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08/04/2009 | FRANCE | N°08-40133

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 08 avril 2009, 08-40133


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu les articles L. 3121-1 et L. 3121-5 du code du travail ;

Attendu que constitue un travail effectif au sens des textes susvisés, le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et doit se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles ; que constitue au contraire une astreinte la période pendant laquelle le salarié, sans être à la disposition permanente et immédiate de l'employeur, a l'obligation de demeurer

à son domicile ou à proximité afin d'être en mesure d'intervenir pour effec...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu les articles L. 3121-1 et L. 3121-5 du code du travail ;

Attendu que constitue un travail effectif au sens des textes susvisés, le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et doit se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles ; que constitue au contraire une astreinte la période pendant laquelle le salarié, sans être à la disposition permanente et immédiate de l'employeur, a l'obligation de demeurer à son domicile ou à proximité afin d'être en mesure d'intervenir pour effectuer un travail au service de l'entreprise, la durée de cette intervention étant considérée comme un temps de travail effectif ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a été engagée le 17 novembre 2003 en qualité d'adjointe de direction par la société Eco Dreux (hôtel Campanile) ; que le contrat prévoyait que la salariée serait amenée à effectuer des astreintes à son domicile et qu'en contrepartie elle devait bénéficier d'un logement de fonction ; que par courrier du 24 février 2005, la salariée a pris acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale de demandes en requalification de la rupture en licenciement et en paiement de diverses sommes à titre d'indemnités et de rappels de salaire ;

Attendu que pour dire que la rupture du contrat de travail s'analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamner l'employeur au paiement de diverses sommes la cour d'appel a énoncé que l'employeur s'était assuré la présence de la salariée sur le lieu de travail, pendant de nombreuses nuits, et ne pouvait prétendre que, dans cette chambre, elle se trouvait libre de vaquer à ses occupations personnelles, n'y disposant d'aucun des éléments de son confort familial et qu'il s'agissait plutôt d'une chambre de garde ;

Qu'en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à caractériser l'impossibilité pour le salarié de vaquer librement à ses occupations personnelles, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 novembre 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;

Condamne Mme X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit avril deux mille neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

.

Moyen produit par Me Le Prado, avocat aux Conseils pour la société Eco Dreux.

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué :

D'AVOIR dit que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail par la salariée s'analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, et condamné la société ECO DREUX à verser à Madame X... les sommes de 24.310,68 à titre d'heures supplémentaires, 2.431,60 au titre des congés payés afférents, 12.155,34 à titre de repos compensateur, 734,07 à titre de restitution d'avantage logement, et 73,40 au titre des congés payés afférents, 18.382,32 à titre d'indemnité de travail dissimulé, 3.063,72 à titre d'indemnité de préavis, et 306,37 d'indemnité de congés payés y afférents, 1.500 à titre d'indemnité pour non-respect de la procédure, et la somme de 14.000 à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail ;

AUX MOTIFS QUE « sur l'exécution du contrat de travail : le contrat en date du 17 novembre 2003 dispose en son article 3 que la salariée « afin de répondre aux exigences de sécurité et dans le cadre de ses fonctions sera amenée à effectuer des astreintes à son domicile », en son article 4 que le lieu de travail se situe à l'Hôtel Première Classe à Dreux, l'intéressée étant elle-même domiciliée à Saint Laurent la Gatine, enfin en son article 5, qu'« en contrepartie des astreintes à son domicile, Madame X... bénéficiera d'un logement de fonction" et percevra une rémunération de base de 1.250, 60 par mois à laquelle s'ajouteront des avantages en nature (ou indemnités) nourriture et logement » ; Il est constant qu'aucun logement de fonction situé en dehors des locaux de l'hôtel n'a jamais été mis à disposition de l'appelante, qu'en fait lui a été affectée une chambre de l'hôtel d'une surface d'environ 16 m2, équipée d'un lit et de sanitaires, dans laquelle elle se tenait pendant ses nuits de présence obligatoire à l'hôtel, suivant tableau de roulement établi par la directrice ; elle a, selon les conclusions du rapport des conseillers prud'homaux, été présente de nuit à l'hôtel 174 fois pendant l'exécution de son contrat de travail ; ce quantum n'est pas contesté ; enfin, l'employeur lui a attribué, en sus de sa rémunération de base, un avantage en nature au titre d'un logement, valorisé dans les bulletins de salaire, à concurrence en 2004 de 47 par mois, sous réserve de diverses déductions en cas d'absence (bulletins de salaire de septembre et octobre 2004 notamment) ; constitue une astreinte la période pendant laquelle le salarié, sans être à la disposition permanente et immédiate de l'employeur, a l'obligation de demeurer à son domicile ou à proximité afin d'être en mesure d'intervenir pour effectuer un travail au service de l'entreprise, la durée de cette intervention étant seule considérée comme un temps de travail effectif ; l'astreinte doit en tout état de cause être rémunérée en tant que telle, les dispositions de l'article L. 212-4 bis du Code du travail, en son alinéa 2, prévoyant qu'elle soit compensée financièrement ou en repos ; l'employeur ne peut sérieusement soutenir qu'il a rémunéré les astreintes sous forme de mise à disposition de cette chambre, facturée, donc non "gratuite", et non permanente, puisque accordée seulement sous réserve d'absences ; il s'est en réalité assuré la présence de la salariée de façon constante sur le lieu de travail, pendant de nombreuses nuits, et ne peut prétendre que dans cette chambre, elle se trouvait libre de vaquer à ses occupations personnelles, n'y disposant d'aucun des éléments de son confort familial ; il s'agit plutôt d'une chambre de garde ; en l'espèce, non seulement l'astreinte n'a aucunement été rémunérée, mais en outre, la présence sur le lieu de travail même, sans possibilité d'activité ou de repos personnels, ni possibilité de vaquer librement à son domicile ou à proximité à ses occupations personnelles, pendant le temps d'astreinte, fait qu'il a été en réalité accompli des permanences complètes durant lesquelles la salariée est demeurée à la disposition permanente de l'employeur sur le lieu de travail, constitutives pour leur totalité de temps de travail effectif, soit pendant lequel le salarié est à la disposition ininterrompue de l'employeur et doit se conformer à ses directives, sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles ; au surplus, la société ECO DREUX affirme avoir rémunéré les temps de contraintes ("intervenir de manière ponctuelle si les clients n'arrivaient pas à pénétrer dans leur chambre') pendant les astreintes, mais ne l'établit pas ; les premiers juges, qui ont seulement entendu condamner à la rémunération de l'astreinte, en pratique forfaitairement, ne peuvent ainsi se voir confirmer dans leur décision de ce chef ; Madame X... a effectué des calculs d'heures supplémentaires sur la base des 174 nuits retenues selon les dispositions légales et conventionnelles applicables, et ces calculs ne sont pas en eux-mêmes contestés par l'intimée ; il sera donc fait droit aux demandes à concurrence de 24.310.68 au titre des heures elles-mêmes, et de 2.431, 60 au titre des congés payés s'y rapportant, ensemble dont à déduire toutefois lors de l'exécution les sommes fixées par le jugement, sur un autre fondement, et payées finalement ; s'agissant du repos compensateur, les dispositions de l'article L. 212-5-1 du même Code l'organisent pour les entreprises de plus de vingt salariés dans la limite du contingent légal annuel ; en cas de dépassement de ce contingent, la règle s'applique également aux entreprises de moins de vingt salariés ; Madame X... ayant travaillé 151 nuits en 2004, il est d'évidence que le contingent de 220 heures a été dépassé ; la contestation de l'intimée est mal fondée en son principe, et elle sera condamnée encore au paiement de la somme non critiquée en son quantum de 12.155.34 ; et sur la demande relative au remboursement des déductions pour "logement de fonction" ; il se déduit des précédentes analyses que la chambre litigieuse ne répondait pas à la définition, et que l'employeur a procédé à tort de telles déductions ; les montants sollicités par Madame X... ne sont non plus pas contestés, et la société ECO DREUX devra payer les sommes de 734.07 prélevées, et 73.40 au titre des congés payés diminués pour la même raison ; sur la demande de dommages intérêts pour travail dissimulé de l'article L 324-11-1 du Code du travail : ce texte énonce que le salarié auquel un employeur a eu recours en violation de l'article L 324-10 a droit en cas de rupture de la relation de travail à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire, à moins que l'application d'autres règles légales ou de stipulations conventionnelles ne conduise à une solution plus favorable ; L'article L 324-10 du Code du travail dernier alinéa, dans sa rédaction de la loi n° 97-210 du 11 mars 1997 applicable, énonce que la mention sur le bulletin de paie d'un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement effectué constitue, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord conclu en application du chapitre Il du titre 1 du livre Il du Code du travail, une dissimulation d'emploi salarié ; en l'espèce, il est établi que la salariée a effectué des heures supplémentaires qui ne figurent pas sur ses bulletins de paie sans qu'une convention ou un accord conforme à ceux visés à l'article L 324-10 du Code du travail n'existe, la demande de Madame X... sur le fondement de l'article L 324-11-1 du Code du travail est fondée sur l'existence d'un travail dissimulé démontré ; la dissimulation d'emploi salarié constituée, selon l'article L. 324-10, dernier alinéa, du Code du travail, par la remise à la salariée d'un bulletin de salaire ne mentionnant pas toutes les heures de travail effectuées nécessite la preuve de l'intention de dissimulation qu'apprécie souverainement le juge du fond ; le mécanisme volontaire de l'employeur de prétendu paiement du travail, mis en place à moindre coût, doit être qualifié de dissimulation intentionnelle manifeste d'emploi salarié ; Madame X... est bien fondée en sa demande quant au principe, mais le quantum est surévalué, puisque l'indemnité forfaitaire doit correspondre à six mois de salaires ; sur la base du salaire des six derniers mois, majoré des heures supplémentaires résultant du travail effectif qualifié faussement d'astreinte par l'employeur, la Cour retient comme valeur du mois de salaire la somme de 3.063, 72 , et fixe en conséquence cette indemnité à charge de la société ECO DREUX à 18.382.32 ; sur la rupture du contrat de travail : la lettre de prise d'acte de rupture est explicite sur les préjudices subis du chef de l'irrégularité des astreintes ; le seul défaut de paiement au salarié des indemnités d'astreinte auxquelles il peut prétendre constitue pour l'employeur un manquement à ses obligations lui rendant imputable la rupture du contrat de travail ; a fortiori en est-il lorsque comme en l'espèce, il fait exécuter des astreintes qui sont des permanences de temps de travail effectif ; il importe peu que l'appelante ait pu espérer retrouver aussitôt un nouveau travail, ce qu'elle conteste, dès lors que le salarié peut légitimement effectuer des recherches avant de manifester définitivement à l'employeur son mécontentement ; le jugement sera infirmé pour avoir qualifié de démission la démarche de la salariée ; la prise d'acte de rupture aux torts de l'employeur produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ou, s'il s'agit d'un salarié ayant moins de deux ans d'ancienneté, d'une rupture abusive ; Madame X... doit en être indemnisée ; le préjudice n'est que celui résultant de la rupture, et non celui né des conditions d'exécution du contrat de travail, indemnisé par ailleurs ; la Cour dispose des éléments suffisants pour évaluer la réparation de ce préjudice à la somme de 14.000 ; en outre, du chef du non-respect de la procédure, Madame X... a nécessairement subi un préjudice qu'il est justifié d'indemniser à hauteur de 1.500 ; sur le préavis, dont l'indemnisation requise correspond à un mois selon l'appelante, il doit être alloué, conformément à la décision précédente de la Cour, la somme de 3.063, 72 pour l'indemnité de préavis, et 306,37 pour celle de congés payés s'y rapportant » ;

ALORS, QUE constitue un travail effectif, le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et doit se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles ; que constitue au contraire une astreinte la période pendant laquelle le salarié, sans être à la disposition permanente et immédiate de l'employeur, a l'obligation de demeurer à son domicile ou à proximité afin d'être en mesure d'intervenir pour effectuer un travail au service de l'entreprise, la durée de cette intervention étant considérée comme un temps de travail effectif ; que ne peut vaquer librement à ses obligations personnelles, le salarié soumis à des sujétions particulières ordonnées par l'employeur qu'il appartient au juge de caractériser ; que pour dire que les heures litigieuses devaient être considérées comme du temps de travail effectif et non comme des astreintes, et pour condamner l'employeur à verser à la salariée différentes sommes à titre de rappel d'heures supplémentaires, repos compensateur et indemnité pour travail dissimulé par voie de conséquence, pour retenir l'existence d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, la Cour d'appel a relevé que la salariée ne pouvait pas librement vaquer à ses occupations personnelles dans la mesure où dans le logement de fonction mis à sa disposition par l'employeur, situé dans l'enceinte de l'hôtel, elle ne disposait d'aucun des éléments de son confort familial ; qu'en statuant par ce motif impropre à caractériser l'impossibilité dans laquelle se trouvait la salariée de pouvoir vaquer librement à ses obligations personnelles, lors même qu'il lui appartenait de rechercher si la salariée était, ou non, soumise à des sujétions particulières de nature à l'empêcher de vaquer à ses obligations personnelles, la Cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L 3121-1, L 3121-5, et L 3121-26 du Code du travail (anciens articles du Code du travail : L 212-4, L 212-4 bis, L 212-5-1).


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 08-40133
Date de la décision : 08/04/2009
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 06 novembre 2007


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 08 avr. 2009, pourvoi n°08-40133


Composition du Tribunal
Président : Mme Collomp (président)
Avocat(s) : Me Le Prado, SCP Nicolaý, de Lanouvelle, Hannotin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2009:08.40133
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