LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 26 juin 2007), que la société Kennamétal France qui appartient au groupe Kennamétal, a, au cours du second semestre 2003, transféré une partie de l'activité de son établissement d'Andrézieux à une filiale allemande du groupe située à Essen ainsi que reconsidéré ses procédés de production ; que cette restructuration impliquant une réduction de ses effectifs, elle a établi un plan de sauvegarde de l'emploi qui prévoyait que les salariés qui se porteraient candidats à un départ bénéficieraient notamment d'avantages pécuniaires ; que M. X... qui avait fait acte de candidature a été licencié, pour motif économique, le 10 octobre 2003 ;
Attendu que la société Kennamétal France fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée au paiement d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen :
1°/ que lorsqu'elle est effectuée pour sauvegarder la compétitivité de l'entreprise ou du secteur d'activité dont elle relève, en prévenant des difficultés économiques et de leurs conséquences sur l'emploi, la réorganisation de l'entreprise constitue un motif économique de licenciement non subordonné à l'existence de difficultés économiques à la date du licenciement ; qu'en écartant l'existence d'une cause réelle et sérieuse de licenciement en se référant à un rapport d'expertise portant sur des comptes clos au 30 juin 2003, dont elle a déduit l'absence de difficultés économiques à la date du licenciement, la cour d'appel a violé l'article L. 321-1 du code du travail ;
2°/ que la cause économique de la réorganisation intervenue dans le cadre d'une gestion prévisionnelle de l'emploi, afin de prévenir des difficultés économiques et de leurs conséquences sur l'emploi, s'apprécie au regard d'éléments propres à établir une dégradation de la situation de l'entreprise, et les risques encourus ; que la société Kennamétal dans ses conclusions, a fait valoir pièces à l'appui, les prévisions d'évolution du marché et d'indices « témoins » de sa situation financière, comme de la concurrence ; qu'en s'abstenant de vérifier si l'évolution prévue et invoquée par l'employeur, était de nature à justifier la restructuration intervenue, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 321-1 du code du travail ;
3°/ que la nécessité de sauvegarder la compétitivité s'apprécie, lorsque l'entreprise fait partie d'un groupe, au niveau du secteur d'activité auquel elle appartient ; que si le premier juge s'est référé au secteur du travail du métal, la société Kennamétal France, dans ses conclusions, a fait valoir qu'elle appartenait au secteur plus réduit de la fabrication des outils de coupe, autrement dénommé "metal working" ; qu'en se bornant à se référer au "secteur d'activité du groupe", sans identifier celui auquel se rattachait la société Kennamétal France, au niveau duquel elle devait apprécier la nécessité de procéder à la restructuration, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article L. 321-1 du code du travail ;
4°/ que le juge ne peut laisser sans réponse des moyens de nature à influer sur la solution du litige ; que la société Kennamétal France dans ses conclusions devant la cour d'appel, a contesté point par point les moyens du salarié, relatifs notamment au recours aux heures supplémentaires, au travail intérimaire et à la sous-traitance durant les mois qui ont suivi la réorganisation, et au choix de rationalisation de la production du site d'Andrézieux et du transfert parallèle d'une partie de son activité sur le site allemand d'Essen ; qu'en se déterminant par une simple énumération des moyens du salarié, sans répondre à ceux opposés par la société Kennamétal France, la cour d'appel a méconnu les exigences de motivation de l'article 455 du code de procédure civile, et a violé ce texte ;
Mais attendu, d'une part, que la cour d'appel a retenu, par motifs adoptés des premiers juges, que le secteur d'activité du groupe dont relevait l'entreprise était celui du travail du métal ; que, d'autre part, elle a constaté que le chiffre d'affaires de ce secteur d'activité au niveau duquel devait être appréciée la raison économique du licenciement était en progression et que les éléments invoqués pour justifier d'une menace sur sa compétitivité étaient la conséquence de la réorganisation décidée par l'employeur ; que, dès lors, elle a pu décider, sans encourir les griefs du moyen, que la réorganisation n'était pas nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité du secteur d'activité et que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Kennamétal France aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf avril deux mille neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils pour la société Kennamétal France ;
MOYEN UNIQUE DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné l'ancien employeur, la société Kennametal France, au paiement d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
AUX MOTIFS ADOPTES DES PREMIERS JUGES QUE dans le cadre de la nécessaire sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise, la baisse du chiffre d'affaires invoqué par l'employeur dans la lettre de licenciement doit être examinée, la dégradation des résultats constituant un des éléments permettant de distinguer la sauvegarde de la compétitivité de la seule recherche de profit ; qu'il ressort du rapport d'expertise sur les comptes annuels clos au 30 juin 2003 de la société Kennametal que la situation financière de la société Kennametal France est solide et présente un bon équilibre entre les emplois et les ressources ; qu'au niveau du groupe, Kennametal présente un bilan financier équilibré ; qu'au niveau du secteur d'activité du groupe «travail du métal », représentant 64 % du chiffre d'affaires du groupe Kennametal, il y a eu un recul du résultat opérationnel provenant de l'effet dilutif de l'intégration de WIDIA sur les marges, d'un mixproduit défavorable et d'une pression sur les prix mais qu'il a pu être constaté une croissance de l'activité liée à l'acquisition de WIDIA et les effets de marge favorables ; qu'est ainsi constatée une situation financière solide au niveau du groupe et de Kennametal France ; que dans ces conditions la seule baisse du chiffre d'affaires sur une année n'est pas de nature à établir que la compétitivité de l'entreprise est menacée ; qu'en outre le rapport du cabinet comptable montre que le recul des perspectives pour 2004 expliqué par une augmentation du coût des matières premières en raison de l'achat par le site d'Andrézieux des ébauches à la place de la poudre suite à l'arrêt des presses et par le recours à la sous-traitance en raison de la réorganisation et du transfert des presses, est lié à a restructuration ellemême ; que s'agissant du site d'Andrézieux, la baisse alléguée de la production a cessé en avril, mai et juin 2003, que le transfert des poudres ne justifiait pas automatiquement le transfert des activités de presse et de frittage ; qu'en outre l'argument selon lequel l'outillage d'Andrézieux était ancien et nécessitait des investissements importants n'est pas entièrement opérant puisque certaines machines sont utilisées ailleurs ; que de plus le transfert de la production des bases à Essen a généré un allongement des délais et une augmentation des coûts ; que la société a eu recours à la soustraitance en 2004, essentiellement pour un motif d'accroissement temporaire d'activité, et a fait accomplir des heures supplémentaires par le personnel permanent ; que la restructuration décidée par la société Kennametal France n'est donc justifiée ni au regard de la compétitivité de l'entreprise ni au regard de l'activité et du fonctionnement du site d'Andrézieux ;
ET AUX MOTIFS PROPRES QUE la société Kennametal France énonce comme cause de la restructuration une baisse du chiffre d'affaires à son niveau et à celui du groupe, l'aggravation de la baisse de production du site d'Andrézieux en 2003 et la nécessité de rationaliser l'outil de production au niveau européen comme de réorienter la politique d'investissement, et enfin l'augmentation du poids des charges de personnel dans la structure des coûts en 2001 et 2002 ; que les constats invoqués, à eux seuls, ne démontrent pas une menace sur la compétitivité de l'entreprise ou du secteur d'activité du groupe ; qu'en effet il ressort du rapport d'expertise comptable présenté au comité d'entreprise le 30 juin 2003 que si les perspectives 2004 étaient en recul, la situation de Kennametal France était solide et en bon équilibre entre les emplois et les ressources ; que le salarié pour sa part évoque notamment l'avantage procuré par la surproduction du site d'Andrézieux, les bons résultats de la société et du groupe, l'accroissement du nombre des heures supplémentaires, le recours à des intérimaires, l'accroissement de l'activité ; qu'au vu de l'ensemble de ces éléments, la Cour a la conviction au sens de l'article L. 122-14-3 du Code du travail que le licenciement ne procède pas d'une cause réelle et sérieuse, les facteurs invoqués par la société Kennametal France étant liés à la réorganisation elle-même, dans un contexte en réalité de bonne santé économique tant au niveau de l'entreprise que du secteur d'activité du groupe .
ALORS D'UNE PART QUE lorsqu'elle est effectuée pour sauvegarder la compétitivité de l'entreprise ou du secteur d'activité dont elle relève, en prévenant des difficultés économiques et de leurs conséquences sur l'emploi, la réorganisation de l'entreprise constitue un motif économique de licenciement non subordonné à l'existence de difficultés économiques à la date du licenciement ; qu'en écartant l'existence d'une cause réelle et sérieuse de licenciement en se référant à un rapport d'expertise portant sur des comptes clos au 30 juin 2003, dont elle a déduit l'absence de difficultés économiques à la date du licenciement, la Cour d'appel a violé l'article L. 321-1 du Code du travail ;
ALORS D'AUTRE PART QUE la cause économique de la réorganisation intervenue dans le cadre d'une gestion prévisionnelle de l'emploi, afin de prévenir des difficultés économiques et de leurs conséquences sur l'emploi, s'apprécie au regard d'éléments propres à établir une dégradation de la situation de l'entreprise, et les risques encourus ; que la société Kennametal dans ses conclusions, a fait valoir pièces à l'appui, les prévisions d'évolution du marché et d'indices « témoins » de sa situation financière, comme de la concurrence (conclusions p. 34 : production) ; qu'en s'abstenant de vérifier si l'évolution prévue et invoquée par l'employeur, était de nature à justifier la restructuration intervenue, la Cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 321-1 du Code du travail ;
ALORS DE TROISIEME PART QUE la nécessité de sauvegarder la compétitivité s'apprécie, lorsque l'entreprise fait partie d'un groupe, au niveau du secteur d'activité auquel elle appartient ; que si le premier juge s'est référé au secteur du travail du métal, la société Kennametal France, dans ses conclusions, a fait valoir qu'elle appartenait au secteur plus réduit de la fabrication des outils de coupe, autrement dénommé « metal working (conclusions p. 30 et 34) ; qu'en se bornant à se référer au « secteur d'activité du groupe », sans identifier celui auquel se rattachait la société Kennametal France, au niveau duquel elle devait apprécier la nécessité de procéder à la restructuration, la Cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article L. 321-1 du Code du travail ;
ALORS ENFIN QUE le juge ne peut laisser sans réponse des moyens de nature à influer sur la solution du litige ; que la société Kennametal France dans ses conclusions devant la Cour d'appel, a contesté point par point les moyens du salarié, relatifs notamment au recours aux heures supplémentaires, au travail intérimaire et à la sous-traitance durant les mois qui ont suivi la réorganisation, et au choix de rationalisation de la production du site d'Andrézieux et du transfert parallèle d'une partie de son activité sur le site allemand d'Essen (conclusions pour l'audience du 1er décembre 2006 p. 44 et s. ; conclusions pour l'audience du 4 mai 2007 : production) ; qu'en se déterminant par une simple énumération des moyens du salarié, sans répondre à ceux opposés par la société Kennametal France, la Cour d'appel a méconnu les exigences de motivation de l'article 455 nouveau Code de procédure civile, et a violé ce texte.