LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses diverses branches, ci après annexé :
Attendu que M. X... a acquis, le 22 octobre 1999, un immeuble en France et l'a financé au moyen d'un prêt consenti par un organisme de crédit allemand ; que, par acte du 19 février 2001, il a fait donation à ses fils de la nue propriété de cette maison, s'en réservant l'usufruit qui devait revenir, en cas de décès, à son épouse ; que, le 15 avril 2002, une procédure d'insolvabilité a été ouverte, à sa demande, devant les juridictions allemandes et un syndic représentant les créanciers désigné en la personne de M. Y... ; qu'une juridiction allemande a reconnu, par une décision du 5 septembre 2003, que M. X... s'était rendu coupable de " banqueroute intentionnelle " en soustrayant intentionnellement, du fait de la donation, le seul objet de son patrimoine ; que M. Y... a saisi le tribunal de grande instance sur le fondement de l'article 1167 du code civil ;
Attendu que les consorts X... font grief à l'arrêt attaqué (Toulouse, 15 avril 2008) d'avoir déclaré inopposable à M. Y... la donation intervenue le 19 février 2001 ;
Attendu, d'abord, que l'arrêt relève qu'une décision allemande avait reconnu M. X... coupable d'avoir, par la donation faite à ses enfants, soustrait à ses créanciers le seul objet de son patrimoine et estime que M. X..., présentant seulement des comptes établis par lui même sans justificatif objectif, n'établissait pas qu'il disposait, au jour de l'acte litigieux, de biens d'une valeur suffisante ; qu'ensuite, constatant, d'une part, que la donation était intervenue au moment où M. X... était fortement endetté et avait une activité professionnelle déficitaire et d'autre part, que la donation avec réserve d'usufruit donnait au bien une valeur dérisoire difficilement réalisable, de sorte qu'il ne pouvait ignorer le préjudice qu'il causait ainsi à ses créanciers, la cour d'appel a caractérisé son insolvabilité apparente au moment de l'acte de donation ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les consorts X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande des consorts X... et les condamne à payer à M. Y..., ès qualités, la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept juin deux mille neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Gaschignard, avocat aux Conseils pour les consorts X...,
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré inopposable au Docteur Y..., es qualité de représentant des créanciers de Monsieur Alwin X..., la donation par ce dernier le 19 février 2001 de la nue-propriété de son immeuble sis à Ausson au profit de ses deux fils Esra et Ilja X...,
AUX MOTIFS QUE le Docteur Y... avait et a toujours qualité à agir, comme représentant des créanciers de Monsieur X..., qu'il résulte des pièces produites que la procédure est toujours en cours le passif n'ayant pas été apuré ; qu'il appartient au Docteur Y... aux termes des dispositions de l'article 1167 du code civil de démontrer que l'acte de donation du 19 février 2001 a été fait en fraude des droits des créanciers d'Alwin X... ; qu'il est versé aux débats le jugement rendu le 5 septembre 2003 par le tribunal d'instance d'Essinger, déclarant Alwin X... coupable de banqueroute intentionnelle pour avoir « du fait de la donation soustrait intentionnellement à ses créanciers le seul objet de son patrimoine à part son entreprise individuelle de telle sorte que le désintéressement de ses créanciers au moyen de cet objet devenait quasiment impossible » et condamnant pour ce délit et celui « d'établissement tardif de bilan » Alwin X... à une peine ; qu'est versée aux débats l'attestation du tribunal d'Esslingen selon laquelle « avec le rejet de l'opposition à l'encontre de l'injonction pénale à l'audience principale devant le tribunal d'instance d'Essingen du 15 mars 2004, l'injonction pénale du tribunal d'instance d'Essingen du 5 septembre 2003 a pris force de loi », car « une injonction pénale ayant autorité de chose jugée » ; que ce jugement constatait que l'entreprise individuelle de Alwin X... présentait au 31 décembre 1999 un « capital négatif de 39 903, 83 DM » et au 31 décembre 2000 « un capital négatif de 53 230, 15 DM » et que le seul bien de valeur de Monsieur X... était l'immeuble d'Ausson d'une valeur d'environ 250 000 DM ; que c'est en vain que Monsieur X... qui ne pouvait ignorer ses difficultés professionnelles et ses dettes, soutient que cette donation n'avait pas d'autre but que de permettre la transmission de son patrimoine à ses enfants, ou que s'il avait voulu frauder ses créanciers il aurait « acquis le bien au nom de ses enfants » alors que l'intention dolosive de la fraude paulienne s'apprécie au regard et à la date de l'acte litigieux soit à celle de la donation et non à celle de l'acte d'acquisition ; que la cour, outre la situation professionnelle obérée de Monsieur X... au 31 décembre 2000 soit moins de deux mois avant la donation litigieuse, ne peut que relever que Monsieur X... présente des comptes établis par lui-même sans justificatif objectif, et donc sans valeur probante ; que d'ailleurs, Monsieur X... valorise au 19 février 2001 son appartement de Esslingen à 498 972 DM alors qu'il est justifié qu'il l'avait proposé à la vente le 9 mars 2001 pour un prix de 429 000 DM seulement et que ce bien a finalement été vendu 290 DM ; que la donation avec réserve d'usufruit avait pour résultat, alors que Monsieur X... pouvait continuer à jouir sa vie durant de cet immeuble, et laissait croire à une solvabilité apparente, de ne laisser aux créanciers que la possibilité d'exercer des voies de droit sur la nue propriété, laquelle à raison du démembrement opéré par la donation, n'avait qu'une valeur dérisoire et difficilement réalisable ; qu'en procédant à cette donation à ses enfants, alors qu'il était fortement endetté et avait une activité professionnelle déficitaire, Monsieur X... ne pouvait ignorer le préjudice qu'il causait ce faisant à ses créanciers,
ALORS D'UNE PART QUE le créancier, qui n'est pas investi de droits particuliers sur certains biens de son débiteur ne peut faire révoquer les actes faits par ce dernier en fraude de ses droits que s'il établit, au jour de l'acte litigieux, son insolvabilité au moins apparente, outre sa conscience de causer un préjudice au créancier en appauvrissant son patrimoine ; qu'en se bornant en l'espèce à retenir que Monsieur X..., fortement endetté et ayant une activité professionnelle déficitaire, ne pouvait ignorer le préjudice qu'il causait à tous ses créanciers par la donation litigieuse, la cour d'appel, qui n'a pas constaté l'insolvabilité au moins apparente de Monsieur X... à la date de l'acte, et a relevé au contraire son état de solvabilité apparente, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1167 du code civil.
ET ALORS D'AUTRE PART QUE la cour d'appel a relevé que l'entreprise individuelle de Monsieur
X...
présentait un « capital négatif » de 53. 230, 15 DM au 31 décembre 2000 ; qu'en se bornant à retenir, pour déclarer inopposable au Docteur Y... es qualité la donation par Monsieur X... à ses deux fils de la nue-propriété de son immeuble d'Ausson, que cet immeuble constituait le seul bien de valeur de Monsieur X..., sans répondre aux conclusions d'appel de ce dernier faisant valoir qu'il avait souscrit deux assurances vie auprès des compagnies ALLIANZ et SPARKASSE représentant un capital d'un montant total de 74. 601, 91 DM au 19 février 2001, de sorte qu'il n'était pas en état d'insolvabilité à cette date, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.