LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 6 novembre 2007), que M. X..., engagé en qualité d'agent de maintenance le 1er janvier 2002 par la société Elyo Centre Est Méditerranée aux droits de laquelle vient la société Suez énergie services, a été en arrêt pour maladie du 12 août 2003 au 24 août 2003, et du 6 octobre 2003 au 3 décembre 2004 ; que le médecin du travail l'a reconnu lors de la première visite de reprise le 3 décembre 2004 "apte au poste antérieur (maintenance piscine) hors travaux bassin vide - poste de travail avec conduite automobile déconseillée et/ou travail isolé - à revoir dans 15 jours si maintien au poste impossible ou reclassement impossible" et a conclu à l'issue de la seconde visite de reprise le 21 décembre 2004 "apte au poste de travail si en équipe (non isolé) - poste isolé déconseillé -conduite automobile professionnelle déconseillée" ; qu'il a été licencié pour inaptitude à tout emploi dans l'entreprise et impossibilité de reclassement le 14 janvier 2005 ; que contestant son licenciement, le salarié a saisi la juridiction prud'homale ;
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt d'avoir décidé que le licenciement du salarié était sans cause réelle et sérieuse et de l'avoir condamné à lui verser diverses sommes, alors, selon le moyen :
1°/ que l'avis d'aptitude à l'emploi occupé précédemment, assorti de réserves telles qu'il interdit en pratique au salarié de reprendre son poste, s'analyse en un avis d'inaptitude et ouvre à l'employeur le droit de licencier le salarié pour ce motif si son reclassement se révèle impossible ; qu'en considérant que le droit de résiliation unilatérale de l'employeur est paralysé tant que le médecin du travail décide qu'un salarié est apte à son poste de travail, fût-ce au prix de multiples contre-indications, quand l'avis d'aptitude du médecin du travail assorti de la condition, pour M. X..., de travailler en équipe et de ne pas conduire de véhicule automobile, s'analysait en un avis d'inaptitude au poste d'agent de maintenance piscine précédemment occupé, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations au regard des articles L. 1226-2 (anciennement L. 122-24-4), R. 4624-22 (anciennement R. 241-51), R. 4624-31 (anciennement R. 241-51-1), L. 1235-3 et L. 1235-4 (anciennement L. 122-14-4) du code du travail ;
2°/ qu'en tout état de cause, en présence d'un avis d'aptitude assorti d'importantes réserves pour la reprise, par le salarié, de l'emploi qu'il occupait avant son arrêt de travail pour maladie, le juge doit rechercher si la nature et l'importance des réserves émises par le médecin du travail ne conduisent pas à analyser l'avis d'aptitude délivré en avis d'inaptitude au poste précédemment occupé et à vérifier, dès lors, si l'employeur justifiait de l'impossibilité d'aménager le poste du salarié ou de lui proposer un poste de reclassement ; qu'en se bornant à constater que l'avis délivré par le médecin du travail était un avis d'aptitude de M. X... à la reprise de son poste de travail, fût-ce au prix de multiples contre-indications, pour refuser de rechercher si la nature et l'importance de ces contre-indications ne conduisaient pas à analyser l'avis d'aptitude délivré en avis d'inaptitude rendant nécessaire de vérifier si l'employeur avait satisfait à son obligation de reclassement, la cour d'Appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1226-2 (anciennement L. 122-24-4), R. 4624-22 (anciennement R. 241-51), R. 4624-31 (anciennement R. 241-51-1), L. 1235-3 et L. 1235-4 (anciennement L. 122-14-4) du code du travail ;
Mais attendu que la cour d'appel après avoir constaté que le médecin du travail avait déclaré que le salarié était apte à son poste de travail, fût-ce au prix de multiples contre-indications, et que l'employeur ne justifiait pas des motifs l'empêchant d'y donner suite, a légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Suez énergie services aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Suez énergie services à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatre juin deux mille neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Hémery, avocat aux Conseils pour la société Suez énergie services,
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit le licenciement de M. X... sans cause réelle et sérieuse et d'avoir en conséquence condamné la société ELYO CENTRE EST MÉDITERRANÉE à lui verser les sommes de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse en application de l'article L 122-14-4 du Code du Travail, 2.754,84 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 275,48 euros au titre des congés payés afférents et 1.500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de Procédure Civile, et d'avoir ordonné le remboursement par l'employeur des indemnités de chômage payées au salarié licencié du jour du jugement dans la limite de six mois d'indemnités.
AUX MOTIFS QUE « c'est à tort que les premiers juges ont considéré que l'avis d'aptitude assorti d'importantes réserves du médecin du travail s'analysait en un avis d'inaptitude ; qu'en effet tant que le médecin du travail décide qu'un salarié est apte à son poste de travail, fût-ce au prix de multiples contre-indications, le droit de résiliation unilatérale de l'employeur est paralysé ; qu'il n'est pas justifié que l'employeur a, dès le premier avis du médecin, fait connaître à celui-ci les motifs qui l'empêchaient d'y donner suite ; que c'est un second avis d'aptitude qui a été délivré le 21 décembre par le médecin à l'issue de la seconde visite de reprise ; que c'est en vain que l'employeur entend démontrer par témoignage que le médecin lors d'une visite sur le site le 22 décembre a reconnu « que M. X... ne pourrait plus travailler sur ce site » que l'avis du médecin du travail doit être formalisé et ne peut résulter d'un témoignage, au surplus celui d'un salarié de l'entreprise ; qu'ainsi il convient de réformer le jugement entrepris, de dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse sans qu'il y ait nécessité à l'examen des autres moyens ; que le salarié qui comptait trois ans d'ancienneté dans l'entreprise est fondé à se voir allouer la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts ; que l'indemnité compensatrice de préavis est due au salarié licencié pour inaptitude définitive et dont le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ; que le salarié est ainsi fondé à se voir allouer un rappel de salaire à ce titre et les congés payés afférents ; » (arrêt p.4 in fine et p.5)
1°) ALORS QUE l'avis d'aptitude à l'emploi occupé précédemment, assorti de réserves telles qu'il interdit en pratique au salarié de reprendre son poste, s'analyse en un avis d'inaptitude et ouvre à l'employeur le droit de licencier le salarié pour ce motif si son reclassement se révèle impossible ; qu'en considérant que le droit de résiliation unilatérale de l'employeur est paralysé tant que le médecin du travail décide qu'un salarié est apte à son poste de travail, fût-ce au prix de multiples contre-indications, quand l'avis d'aptitude du médecin du travail assorti de la condition, pour M. X..., de travailler en équipe et de ne pas conduire de véhicule automobile, s'analysait en un avis d'inaptitude au poste d'agent de maintenance piscine précédemment occupé, la Cour d'Appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations au regard des articles L 1226-2 (anciennement L 122-24-4), R 4624-22 (anciennement R 241-51), R 4624-31 (anciennement R 241-51-1), L 1235-3 et L 1235-4 (anciennement L 122-14-4) du Code du Travail ;
2°) ALORS QUE, subsidiairement, en tout état de cause, en présence d'un avis d'aptitude assorti d'importantes réserves pour la reprise, par le salarié, de l'emploi qu'il occupait avant son arrêt de travail pour maladie, le juge doit rechercher si la nature et l'importance des réserves émises par le médecin du travail ne conduisent pas à analyser l'avis d'aptitude délivré en avis d'inaptitude au poste précédemment occupé et à vérifier, dès lors, si l'employeur justifiait de l'impossibilité d'aménager le poste du salarié ou de lui proposer un poste de reclassement ; qu'en se bornant à constater que l'avis délivré par le médecin du travail était un avis d'aptitude de M. X... à la reprise de son poste de travail, fût-ce au prix de multiples contre-indications, pour refuser de rechercher si la nature et l'importance de ces contre-indications ne conduisaient pas à analyser l'avis d'aptitude délivré en avis d'inaptitude rendant nécessaire de vérifier si l'employeur avait satisfait à son obligation de reclassement, la Cour d'Appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L 1226-2 (anciennement L 122-24-4), R 4624-22 (anciennement R 241-51), R 4624-31 (anciennement R 241-51-1), L 1235-3 et L 1235-4 (anciennement L 122-14-4) du Code du Travail.