LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 3 mai 2007), que M. X..., engagé le 25 octobre 1979 par le SIVOM du Val Cenis exploitant des remontées mécaniques, était chargé de l'entretien et du dépannage d'une installation sur laquelle un accident mortel s'est produit en février 2004 ; qu'il a été mis en examen et écroué avant d'être soumis à un contrôle judiciaire lui interdisant d'exercer des activités professionnelles en relation avec les stations de ski ; que, n'ayant reçu aucun salaire à compter du mois de mai 2004, il a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au salarié une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen :
1° / que le placement d'un salarié en détention provisoire entraîne la suspension du contrat de travail ; qu'il s'ensuit que l'employeur est libre d'engager un salarié pendant la durée de son absence, comme l'y autorise, du reste, l'article L. 122-1-1, 1° du code du travail, sans qu'il soit tenu pour autant de licencier le salarié dont le contrat de travail est suspendu ; qu'en retenant, pour décider que le SIVOM du Val Cenis était tenu de licencier M. X..., que son absence aurait causé un trouble dans le fonctionnement et l'organisation de l'entreprise, dès lors qu'il aurait été dans l'obligation de le remplacer, la cour d'appel a violé l'article L. 122-14-3 du code du travail ;
2° / que si tel n'est pas le cas, le placement d'un salarié en détention provisoire entraîne la suspension du contrat de travail sans motiver sa rupture, sauf à caractériser l'existence d'un trouble causé par l'incarcération dans l'organisation et le fonctionnement de l'entreprise ; qu'en énonçant que l'absence de M. X... aurait causé un trouble dans le fonctionnement et l'organisation de l'entreprise, dès lors qu'il aurait été dans l'obligation de le remplacer, sans rechercher en quoi son placement en détention provisoire puis sa mise sous contrôle judiciaire auraient troublé le fonctionnement de l'entreprise, la cour d'appel a, subsidiairement, déduit un motif inopérant ; qu'ainsi, elle a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 122-14-3 du code du travail ;
3° / que le SIVOM de Val Cenis a fait valoir que M. X... n'a pas été remplacé, dès lors que M. Y... n'a été embauché en qualité de responsable du service électrique que pour la durée de la saison, avant d'occuper le poste d'adjoint au chef d'exploitation des remontées mécaniques ; qu'en s'abstenant de répondre à un tel moyen, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu que l'arrêt constate que si l'éloignement forcé du salarié, soumis à un contrôle judiciaire pour des faits commis à l'occasion de son travail, avait entraîné un trouble dans l'organisation et le fonctionnement de l'entreprise, celle-ci avait cessé de lui verser ses salaires et avait procédé à son remplacement définitif à compter du 1er mai 2004 par l'embauche d'un nouveau salarié à temps complet en contrat à durée indéterminé ; qu'en l'état de ces constatations, la cour d'appel a pu décider, sans encourir les griefs du moyen, que la rupture du contrat de travail qui résultait de cette situation s'analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne le SIVOM de Val Cenis aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne le SIVOM de Val Cenis à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept mai deux mille neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP BOULLEZ, avocat aux Conseils pour le SIVOM de Val Cenis
Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR condamné le SIVOM de VAL CENIS à payer à M. X..., une indemnité de 45 000 pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, après avoir énoncé que le contrat de travail avait été rompu le 1er avril 2004, que cette rupture était imputable à l'employeur et qu'elle s'analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
AUX MOTIFS QUE " les premiers juges ont, d'abord, justement retenu que la rupture du contrat de travail ne pouvait se justifier par référence aux dispositions de l'article 1184 du Code civil ou à l'existence d'un cas de force majeure, laquelle ne résulte ni de la détention provisoire, ni d'une mesure de contrôle judiciaire ; qu'ils ont ensuite exactement annoncé que l'éloignement forcé du salarié de son lieu et de ses collègues de travail avait entraîné un trouble dans l'organisation et le fonctionnement de l'entreprise, démontré par une nécessité de le remplacer, ce qui a été fait, et que, dès lors, l'employeur aurait dû tirer les conséquences de cette situation en procédant au licenciement de l'intéressé ; qu'en cet état, le Conseil de prud'hommes a justement décidé, en l'absence de toute manifestation de volonté de M. X... de démissionner, que la rupture était imputable à l'employeur dont l'inaction, face à la cessation incontournable de la relation de travail, a privé le salarié, de surcroît en rechercher infructueuse d'emploi, d'être pris en charge par l'organisme de chômage qui a considéré, pour sa part, que le contrat de travail avait pris fin à la date du 1er mai 2004 ; que, compte tenu de l'ancienneté du salarié dans l'entreprise (plus de 24 ans), de son salaire brut annuel moyen, de ses difficultés pour trouver un autre emploi en raison de son âge, il convient de porter son indemnisation à la somme de 45 000 ;
AUX MOTIFS ADOPTES QUE la rupture du contrat de travail, selon l'article 1184 du Code civil, applicable au Contrat de travail, la résolution judiciaire d'un contrat synallagmatique peut être ordonnée à la demande de l'une des parties lorsque son cocontractant n'exécute pas son engagement ; qu'en l'espèce le salarié soutient l'existence d'un cas de force majeure et ne met pas en cause un fait fautif de l'employeur dans l'exécution de ses obligations ; que fondement juridique de l'article 1184 du code civil est donc inopérant ; qu'ensuite le fait du prince invoqué doit présenter les caractéristiques de la force majeure que sont l'extériorité, l'imprévisibilité et l'irrésistibilité de l'événement conformément à la jurisprudence (Cass Soc 12 / 2 / 2003 Droit social 2003 page 388) ; qu'en l'espèce si l'incarcération et la mise sous contrôle judiciaire du salarié s'imposant aux parties ont été décidées par l'autorité judiciaire, il demeure que les faits ayant motivés ces décisions ne sont pas extérieurs au salarié, le comportement de celui-ci étant en cause à l'exclusion d'un évènement extérieur imprévisible ; que la Cour de cassation a ainsi jugé que la condition d'extériorité suppose que la décision de l'autorité administrative soit sans relation avec le comportement du salarié (Soc 14 / 10 / 1997 Droit social 1997 page 1101) ; que, par contre si l'incarcération en date du 20 / 2 / 2003 puis le contrôle judiciaire constituaient des causes légitimes de suspension du contrat de travail, il convient de relever que la durée du contrôle judiciaire toujours en cours au jour du présent jugement a eu pour conséquence la cessation de toute relation contractuelle entre les parties, l'employeur ayant embauché un nouveau salarié en lieu et place de Daniel X..., ce dernier tirant aussi les conséquences de l'impossibilité de reprendre son travail ayant vendu sa résidence et déménagé à Aix les Bains ; il a également formulé des demandes d'emploi ; que l'employeur en procédant au remplacement définitif de son salarié a nécessairement considéré que Daniel X... ne pourrait plus reprendre son travail, et qu'il devait pour la bonne organisation de son entreprise le remplacer ; qu'il devait alors tirer les conséquences logiques d'une telle situation et procéder au licenciement pour cause réelle et sérieuse et respecter la procédure prévue à cet effet et verser en conséquence les indemnités prévues par la loi revenant au salarié ; qu'or, l'employeur s'est contenté d'attendre sans prendre une quelconque décision après l'embauche d'un nouveau salarié étant précisé que la rupture en l'absence de volonté claire et non équivoque du salarié de démissionner ne peut être imputée à ce dernier ; qu'iI était donc acquis que le contrat ne pouvait plus s'exécuter à compter de cet événement ; que le contrat était dès lors rompu dès le remplacement du salarié, cet événement mettant fin à la période de suspension du contrat de travail, l'employeur n'ayant proposé aucun autre poste à Daniel X..., et n'ayant pas conclu avec le salarié une période de suspension du contrat de travail dont le terme dépassait la date du dit remplacement ; que la rupture est dès lors imputable à l'employeur et s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse faute pour l'employeur d'avoir procédé au licenciement en respectant la procédure prévue par les articles L 122-14 et L 122-14-1 du Code du travail et en notifiant au salarié une lettre de licenciement énonçant la ou les causes réelles et sérieuses de licenciement conformément à l'article L 122-14-2 du Code du travail ; La date de la rupture sera fixée au 1er mai 2004, date de remplacement du salarié et de fin de suspension du contrat de travail ; qu'il sera dès lors accordé au salarié une somme de 12. 000 à. titre d'indemnité compte tenu de la durée du contrat à durée indéterminée, et de sa difficulté à retrouver un emploi ; qu'aucun congé payé ne sera attribué sur cette somme, celle-ci ne correspondant pas juridiquement à un salaire ; que, par contre le salarié a droit à une indemnité compensatrice de congés payés devant être calculée en fonction des salaires perçus sur l'année conformément à l'article L 223-11 du Code du travail, la période de suspension du contrat de travail étant assimilable à du temps de travail effectif selon la règle de l'article L 223-4 du Code du travail ; que Daniel X... ayant perçu un salaire jusqu'au 30 / 4 / 2004 il a droit sur cette période de quatre mois à cinq jours de congés payés soit la somme de 460, 95 au vu du taux horaire de 13, 17 ainsi qu'il ressort des bulletins de salaire produits (brut mensuel de 1998, 33 divisé par 151, 67 heures) ; Le salarié a droit aussi à la prime d'intéressement au prorata du temps de travail effectif pour l'année 2004, du 1 / 1 / 2004 au 30 / 4 / 2004, cette prime faisant partie de l'assiette de calcul de l'indemnité de congé payé conformément à l'article L 223-11 du Code du travail ce qui implique que ce type. de prime doit être versé au salarié sur la durée du congé payé ; que le SIVOM devra remettre au salarié une attestation Assedic mentionnant notamment la date de la rupture et le motif de celle-ci conformément au présent jugement et tout document de fin de contrat prévu par le Code du travail ; "
1. ALORS QUE le placement d'un salarié en détention provisoire entraîne la suspension du contrat de travail ; qu'il s'ensuit que l'employeur est libre d'engager un salarié pendant la durée de son absence, comme l'y autorise, du reste, l'article L 122-1-1, 1° du Code du travail, sans qu'il soit tenu pour autant de licencier le salarié dont le contrat de travail est suspendu ; qu'en retenant, pour décider que le SIVOM du Val Cenis était tenu de licencier M. X..., que son absence aurait causé un trouble dans le fonctionnement et l'organisation de l'entreprise, dès lors qu'il aurait été dans l'obligation de le remplacer, la Cour d'appel a violé l'article L 122-14-3 du Code du travail ;
2. ALORS si tel n'est pas le cas QUE le placement d'un salarié en détention provisoire entraîne la suspension du contrat de travail sans motiver sa rupture, sauf à caractériser l'existence d'un trouble causé par l'incarcération dans l'organisation et le fonctionnement de l'entreprise ; qu'en énonçant que l'absence de M. X... aurait causé un trouble dans le fonctionnement et l'organisation de l'entreprise, dès lors qu'il aurait été dans l'obligation de le remplacer, sans rechercher en quoi son placement en détention provisoire puis sa mise sous contrôle judiciaire auraient troublé le fonctionnement de l'entreprise, la Cour d'appel a, subsidiairement, déduit un motif inopérant ; qu'ainsi, elle a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 122-14-3 du Code du travail ;
3. ALORS QUE le SIVOM de Val Cenis a fait valoir que M. X... n'a pas été remplacé, dès lors que M. Y... n'a été embauché en qualité de responsable du service électrique que pour la durée de la saison, avant d'occuper le poste d'adjoint au chef d'exploitation des remontées mécaniques (conclusions, p. 17) ; qu'en s'abstenant de répondre à un tel moyen, la Cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile.