LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
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X... David,
contre l'arrêt de la cour d'appel de DOUAI, 6e chambre, en date du 26 juin 2008, qui, pour délit de fuite et infraction à la réglementation sur la circulation des taxis, l'a condamné à trois mois d'emprisonnement avec sursis, 1 000 euros d'amende, trois mois de suspension du permis de conduire et a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 63, 63-1 du code pénal, 512, 591 à 593 du code de procédure pénale, 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, défaut de motifs, manque de base légale, violation des droits de la défense ;
"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a rejeté l'exception de nullité soulevée par David X... ;
"aux motifs que, selon les dispositions de l'article 63 du code de procédure pénale, l'officier de police judiciaire peut, pour les nécessités de l'enquête, placer en garde-à-vue toute personne à l'encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenter de commettre une infraction ; que cette faculté n'est en rien une obligation, hors les cas où est envisagé de contraindre l'intéressé et de le priver de sa liberté d'aller et venir ; qu'en l'espèce, il n'est établi par aucun élément que le prévenu a été mis sous la contrainte à la disposition de l'officier de police judiciaire pour les nécessités de l'enquête ; qu'en effet, il importe de souligner que David X... a été entendu une première fois le 22 octobre 2004, de 10h55 à 11h30, et une seconde fois le même jour de 14h10 à 15h10 ; que les horaires ainsi rappelés des deux courtes auditions de l'intéressé n'établissent pas qu'il ait été privé de sa liberté d'aller et venir et que les deux procès-verbaux signés par lui mentionnent expressément qu'il est entendu « librement et sans contrainte » ; que le compte rendu au parquet mentionné dans le procès-verbal établi le 22 octobre 2004 à 16h45 indique d'ailleurs que les policiers ont reçu pour instruction de « laisser libre le dénommé David X... » ; qu'il en résulte que les enquêteurs n'avaient pas l'obligation de placer en garde-à-vue David X... et que c'est en conséquence à tort que les premiers juges ont annulé les actes de l'enquête postérieurs à la première audition de l'intéressé ;
"alors que toute personne qui est, sous la contrainte, tenue à la disposition d'un officier de police judiciaire pour les nécessités de l'enquête doit être immédiatement placée en garde à vue et recevoir notification des droits attachés à cette mesure, sous peine d'annulation de la procédure ; que le fait de retenir une personne, après une première audition de 10h55 à 11h30 à l'issue de laquelle il apparaissait qu'elle avait pu commettre l'infraction, objet de l'enquête, à la « disposition » des services de police pour les nécessités de l'enquête pendant plus de cinq heures d'affilée de 11h30 à 16h45, et pendant plus d'une heure et demie après une seconde audition de 14h10 à 15h10, soit jusqu'à 16h45, heure à laquelle les services de police lui ont permis de repartir sur les instructions du procureur de la République, enfin avisé à 16h45, caractérise la contrainte ; qu'en décidant au contraire qu'il n'y avait pas eu de contrainte justifiant un placement en garde à vue par des motifs inopérants, tels que la « courte durée » de chaque audition ou la mention sur les procès-verbaux d'une audition « sans contrainte » de la personne qui ne s'était précisément pas vu notifier ses droits, tout en étant gardée à disposition des services de police sans discontinuité, y compris entre les deux auditions et aussi à l'issue de la seconde audition, la cour d'appel a violé les textes susvisés" ;
Attendu que, pour écarter le moyen de nullité, tiré de ce que David X... aurait été gardé, sous la contrainte, à la disposition des services de police durant plus de cinq heures, sans que ses droits lui aient été notifiés, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, dont il résulte que David X..., qui s'est rendu librement dans les locaux des services de police où il a accepté d'être entendu à deux reprises à 10 h 50 et 14 h 10, n'a fait l'objet d'aucune mesure coercitive, la cour d'appel a justifié sa décision ;
Qu'en effet, aucune disposition légale n'impose à l'officier de police judiciaire de placer en garde à vue une personne, qui accepte d'être entendue, dès qu'apparaît l'existence d'une ou de plusieurs raisons de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-3, 434-10, 434-45 du code pénal, L. 231-1 du code de la route, 591 à 593 du code de procédure pénale, 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, défaut de motifs, manque de base légale, contradiction de motifs ;
"en ce que l'arrêt attaqué a condamné David X... du chef de délit de fuite ;
"aux motifs adoptés que les faits d'exercice illégal de la profession d'artisan expliquent la raison du délit de fuite… les faits s'apparentant à la non assistance à personne en péril ;
"aux motifs propres que le témoignage recueilli et les déclarations du prévenu établissent, en dépit du revirement opéré par l'intéressé après son audition par le service enquêteur, qu'il était effectivement présent sur les lieux de l'accident et qu'il conduisait le taxi mentionné par le témoin… qu'il est très précisément décrit comme ayant opéré un écart pour éviter de percuter la moto conduite par la victime et qu'il résulte de cette manoeuvre qu'il avait une pleine connaissance de la survenance de l'accident au moment précis où le motard perdait le contrôle de son véhicule ; qu'il est également établi qu'il conduisait le véhicule le plus à proximité de la moto conduite par Benoit Y... ; qu'il ne pouvait en conséquence écarter avec certitude et a priori son implication dans l'accident dont il était témoin ; que, cependant, il ne s'est pas arrêté et est même décrit par le témoin comme ayant accéléré ; qu'il témoignait ainsi de sa volonté de tenter d'échapper à la responsabilité pénale ou civile qu'il pouvait encourir à la suite de l'accident ; que l'infraction poursuivie est donc caractérisée en tous ses éléments, y compris intentionnel, s'agissant d'un comportement délibéré de la part du prévenu ;
"1°) alors que le véhicule du simple témoin d'un accident ne saurait être considéré comme impliqué dans l'accident, l'obligation d'arrêt prévue à l'article 434-10 du code pénal ne s'imposant pas à son conducteur, sous réserve, le cas échéant, de l'obligation de porter secours non visée à la prévention ; qu'en relevant la qualité de témoin de l'accident de David X... tout en le déclarant coupable de délit de fuite, en l'absence de tout contact avec le motocycliste qui a perdu le contrôle de son véhicule, parce que le prévenu avait connaissance de la survenance de l'accident et conduisait le véhicule le plus à proximité de la motocyclette, motifs impropres à établir l'infraction reprochée, la cour d'appel a violé l'article 434-10 du code pénal ;
"2°) alors, subsidiairement, que le délit de fuite suppose que le prévenu ait conscience d'avoir personnellement causé ou occasionné un accident ; qu'en se bornant à relever la connaissance de la survenance de l'accident et le fait que prévenu conduisait le véhicule le plus à proximité de la motocyclette pour en déduire que son implication ne pouvait être a priori et avec certitude exclue, la cour d'appel n'a pas caractérisé la conscience de David X... d'avoir personnellement causé ou occasionné un accident, particulièrement en l'absence de tout contact entre le véhicule du prévenu et la motocyclette dont le conducteur, sous l'emprise de stupéfiants, a subitement perdu le contrôle, et a encore violé l'article 434-10 du code pénal ;
"3°) alors que l'élément intentionnel du délit de fuite suppose la volonté du prévenu de se soustraire à sa responsabilité civile ou pénale qu'il pouvait encourir à la suite de l'accident ; qu'en relevant que David X..., dont le véhicule n'a pas eu le moindre contact avec le motocycliste, ne s'est pas arrêté parce qu'il n'était pas en règle avec sa licence de taxi, tout en retenant qu'il tentait d'échapper à la responsabilité pénale ou civile qu'il pouvait encourir du fait de l'accident, la cour d'appel s'est prononcée par des motifs contradictoires et n'a pas justifié sa décision" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que, le 19 octobre 2004, Benoît Y..., qui a perdu le contrôle de sa motocyclette alors qu'il dépassait un taxi, a été mortellement blessé ; que David X..., conducteur du taxi, qui ne disposait pas d'une carte professionnelle en cours de validité, a continué sa route en accélérant ; qu'il a été poursuivi pour délit de fuite et infraction à la réglementation sur la circulation des taxis ;
Attendu que, pour dire le délit de fuite établi, l'arrêt retient que le prévenu, qui conduisait son véhicule au plus près de la motocyclette, ne pouvait écarter, de prime abord, son implication dans l'accident dont il a eu conscience, comme le démontre l'écart qu'il a effectué pour éviter de percuter la motocyclette ; que les juges ajoutent que, non seulement, il ne s'est pas arrêté, mais qu'il a accéléré, témoignant ainsi de sa volonté d'échapper à la responsabilité pénale ou civile qu'il pouvait encourir ;
Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision, dès lors que l'article 434-10 du code pénal n'exige pas, pour que le délit de fuite puisse être retenu, que le juge constate que le prévenu a encouru une responsabilité pénale ; qu'il suffit qu'impliqué dans l'accident, il ait eu conscience de pouvoir encourir une telle responsabilité ;
Que, dès lors, le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ,
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Farge conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, Mme Radenne conseiller rapporteur, M. Blondet conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Krawiec ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;