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24/06/2009 | FRANCE | N°08-44341

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 24 juin 2009, 08-44341


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu selon l'arrêt attaqué (Douai, 27 juin 2008) que Mme X..., épouse Y... embauchée par la société Artéa le 2 octobre 1968 comme secrétaire a été licenciée pour faute grave par lettre du 18 novembre 2004 ;

Attendu que la société Artéa fait grief à l'arrêt de dire le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse et de la condamner à payer diverses sommes à la salariée alors, selon le moyen :

1°/ que la faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemb

le de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations du contrat de trava...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu selon l'arrêt attaqué (Douai, 27 juin 2008) que Mme X..., épouse Y... embauchée par la société Artéa le 2 octobre 1968 comme secrétaire a été licenciée pour faute grave par lettre du 18 novembre 2004 ;

Attendu que la société Artéa fait grief à l'arrêt de dire le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse et de la condamner à payer diverses sommes à la salariée alors, selon le moyen :

1°/ que la faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations du contrat de travail ou des relations de travail telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; que constitue une faute grave la falsification par le salarié de documents destinée à tromper l'employeur afin de dissimuler les anomalies comportant certains dossiers dont il est chargé dans le cadre des fonctions qui lui sont imparties et ce, quelles que soient les raisons qui ont conduit le salarié à agir ainsi ; qu'en écartant la faute grave imputée à Mme Y... sur la seule considération des raisons qui ont conduit celle-ci à la commettre, sans rechercher si cette faute dont elle avait constaté la réalité et la matérialité ne rendait pas impossible la poursuite de l'exécution du contrat de travail pendant la durée du préavis, la cour d'appel a violé les articles L. 122-6 et L. 122-8, devenus les articles L. 1234-1 et L. 1234-5 du code du travail ;

2°/ que l'intention de nuire à l'entreprise n'est pas exigée pour caractériser l'existence d'une faute grave ; qu'en écartant l'existence d'une faute grave imputable à Mme Y... au motif inopérant que les faits reprochés à la salariée ne révélaient pas de sa part une intention de nuire, la cour d'appel a violé les articles L. 122-6 et L. 122-8, devenus les articles L. 1234-1 et L. 1234-5 du code du travail ;

3°/ que l'existence d'une faute grave est indépendante du préjudice éventuel qui peut résulter des agissements reprochés au salarié pour l'employeur ou pour des tiers ; qu'en énonçant que les faits reprochés à Mme Y... ne constituaient pas une faute grave dès lors qu'ils n'avaient finalement eu aucune incidence financière pour l'entreprise, puisque les bons de commande litigieux n'avaient pas été signés, la cour d'appel a violé les articles L. 122-6 et L. 122-8, devenus les articles L. 1234-1 et L. 1234-5 du code du travail ;

4°/ que la falsification par une intrusion frauduleuse d'un salarié dans le logiciel du système informatique de l'entreprise constitue à tout le moins une cause réelle et sérieuse de licenciement ; qu'en écartant l'existence d'une faute grave sans même rechercher si la faute reprochée à la salariée ne constituait pas une faute justifiant un licenciement pour cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 122-14-3 devenu l'article L. 1235-1 du code du travail ;

Mais attendu que la cour d'appel qui a constaté que les faits reprochés à la salariée concernait une mission qui lui avait été nouvellement confiée et qu'elle l'avait réalisée sans dissimulation dans un climat de tension extrême ne lui permettant pas d'en référer à son supérieur hiérarchique, a pu en déduire qu'ils ne constituaient pas une faute grave rendant impossible le maintien du contrat de travail ; que dans l'exercice des pouvoirs qu'elle tient de l'article L. 1235-1 du code du travail la cour d'appel a estimé que le licenciement ne procédait pas d'une cause réelle et sérieuse ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Artéa aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Artéa à payer à Mme Y... la somme de 2 500 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre juin deux mille neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Baraduc et Duhamel, avocat aux Conseils pour la société Artéa ;

MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que le licenciement de Madame Martine X... épouse Y... était dénué de cause réelle et sérieuse et d'avoir en conséquence condamné la société ARTEA à lui verser les sommes de 4 193,34 au titre du préavis outre les congés payés y afférents, 12 580,02 au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement, 48 193,44 à titre de dommages et intérêts et 2 000 sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE «la faute grave doit être appréciée au vu des seuls faits du mois d'octobre 2004 ; que ces faits s'inscrivent dans le cadre d'une nouvelle mission confiée à Madame Martine Y... en juillet 2004, consistant à enregistrer dans l'ordinateur les commandes de matières plastiques et à imprimer les bons de commande destinés aux fournisseurs ; qu'au cours du mois d'octobre 2004, la salariée a été mise en difficulté lors de l'enregistrement d'un bon de commande, les références du fournisseur figurant sur un accusé réception ne correspondant pas à celles de la société ; qu'elle a alors pris l'initiative d'entrer dans le logiciel pour modifier le nom de l'article tout en conservant le numéro de code ; qu'après impression, constatant qu'il demeurait sur les bons de commande une mention qui n'allait pas avec le reste, elle a procédé à des corrections au stylo à bille ; que cette opération était sans conteste de nature à aboutir à une commande de produits inutiles pour la société puisque l'erreur portait sur la qualité de la matière plastique (présence ou non d'antiblocking) ; que la matérialité des faits n'étant pas contestée, le débat porte exclusivement sur les raisons d'un tel comportement ; que de son côté, l'employeur considère que Madame Martine Y... a agi délibérément, dans l'intention de nuire à son supérieur hiérarchique, Monsieur Z..., et à l'entreprise de manière plus générale ; que la salariée, quant à elle, inscrit ces faits dans un contexte de harcèlement moral, qui l'aurait conduite à prendre une initiative malheureuse, faute de pouvoir en parler avec Monsieur Z... ; qu'il doit tout d'abord être observé que la première réaction de la salariée, face à la difficulté qu'elle rencontrait a été de chercher à en référer à une personne de la société, Mademoiselle A..., auteur de la commande ; qu'il y a lieu également de relever que Madame Martine Y... a procédé à des ratures grossières qui pouvaient difficilement passer inaperçues et qui d'ailleurs ont immédiatement attiré l'attention ; que force est de constater que Madame Martine Y... a donc tout fait pour être démasquée ; que cette initiative, si elle pouvait avoir des incidences sur le chef hiérarchique, signataire des bons de commandes, était également source, pour la salariée, elle-même, de sérieux ennuis ; qu'en outre, l'employeur, qui défend la thèse d'une action délibérée, ne produit aux débats aucune autre pièce que les documents qu'il a lui-même rédigés ; qu'ainsi aucun témoignage ne permet de conforter l'idée selon laquelle Madame Martine Y... souhaitait se venger de son supérieur ; que la salariée, de son côté, verse quantité de témoignages pour établir la réalité d'un contexte professionnel particulièrement difficile et tendu ; qu'ainsi Monsieur Christian B... fait part : "J'ai été contraint de démissionner il y a dix ans de cela, suite aux pressions morales totalement inadmissibles de la part de Monsieur Z... ; Tout était sujet à persécution publique» ; que Monsieur Jean-Claude C..., souligne: "J'ai été salarié de la société ARTEA ; l‘activité est devenue un calvaire avec l'arrivée de Monsieur Z... ; Tout était sujet à brimades publiques, sans aucun motif valable afin de déstabiliser le salarié ; Madame Martine D... (Y...) fut comme moi l'objet de son défouloir ; Pour ma part, jugeant que mon intégrité morale se trouvait menacée, j'ai profité d'une charrette de licenciement économique en sollicitant la rupture de mon contrat, ce qui fut accepté ; J'ai retrouvé mon équilibre intellectuel mais je plains ceux qui sont restés confrontés à cette tyrannie » ; que Madame Nicole E... indique : "J'ai effectué un remplacement d‘un mois en juillet 1995 ; J'ai été scandalisée par le manque total de considération exprimé par Monsieur Z... envers son personnel, y compris envers Madame D... ; Travailler dans cette entreprise était stressant et à chaque fois qu‘apparaissait Monsieur Z..., on avait la crainte de ses réactions impulsives et blessantes ; J'ai respiré lorsque j'ai quitté cette société et je peux affirmer que je n‘ai jamais rencontré une telle situation dans les entreprises où j‘ai par la suite travaillé» ; que Madame Stéphanie F... confirme : "Si je témoigne ce jour, c'est pour attester que Madame Y... avec qui je travaillais dans le même bureau a été victime de pression tout comme moi de la part de Monsieur Z.... ; Celui-ci m'a maintes fois indiqué que j‘étais trop gentille avec Madame Y... et que je devais lui donner des ordres » ; que Monsieur Jean-Pierre G... atteste : " Responsable technique d‘entreprise de la société ARTEA, j‘ai pu constater les brimades, les altercations verbales et harcèlement de la part de Monsieur Z... directeur du site de FREVENT aux employés de fabrication, d'encadrement et de secrétariat ; Madame Martine Y... faisait souvent l'objet de ces harcèlements verbaux, elle venait souvent en pleurs dans mon bureau » ; qu'enfin, la salariée produit aux débats un courrier que lui a adressé une salariée, Madame Hélène H..., qui énonce : "Je suis moi-même en arrêt pour dépression depuis le 17 septembre et depuis cette date, j‘ai reçu des courriers d'ARTEA me harcelant pour des fautes que je n‘ai pas commises et m'attribuant des propos que je n‘ai pas tenus, ce qui ne fait qu'aggraver mon état de santé » ; que la société ARTEA se défend de ces accusations, en arguant de ce que ces témoignages manquent d'impartialité, en ce qu'ils émanent de personnes qui ont toutes une bonne raison d'en vouloir à la société ; que si cette argumentation peut être entendue lorsqu'il s'agit d'un unique témoignage, il est plus délicat d'en tenir compte lorsqu'il se rapporte à autant d'attestations ; qu'en outre, le climat général qui est décrit dans ces différents témoignages n'est aucunement contredit par les pièces produites par la société ARTEA ; qu'au contraire, dans un courrier du 3 mars 2004, l'employeur indiquait : «II est évident que l'ambiance dans l'usine a été très mauvaise en fin d'année et sans doute au début de cette présente année ; Monsieur Z..., directeur de l'établissement, a pris avec beaucoup trop de coeur et d'implication personnelle les mauvais résultats de FREVENT en 2003 ; Il se sent responsable de la baisse de notre activité, il a essayé par tous les moyens de la ralentir en prenant des initiatives de toute nature, notamment commerciales, qui n‘étaient pas vraiment de sa compétence (...) ; Ceci a peut-être, et apparemment certainement même, si l'affaire du carrelage est exacte, conduit Monsieur Z... à une grande fébrilité qui peut tous nous inquiéter (...) Monsieur Z... a pris très à coeur ce nouveau challenge et il a, là aussi, consacré du temps et peut-être trop d'efforts à apprendre cette nouvelle technique et à organiser ces transferts de machines ; Tout cela pourrait expliquer le très grand stress dans lequel il se trouve, il ne faut pas évidemment saisir cette occasion pour régler de vieilles querelles et lui attribuer des responsabilités de harceleur, qui ne sont pas, c‘est le moins que l'on puisse dire, avérées, puisque malheureusement Madame F... m'a écrit une lettre où elle évoque également le même comportement chez Monsieur Z... (qui n'est donc pas spécialement orienté contré vous seule) ; Il conviendrait de retirer de mon esprit une préoccupation que je vous avoue très clairement : n'y a t il pas volonté de harcèlement de la part d'un certain nombre de collaborateurs à l'encontre de Monsieur Z... ? Je pense, pour conclure provisoirement que vous avez mis le doigt sur une situation déplorable et je vous remercie de me l'avoir enfin signalée par écrit » ; qu'au travers de ce courrier, loin de réfuter tous les griefs élevés par Madame Martine Y... à l'encontre de son supérieur hiérarchique, la société ARTEA admettait qu'il puisse à tout le moins exister un climat de stress ; qu'il doit enfin être rappelé que la situation avait été signalée à l'inspection du Travail non seulement par Madame Martine Y... mais également par deux autres salariés, Messieurs Freddy I... et J... ; que compte tenu de l'ensemble de ces éléments, il apparaît que Madame Martine Y... travaillait dans un climat de tension extrême instauré par Monsieur Z... qui ne pouvait que la conduire à prendre une initiative malheureuse comme celle d'octobre 2004, faute de pouvoir en référer sereinement avec son supérieur hiérarchique ; que dans ces conditions, loin de caractériser une intention de nuire, les faits reprochés révèlent surtout un dysfonctionnement dans les relations de travail imposées par Monsieur Z... ; que d'ailleurs, dans sa déposition faite auprès du juge départiteur, Monsieur Denis J..., cariste chez ARTEA, souligne que «depuis le départ de Monsieur Z..., il n‘y a plus de problèmes de cet ordre» ; qu'enfin, il ne peut être ignoré que les faits reprochés à Madame Martine Y... n'ont finalement eu aucune incidence financière pour l'entreprise, puisque les bons de commande litigieux n'ont pas été signés ; qu'en conséquence, c'est à tort que le conseil de prud'hommes a considéré le licenciement fondé sur une faute grave, celui-ci se trouvant en réalité, compte tenu du contexte, dépourvu de toute cause réelle et sérieuse» ;

ALORS QUE d'une part la faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations du contrat de travail ou des relations de travail telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; que constitue une faute grave la falsification par le salarié de documents destinée à tromper l'employeur afin de dissimuler les anomalies comportant certains dossiers dont il est chargé dans le cadre des fonctions qui lui sont imparties et ce, quelques soient les raisons qui ont conduit le salarié à agir ainsi ; qu'en écartant la faute grave imputée à Madame Martine Y... sur la seule considération des raisons qui ont conduit celle-ci à la commettre, sans rechercher si cette faute dont elle avait constaté la réalité et la matérialité ne rendait pas impossible la poursuite de l'exécution du contrat de travail pendant la durée du préavis, la Cour d'appel a violé les articles L. 122-6 et L. 122-8, devenus les articles L. 1234-1 et L. 1234-5 du Code du travail ;

ALORS QUE d'autre part l'intention de nuire à l'entreprise n'est pas exigée pour caractériser l'existence d'une faute grave ; qu'en écartant l'existence d'une faute grave imputable à Madame Y... au motif inopérant que les faits reprochés à la salariée ne révélaient pas de sa part une intention de nuire de celle-ci, la Cour d'appel a violé les articles L. 122-6 et L. 122-8, devenus les articles L. 1234-1 et L. 1234-5 du Code du travail du Code du travail ;

ALORS QU'en outre l'existence d'une faute grave est indépendante du préjudice éventuel qui peut résulter des agissements reprochés au salarié pour l'employeur ou pour des tiers ; qu'en énonçant que les faits reprochés à Madame Martine Y... ne constituaient pas une faute grave dès lors qu'ils n'avaient finalement eu aucune incidence financière pour l'entreprise, puisque les bons de commande litigieux n'avaient pas été signés, la Cour d'appel a violé les articles L. 122-6 et L. 122-8, devenus les articles L. 1234-1 et L. 1234-5 du Code du travail ;

ALORS QU'enfin la falsification par une intrusion frauduleuse d'un salarié dans le logiciel du système informatique de l'entreprise constitue à tout le moins une cause réelle et sérieuse de licenciement ; qu'en écartant l'existence d'une faute grave imputable à Madame Y... sans même recherché si la faute reprochée à la salariée ne constituait une faute justifiant un licenciement pour cause réelle et sérieuse, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 122-14-3, devenu l'article L. 1235-1 du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 08-44341
Date de la décision : 24/06/2009
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 27 juin 2008


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 24 jui. 2009, pourvoi n°08-44341


Composition du Tribunal
Président : Mme Morin (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Baraduc et Duhamel, SCP Delvolvé

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2009:08.44341
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