LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, que Raymond X... a été reconnu atteint de plaques pleurales le 14 décembre 1990 ; que le 6 mars 1996, la caisse primaire d'assurance maladie de Lille (la caisse) a reconnu le caractère professionnel de cette maladie, liée à l'inhalation de poussières d'amiante avec un taux d'incapacité permanente élevé de 5 % au 14 avril 1990 à 100 %au 10 mars 2006 ; que Raymond X..., qui avait saisi le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (le Fonds) et avait accepté l'offre du Fonds le 16 juin 2004, est décédé le 28 mars 2006 ; que le Fonds ayant refusé d'accueillir la demande d'indemnisation formée par Mme Y..., veuve X... faute de preuve d'un lien de causalité entre l'exposition à l'amiante et le décès, celle-ci a saisi la cour d'appel d'un recours ; que par arrêt du 16 mai 2007, la cour d'appel a ordonné avant dire droit une expertise médicale confiée à M. Z..., qui a déposé son rapport le 28 juin suivant ;
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande d'indemnisation, alors, selon le moyen :
1°/ que la décision d'une caisse primaire d'assurance ùaladie de prendre en charge la maladie et le décès d'un salarié comme étant imputable à une maladie professionnelle due à l'amiante est opposable au Fonds, de sorte que l'ayant droit de la victime est en droit d'obtenir du Fonds, sans autre justification du lien ainsi établi entre la maladie et l'exposition à l'amiante, la réparation intégrale du préjudice subi du fait de la maladie et du décès de cette victime ; qu'en disant le contraire, pour rechercher si, en l'espèce, la preuve était rapportée d'un lien de causalité entre le décès de Raymond X... et la pathologie liée à l'amiante dont il était atteint, la cour d'appel a violé par fausse application l'article 53-III, alinéa 4, deuxième phrase, de la loi du 23 décembre 2000, ainsi que l'article 15 du décret du 23 octobre 2001 ;
2°/ qu'en statuant ainsi, tout en constatant qu'en définitive, la caisse avait admis que le décès de Raymond X... était imputable aux plaques pleurales dont elle avait antérieurement reconnu le caractère professionnel, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations au regard de l'article 53-III, alinéa 4, deuxième phrase, de la loi du 23 décembre 2000 ainsi que l'article 15 du décret du 23 octobre 2001, qu'elle a violés de ce nouveau chef ;
3°/ qu'en sollicitant, puis en retenant dans sa décision, l'avis d'un expert judiciaire qui n'avait pas compétence, dans un tel cas, pour donner un avis sur l'imputabilité de la maladie et du décès de Raymond X... à l'exposition à l'amiante, la cour d'appel a violé par fausse application ensemble les articles 144 à 146 du code de procédure civile, l'article 53-III alinéa 4, deuxième phrase, de la loi du 23 décembre 2000, et l'article 15 du décret du 23 octobre 2001 ;
Mais attendu qu'il résulte du rapprochement de l'article 53 III, alinéa 4, deuxième phrase de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000 et de l'article 15 du décret n° 2001-963 du 23 octobre 2001 que la reconnaissance d'une maladie professionnelle occasionnée par l'amiante au titre de la législation française de sécurité sociale ou d'un régime assimilé ou de la législation applicable aux pensions civiles et militaires, établit par présomption le lien de causalité entre l'exposition à l'amiante et la maladie ou le décès ; que cette présomption simple est susceptible de preuve contraire en justice ;
Et attendu que l'arrêt retient que l'indemnisation du préjudice personnel subi par Mme X... à la suite du décès de son époux suppose que ce décès soit en relation avec la pathologie liée à l'amiante dont celui-ci a été reconnu atteint ; que le Fonds n'est pas lié par la décision de la caisse quant à l'imputabilité du décès à la maladie professionnelle due à l'amiante ; que s'il résulte de l'article 53 III, alinéa 4, de la loi du 23 décembre 2000 que la reconnaissance d'une maladie professionnelle occasionnée par l'amiante au titre de la législation française de sécurité sociale établit par présomption le lien de causalité entre la maladie et l'exposition à à l'amiante, aucune disposition similaire ne crée une telle présomption en ce qui concerne la reconnaissance de l'organisme social quant à l'imputabilité du décès ; que le litige porte sur le lien de causalité entre la pathologie de Raymond X... liée à l'amiante et le décès, Raymond X... étant également atteint d'une pathologie cardiaque et d'une broncho-pneumopathie chronique obstructive post-tabagique sans rapport avec l'amiante ; que l'expert judiciaire conclut que le décès est dû à un accident vasculaire cérébral hémorragique survenu dans les suites d'une coronarographie ; qu'aucun lien n'existant entre le décès et la pathologie liée à l'amiante dont Raymond X... était atteint, il y a lieu de confirmer la décision de rejet prise par le Fonds ;
Que de ces constatations et énonciations, procédant de son appréciation souveraine de la valeur et de la portée des éléments de preuve débattus, et abstraction faite des motifs inexacts mais surabondants critiqués par la première branche du moyen, la cour d'appel a pu déduire que la présomption d'imputabilité du décès de Raymond X... avec la maladie professionnelle occasionnée par l'exposition à l'amiante devait être écartée et qu'aucun lien n'existant entre le décès de Raymond X... et la pathologie liée à l'amiante dont il était atteint, la demande d'indemnisation de Mme X... devait être rejetée ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes respectives de Mme X... et du Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept mai deux mille neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP PEIGNOT et GARREAU, avocat aux Conseils pour Mme X...
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le rejet de la demande d'indemnisation formée par Madame X... auprès du FIVA ;
AUX MOTIFS QUE l' indemnisation par le FIVA du préjudice personnel subi par Madame X... à la suite du décès de son époux suppose que ce décès soit en relation avec la pathologie liée à l'amiante dont il a été reconnu atteint ; le FIVA n'est pas lié par la décision de la CPAM quant à l'imputabilité du décès à la maladie professionnelle due à l'amiante ; que s'il résulte de l'article 53 III alinéa 4 de la loi du 23 décembre 2000 que la reconnaissance d'une maladie professionnelle occasionnée par l'amiante au titre de la législation française de sécurité sociale établit, par présomption, le lien de causalité entre la maladie et l'exposition à l'amiante, aucune disposition similaire ne crée une telle présomption en ce qui concerne là reconnaissance de l'organisme social quant à l'imputabilité du décès ; que le lien entre la pathologie de Monsieur X... et l'amiante n'a jamais été contesté par le FIVA qui a présenté une offre d'indemnisation à Monsieur X... le 16 juin 2004 ; que le litige porte sur le lien de causalité entre cette pathologie et le décès, Monsieur X... étant également atteint d'une pathologie cardiaque et d'une broncho-pneumopathie chronique obstructive posttabagique, sans rapport avec l'amiante ; que l'expert judiciaire conclut que le décès est dû à un accident vasculaire cérébral hémorragique survenu dans les suites d'une coronarographie ; qu'il explique que plusieurs hypothèses peuvent être envisagées : - une malformation vasculaire de type anévrismal, - une poussée hypertensive, - une complication coronarographie, qu'il exclut l'existence d'un lien de causalité entre le décès et la maladie liée à l'amiante ; que Madame X... verse aux débats un certificat médical du Docteur A... et un rapport du Docteur B... qui, tous deux, retiennent le lien entre le décès et la pathologie liée à l'amiante au motif que la coronarographie qui est à l'origine de l'accident vasculaire a été prescrite dans le cadre d'une demande d'aggravation d'une asbestose pleurale ; que cette affirmation est inexacte ; que l'expert Z... explique que la réalisation de la coronarographie a été prescrite en raison de l'existence de douleurs précordiales évocatrices d'une angine de poitrine chez un sujet présentant, comme facteurs de risques, un tabagisme important, des lésions d'athérosclérose aortique sur scanner et l'existence d'une scintigraphie myocardique mettant en évidence une hypokinésie ventriculaire, témoin d'une ischémie myocardique ancienne passée inaperçue ; qu'il précise que dans le certificat d'aggravation du 10 mars 2006 les douleurs pleurales ne sont pas mentionnées et conclut que la coronarographie a été réalisée en raison d'une suspicion de pathologie coronarienne chez un sujet à risque et que la pathologie pleurale ne fait pas partie des facteurs de risque cardio-vasculaire ; que la coronographie n'a pas été prescrite en raison de la pathologie liée à l'amiante ; que le rapport d'expertise judiciaire est complet et répond à toutes les questions posées par la Cour ; qu'il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de nouvelle expertise présentée par Madame X... ; qu'aucun lien n'existant entre le décès et la pathologie liée à l'amiante dont Monsieur X... était atteint, il y a lieu de confirmer la décision de rejet prise par le FIVA ;
ALORS, D'UNE PART, QUE la décision d'une Caisse Primaire d'Assurance Maladie de prendre en charge la maladie et le décès d'un salarié comme étant imputable à une maladie professionnelle due à l'amiante est opposable au FIVA, de sorte que l'ayant droit de la victime est en droit d'obtenir du Fonds, sans autre justification du lien ainsi établi entre la maladie et l'exposition à l'amiante, la réparation intégrale du préjudice subi du fait de la maladie et du décès de cette victime ; qu'en disant le contraire, pour rechercher si, en l'espèce, la preuve était rapportée d'un lien de causalité entre le décès de Monsieur Raymond X... et la pathologie liée à l'amiante dont il était atteint, la Cour d'appel a violé par fausse application l'article 53-III alinéa 4, deuxième phrase, de la loi du 23 décembre 2000, ainsi que l'article 15 du décret du 23 octobre 2001 ;
ALORS, D'UNE PART, QU'en statuant ainsi, tout en constatant qu'en définitive, la CPAM de LILLE avait admis que le décès de Monsieur X... était imputable aux plaques pleurales dont elle avait antérieurement reconnu le caractère professionnel, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations au regard de l'article 53-III alinéa 4, deuxième phrase, de la loi du 23 décembre 2000 ainsi que l'article 15 du décret du 23 octobre 2001, qu'elle a violés de ce nouveau chef ;
ALORS, ENFIN, QU'en sollicitant, puis en retenant dans sa décision, l'avis d'un expert judiciaire qui n'avait pas compétence, dans un tel cas, pour donner un avis sur l'imputabilité de la maladie et du décès de Monsieur X... à l'exposition à l'amiante, la Cour d'appel a violé par fausse application ensemble les articles 144 à 146 du Code de procédure civile, l'article 53-III alinéa 4, deuxième phrase, de la loi du 23 décembre 2000, et l'article 15 du décret du 23 octobre 2001.