LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Cédric X..., engagé le 24 janvier 2002 par la société Yvroud europénne des fluides en qualité de plombier, a été licencié pour faute lourde le 13 janvier 2005 ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Attendu que la société Yvroud européenne des fluides fait grief à l'arrêt de dire le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse, alors selon le moyen, que même en l'absence de toute intention de nuire, la faute lourde privative de l'indemnité compensatrice de congés payés, est celle d'une exceptionnelle gravité que le salarié commet consciemment et sans raison valable en faisant courir à autrui un risque inadmissible, qu'il ne pouvait ignorer ; qu'il ressort des constatations auxquelles les juridictions de fond ont procédées que M. Cédric X..., alors qu'il se trouvait en état d'ébriété au sortir d'un dîner, a agressé son collègue de travail, M. Y..., qui était chargé par son employeur de le raccompagner à son hôtel, à bord d'un véhicule qu'il avait mis à sa disposition, qu'il en a pris le volant au mépris des consignes de sécurité, après en avoir expulsé M. Y..., et qu'il a enfin causé un accident de la circulation provoquant la mort d'une mère de famille et blessant trois autres personnes ; qu'en retenant, pour exclure l'existence d'une faute lourde, que la condamnation pénale de M. Cédric X... pour homicide et blessure involontaire ne révèle pas qu'il ait agi dans le dessein de nuire à son employeur, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si M. Cédric X... n'avait pas nécessairement conscience des risques inadmissibles qu'il faisait courir aux tiers comme à lui-même par des violences d'une extrême gravité, pour avoir violé délibérément les consignes de sécurité énoncées par l'employeur, en prenant la route en état d'ébriété à bord du véhicule de l'entreprise, après avoir agressé celui qui devait le reconduire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 122-14-3, L. 122-6, L. 122-8, L. 122-9 et L. 230-3 du code du travail ;
Mais attendu que la faute lourde suppose l'intention de nuire et qu'ayant constaté que cette intention faisait défaut, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de faire la recherche prétendument omise que ses constatations rendaient inopérantes, a légalement justifié sa décision ;
Mais sur le moyen unique, pris en ses deuxième, troisième et quatrième branches :
Vu les articles L. 122-14-3, L. 122-6 et L. 122-8 devenus les articles L. 1235-1, L. 1234-1 et L. 1234-5 du code du travail ;
Attendu que pour écarter la faute grave, l'arrêt retient que l'employeur a une part de responsabilité dans la réalisation des faits fautifs ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que M. Cédric X..., qui était en état d'ébriété, avait agressé le salarié chargé par l'employeur de le reconduire à son hôtel et que, s'étant emparé du véhicule mis à la disposition de ce dernier, il avait provoqué un accident mortel de la circulation, ce dont il résultait qu'indépendamment du comportement de l'employeur, le maintien de M. Cédric X... dans l'entreprise était impossible et que ses agissements constituaient une faute grave, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et vu l'article 627 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 24 avril 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ;
Dit n'y avoir lieu à renvoi ;
Dit que le licenciement est fondé sur une faute grave ;
Déboute M. Cédric X... de toutes ses demandes ;
Condamne M. Cédric X... aux dépens d'appel et de cassation ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. X... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf avril deux mille neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Boullez, avocat aux Conseils pour la société Yvroud européenne des fluides
Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR requalifié en licenciement pour cause réelle et sérieuse, le licenciement pour faute lourde que la société YVROUD EUROPEENNE DES FLUIDES avait notifié à M. Cédric X..., le 13 janvier 2005, et D'AVOIR condamné la société YVROUD EUROPEENNE DES FLUIDES à payer à M. X..., diverses sommes à titre d'indemnité de licenciement, d'indemnité compensatrice de préavis, des congés payés correspondants et en remboursement de la mise à pied conservatoire ;
AUX MOTIFS QU'il ressort des éléments de fait soumis au débat contradictoire que le 15 décembre 2004, M Z..., responsable du site de Thoiry de la société YVROUD, a convié le personnel de l'agence, en dehors des heures de travail, à un apéritif servi dans les locaux de celle-ci puis à un repas de fin d'année ; que le responsable a indiqué que cinq ou six salariés ne consommant jamais d'alcool avaient été désignés pour assurer le transport des autres, Ce qui a été confirmé par l'un d'eux, M. Larbi Y..., chargé de conduire jusqu'au restaurant un véhicule Renault Trafic de l'entreprise dans lequel avait pris place notamment M. Cédric X..., déjà sous l'empire d'un état alcoolique ; qu'à l'issue du repas, au cours duquel, se trouvant dans un état d'ivresse de plus en plus prononcé, il avait été l'auteur de plusieurs incidents ayant contraint le chef d'agence à intervenir, M. X..., usant de violence à l'égard de M. Y... qui prétend avoir été "éjecté du Trafic", a pris le volant du véhicule et a causé un accident mortel de la circulation, au cours duquel le véhicule de location de la société YVROUD a été détruit; que M. X..., poursuivi devant la juridiction correctionnelle en présence de l'assureur de ce véhicule, a été déclaré coupable d'homicide et de blessures involontaires commis par un conducteur sous l'emprise d'un état alcoolique (1 mg/l), par un jugement du Tribunal correctionnel de Bourg-en-Bresse en date du 24 janvier 2005 ; que le fait, pour un salarié amené au cours de l'exécution de son contrat de travail à conduire un véhicule automobile de l'entreprise, d'être impliqué dans un accident de la circulation causé par son état d'ébriété, fût-ce en dehors de son temps de travail, se rattache à sa vie professionnelle ; que la faute lourde est caractérisée par l'intention de nuire et que si la condamnation pénale établit nécessairement l'élément intentionnel de l'infraction poursuivie, cet élément n'implique pas, par lui-même, l'intention du salarié de nuire à l'employeur dans la commission de l'acte constitutif de la faute invoquée à l'appui du licenciement ; que M. X... soutient justement que la société YVROUD ne rapporte pas la preuve qu'il a eu l'intention de lui nuire en provoquant un accident mortel de la circulation alors qu'il se trouvait sous l'empire d'un état alcoolique ; que c'est donc à tort que le Conseil des prud'hommes a retenu que le licenciement était justifié sur ce fondement ; que la faute grave, résultant des relations de travail et d'une importance telle qu'elle ne permet pas le maintien du salarié dans l'entreprise, même pendant la durée limitée du préavis, rie peut davantage être retenue au vu des circonstances particulières de l'espèce desquelles il ressort, d'une part, que c'est l'employeur qui a organisé la mise à la disposition du salarié de nombreuses boissons alcoolisées (bière, pastis, vins) et, d'autre part, que n'ayant pu se méprendre sur l'état d'ivresse de l'intéressé, le chef d'agence, loin de veiller à ce que celui-ci ne conduise pas, a quitté le restaurant avant les salariés sans se préoccuper de ce qu'il pourrait advenir; que la part de responsabilité imputable à l'employeur dans les faits qui ont suivi, nonobstant l'absence de poursuites pénales à son encontre, inopérante dans le présent litige, ôte ainsi au grief le caractère de gravité opposé au salarié ; qu'il n'en reste pas moins que M. X... n'était pas dans l'obligation de boire, qu'il ne peut soutenir avoir été privé de son libre arbitre sur ce point, qu'il a bu sans retenue et a exigé de prendre le volant du véhicule de location de la société en écartant le salarié qui aurait dû raccompagner jusqu'à leur hôtel ceux d'entre eux qui avaient commis des excès de boissons ; que ce comportement justifie son licenciement pour cause réelle et sérieuse le privant d'une indemnité de ce chef ; que M. X... se prévaut à juste titre d'un salaire mensuel brut de 1.925,71 (heures normales: 1.735,10 + heures de trajet: 91,62 + prime de management 99,09 ), de sorte qu'au vu de son ancienneté dans l'entreprise (3 ans), sa demande faite au titre du préavis (3861,42 ) et des congés payés correspondants (385,14 ) doit être accueillie ; qu'il est fondé également à obtenir le remboursement de sa mise à pied (886,60 ), ainsi que le solde des congés payés qu'il avait acquis à la date de la rupture (2522,52 ) ; qu'enfin, sa demande d'indemnité de licenciement doit être admise à concurrence de la somme réclamée de 577,71 ;
1. ALORS QUE même en l'absence de toute intention de nuire, la faute lourde privative de l'indemnité de compensatrice de congés payés, est celle d'une exceptionnelle gravité que le salarié commet consciemment et sans raison valable en faisant courir à autrui, un risque inadmissible qu'il ne pouvait ignorer ; qu'il ressort des constatations auxquelles les juridictions du fond ont procédées que M. Cédric X..., alors qu'il se trouvait en état d'ébriété au sortir d'un dîner, a agressé son collègue de travail, M. Y..., qui était chargé par son employeur, de le raccompagner à son hôtel, à bord d'un véhicule qu'il avait mis à disposition, qu'il en a pris le volant, au mépris des consignes de sécurité de son employeur, après en avoir expulsé M. Y..., et qu'il a enfin causé un accident de circulation provoquant la mort d'une mère de famille et blessant trois autres personnes ; qu'en retenant, pour exclure l'existence d'une faute lourde, que la condamnation pénale de M. Cédric X... pour homicide et blessure involontaire ne révèle pas qu'il ait agi dans le dessin de nuire à son employeur, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si M. Cédric X... n'avait pas nécessairement conscience des risques inadmissibles qu'il faisait courir aux tiers comme à lui-même par des violences d'une extrême gravité, pour avoir violé délibérément les consignes de sécurité énoncées par l'employeur, en prenant la route en état d'ébriété à bord du véhicule de l'employeur, après avoir agressé celui qui devait le reconduire, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L 122-14-3, l 122-6, L 122-8, L 122-9 et L 230-3 du Code du travail ;
2. ALORS subsidiairement QU'il résulte des constatations auxquelles les juges du fond ont procédées que M. Cédric X... avait provoqué un accident de la circulation mortel en conduisant un véhicule dont il avait pris le contrôle après avoir agressé M. Y... qui était spécialement chargé par l'employeur de le reconduire à son hôtel en raison de son état d'ébriété ; qu'en affirmant cependant, pour exclure l'existence d'une faute grave, que l'employeur porterait une part de responsabilité dans la survenance de l'accident de la circulation, nonobstant l'absence de poursuites pénales à son encontre, d'une part, pour avoir mis à la disposition des salariés de nombreuses boissons alcoolisées, d'autre part, parce que le chef d'agence avait quitté le restaurant, sans veiller à ce que M. Cédric X... ne conduise pas, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations d'où il résultait que l'employeur avait pris toutes les précautions utiles pour éviter la survenance d'un accident de la circulation en confiant à un salarié qui ne buvait pas d'alcool, la charge de raccompagner ses collègues qui en avaient consommé, à bord d'un véhicule de l'entreprise prévu à cet effet ; qu'ainsi, elle a violé les articles 1147 et 1148 du Code civil et des articles L 122-14-3, l 122-6, L 122-8, L 122-9 et L 230-3 du Code du travail ;
3. ALORS subsidiairement QUE l'employeur est libéré de son obligation de sécurité de résultat par la preuve d'une cause étrangère ; qu'il résulte des constatations auxquelles les juges du fond ont procédées que M. Cédric X... avait provoqué un accident de la circulation mortel en conduisant un véhicule dont il avait pris le contrôle après avoir agressé M. Y... qui était spécialement chargé par l'employeur de le reconduire à son hôtel en raison de son état d'ébriété ; qu'en affirmant cependant, pour exclure l'existence d'une faute grave, que l'employeur porterait une part de responsabilité dans la survenance de l'accident de la circulation, nonobstant l'absence de poursuites pénales à son encontre, d'une part, pour avoir mis à la disposition des salariés de nombreuses boissons alcoolisées, d'autre part, parce que le chef d'agence avait quitté le restaurant, sans veiller à ce que M. Cédric X... ne conduise pas, bien qu'il n'ait pu se méprendre sur son état d'ivresse, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée par l'employeur (conclusions, p. 15), si l'accident de la circulation ne puisait pas sa cause exclusive dans le comportement violent de M. Cédric X... qui constituait pour l'employeur un cas de force majeure qu'il n'avait pas été en mesure de prévenir, en raison de sa soudaineté et de son imprévisibilité, en dépit des précautions qu'il avait prises pour éviter tout accident de la circulation, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1147 et 1148 du Code civil et des articles L 122-14-3, l 122-6, L 122-8, L 122-9 et L 230-3 du Code du travail ;
4. ALORS QUE la condamnation pénale du salarié pour homicide et blessure involontaires lui interdit de reprocher à son employeur, un manquement à son obligation de surveillance ; qu'en retenant, pour écarter l'existence d'une faute grave, que l'employeur avait insuffisamment surveillé M. Cédric X..., tout en constatant qu'il avait été déclaré coupable d'homicide et blessures involontaires sous la double circonstance aggravante de consommations de produits stupéfiants et de conduite en état d'ivresse, la Cour d'appel a violé les articles 1147 et 1148 du Code civil et des articles L 122-14-3, l 122-6, L 122-8, L 122-9 et L 230-3 du Code du travail.