LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 1147 du code civil, ensemble les articles L. 411-1 et L. 452-1 du code de la sécurité sociale ;
Attendu qu'il résulte de ces textes qu'en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les accidents du travail, et que le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable, au sens de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ; qu'il est indifférent que la faute inexcusable commise par l'employeur ait été la cause déterminante de l'accident survenu au salarié mais qu'il suffit qu'elle en soit une cause nécessaire pour que la responsabilité de l'employeur soit engagée, alors même que d'autres fautes auraient concouru au dommage ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué que, le 8 février 2002, M. X..., salarié de la société Scherberich, occupé à un déchargement de matériels, a été déséquilibré par la chute d'un paquet de poutrelles en bois qu'il détachait et a fait une chute de deux mètres ;
Attendu que pour débouter la victime de sa demande d'indemnisation fondée sur la faute inexcusable de l'employeur, la cour d'appel a retenu que le salarié s'était mal positionné en se plaçant du côté du vide, qu'il avait continué à couper les fils alors qu'un autre ouvrier l'avait prévenu du danger, et que si, à la suite de l'accident, il avait été décidé de protéger les fouilles, d'organiser des zones de stockage et de rappeler les consignes à suivre, l'employeur, avant l'accident, n'avait pu avoir conscience du danger auquel il exposait le salarié ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger et qu'il n'avait pris que tardivement les mesures nécessaires pour en préserver le salarié, la faute de la victime n'ayant pas pour effet d'exonérer l'employeur de la responsabilité qu'il encourt en raison de sa faute inexcusable, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 11 octobre 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Metz ;
Condamne la société Scherberich aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile et l'article 37, alinéa 2, de la loi du 11 juillet 1991, condamne la société Scherberich à payer à la SCP Bachellier et Potier de La Varde la somme de 1 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze juin deux mille neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
.Moyen produit par la SCP Bachellier et Potier de La Varde, avocat aux Conseils pour M. X....
Monsieur X... fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir débouté de sa demande tendant à dire et juger que l'accident de travail qu'il avait subi le 8 février 2002 était la conséquence d'une faute inexcusable de son employeur ;
AUX MOTIFS QU'il est constant que les poutrelles en bois ont été déchargées par un camion le jour de l'accident ; qu'elles ont été posées par une grue au lieu de construction ; que monsieur X... a coupé un premier fil de fer puis un deuxième et a été entraîné dans le vide par une poutrelle ; que selon monsieur Y..., chef de chantier, monsieur X... était mal positionné pour couper les fils, se plaçant du côté du vide et a continué à couper les fils alors qu'un ouvrier l'avait prévenu du danger ; que selon monsieur Z..., il ne pouvait se positionner autrement ; que d'après le plan produit, la configuration des lieux permettait de se positionner autrement ; qu'il aurait dû tenir compte de l'avertissement reçu ; que monsieur Z... ne pouvait entendre de l'endroit où il se trouvait ; qu'à la suite de l'accident, il a été décidé de protéger les fouilles, d'organiser des zones de stockage pour créer des possibilités de circulation correcte et de rappeler les consignes à suivre pour le transport des blessés ; qu'avant l'accident, l'employeur n'a pu avoir conscience du danger auquel il exposait le salarié tandis que ce dernier s'est mal positionné pour exécuter son travail et qu'il a poursuivi bien que prévenu par un ouvrier qui était sur la dalle ; que monsieur X... était par ailleurs expérimenté et réalisait un travail courant sur un chantier de construction ; qu'il s'est lui-même mis en danger ; qu'il a bénéficié du secours de monsieur Z... avant de se rendre par ses propres moyens à l'hôpital, tandis que la blessure paraissait peu grave ; que l'employeur ne s'est vu reprocher aucune faute pénale ; que l'inspection du travail a parlé de procédures standardisées mais n'a relevé aucune infraction ; que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a retenu que monsieur X... s'était soumis lui-même au danger par imprudence ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'il ressort de la procédure de police, notamment que, pour couper les entraves qui maintenaient les poutrelles, monsieur X... s'est imprudemment positionné pour couper les fils, du côté du vide, qu'il est admis que monsieur X... et son chef de chantier, monsieur Y..., avaient, auparavant, tous deux, constaté que le lot de poutrelles était dangereusement positionné sur le sol ;
1°) ALORS QUE le manquement à l'obligation de sécurité de résultat à laquelle est tenu l'employeur a le caractère d'une faute inexcusable lorsque ce dernier avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en protéger ; que la cour qui, tout en relevant qu'à la suite de l'accident l'employeur avait décidé de protéger les fouilles, d'organiser des zones de stockage des matériels pour créer des possibilités de circulation et qu'avant l'accident il n'avait eu recours qu'à des procédures standardisées, ce dont il résultait que l'employeur aurait dû avoir conscience du danger lié à la nature de son activité et aux travaux auxquels était affecté son salarié et qu'il n'avait pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver, a néanmoins considéré que l'employeur n'avait pu avoir conscience du danger avant l'accident, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, violant ainsi les articles 1147 du code civil et L. 452-1 du code de la sécurité sociale ;
2°) ALORS QUE la faute de la victime n'a pas pour effet d'exonérer l'employeur de la responsabilité qu'il encourt en raison de sa faute inexcusable ; que la cour qui, pour juger que l'employeur n'avait pu avoir conscience du danger auquel il exposait le salarié et l'exonérer complètement, s'est fondée sur la circonstance que ce dernier s'était mal positionné pour exécuter son travail et qu'il s'était lui-même mis en danger par imprudence, s'est prononcée par des motifs inopérants, violant les articles 1147 du code civil, L. 452-1 et L. 453-1 du code de la sécurité sociale ;
3°) ALORS QUE la déclaration par le juge répressif de l'absence de faute pénale ne fait pas obstacle à la reconnaissance d'une faute inexcusable de l'employeur ; qu'en se fondant encore sur le fait que l'employeur ne s'était vu reprocher aucune faute pénale et que l'Inspection du travail n'avait relevé aucune infraction, la cour d'appel qui s'est ainsi fondée sur une circonstance inopérante a méconnu les articles 1147, 1351 du code civil, L. 452-1 du code de la sécurité sociale et 4-1 du code de procédure pénale.