de la victime portait effectivement, outre le nom de naissance A..., le nom d'usage P... (épouse) qu'il avait précisé alors que la presse n'avait pas apporté une telle information ; que, par ailleurs, il a été confirmé par la famille de la victime que celle-ci emportait toujours dans son sac une bouteille d'eau qui pouvait être colorée et qu'en outre il a été retrouvé au domicile de celle-ci par son fils, une pochette vide correspondant au compact disque que David O... déclare avoir découvert dans le baladeur trouvé dans le sac ;
Attendu, par ailleurs, qu'après avoir relevé la présence de traces d'ADN appartenant à David O... relevées sur le ciré et sur le collant de Marie-Agnès A..., l'expert, commis le 30 avril 2008 par le juge d'instruction pour procéder à de nouvelles recherches biologiques sur les prélèvements d'ongles de la victime et de faire toutes comparaisons avec les profils génétiques de Marc X... et de David O..., a découvert sur un des ongles une empreinte génétique identique à celle de David O..., celle de Marc X... n'étant pas retrouvée (cotes D733 à D745) ;
Attendu que la reconstitution des faits, en présence du docteur R..., permet de relever que les déclarations de David O... quant au mode opératoire ne sont pas incompatibles avec les constatations médico-légales ;
Que, selon l'expert, " la version présentée par le mis en examen était globalement compatible avec les lésions cutanées superficielles et les lésions traumatiques du membre supérieur droit notamment, mais qu'elles ne sont que partiellement compatibles avec les plaies par arme blanche relevées lors de l'autopsie, en particulier en ce qui concerne la localisation des plaies " ;
Que, notamment David O... a déclaré avoir porté le " coup de grâce " au niveau du flanc gauche de la victime alors que la plaie ayant entraîné l'hémothorax mortel a été constatée en région dorsale droite ;
Qu'en particulier, l'intéressé ayant déclaré que, lors de la lutte avec sa victime, pour se dégager, il lui avait mordu la main droite parce qu'elle tenait son poignet gauche pour l'empêcher de frapper, le médecin souligne que la plaie arciforme verticale au dos de la main droite, de trente mm de longueur, décollant le plan cutané de façon assez superficielle sur le deuxième métacarpien, est compatible avec une morsure ;
Que le médecin légiste considère qu'aucun avis ne peut être donné au sujet des pénétrations digitales, vaginales et anales décrites par David O..., dans la mesure où aucune lésion traumatique ante mortem des régions concernées n'a été relevée à l'examen externe comme à l'autopsie ou lors de l'expertise anatomo-pathologique ;
Attendu qu'un rapport complémentaire, commun aux docteurs R... et S..., révèle que l'utilisation, décrite par David O..., d'un couteau à pain d'une quarantaine de centimètres, muni d'une lame pointue et dentelée sur un côté et mesurant une vingtaine de centimètres, est compatible avec les constatations autopsiques ;
Qu'il confirme qu'une des plaies présentes sur la main droite est compatible avec une morsure, puis que les gestes à caractère sexuel décrits par l'intéressé n'auraient pas eu de conséquences décelables, compte tenu de la nature élastique des tissus concernés, seuls des gestes pratiqués après la mort pouvant laisser des traces visibles à l'examen ;
Attendu que l'hypothèse d'une co-action de David O... et Marc X... a été examinée par les magistrats instructeurs ; qu'il ne ressort pas de leurs investigations, en particulier du procès-verbal de confrontation entre David O... et Marc X... (D755), que ces deux personnes se connaissaient et se soient jamais rencontrées, même lorsqu'elles ont été incarcérées à quelques cellules d'écart à la maison d'arrêt de Nanterre, restant neuf mois dans le même bâtiment, dont quatorze jours au même étage à sept cellules d'écart ;
Attendu, que l'un des éléments susceptibles d'avoir emporté la conviction de la cour d'assises dans l'implication de Marc X... dans le meurtre de Marie-Agnès A... réside dans le témoignage de Mme G... ;
Que, le 19 novembre 2008, Mme G... a été à entendue, par le juge d'instruction (D864), et a précisé, au vu d'une photographie de David O..., qu'elle avait l'impression de le connaître et de l'avoir déjà vu traîner à la Défense, ajoutant qu'elle l'avait ensuite vu à la télévision à l'occasion de la médiatisation de l'affaire, et avait été rassurée de constater que, celui-ci étant de peau noire, elle n'avait pu le confondre avec Marc X... ; que, sur les circonstances dans lesquelles elle avait été conduite à identifier Marc X..., en 2002, Mme G... a précisé :
- qu'elle a rencontré les enquêteurs le lendemain des faits sur le pont, et qu'ils l'ont interrogée ; que, lorsqu'elle a dit la phrase prononcée par son " agresseur ", l'un des policiers avait alors dit qu'il voyait de qui il s'agissait et que c'était un " gars du 19ème ou du 20ème " ; qu'elle avait ensuite été convoquée, avait décrit l'individu et qu'un portrait-robot avait été fait ; qu'elle avait ensuite été convoquée à nouveau et avait identifié Marc X... qui lui était présenté derrière une glace sans tain, alors qu'il était seul et très agité ;
- qu'au moment de cette identification, elle se sentait très angoissée parce qu'elle craignait de se tromper et savait qu'elle aurait aussi pu être la victime ;
- que les policiers ont demandé à Marc X... de répéter la phrase mais que son ton était différent de celui de la personne qu'elle avait croisée, qui était calme et pas agressif ; qu'elle a hésité à affirmer reconnaître sa voix ;
- que Marc X... avait toujours dit qu'il n'était pas présent, ce qui l'avait troublée ; que, lorsqu'elle a appris le second meurtre, elle a été étonnée que les policiers ne fassent aucun lien ;
En cet état :
Attendu que les révélations faites par David O..., s'accusant du crime commis sur Marie-Agnès A..., sont corroborées par l'exactitude de nombreux détails apportés par celui-ci, concernant la victime et les circonstances du meurtre, par les constatations médico-légales ainsi que par la présence de son empreinte génétique relevée sur deux vêtements et sur le prélèvement d'un ongle de la victime ;
Attendu que ces éléments nouveaux, inconnus de la cour d'assises au jour du procès, justifient que soit ordonnée la saisine de la cour de révision.
PAR CES MOTIFS
SAISIT la chambre criminelle, statuant comme cour de révision, des requêtes formées par la garde des sceaux et par Marc X..., et tendant à la révision de l'arrêt de la cour d'assises d'appel des Yvelines en date du 30 novembre 2005 ;

Ainsi prononcé en chambre du conseil par la Commission de révision les jour, mois et an que dessus ;
En foi de quoi la présente décision a été signée par la Présidente, le Rapporteur et le greffier.


Synthèse
Formation : Commission revision
Numéro d'arrêt : 08-REV036
Date de la décision : 29/06/2009
Sens de l'arrêt : Saisine de la cour de révision

Analyses

REVISION - Commission de révision - Fait nouveau ou élément inconnu de la juridiction au jour du procès - Définition - Aveux d'un tiers corroborés par des faits

REVISION - Commission de révision - Fait nouveau ou élément inconnu de la juridiction au jour du procès - Saisine de la Cour de révision - Cas

Constituent un fait nouveau justifiant la saisine de la chambre criminelle, qui statue comme cour de révision, les aveux, inconnus des juges et corroborés par des constatations de fait, d'une tierce personne qui s'accuse d'être l'auteur d'un crime dont le condamné a été déclaré coupable


Références :

article 622 4° du code de procédure pénale

Décision attaquée : Cour d'assises d'appel des Yvelines, 30 novembre 2005

Sur les aveux d'une tierce personne corroborés par des constatations de fait constituant un fait nouveau au sens de l'article 622 4 ° du code de procédure pénale, à rapprocher :Crim., 24 février 1982, pourvoi n° 81-93864, Bull. crim. 1982, n° 56 (cassation)


Publications
Proposition de citation : Cass. Commission revision, 29 jui. 2009, pourvoi n°08-REV036, Bull. civ. criminel 2009, commission de révision, n° 2
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles criminel 2009, commission de révision, n° 2

Composition du Tribunal
Président : Mme Anzani
Avocat général : Mme Magliano
Rapporteur ?: M. Delbano
Avocat(s) : Me Balling, Me Olivier

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2009:08.REV036
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award