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28/04/2009 | FRANCE | N°08-80407

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 28 avril 2009, 08-80407


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Thierry,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 11e chambre, en date du 7 décembre 2007, qui, sur renvoi après cassation, dans la procédure suivie contre lui du chef de harcèlement moral, a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, 15 du Pacte international relatif aux droits

civils et politiques, 1382 du code civil, 112-1, 222-33-2 du code pénal, L. 1152-...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Thierry,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 11e chambre, en date du 7 décembre 2007, qui, sur renvoi après cassation, dans la procédure suivie contre lui du chef de harcèlement moral, a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, 15 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, 1382 du code civil, 112-1, 222-33-2 du code pénal, L. 1152-1 du code du travail, 2, 3, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut et insuffisance de motivation, manque de base légale, violation de la loi.
" en ce que l'arrêt attaqué a dit que Thierry X...avait commis une faute constitutive de l'infraction prévue et réprimée par l'article 222-33-2 du code pénal et l'a condamné en conséquence à payer à Maurice Z...la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts ;
" aux motifs qu'il est constant que Maurice Z...a été engagé, selon contrat à durée indéterminée du 28 avril 2000, par la société « Groupe Audit Home » en qualité de négociateur immobilier et affecté à l'agence d'Orvault dont le directeur était Fabrice A...; que ce contrat, qui prévoyait en particulier les obligations de prospecter, de démarcher et de recueillir les mandats écrits nécessaires aux achats et ventes, en réalisant un chiffre d'affaires mensuel de 45 000 F HT et en rentrant un minimum de 30 mandats de vente par trimestre, dont 30 % en exclusivité, ce moyennant un salaire fixe de 7 000 F, outre un 13ème mois et des commissions variables selon la nature des interventions, a fait l'objet de différents avenants fixant de nouvelles conditions de rémunération les 20 septembre 2000 et 30 avril 2001 ; qu'un nouveau contrat de travail à durée indéterminée a été conclu le 1er août 2001, en vertu duquel le négociateur immobilier était payé « exclusivement à la commission », sur la base d'un SMIC mensuel ; qu'il est également établi que, par lettre du 18 mars 2002, où il évoque les quolibets, moqueries, insultes, chantages en tous genres et autres vexations dont il a fait l'objet depuis octobre 2001, plus particulièrement ceux qui ont eu lieu lors d'une journée professionnelle organisée le 26 février 2002, dont il impute l'orchestration à Thierry X..., son supérieur hiérarchique, Maurice Z...a informé Fabrice A...de sa démission ; qu'il a ensuite demandé à être dispensé de l'exécution de son préavis consécutif à cette rupture « motivée comme vous le savez » ; qu'aux termes de deux courriers des 7 et 11 juin 2002, faisant suite à différents entretiens des 22 mars, 3 et 10 avril 2002, ainsi qu'à une visite médicale ayant, selon certificat du docteur B..., médecin du travail, justifié un avis d'arrêt du travail à compter du 21 mars 2002 pour inaptitude à tous postes an sein de l'entreprise, il a saisi l'inspection du travail, à laquelle il a en outre remis une « chronique » des faits dont il se disait victime, et porté plainte auprès du procureur de la République du chef de discrimination et de harcèlement moral au travail ; qu'ainsi que l'a retenu le tribunal, le délit de l'article 222-33-2 du code pénal, qui suppose pour être constitué « des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet (…) », a été institué par la loi de modernisation sociale n° 2002-73 du 17 janvier 2002, en sorte que seuls les fait ou actes commis à compter de son entrée en vigueur caractérisent la poursuite ; qu'il résulte de l'enquête diligentée par l'inspection du travail que l'ambiance de l'entreprise, qui comprenait onze salariés répartis sur les sites de Nantes et d'Orvault a commencé à se dégrader après l'arrivée en septembre 2001 de Thierry X...qui aurait alors empêché Maurice Z...de toucher ses commissions en reprenant à son compte les apports de mandat relatifs aux visites réalisés par son collaborateur qui lui adressait la parole en lui parlant peut nègre en lui disant « Maurice au pied » ou « ou sous la table » et qui faisait des plaisanteries douteuses à son égard, après avoir entraîné un autre négociateur Vincent C..., définitivement condamné pour harcèlement moral, à faire de même ; qu'en particulier lors d'une séance de formation à laquelle Thierry X...l'a contraint de participer en février 2002, ce dernier s'est moqué de la partie civile qui venait de préparer un café pour les participants dans les termes suivants prononcés avec un accent africain destiné à faire rire les autres stagiaires " Maurice promet tout à tout le monde », « il va devoir payer des loyers au clients avec ses propres commissions » et « c'est Maurice qui prépare le café » ; que c'est à la suite de cet événement ayant constitué pour lui « la goutte d'eau qui fait déborder le vase » que Maurice Z...a donné sa démission ; que si le prévenu, devenu responsable de l'agence d'Orvault et supérieur hiérarchique de Maurice Z...en septembre 2001, a d'abord nié les faits eux-mêmes de façon un peu embarrassée, il a ensuite admis certains d'entre eux en se bornant à contester le sens qui leur était donné par la poursuite ; qu'il a plus précisément fait valoir que s'il s'adressait bien à son subordonné en prenant systématiquement l'accent africain, parlant « goulougoulou » il ne s'agissait que d'une manifestation de connivence et de sympathie à son égard ; que le prévenu a repris ce moyen devant la cour en s'appuyant en particulier sur des attestations de salariés qu'il a versées aux débats faisant état de l'ambiance chaleureuse de l'agence et des manifestations gratuites exprimées par son collaborateur en différentes occasions ; qu'il ressort de l'audition du directeur de l'agence, Fabrice A..., lui-même définitivement relaxé par le tribunal, qu'il avait eu connaissance des faits reproches à Thierry X..., dont il s'était entretenu avec lui sans leur donner aucune suite disciplinaire, et a reconnu que le prévenu plaisantait volontiers sur des sujets « pas toujours de bon goût » ou s'adressait à Maurice Z...de façon déplacée, mais que celui-ci, doté d'un solide sens de l'humour, ne paraissait pas prendre mal ces propos ; que d'anciens salariés entendus par les enquêteurs ont également relevé le caractère vexatoire des propos tenus par Thierry X...et son ton humiliant lorsqu'il s'adressait à la partie civile ; qu'il ressort, en particulier, tant de l'attestation délivrée par Sylvia D..., adjointe de direction à la société Audit Home durant toute l'époque des faits, que de son audition par les enquêteurs que Thierry X..., après avoir intégré Maurice Z...dans son équipe en septembre 2001, s'est mis, « du haut de ses 28 ans », à lui parler « petit nègre » ou à clamer des formules telles que « on demande Maurice » avec un fort accent africain pour faire rire ses collaborateurs et n'a pas hésité à le laisser humilier et moquer, faisant valoir, pour justifier ces agissements, que la nouvelle recrue avait beaucoup d'humour ; que, de même, Laurence E..., secrétaire négociatrice dans l'équipe d'Orvault ayant fait partie de la même équipe que la partie civile de l'arrivée de celui-ci jusqu'à sa démission, a relevé le manque de respect du prévenu à l'endroit de Maurice Z...auquel il parlait couramment « petit nègre » au su et au vu de la direction qui n'est jamais intervenue ; que Gabriel F...a également remarqué, pendant ses quatre mois d'activités au sein de l'entreprise entre le 10 septembre et le 31 décembre 2001, l'humour cynique de l'équipe et les propos primaires et déplacés de Thierry X...à l'égard de la partie civile ; que ce témoignage, s'il porte sur des faits antérieurs, il est vrai, à la loi de modernisation sociale, conforte les déclarations de Sylvia D...et Laurence E..., démontrait le caractère habituel des agissements poursuivis ; que les attestations des clients de la société corroborent les déclarations des anciens collaborateurs de Thierry X...pour relever que ce dernier avait à l'égard de son subordonné une attitude « emplie d'un mépris sans équivoque baigné d'humour condescendant » et tenait des propos ayant pour effet sa position, lui demandant, par exemple, de préparer du café dans les termes suivants : « Maurice va bien aller nous préparer un petit café ? » ou s'efforçait de l'écarter, le cantonnant sans délicatesse à un rôle très secondaire, telle la préparation du café ; qu'en particulier, Florence Juge, qui a signé l'acte notarié de vente de son appartement le 22 janvier 2002, a attesté qu'alors que Maurice Z...avait suivi son dossier avec beaucoup de compétence jusqu'à la dernière visite ayant eu lieu une heure seulement avant l'intervention du notaire, Thierry X...avait dessaisi la parte civile sans raison pour recueillir le mandat, puis lors de la signature de l'acte authentique ; que les attestations et pièces produites par Thierry X...au soutien de ses dénégations n'éclairent pas la version de propos humoristiques et d'amicales plaisanteries qu'il invoque et qu'a constamment rejetée la partie civile ; qu'en effet, d'une part, le lien de subordination des auteurs de ces attestations avec les trois prévenus ne permet pas d'accorder une crédibilité satisfaisante à leurs déclarations, d'autre part, l'ambiance chaleureuse qu'ils ont néanmoins relevée, les fêtes de service, l'échange de cadeaux, tel un livre aimablement dédicacé par la partie civile, ne sont nullement incompatibles avec les faits de harcèlement moral dont Maurice Z...ne s'est plaint qu'après sa démission en faisant valoir que la succession des contrats à durée indéterminée et avenants qu'il avait dû signer sous la pression depuis son embauche et la nécessité où il était de conserver coûte que coûte son travail pour pouvoir entretenir une nombreuse famille composée de sept enfants mineurs l'avaient non seulement empêche de s'opposer aux mauvais traitements initiés par Thierry X..., mais même poussé à y faire face avec le sourire ; qu'il ressort tant du rapport de l'inspection du travail et des déclarations des témoins entendus par cette dernière et par les enquêteurs de police que des documents médicaux versés au dossier que la répétition des agissements dont Maurice Z...a été victime dans le cadre de son travail a eu des répercussions sur la santé de la partie civile ainsi que sur l'exercice de sa profession ; qu'en l'état de ces constatations dont il ressort que Thierry X...a harcelé Maurice Z...par des agissements s'étant répétés en tout cas depuis la date du 18 janvier 2002 jusqu'à celle du 18 mars 2002, jour de sa démission, qui ont eu pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail ayant porté atteinte à ses droits ou à sa dignité, altéré sa santé physique ou mentale, compromis son avenir professionnel, le délit prévu et réprimé par l'article L. 222-33-2 du code pénal est caractérisé en tout ses éléments à l'encontre du prévenu : qu'en l'état des justificatifs produits, il convient d'évaluer le préjudice de Maurice Z...par cette infraction à la somme de 5 000 euros ;
" alors, d'une part, que sont seuls punissables les faits constitutifs d'une infraction à la date à laquelle ils ont été commis ; que, par suite, une loi créant une nouvelle incrimination ne peut s'appliquer à des faits antérieurs à son entrée en vigueur ; qu'en se fondant, pour dire que Thierry X...s'était rendu coupable du délit de harcèlement moral à l'encontre de Maurice Z..., sur des témoignages d'anciens salariés notamment ceux de Sylvie D...et Laurence E...et de M. F..., lesquels relataient des faits intervenus entre les mois de juillet 2001 et décembre 2001 donc antérieurs à l'entrée en vigueur de la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002, la cour d'appel a méconnu les textes et le principe ci-dessus rappelés ;
" alors, d'autre part, que lorsqu'une infraction nouvelle est caractérisée par la répétition d'un certain type de comportement la loi qui l'institue ne s'applique à la série de comportements survenus intégralement postérieurement à son entrée en vigueur ; qu'en retenant comme période de prévention le mois de juillet 2001 au mois de mars 2002 cependant que le délit de harcèlement moral avait été institué par la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 et sans établir que tous les éléments constitutifs du délit de harcèlement moral auraient été accomplis après l'entrée en vigueur de la loi, la cour d'appel a violé les principes ci-dessus rappelés ;
" alors, enfin, que le délit de harcèlement moral implique de la part de son auteur des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail de la victime, dégradation susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, ou d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; qu'en se bornant à retenir, au titre de la période postérieure à l'entrée en vigueur de la nouvelle incrimination, les seuls propos tenus par Thierry X...lors d'une séance de formation en février 2002 au cours de laquelle il se serait moqué de la partie civile sans relever la répétition d'un tel comportement à l'égard de Maurice Z..., la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que Thierry X..., négociateur dans une agence immobilière, a été poursuivi devant le tribunal correctionnel, sur le fondement de l'article 222-32-2 du code pénal, pour avoir harcelé moralement Maurice Z...;
Attendu que, pour confirmer la décision entreprise, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, procédant de son appréciation souveraine des faits et éléments de preuve contradictoirement débattus, d'où il résulte que le prévenu s'est livré à des agissements répétés de harcèlement postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi du 17 janvier 2002, la cour d'appel a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
FIXE à 2 500 euros la somme que Thierry X...devra verser à Maurice Z...au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Joly conseiller doyen faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Guérin conseiller rapporteur, Mme Anzani conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Daudé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 08-80407
Date de la décision : 28/04/2009
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 07 décembre 2007


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 28 avr. 2009, pourvoi n°08-80407


Composition du Tribunal
Président : M. Joly (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Monod et Colin, SCP Peignot et Garreau

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2009:08.80407
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