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02/06/2009 | FRANCE | N°07-45314

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 02 juin 2009, 07-45314


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., employé en qualité de chef de cuisine par la société Colombus depuis le 1er juin 2005, s'est vu notifier par lettres les 10 et 17 novembre 2005 deux avertissements relatifs à l'hygiène des locaux, à la qualité culinaire et au dépassement de la date limite de consommation de plusieurs produits ; que le 20 novembre 2005 la société Colombus lui a notifié un troisième avertissement remis en mains propres et une mise à pied immédiate pour faute grave ; que le sala

rié a été licencié pour faute grave le 2 décembre 2005 ;

Sur le secon...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., employé en qualité de chef de cuisine par la société Colombus depuis le 1er juin 2005, s'est vu notifier par lettres les 10 et 17 novembre 2005 deux avertissements relatifs à l'hygiène des locaux, à la qualité culinaire et au dépassement de la date limite de consommation de plusieurs produits ; que le 20 novembre 2005 la société Colombus lui a notifié un troisième avertissement remis en mains propres et une mise à pied immédiate pour faute grave ; que le salarié a été licencié pour faute grave le 2 décembre 2005 ;

Sur le second moyen :

Attendu que M. X..., fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir débouté de sa demande en paiement d'heures supplémentaires, repos compensateur et indemnités pour travail dissimulé, alors selon le moyen, que s'il résulte de l'article L. 212-1-1 du code du travail que la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties et que l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande. Que toutefois le juge ne peut rejeter une demande en paiement d'heures supplémentaires aux motifs que les éléments produits par le salarié ne prouvent pas le bien-fondé de sa demande. Qu'en se fondant sur le fait que le salarié ne rapportait pas la preuve du bien fondé de sa demande, sans préciser en quoi l'employeur avait produit les éléments de nature à prouver l'inexactitude des éléments produits par le salarié, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article L. 212-1-1 du code du travail ;

Mais attendu que la cour d'appel a retenu que le salarié ne fournissait aucun élément de nature à étayer sa demande ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le premier moyen :

Vu l'article L. 1331-1 du code du travail ;

Attendu que pour rejeter la demande du salarié tendant à l'indemnisation d'un licenciement prononcé pour faute grave et au rappel de salaires pendant la période de mise à pied, l'arrêt retient que M. X... a reçu le 20 novembre 2005 un troisième avertissement pour des faits répétitifs, que par la même occasion il a été immédiatement mis à pied à titre conservatoire et convoqué à l'entretien préalable à son licenciement et que la société n'avait pas épuisé son pouvoir disciplinaire et pouvait alléguer la réitération des faits de même nature dans la lettre de licenciement ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses propres constatations que le salarié avait été licencié pour les mêmes motifs que ceux sanctionnés par l'avertissement du 20 novembre 2005, ce dont il découle que l'employeur avait prononcé une double sanction, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande relative à la réparation de son licenciement pour faute grave, l'arrêt rendu le 9 octobre 2007, entre les parties, par la cour d'appel d'Angers ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rennes ;

Condamne la société Colombus - Taverne de Maître Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Colombus - Taverne de Maître Y... à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du deux juin deux mille neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat aux Conseils pour M. X....

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que le licenciement de M. X... reposait sur une faute grave et de l'avoir en conséquence débouté de ses demandes d'indemnités de rupture et de dommages et intérêts, rappels de salaires pendant la mise à pied et jusqu'à la date de présentation de la lettre de licenciement et congés payés afférents.

Aux motifs adoptés que, « Il est exact que certains de ces faits ont déjà été mentionnés sur les lettres d'avertissement mais on constate à la lecture des constats effectués par une société extérieure la SERVAC MIDI-ATLANTIQUE qu'il y avait répétitivité de certaines fautes. Même s'il ne s'agissait pas rigoureusement des mêmes, elles étaient de même nature (produits non filmés, présence d'objets à des endroits interdits...). Sur ces états les instructions pour remédier aux erreurs constatées étaient clairement identifiées sous forme de «plan d'action» et Monsieur X... n'a de toute évidence pas respecté les mesures d'hygiène indispensables au bon fonctionnement d'une cuisine de restaurant. Différents témoignages confirment les manquements de Monsieur X... dans l'application obligatoirement stricte des mesures d'hygiène et de respect de la qualité. Le Conseil dira donc que le licenciement a été prononcé pour une cause réelle et sérieuse. Les griefs existent mais leur gravité n'est pas démontrée. La lettre de licenciement n'est pas explicite à ce sujet et manque singulièrement de faits précis qui auraient pu étayer la faute grave susceptible de rendre impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis. Le Conseil dira que la faute grave ne peut être retenue ».

Et aux motifs propres que, « Considérant en outre qu'en infligeant à son ancien salarié, le 20 novembre 2005, un troisième avertissement pour des faits répétitifs (charte qualité non respectée, règles d'hygiène non respectées, "D.L.C."-c'est à dire date limite de consommation dépassée – sur cinq produits, en l'occurrence des abats dont tout un chacun connaît le caractère éminemment périssable, non – respect des fiches techniques et gestion des hommes inexistante), en mettant par la même occasion immédiatement à pied le même salarié, à titre conservatoire, et en le convoquant tout aussi immédiatement à l'entretien préalable à son licenciement (ce qui interdit à soit seul à Armand Le bonhomme de prétendre à un rappel de salaire, en particulier pour la période du premier au neuf décembre 2005), la société Colombus n'a nullement "épuisé son pouvoir disciplinaire" et pouvait dont parfaitement alléguer ces faits, encore une fois répétitifs, dans la lettre de licenciement d'Armand X... ; Considérant en troisième lieu qu'outre le fait qu'Armand X... ne justifie à aucun moment avoir contesté la teneur de l'un ou l'autre des divers avertissements qui lui avaient ainsi été infligés par son ancien employeur, force est de constater, notamment à la lecture de divers témoignages fournis à la société Colombus, non seulement par autant de ses salariés, dont son second de cuisine et son écailler, mais encore par certains de ses fournisseurs (témoignages qui sont inutilement contestés par Armand X...), que la réalité des divers reproches adressés à celui-ci dans sa lettre de licenciement est parfaitement établie, ces témoignages étant particulièrement "édifiants" sur le "sens" de l'organisation et, surtout, de l'hygiène d'Armand X... (l'un de ces fournisseurs, à savoir plus précisément la société Watrelot-Viandes, que la société Colombus cite justement en page 16 de ses écritures d'appel, attestant notamment du fait qu'il avait personnellement téléphoné à Armand X... pour lui demander s'il n'y avait pas "d'erreur" sur la "quantité de produits commandés", en l'occurrence plus précisément des andouillettes, ce qui veut tout de même tout dire de la part d'un tel fournisseur, et l'un de ces salariés certifiant en particulier avoir, à son retour de congé, "avoir trouvé son poste de travail dans des saletés inadmissible"-sic) ; Que d'ailleurs, ces "défaillances" sont, quoiqu'en dise Armand X..., pour l'essentiel confirmées par un "rapport d'audit" dressé au mois d'août 2005 par une société extérieure à la société Colombus, soit plus précisément la société "Cervac Midi Atlantique", ayant déjà mis l'accent sur les "manques" de la société Colombus, c'est à dire d'Armand X..., en matière d'hygiène ; Considérant toutefois que, compte tenu, notamment, de la réitération, par Armand X..., de ses "manquements" à des règles d'hygiène élémentaires, aux directives précises de son ancien employeur à cet égard et des sanctions pénales éventuellement encourues par cet employeur du fait de ces divers manquements dans un domaine ou la qualité des produits vendus (poissons, crustacés, abats ....) est primordiale, l'on doit admettre que le maintien d'Armand X... dans ses anciennes fonctions n'était pas possible, même pendant la durée limitée du préavis ; Que le licenciement d'Armand X... doit donc être requalifié en licenciement (justifié) pour faute grave ».

ALORS QUE le même fait ne peut être sanctionné deux fois ; que l'employeur qui sanctionne un salarié pour des faits considérés par lui comme fautifs, ne peut sanctionner ce même salarié pour les mêmes faits en l'absence de faits nouveaux justifiant la mise en oeuvre de son pouvoir disciplinaire. qu'en affirmant qu'en raison de leur caractère répétitif, les faits invoqués par l'employeur justifiaient le licenciement disciplinaire du salarié, alors même que ces faits avaient déjà fait l'objet d'un avertissement et que les juges du fond n'avaient relevé aucun fait nouveau de nature à justifier la mise en oeuvre du pouvoir disciplinaire de l'employeur, la Cour d'appel a violé les dispositions de l'article L. 122-40 et L. 122-43 du Code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. X... de ses demandes en paiement des sommes dues au titre des heures supplémentaires, repos compensateur et indemnités pour travail dissimulé.

Aux motifs adoptés que, « Les demandes de rappel d'heures supplémentaires, de dommages et intérêts pour travail dissimulé ainsi que le repos compensateur n'étant étayées par aucun document probant ni commencement de preuve seront rejetées ».

Et aux motifs propres que, « Considérant en quatrième lieu que s'il est vrai que la preuve des heures supplémentaires – par hypothèse effectuées par un salarié – n'incombe spécialement à aucune des parties au contrat de travail, il n'en reste pas moins que c'est à ce salarié de justifier d'éléments de nature à présumer, toujours au moins a priori, l'existence de ces heures supplémentaires ; Or, considérant que force est de constater en l'espèce (cf notamment les cotes de plaidoirie n° 066 et suivantes d'Armand X...) qu'abstraction faite du rappel de divers textes ou principes connus de tous et d'un prétendu "tableau" ou "décompte" à l'évidence établi a posteriori pour les besoins de la cause (cf la pièce n°30 de l'appelant) et qui ne repose pas sur le moindre document établi "en temps réel " par l'intéressé (agenda, témoignages d'autres salariés....), les prétentions d'Armand X... à cet égard se caractérisent par leur caractère fantaisiste – cf notamment la page 2 de cette pièce n° 30 aux termes de laquelle Armand X... prétend à la fois avoir travaillé, "hors semaines 25, 26, 28 et 46" de l'année 2005), soit "du mardi au samedi", soit "du lundi au vendredi plus le samedi"(au choix), et ce sans interruption de 8 heures à 22 heures, du lundi au vendredi, et de 8 heures à 23 heures, là encore sans interruption, le samedi (ce qui n'a réellement un sens, compte tenu en particulier des "coupures" admises par ailleurs par Armand X... en la même page de la même pièce, "coupures" – au moins – de 15 heures à dix – huit heures, étant en outre observé qu'Armand X... ne s'y reconnaît pas lui même, puisque, en fonction de ses propres actuelles allégations, son horaire hebdomadaire de travail aurait été de 85 heures (!) par semaine, et non de 71 heures, comme il l'allègue là encore à la même page de la même pièce) ».

ALORS QUE s'il résulte de l'article L. 212-1-1 du code du travail que la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties et que l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande. Que toutefois le juge ne peut rejeter une demande en paiement d'heures supplémentaires aux motifs que les éléments produits par le salarié ne prouvent pas le bien-fondé de sa demande. Qu'en se fondant sur le fait que le salarié ne rapportait pas la preuve du bien fondé de sa demande, sans préciser en quoi l'employeur avait produit les éléments de nature à prouver l'inexactitude des éléments produits par le salarié, la Cour d'appel a violé les dispositions de l'article L. 212-1-1 du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 07-45314
Date de la décision : 02/06/2009
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Angers, 09 octobre 2007


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 02 jui. 2009, pourvoi n°07-45314


Composition du Tribunal
Président : M. Chauviré (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Blanc, SCP Masse-Dessen et Thouvenin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2009:07.45314
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