LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 10 mai 2007) que les consorts X... ont donné à bail à Mme Y... un local à usage commercial ; qu'à la suite de désordres survenus dans ce local, Mme Y... a sollicité la réparation du préjudice subi ;
Attendu que, pour déclarer irrecevable sa demande, l'arrêt retient que l'obligation particulière dont Mme Y... déplore le non-respect et le préjudice commercial dont elle poursuit la réparation, tiennent à des travaux dont le propriétaire ne pouvait pas connaître de lui-même qu'ils lui incombaient, en sorte que comme le soutiennent les consorts X..., Mme Y... devait observer l'article 1146 du code civil ;
Qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de Mme Y... qui faisaient état de plusieurs mises en demeure et notamment d'une lettre recommandée avec accusé de réception adressée aux bailleurs le 19 octobre 2000, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 mai 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai, autrement composée ;
Condamne les consorts X... et A... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande des consorts X... et A... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six mai deux mille neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
.Moyen produit par la SCP Coutard, Mayer et Munier-Apaire, avocat aux Conseils pour Mme Y....
PRIS DE CE QUE l'arrêt attaqué déclare irrecevable, faute de mise en demeure préalable, la demande reconventionnelle de Madame Y... et l'en déboute ;
AUX MOTIFS QUE « si l'inexécution d'une obligation stipulée expressément dans la convention des parties n'impose pas à sa victime la délivrance d'une mise en demeure, soit pour obtenir l 'exécution soit pour recevoir une réparation en argent, il en va différemment lorsque l'obligation dont l'exécution est poursuivie n'est pas de celle que ladite convention détermine d'avance et avec précision ; par application à la matière du bail, que la jurisprudence (p. ex., Nancy 4 oct. 2005 ; Douai, 3° ch., 2 septembre ou 21 oct. 2004) distingue d'une part l 'obligation d'entretien ou les autres obligations ordinaires du bailleur, auxquelles ce dernier doit se soumettre sans se réfugier derrière les termes de l'article 1146 du Code civil ; et d'autre part l'obligation de faire les travaux qui peuvent lui incomber en certaines circonstances que la loi énonce arbitrairement mais que le bail n'a pas pu prévoir d'avance, et qui requièrent, quant à elles, la délivrance d'une mise en demeure par le preneur ; que le bailleur dispose ainsi du minimum d'informations dont il a besoin pour vérifier ses droits et pour prendre parti sur la suite qu'il veut réserver à la demande du locataire ; qu'en l'espèce, l'obligation particulière dont Madame Y... déplore le non-respect, et le préjudice commercial dont elle poursuit la réparation, tiennent à des travaux dont le propriétaire ne pouvait pas connaître de lui-même qu'ils lui incombaient, en sorte que, comme le soutiennent les appelants, Madame Y... devait observer l'article 1146 du Code civil ; que s'y étant dérobée, elle ne pouvait faire aboutir sa demande reconventionnelle devant le premier juge ; que la sanction de la règle est l 'irrecevabilité » ;
ALORS QUE, d'une part, la mise en demeure d'un débiteur peut résulter d'un acte équivalent à une sommation et spécialement d'une lettre missive, dès lors qu'il en ressort une interpellation suffisante qu'en réponse à l'argumentation des bailleurs faisant valoir - qu'à aucun moment Madame Y... n'avait attiré leur attention sur l'existence d'un prétendu dommage, ce n'est qu'en recevant l'assignation en référé-expertise que les bailleurs commerciaux ont pu avoir vent d'une infiltration, qu'il est de jurisprudence constante qu'en l'absence de mise en demeure adressée au bailleur d'avoir à effectuer les travaux, le bailleur n'est pas tenu d'en supporter la charge, qu'en effet l'application stricte de l'article 1146 n'est pas exclue en matière de bail commercial -, Madame Y... s'est inscrite en faux contre le moyen tiré d'une prétendue absence de mise en demeure ou d'avis aux propriétaires quant aux désordres évoqués, en faisant notamment valoir :
« Bien avant cette date et alors que madame Nadine B... ne cessait de réclamer les impôts fonciers, madame Y..., soit par elle-même, soit par l'intermédiaire de son Conseil, écrivait, soit en lettre simple, soit en lettre recommandée cf : lettre recommandée + AR du 19 octobre 2000) faisant état de ce que si les peintures extérieures lui incombaient, du côté des propriétaires, ils s'étaient engagés à effectuer des travaux et notamment le remplacement des chêneaux dont la vétusté et le caractère dangereux ont été constatés par deux huissiers différents (sic).
« Déjà le 21 septembre 1999, une lettre recommandée de madame à monsieur A... signalait une fuite importante au 4e étage (étage de la chambre 12), rappelant la promesse du propriétaire de changer la fenêtre des toilettes de ce même étage ...
« Une réponse du 31 novembre 1999 promettait des interventions, mais en vain ...
« Les consorts A... ont d'ailleurs produit aux débats des courriers du COUVREUR DUNKERQUOIS tant de novembre 2000 indiquant que certains travaux avaient été effectués mais admettant qu'il existait certains problèmes ... » ;
Qu'en ne recherchant pas si, comme elle y était invitée par Madame Y..., les lettres recommandées de cette dernière du 19 octobre 2000 et 21 septembre 1999, ne constituaient pas véritablement une mise en demeure, la Cour d'appel a :
- méconnu les exigences de l'article 455 du Code de procédure civile,
ALORS QUE, d'autre part, elle a, en tout état de cause, privé sa décision de base légale au regard de l'article 1146 du Code civil.