LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- LA COMPAGNIE MUTUELLE TRANSPORT ASSURANCES, partie intervenante,
contre l'arrêt de la cour d'appel de NOUMÉA, chambre correctionnelle, en date du 13 mai 2008, qui, dans la procédure suivie contre Yvonnick X... et Yann Y... des chefs d'homicides et de blessures involontaires, a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que le 10 octobre 2004, à Païta (Nouvelle-Calédonie), Yvonnick X... a perdu le contrôle du véhicule qu'il conduisait à 178 km/h, sur une route où la vitesse est limitée à 90 km/h ; que le véhicule s'est écrasé contre la pile d'un pont ; que deux de ses passagers, Frédéric Z... et Nicolas A..., ont été tués ; qu'Angélique B... a été grièvement blessée ; que l'information a permis d'établir qu'au moment de l'accident Yvonnick X... était engagé dans une course avec Yann Y..., qui venait de le dépasser au volant de sa voiture ; que, renvoyés devant le tribunal correctionnel sous la prévention des délits d'homicides et de blessures involontaires, Yvonnick X... et Yann Y... ont, par jugement du 7 octobre 2005, été déclarés coupables de ces infractions et solidairement responsables de leurs conséquences dommageables, et condamnés, le premier, à deux ans d'emprisonnement, le second, à un an d'emprisonnement avec sursis ; que l'affaire a été renvoyée sur les intérêts civils à l'audience du 16 décembre 2005, date à laquelle le tribunal a ordonné avant-dire droit l'expertise du dommage corporel d'Angélique B... ;
En cet état ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 388-2, 459 et 593 du code de procédure pénale, défaut de réponse aux conclusions, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a statué sur l'action civile exercée par Angélique B..., sans répondre aux conclusions de la compagnie MTA, demanderesse, faisant valoir qu'elle n'avait pas été mise en cause conformément aux dispositions de l'article 388-2 du code de procédure pénale dix jours au moins avant l'audience du 9 septembre 2005 qui a abouti au jugement définitif du 7 octobre 2005 ayant déclaré son assuré Yann Y... coupable d'homicides et de blessures involontaires et solidairement responsable avec Yvonnick X..., de l'accident mortel du 10 octobre 2004 ;
"alors que, dans ses conclusions d'appel, la demanderesse invoquait la violation à son égard des dispositions de l'article 388-2 précité, dont la réalité était reconnue par l'assureur du véhicule où les victimes de l'accident avaient pris place ; qu'en se référant aux dispositions du jugement définitif du 7 octobre 2005 rendu sur les poursuites et sur l'action civile, sans répondre au moyen de cet assureur mis en cause tardivement au regard du texte précité, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de réponse à un moyen péremptoire des conclusions de la compagnie MTA qui doit entraîner la censure, pour violation de l'article 459 du code de procédure pénale" ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 1382, 1383, 1350 et 1351 du code civil, des articles 1er et suivants de la loi n 85-677 du 5 juillet 1985, et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a dit que le véhicule Opel conduit par Yann Y... et assuré par la compagnie MTA, est impliqué dans l'accident de la circulation du 10 octobre 2004 et que dans leurs rapports entre eux, Yvonnick X... et Yann Y..., sont responsables pour moitié de cet accident ;
"aux motifs qu'en l'espèce, Yvonnick X... et Yann Y..., conducteurs des véhicules Opel et Peugeot, ont tous deux été déclarés coupables d'homicides involontaires sur les personnes de Frédéric Z... et de Nicolas A... et de blessures involontaires sur la personne d'Angélique B... au cours de l'accident survenu le 10 octobre 2004, par jugement définitif du 7 octobre 2005 ; qu'il est retenu dans ce jugement que les deux conducteurs se sont dépassés à plusieurs reprises avant de se livrer à une véritable course-poursuite à très grande vitesse (200 km/h), au cours de laquelle, alors que Yann Y... était devant, et Yvonnick X... à très peu de distance, ce dernier a perdu le contrôle de son véhicule et a percuté violemment le pont de Gadji ; qu'en l'état de ces constatations qui ne sont pas critiquées par Yvonnick X..., Yann Y... était bien impliqué dans l'accident au cours duquel Angélique B... a été grièvement blessée, peu important l'absence de contact entre le véhicule de Yann Y... et celui conduit par Yvonnick X... au moment de l'accident, survenu par la commission de fautes conjuguées des deux conducteurs, qui, « fous de vitesse », ainsi qu'ils l'ont reconnu au cours de la procédure, ont circulé à une vitesse très supérieure à celle autorisée, sans aucun égard pour la vie de leurs passagers et celle des autres usagers de la route ; que le jugement sera dès lors confirmé sur l'implication du véhicule conduit par Yann Y... et assuré par la MTA ; que, sur la responsabilité de chaque conducteur, contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, la reconnaissance de la solidarité entre les deux conducteurs, par le jugement du 7 octobre 2005 n'implique pas qu'il ait été statué sur la responsabilité respective de Yvonnick X... et de Yann Y... dans leur rapport entre eux ; qu'il y a lieu de fixer cette responsabilité de Yvonnick X... et de Yann Y..., à la moitié, compte tenu des circonstances de l'accident rappelées ci-dessus et des fautes commises par les deux conducteurs qui ensemble et de manière concertée ont pris des risques qui se sont réalisés pour les seuls passagers de Yvonnick X..., mais dont ils sont fautifs à parts égales, et ce, peu important l'appréciation juridique donnée par différents magistrats aux faits, ainsi que la peine prononcée par le tribunal correctionnel statuant sur l'action publique qui obéit à des règles différentes de celles régissant la responsabilité civile ;
"alors que, d'une part, pour qu'un véhicule terrestre à moteur puisse être considéré comme impliqué dans un accident de la circulation au sens de l'article 1er de la loi du 5 juillet 1985, s'il n'est pas nécessaire qu'il y ait eu un contact entre ce véhicule et celui qui a directement causé le dommage, encore faut-il que ce véhicule ait joué un rôle causal dans la survenance de cet événement ; qu'en l'espèce où, si les deux véhicules conduits par les deux prévenus se livraient à une course-poursuite avant l'accident litigieux, seule la voiture Opel conduite par Yvonnick X... a été accidentée alors que celle conduite par Yann Y... qui la précédait et qui était assurée par la demanderesse, n'a subi aucun dommage en franchissant le pont sur lequel la voiture conduite par Yvonnick X... s'est fracassée, qu'il en résulte que la voiture assurée par la demanderesse n'était pas impliquée dans l'accident au sens du texte précité, en l'absence de tout lien de causalité entre sa présence et l'accident exclusivement imputable aux risques pris par son coprévenu et à la maladresse de ce dernier ; qu'en déclarant dans ces conditions que le véhicule assuré par la demanderesse était impliqué dans l'accident litigieux pour la condamner à en garantir les conséquences, les juges du fond ont violé le texte précité ;
"alors, d'autre part, que même si les règles qui régissent la responsabilité pénale diffèrent de celles applicables en matière de responsabilité civile, il n'en reste pas moins qu'entre deux prévenus qui, par leurs fautes conjuguées ont provoqué un dommage, le partage de responsabilité ne peut s'opérer qu'en fonction de la gravité des fautes qu'ils ont commises ; que dès lors en l'espèce où le juge pénal, saisi des poursuites intentées contre Yvonnick X... et Yann Y..., avait infligé une peine très supérieure au coprévenu du conducteur du véhicule assuré par la demanderesse qu'à ce dernier, la cour d'appel, qui non seulement n'a pas contesté cette inégalité des sanctions pénales infligées aux deux prévenus mais l'a même expressément reconnue, a violé l'autorité de la chose jugée par le jugement du 7 octobre 2005 ainsi que les articles 1382 et 1383 du code civil en partageant sans le justifier, par moitié la responsabilité civile de l'accident entre les deux conducteurs" ;
Les moyens étant réunis ;
Sur le premier moyen et sur le second moyen pris en sa première branche ;
Attendu que la compagnie Mutuelle transport assurances, assureur du véhicule conduit par Yann Y..., admise à intervenir à l'audience du 16 décembre 2005 sur les actions en réparation, d'une part, des ayants droit de Frédéric Z... et de Nicolas A..., d'autre part, d'Angélique B..., parties civiles, n'a discuté ni les modalités de sa mise en cause, ni les conséquences à son égard des dispositions du jugement du 7 octobre 2005 par lequel la juridiction avait déclaré Yvonnick X... et Yann Y... coupables d'homicides et de blessures involontaires et solidairement responsables des conséquences dommageables de ces délits après avoir constaté que les véhicules qu'ils conduisaient étaient l'un et l'autre impliqués dans l'accident ;
Que la demanderesse ne saurait se faire un grief du défaut de réponse aux moyens irrecevables par lesquels elle a ensuite tenté de remettre en cause l'autorité de la chose jugée attachée à ce jugement devenu définitif ;
D'où il suit que les griefs ne sauraient être admis ;
Mais, sur le moyen de cassation relevé d'office, pris de la violation de l'article 464 du code de procédure pénale ;
Vu ledit article ;
Attendu qu'il résulte de ce texte qu'en matière civile la compétence de la juridiction pénale, limitée à l'examen des demandes formées par les parties civiles contre les prévenus, ne s'étend pas aux recours de ces derniers entre eux ; qu'il s'ensuit qu'il n'appartient pas à cette juridiction de prononcer un partage de responsabilité entre les coauteurs du dommage dont la réparation a été ordonnée ;
Attendu que la Mutuelle transport assurances a demandé que la dette des coauteurs des dommages soit répartie entre ceux-ci en proportion de la gravité de leurs fautes respectives telle qu'elle résultait des peines prononcées ; que le tribunal correctionnel a déclaré les deux conducteurs tenus solidairement des dommages-intérêts ; que leurs assureurs, auxquels la décision a été déclarée opposable, ont interjeté appel ;
Attendu que l'arrêt répartit par moitié, entre les deux coauteurs, la charge du montant indemnitaire dont ils sont solidairement débiteurs ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et le principe rappelé ci-dessus ;
D'où il suit que la cassation est encourue ; que, n'impliquant pas qu'il soit à nouveau statué sur le fond, elle aura lieu sans renvoi, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire ;
Par ces motifs et sans qu'il y ait lieu d'examiner la seconde branche du second moyen proposé :
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Nouméa, en date du 13 mai 2008, en ses seules dispositions relatives à la répartition, entre Yvonnick X... et Yann Y..., du montant indemnitaire dont ils sont solidairement débiteurs, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Nouméa, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Farge conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Blondet conseiller rapporteur, M. Palisse conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : M. Souchon ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;