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24/06/2009 | FRANCE | N°07-45245

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 24 juin 2009, 07-45245


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen du pourvoi de la société Rhodia opérations :

Vu l'article L. 1224-1 du code du travail, interprété à la lumière de la directive n° 2001/23/CE du 12 mars 2001 ;

Attendu qu'en application de ce texte, lorsqu'une branche d'activité formant une entité économique autonome est transférée, les salariés qui, au jour du transfert, sont affectés à cette partie de l'entreprise pour l'exécution de leur tâche habituelle passent au service du cessionnaire ;

Attendu, selon

l'arrêt attaqué, que M. X..., exerçant des fonctions de "directeur" au sein de la société...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen du pourvoi de la société Rhodia opérations :

Vu l'article L. 1224-1 du code du travail, interprété à la lumière de la directive n° 2001/23/CE du 12 mars 2001 ;

Attendu qu'en application de ce texte, lorsqu'une branche d'activité formant une entité économique autonome est transférée, les salariés qui, au jour du transfert, sont affectés à cette partie de l'entreprise pour l'exécution de leur tâche habituelle passent au service du cessionnaire ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., exerçant des fonctions de "directeur" au sein de la société Rhodia PPMC, devenue Rhodia opérations, a été détaché, à partir du 1er août 2000, auprès de la filiale belge de la société Latexia ; qu'un avenant d'expatriation, conclu le 10 novembre 2000, précisait que la mise à disposition auprès de Latexia était prévue pour une durée de trois à cinq années à l'issue desquelles son rattachement à Rhodia reprendrait tous ses effets ; que, le 10 juillet 2002, la société Rhodia PPMC a notifié au salarié que, dans le cadre de la cession des actifs de Latex papier de Rhodia à la société Raisio Chemicals, son contrat de travail serait repris par la société Latexia en application des dispositions de l'article L. 122-12, alinéa 2, du code du travail alors applicable ; que contestant cette décision et soutenant que son contrat de travail avait été unilatéralement rompu par son employeur, le salarié a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir réparation ;

Attendu que, pour juger que le transfert à la société Latexia France de la branche d'activité "latex papier" n'entraînait pas pour M. X... un changement d'employeur, la cour d'appel a retenu que depuis son entrée dans l'entreprise, en 1976, celui-ci avait travaillé dans divers secteurs d'activité, comme le textile, les additifs papiers, les peintures et matériaux de constructions, avant d'être affecté à la fin de l'année 2000 au secteur "latex" ; que depuis l'origine, ses fonctions n'étaient pas particulièrement rattachées au secteur latex mais lui avaient permis une réelle polyvalence couvrant jusqu'alors l'ensemble des produits fabriqués dans le groupe ; qu'en conséquence, les dispositions de l'article L. 122-12, alinéa 2, du code du travail ne sont pas applicables à ce salarié, cadre de haut niveau du groupe Rhodia, dont l'activité depuis 25 ans n'était pas spécifiquement rattachée au secteur latex, dès lors qu'il n'avait accepté qu'une mission temporaire dans ce domaine et qu'il ne pouvait donc lui être imposé un changement d'employeur, en sorte que la décision du groupe Rhodia de se séparer de lui au moment du transfert constitue une rupture du contrat de travail imputable à l'employeur ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle constatait qu'au jour du transfert, M. X... accomplissait son travail dans la branche d'activité cédée et que cette affectation ne présentait pas un caractère occasionnel, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, au regard du texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur la seconde branche du pourvoi de l'employeur et sur les deux moyens du pourvoi incident du salarié :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 2 octobre 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre juin deux mille neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits au pourvoi principal par Me Y..., avocat aux Conseils pour la société Rhodia PPMC devenue Rhodia opérations.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR dit que la rupture du contrat de travail de M. X... s'analysait en licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamné la société Rhodia Opérations à lui payer une somme de 120.000 à titre d'indemnité pour licenciement abusif et une somme de 251.200 à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, outre intérêts de droit à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le Conseil de prud'homme,

AUX MOTIFS QUE s'agissant de la situation personnelle de M. X... qui était au moment du transfert mis à la disposition de la société Latexia, mais était de manière incontestée resté le salarié de la société Rhodia, il convient de rechercher si le contrat de travail de celui-ci a nécessairement suivi le même sort de transfert, comme étant spécifiquement rattaché à l'activité latex ; qu'or, il ressort du dossier et des débats que lorsqu'il est entré en 1976 dans la société Bevaloid, reprise ensuite par Rhône Poulenc et puis renommée Rhodia, M. X... y est en entré en qualité de laborantin et que lors du transfert des activités latex il occupait les fonctions de directeur marketing et commercial détaché en qualité d'expatrié au sein de la société Latexia filiale belge du groupe ; qu'entre-temps M. X... qui était précédemment en charge du textile et additifs papier au sein de l'entreprise Rhône Poulenc, a fait en 1997 l'objet d'un premier détachement en Suède, avec contrat d'expatriation, en qualité de directeur des pays Norden pour l'entreprise Rhône Poulenc papier, peintures et matériaux de construction. Il ressort du contrat de détachement et de la fiche de poste que si des activités latex étaient incluses dans ses responsabilités elles n'étaient pas les seules puisque celles-ci couvraient également le marché de la peinture industrielle, le marché des additifs papier, le marché de la peinture décorative et le marché de la construction ; que ce premier détachement a été suivi d'un second détachement, par avenant au contrat de travail de M. X... en date du 10 novembre 2000, pour l'affecter auprès de la société Latexia en Belgique dans un secteur d'activité spécifique, le latex, détachement qui aurait alors entraîné son transfert en 2002 lors de la cession des activités latex ; que l'examen de la situation de M. X... démontre donc que si celui-ci exerçait depuis la fin de l'année 2000 des activités rattachées au secteur latex, pour autant ses fonctions au sein du groupe Rhodia, et depuis l'origine, n'étaient pas particulièrement rattachées à l'activité latex mais lui avaient permis une réelle polyvalence couvrant, notamment pendant le détachement dans les pays nordiques, l'ensemble des produits fabriqués par le groupe ; que d'autre part lorsque M. X... a accepté son détachement auprès de la société Latexia l'avenant à son contrat de travail évoquait article 1.2 une « mission prévue pour une durée de trois à cinq ans » à l'issue de laquelle « les dispositions de la présente lettre cesseront d'être appliquées sans autre formalité et votre lettre d'engagement précitée (lettre du 1er octobre 1976) restera le seul document en vigueur régissant vos rapports avec notre société ; qu'acceptant cette mise à disposition M. X... d'une part ne quittait pas le groupe Rhodia auquel il appartenait puisque la société Latexia en faisait partie, bénéficiait du statut d'expatrié avec les avantages qui s'y rattachent et d'autre part était garanti de retrouver son statut de salarié du groupe Rhodia à la fin de sa mission ; qu'en conséquence, la Cour considérant que les dispositions de l'article L.122-12 du Code du travail sont des dispositions protectrices du salarié prévues par le législateur pour faire en sorte que les salariés affectés à une activité ne puissent se voir licencier du fait du transfert de cette activité à un autre employeur, dit que ces dispositions ne sauraient être opposées à M. X..., cadre de haut niveau du groupe Rhodia, dont l'activité depuis 25 ans n'était pas spécifiquement rattachée au secteur latex, qui n'avait accepté qu'une mission temporaire dans ce domaine, et qui donc ne pouvait se voir imposer un transfert emportant changement d'employeur et nécessairement changement de statut dans la mesure où il sortait du groupe auquel il était rattaché depuis 1976 et ce sans que son accord ait été requis, alors qu'il s'agissait là d'une modification substantielle de son contrat de travail ; que dès lors la décision prise par le groupe Rhodia de se séparer de M. X... au moment du transfert constitue une rupture du contrat de travail imputable à l'employeur et s'analyse comme un licenciement qui en l'absence d'une lettre motivée apparaît dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

1°) ALORS QUE les conditions de mise en oeuvre de l'article L.122-12, alinéa 2, du Code du travail doivent êtres réunies au moment du transfert de l'entité économique autonome pour qu'il produise ses effets, de sorte que c'est à cette date qu'il convient de déterminer si, pour le contrat de travail considéré, le salarié était ou non affecté à l'activité cédée ; qu'en statuant comme elle l'a fait, après avoir pourtant constaté que M. X... était affecté à l'activité Latex depuis près de deux ans lorsqu'elle a été cédée, ce dont il résultait que son contrat de travail subsistait avec le nouvel employeur, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, et partant, a violé l'article L. 122-12, alinéa 2, du Code du travail ;

2°) ALORS QUE tous les contrats de travail des salariés attachés à l'activité cédée, en cours au jour de la modification dans la situation juridique de l'employeur, subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise ; qu'en se prononçant comme elle l'a fait, motif pris qu'avant son détachement auprès de la société Latexia, à la fin de l'année 2000, M. X... n'avait pas été « particulièrement rattaché à l'activité latex », la Cour d'appel, qui a ajouté à la loi une condition qu'elle ne comporte pas, a violé l'article L.122-12, alinéa 2, du Code du travail ;

3°) ALORS QUE lorsque les conditions de mise en oeuvre de l'article L.122-12, alinéa 2, du Code du travail sont réunies, le salarié ne peut refuser le transfert de son contrat de travail ; qu'en statuant comme elle l'a fait au motif qu'au moment du détachement du salarié auprès de la société Latexia, il avait été convenu, d'une part, que sa mission ne durerait pas plus de cinq ans, d'autre part, que le salarié ne quittait pas le groupe Rhodia et, enfin, qu'à l'issue de ce détachement, il devrait retrouver son statut de salarié au sein du groupe Rhodia, la Cour d'appel a violé l'article L.122-12, alinéa 2, du Code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR condamné la société Rhodia Opérations à payer à M. X... une somme de 120.000 à titre d'indemnité pour licenciement abusif et une somme de 251.200 à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, outre intérêts de droit à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le Conseil de prud'homme,

AUX MOTIFS QUE M. X... soutient qu'il disposait d'un salaire de référence d'un montant annuel de 209.953,85 , soit 17.496,15 brut par mois ; que la cour considère qu'il convient de retirer de cette somme celle versée à titre de prime de mobilité ; que le salaire brut de référence de M. X... s'établit donc à la somme de 15.908 ,

1°) ALORS QU'en fixant ainsi les indemnités accordées à M. X..., sans exclure de l'assiette des rémunérations les sommes versées par la Société Latexia et sans réduire le salaire de référence à celui correspondant au salaire conclu avec la Société Rhodia et résultant des documents contractuels, qui s'élevait à la somme de 9.655,21 par mois, la cour d'appel a violé les articles 1147 du Code civil et L. 122-14-4 du Code du travail,

ET AUX MOTIFS QUE compte tenu des circonstances de la rupture, de l'ancienneté de M. X..., du fait qu'à la suite de cette rupture il a continué à travailler au sein de l'entreprise auprès de laquelle il avait été détaché, avec un salaire dont il prétend qu'il a ensuite baissé sans en rapporter la preuve, la cour fixe les dommages intérêts dus à M. X... pour rupture abusive du contrat de travail à la somme de 120.000 ,

2°) ALORS QU'en fixant à 120.000 l'indemnité pour licenciement abusif, sans s'expliquer sur la réalité du préjudice subi par le salarié, tout en constatant que le salarié travaillait toujours pour la société qui avait racheté la Société Latexia et qu'il ne justifiait pas d'une baisse de salaire, la cour d'appel, qui n'a caractérisé aucun préjudice qu'aurait subi le salarié, a privé sa décision de base légale au regard des articles 1147 du Code civil et L. 122-14-4 du Code du travail, ensemble l'article 6-1 de la Convention ESDH et l'article 1er du 1er protocole additionnel.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits au pourvoi incident par la SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat aux Conseils pour M. X....

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Monsieur X... de sa demande tendant à ce que l'indemnité conventionnelle de licenciement soit portée à la somme de 293.935,32 et à ce que l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse soit portée à la somme de 187.694,05 , après intégration de la prime de mobilité dans le salaire servant de base de calcul pour les indemnités de rupture ;

Aux motifs que « la cour considère (…) qu'il convient de retirer de cette somme celle versée à titre de prime de mobilité pour un montant de 11.433,70 majoré de 7.622,45 , prime versée au début et à la fin de chaque mission, quand celle-ci a duré plus de deux ans, mais qui à raison de son caractère exceptionnel d'incitation à la mobilité ne saurait être intégrée dans les salaires de référence de Monsieur X..., quand bien même elle lui a été versée au cours de l'année qui a précédé la rupture du contrat de travail » ;

Alors que constituent une composante du salaire devant être prises en compte dans la base de calcul des indemnités de rupture toutes les primes revêtant un caractère de complément de salaire, dès lors qu'elles sont versées durant la période de référence ; qu'en refusant de prendre en considération la prime de mobilité versée à Monsieur X... au cours de l'année ayant précédé la rupture du contrat de travail, au motif inopérant de ce que cette prime aurait un « caractère exceptionnel d'incitation à la mobilité » (arrêt attaqué, p. 5 in fine), la cour d'appel a violé l'article L.122-14-4 du Code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Monsieur X... de sa demande tendant au paiement de la somme de 52.488,46 au titre de l'indemnité de préavis, outre les congés payés afférents ;

Aux motifs que « la cour considérant que Monsieur X... n'a pas exécuté son préavis et n'était pas en situation d'exécuter son préavis au profit de la société RHODIA dans la mesure où il a conservé son emploi au sein de la société LATEXIA à partir du 1er août 2002, déboute Monsieur X... de ses demandes à ce titre » ;

Alors que lorsque l'inexécution du préavis tient à la faute de l'employeur et non à une situation imputable au salarié, l'indemnité compensatrice de préavis est due ; qu'en déboutant le salarié de sa demande tendant au paiement de l'indemnité de préavis, au motif que « Monsieur X... n'a pas exécuté son préavis et n'était pas en situation d'exécuter son préavis au profit de la société RHODIA dans la mesure où il a conservé son emploi au sein de la société LATEXIA à partir du 1er août 2002 » (arrêt attaqué, p. 6 § 3), cependant qu'il résulte des termes de la décision attaquée (p. 5 § 2) que c'est la société RHODIA qui, en imposant illégalement à Monsieur X... un transfert définitif au sein de la société LATEXIA, a rendu impossible l'exécution du préavis au sein de la société RHODIA, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article L.122-8 du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 07-45245
Date de la décision : 24/06/2009
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 02 octobre 2007


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 24 jui. 2009, pourvoi n°07-45245


Composition du Tribunal
Président : M. Bailly (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Delaporte, Briard et Trichet, SCP Ortscheidt

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2009:07.45245
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