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17/06/2009 | FRANCE | N°08-85952

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 17 juin 2009, 08-85952


Statuant sur les pourvois formés par :
- X... Patrick,- Y... Joël,

contre l'arrêt n° 1 de la cour d'appel de PARIS, 9e chambre, en date du 3 juillet 2008, qui les a condamnés à trois ans d'emprisonnement dont un an avec sursis, le premier, pour fraude fiscale, tentative et omission d'écritures en comptabilité, le second, pour complicité de fraude fiscale et d'omission d'écritures en comptabilité, a ordonné l'affichage et la publication de la décision et a prononcé sur les demandes de l'administration des impôts, partie civile ;
Joignant les pourvois en raison de l

a connexité ;
I-Sur le pourvoi formé par Patrick X... :
Sur sa recevabil...

Statuant sur les pourvois formés par :
- X... Patrick,- Y... Joël,

contre l'arrêt n° 1 de la cour d'appel de PARIS, 9e chambre, en date du 3 juillet 2008, qui les a condamnés à trois ans d'emprisonnement dont un an avec sursis, le premier, pour fraude fiscale, tentative et omission d'écritures en comptabilité, le second, pour complicité de fraude fiscale et d'omission d'écritures en comptabilité, a ordonné l'affichage et la publication de la décision et a prononcé sur les demandes de l'administration des impôts, partie civile ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
I-Sur le pourvoi formé par Patrick X... :
Sur sa recevabilité :
Attendu que le pourvoi, formé le 8 août 2008, plus de cinq jours francs après le prononcé de l'arrêt contradictoire du 3 juillet 2008, est irrecevable comme tardif en application de l'article 568 du code de procédure pénale ;
II-Sur le pourvoi formé par Joël Y... :
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, L. 47 et L. 228 du livre des procédures fiscales, 385 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, violation du principe de l'égalité des armes ;
" en ce que l'arrêt attaqué a écarté l'exception de nullité soulevée par Joël Y... et a condamné ce dernier à une peine de trois ans d'emprisonnement dont douze mois avec sursis ;
" aux motifs que les moyens tirés de prétendues irrégularités de la procédure fiscale invoquées par Joël Y... constituent des exceptions ou fins de non-recevoir qui doivent être invoquées avant toute défense au fond ; que Joël Y... n'a pas satisfait à cette obligation et sera déclaré irrecevable ; qu'au surplus l'administration fiscale n'ayant fait qu'exercer son droit de communication, aucune violation des droits de la défense et de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales n'est démontrée ; que si Joël Y... soutient n'avoir pas été avisé de la deuxième saisine de la commission d'infractions fiscales du 14 décembre 2000, ayant donné lieu à l'avis du 2 février 2001 et à la plainte du 22 février 2001, l'avis de la commission d'infractions fiscales qui bénéfice d'une présomption d'authenticité atteste de l'accomplissement de l'information du contribuable par l'envoi d'une lettre recommandée avec accusé de réception ;
" alors, d'une part, que la juridiction correctionnelle doit statuer sur les exceptions que le prévenu lui soumet dans des conclusions régulièrement déposées avant toute défense au fond ; qu'il résulte des conclusions de première instance et d'appel déposées par Joël Y... et visées par le greffier que l'intéressé a contesté, avant de défendre au fond, la régularité de la procédure en invoquant l'absence de notification de la saisine de la commission des infractions fiscales et le caractère non contradictoire de la procédure de redressement ; qu'en retenant, en dépit du dépôt de ces écritures, que le prévenu n'avait pas soulevé ces exceptions avant toute défense au fond, la cour d'appel a violé l'article 385 du code de procédure pénale ;
" alors, d'autre part, qu'en conférant à l'avis de la commission des infractions fiscales une présomption d'authenticité et en présumant ainsi que les formalités prévues pour l'exercice des droits de la défense ont été accomplies, là où cette commission est un organe administratif consultatif interne à l'administration, partie poursuivante, la cour d'appel a violé les articles L. 228 du livre des procédures fiscales et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, ensemble le principe de l'égalité des armes ;
" alors, enfin, que Joël Y... faisait valoir que la procédure administrative était entachée d'une violation du principe du contradictoire dans la mesure où l'administration fiscale ne lui avait pas communiqué la plupart des procès-verbaux obtenus dans le cadre de son droit de communication ; qu'en se bornant à relever que l'administration fiscale n'avait fait qu'exercer son droit de communication sans statuer sur le grief relatif à l'absence de communication des pièces ainsi obtenues, la cour d'appel n'a pas légalement motivé sa décision " ;
Attendu que, pour écarter les moyens de nullité soulevés par le prévenu, pris d'irrégularités de la procédure fiscale, l'arrêt énonce notamment que ces exceptions qui n'ont pas été soulevées avant toute défense au fond sont irrecevables ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 262 ter, 272 du code général des impôts, dans leur rédaction issue de la loi n° 2006-1771 du 30 décembre 2006, 1741 et 1743 du code général des impôts, 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt a condamné Joël Y... du chef de fraude fiscale à une peine de trois ans d'emprisonnement dont douze mois avec sursis ;
" aux motifs que la société Applitec a fait l'objet de deux vérifications fiscales qui ont mis à jour des fraudes à la TVA par fausses livraisons intracommunautaires indûment exonérées de TVA et par des déductions abusives de TVA afférentes à des factures d'achats fictifs ou non causés ; que le montant de la TVA éludée et des remboursements indus s'est élevé à un total de plus de 81 millions d'euros ; qu'en raison de la comptabilité de ces fausses livraisons et des achats fictifs ou non causés, la comptabilité a été considérée comme irrégulière et non probante ; que la plupart des factures n'ont pas mentionné le numéro intracommunautaire du client ; que la société Applitec n'a fourni au vérificateur aucun document ou pièce pouvant justifier de la réalité du transfert physique des marchandises sur le territoire d'un autre Etat membre de la Communauté européenne (bons de livraison ou d'enlèvement, confirmation commerciale de bonne réception des biens, correspondance commerciale, avis de règlement d'établissements bancaires étrangers …) ; que seules des attestations postérieures ont été produites ; qu'il est apparu dans le cadre de l'assistance administrative apportées par les services britanniques que le fournisseur anglais Westhill (nom commercial de Shark) ne disposait d'aucun établissement en Grande-Bretagne, qu'aucune marchandise n'était rentrée au Royaume-Uni avant février 1996 et qu'après cette date la société s'était abstenue de déclarer la TVA pourtant facturée au client ; que la vérification de la comptabilité de la société Whestill a démontré l'existence d'un établissement et d'une activité commerciale en France, les marchandises étant sous couvert de livraisons intracommunautaires livrées à La Plaine Saint-Denis ; que, de la même façon, la société Oakland Pacific Ldt depuis sa création n'avait jamais exercé la moindre activité au Royaume-Uni où elle n'avait ni personnel ni adresse professionnelle, que les marchandises ne sont jamais arrivées au Royaume-Uni et que les factures ont été réglées à partir d'un compte français ; que la société Applitec a été, de janvier 1996 à février 1997, le principal client des sociétés MPG, Space Digital et Confort Distribution ; que les vérifications des comptabilités de ces sociétés ont mis en évidence leur caractère fictif ou non causé économiquement de leur activité (absence de réalité des acquisitions intracommunautaires, absence de souscription de déclaration d'échange des biens, absence de déclaration des acquisitions, absence de main-d'oeuvre, location dans une domiciliation commerciale, facture de vente mentionnant un prix TTC légèrement supérieur à celui facturé lors de l'acquisition intracommunautaire, la faible marge ainsi dégagée étant systématique décaissée en espèce à l'issue de la transaction) ; que Michel Z..., gérant de la société Space Digital, recruté par des ressortissants belges, MM. A... et B..., et fournisseur d'Applitec a évoqué un chiffre d'affaires de 800 000 francs à 2 500 000 francs par jour, et précisé avoir eu conscience de participer à un réseau de fraude à la TVA en constatant qu'il payait plus cher l'acquisition des marchandises qu'il ne les revendait ; que les vérifications fiscales des sociétés Onway, Chrono Bureautique, Patche, Declic Système, Markia, KS Composants, Cd Distribution et ASC ont également montré le caractère économiquement fictif de leur activité, ces sociétés ayant fonctionné comme des officines de facturation afin d'obtenir une réduction artificielle du prix des marchandises au détriment du Trésor public ; qu'il a été relevé des facturations « en boucle », les marchandises étant refacturées à la société Applitec à un prix hors taxe inférieur à celui que celle-ci avait elle-même initialement facturé ; que Joël Y... soutient vainement que la société Applitec était un opérateur innocent, qu'il lui était impossible de déceler la fraude et de distinguer des partenaires commerciaux fiscalement défaillants ; que l'importance des transactions intervenues avec des sociétés fiscalement défaillantes (67 %) et de création récente, dénuées de tous moyens matériels et humains, dont la société Applitec était souvent le principal client est exclusive de la bonne foi invoquée ; que le caractère répétée de ces transactions comme l'importance des livraisons à des sociétés sans activité à l'étranger avec une absence de toute justification du transfert physique des marchandises hors de France démontrent que la société Applitec a sciemment participé au mécanisme frauduleux dont elle a tiré un avantage concurrentiel par l'augmentation exponentielle et corrélative de son chiffre d'affaires ; que Joël Y... ne peut se prévaloir que du fait que son activité s'exerçait sous la surveillance et le contrôle de l'administrateur judiciaire alors que Philippe H... désigné en cette qualité n'avait qu'une mission d'assistance et n'entretenait aucune relation avec les fournisseurs et clients ; que M. C..., gérant de la société MPG a indiqué avoir été contacté par un certain G..., intermédiaire d'Alain D... ou d'Applitec pour être gérant de société ; qu'il a ajouté qu'une chambre avait été louée à son intention dans un hôtel situé en face de la société Applitec et que, chaque matin, il se rendait à la Société générale pour se faire remettre un chèque de banque à l'ordre de la société Westhill que la société Applitec lui échangeait par un chèque à l'ordre de la société MPG ; qu'il a relevé que Joël Y... prenait les décisions pour le compte de la société Applitec et donnait des instructions au dénommé G... ; qu'il a enfin précisé que ces opérations avaient pour but de générer des profits par les gains effectués sur la TVA qui n'était pas payée et de réaliser des ventes en dessous des cours dont la société Applitec était la principale bénéficiaire ; que M. E..., salarié de la société Applitec, a indiqué avoir constaté dès le début de sa prise de fonction que les marchandises « tournaient en boucle », précisant que la société Applitec rachetait les marchandises qu'elle avait vendues et qu'il en avait averti Joël Y... sans obtenir de réaction de leur part ; que l'enquête préliminaire versée au dossier de la cour et débattue contradictoirement à l'audience concernant la société Chrono Bureautique au cours de laquelle ont été entendus MM. A... et F... est particulièrement significative de la participation des prévenus à la fraude ; que Tony A... décrit de façon détaillée le « carrousel de TVA » organisé par lui au profit de la société Applitec ; qu'il a indiqué n'avoir créé la société Chrono Bureautique qu'après avoir passé un accord verbal avec Joël Y... qui lui garantissait l'achat et la totalité de la marchandise ; qu'il a également précisé avoir négocié avec ceux-ci le partage de la TVA fraudée ; que M. F... a confirmé l'existence de cet accord préalable et a indiqué avoir assisté à une réunion à laquelle participaient Tony A... et Joël Y... et Patrick X... au cours de laquelle Patrick X... avait fixé la répartition du produit de la fraude entre les divers intervenants ;
" alors, d'une part, que l'exonération de TVA sur une livraison intracommunautaire ainsi que la déduction de la TVA versée à un fournisseur ne peuvent être remises en cause, lorsque cette livraison a été effectuée à un acquéreur sans activité réelle ou lorsque que cette acquisition a été lieu auprès d'un fournisseur participant à une fraude, que si le redevable savait ou ne pouvait ignorer cette absence d'activité ou l'existence de cette fraude ; qu'en l'espèce, pour remettre en cause les exonérations et déductions opérées lors des livraisons intracommunautaires et des acquisitions litigieuses, les juges du fond se bornent à relever l'importance des transactions intervenues avec des sociétés fiscalement défaillantes, de création récente et dénuées de tous moyens matériels et humains et le caractère répété des transactions avec des sociétés sans activité à l'étranger ; qu'en se référant à ces éléments sans rechercher, ainsi qu'il lui était demandé, si la circonstance que les partenaires de la société Applitec étaient fiscalement défaillants, sans activité réelle et sans moyens matériels et humain, était connue du redevable ou que ce dernier ne pouvait les ignorer, la cour d'appel a violé les articles 262 ter et 272 du code général des impôts, dans leur rédaction issue de la loi n° 2006-1771 du 30 décembre 2006, ensemble les articles 1741 et 1742 du même code ;
" alors, d'autre part, qu'en se bornant à relater les différents témoignages, émanant pour la plupart des personnes impliquées dans la fraude, sans apporter sur leur contenu, à savoir une prétendue participation personnelle de Joël Y... à la fraude, une appréciation qui lui soit propre, la cour d'appel n'a pas légalement motivé sa décision " ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit dont elle a déclaré le prévenu coupable ;
D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 132-19 et 132-24 du code pénal, et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, violation du principe de l'individualisation des peines ;
" en ce que l'arrêt attaqué a condamné Joël Y... à une peine de trois ans d'emprisonnement dont douze mois avec sursis ;
" aux motifs que, compte tenu du caractère systématique et délibéré de la fraude, de son exceptionnelle importance qui a nécessité des investigations complexes, de l'atteinte particulièrement grave portée à l'ordre public économique, il convient de sanctionner les faits commis par les prévenus en les condamnant chacun à une peine de trois ans d'emprisonnement qui sera assortie du sursis pour une durée de douze mois ;
" alors que le choix d'une peine d'emprisonnement sans sursis doit être spécialement motivé en fonction tant des circonstances de l'infraction que de la personnalité de son auteur ; qu'en motivant le prononcé d'une peine partiellement ferme en fonction, seulement, de la gravité de l'infraction et en omettant de prendre en considération la personnalité de Joël Y..., la cour d'appel a violé les textes précités " ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a prononcé une peine d'emprisonnement sans sursis par des motifs qui satisfont aux exigences de l'article 132-19 du code pénal ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
Par ces motifs :
I-Sur le pourvoi formé par Patrick X... :
Le DÉCLARE IRRECEVABLE ;
II-Sur le pourvoi formé par Joël Y...

Le REJETTE ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Dulin conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, Mme Slove conseiller rapporteur, M. Rognon conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Daudé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 08-85952
Date de la décision : 17/06/2009
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 03 juillet 2008


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 17 jui. 2009, pourvoi n°08-85952


Composition du Tribunal
Président : M. Dulin (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Foussard, SCP Roger et Sevaux, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2009:08.85952
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