LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur les moyens réunis :
Attendu selon l'arrêt attaqué (Paris, 6 avril 2007), que M. X... engagé le 5 décembre 1977 par la Compagnie générale de géophysique en qualité de prospecteur technicien a été licencié pour faute grave le 17 décembre 2002 ;
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de dire que son licenciement reposait sur une faute grave et de le débouter de ses demandes, alors, selon le moyen :
1°/ qu'un fait commis dans le cadre de la vie privée ne peut justifier une mesure de licenciement ; qu'à ce titre, seul est sanctionnable par l'employeur l'éthylisme sur les lieux et le temps de travail ; qu'il avait fait valoir que "les faits qui ont entraîné son placement en garde à vue ne se sont pas produits sur le lieu de travail, qu'ils se sont produits dans sa vie privée et ne peuvent donc servir de base au prononcé d'une sanction" et ajouté, s'agissant du second grief énoncé dans la lettre de licenciement, "qu'à supposer même qu'il ait consommé de l'alcool les 11 et 12 novembre 2002, il l'aurait fait dans sa vie privée. Cette circonstance ne peut autoriser le prononcé par l'employeur d'une sanction disciplinaire..." ; qu'en retenant, à sa charge, la consommation dans l'avion qui devait l'amener à Dubaï, d'un apéritif, d'une bière et d'un quart de vin et le fait qu'il ait reconnu avoir consommé de l'alcool à Dubaï, mais "modérément, un seul soir et en dehors de l'entreprise" sans nullement répondre au moyen dont elle était saisie, tiré de ce que ces faits ne s'étaient pas produits sur les lieux et au temps du travail mais relevaient de la vie privée du salarié, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2°/ que saisie d'un moyen en ce sens, les juges du fond qui ont l'obligation de vérifier la cause exacte du licenciement, doivent rechercher si le licenciement ne repose pas sur un autre motif que celui invoqué par l'employeur dans la lettre de licenciement ; que le salarié avait fait valoir que la raison véritable de son licenciement résidait dans la volonté de l'employeur d'opérer une réduction des effectifs de la société, ce qui ressortait notamment du fait qu'en 1999, 380 salariés avaient été licenciés et qu'en 2003 de nombreux salariés employés en qualité de prospecteur, catégorie à laquelle il appartenait, avaient été licenciés, et indiquait que le motif invoqué par l'employeur dans la lettre de licenciement et tenant à l'alcoolisme n'était qu'un prétexte pour tenter de justifier la rupture du contrat de travail ; qu'en ne recherchant pas, ainsi qu'elle y était pourtant expressément invitée, si le véritable motif du licenciement n'était pas la volonté de l'employeur de procéder à une réduction des effectifs de la société, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 122-14-3, L. 122-6 et L. 122-9 du code du travail ;
3°/ que la faute grave étant celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, la mise en oeuvre de la procédure de licenciement doit intervenir dans un délai restreint après que l'employeur a eu connaissance des faits fautifs allégués ; qu'en ne recherchant pas, ainsi qu'elle y était pourtant expressément invitée si le fait que le salarié, postérieurement à sa libération le 5 novembre 2002 avait continué à être employé au sein de la société sur la base de Dubaï jusqu'au mois de décembre, soit pendant une période d'un mois après que l'employeur ait eu connaissance des faits fautifs allégués, n'excluait pas la qualification de faute grave au soutien du licenciement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 122-6 et L. 122-9 du code du travail ;
4°/ subsidiairement, que la faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié, qui constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; qu'en retenant que le fait pour un salarié comptant 25 ans d'ancienneté dans l'entreprise, d'avoir, lors d'un vol à destination de son lieu d'affectation à l'étranger, "consommé plusieurs verres d'alcool et dit à un passager originaire des Emirats qu'il ressemblait à Ben Laden", et d'avoir reconnu avoir consommé de l'alcool à l'étranger "mais modérément", "un seul soir et en dehors de l'entreprise" constituait une faute grave, la cour d'appel qui n'a même pas relevé le fait que le comportement du salarié aurait occasionné un trouble caractérisé au sein de l'entreprise, n'a pas caractérisé la faute grave et a violé les articles L. 122-6 et L. 122-9 du code du travail ;
Mais attendu d'abord que le licenciement étant prononcé pour faute, la cour d'appel n'avait pas à rechercher si le comportement du salarié avait occasionné un trouble objectif au sein de l'entreprise ;
Attendu ensuite que la cour d'appel a relevé que le salarié avait été emprisonné à raison de faits commis lors du vol qui devait le conduire sur son lieu d'affectation professionnelle, et que libéré après intervention de l'ambassade et du responsable de l'agence locale de l'entreprise, il s'était peu après présenté devant ce dernier en état d'ébriété ; qu'ayant ainsi fait ressortir que ces faits, poursuivis dans un délai restreint, se rattachaient à sa vie professionnelle, elle a pu décider écartant par la même le moyen pris d'une autre cause de licenciement, qu'ils justifiaient la rupture immédiate du contrat de travail de l'intéressé, déjà sanctionné en raison de son alcoolisme ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu les articles 700 du code de procédure civile et 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un mars deux mille neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat aux Conseils pour M. X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
LE POURVOI REPROCHE A L'ARRÊT ATTAQUÉ D'AVOIR dit que le licenciement du salarié reposait sur une faute grave et rejeté toutes ses demandes ;
AUX MOTIFS QU'il résulte des documents versés aux débats que Monsieur X... avait déjà fait l'objet le 25 juin 2002 d'une mise à pied de trois jours, après s'être présenté sur son lieu de travail en état d'ébriété ; qu'il n'avait alors pas été licencié, s'étant engagé à suivre une cure de désintoxication au sein d'un établissement spécialisé ; qu'il avait, cependant, été informé que si de tels agissements venaient à se renouveler, son départ de la société serait alors envisagé ; que l'employeur affirme que le 1er novembre 2002, Monsieur X... a manqué l'avion qui devait l'amener au Yémen, son nouveau lieu d'affectation ; qu'il a alors pris un avion pour Dubaï ; que lors du vol, il a dit à un passager, originaire des Emirats, qu'il ressemblait à « Ben Laden » ; que la plainte de ce dernier, ainsi que l'état dans lequel il se trouvait après avoir consommé plusieurs verres d'alcool a abouti à son emprisonnement et au retrait de son passeport, dès sa descente d'avion ; que l'employeur verse aux débats une « lettre de suivi des opérations », ainsi qu'un courrier en date du 26 décembre 2002, rédigé par Monsieur X... ; que celui-ci reconnaît avoir consommé dans l'avion, un apéritif, une bière et un quart de vin, mais affirme que sa consommation n'était pas suffisante pour être dans un état d'ébriété avancée ; qu'il reconnaît également avoir dit à un homme avec une grande barbe « qu 'il ressemblait à Ben Laden » ; que celui-ci ayant l'air fâché, il s'était excusé, mais que le passager avait tout de même porté plainte dans l'aéroport ce qui avait occasionné son incarcération ; que l'employeur indique que Monsieur X... a été libéré grâce à l'intervention de l'ambassade de France et du responsable local de la Compagnie Générale de Géophysique ; qu'il s'est de nouveau présenté à ce dernier en état d'ébriété, durant son séjour à Dubaï ; que Monsieur X... reconnaît avoir consommé de l'alcool à Dubaï, mais « modérément », un seul soir et en dehors de l'entreprise ; que l'employeur a envoyé un autre salarié au Yémen ; qu'il a rapatrié Monsieur X... et a procédé à son licenciement ; qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que le comportement du salarié a rendu impossible son maintien dans l'entreprise pendant la période de préavis et était constitutif d'une faute grave ; qu'il y a lieu d'infirmer le jugement déféré ; que Monsieur X... a été licencié pour faute grave ; qu'il doit être débouté de ses demandes de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour préjudice financier ; qu'il doit, également, être débouté de ses demandes d'indemnité conventionnelle de licenciement et d'indemnité compensatrice de préavis, en application des dispositions des articles L.122-6 et L.122-9 du Code du travail ;
ALORS D'UNE PART QU'un fait commis dans le cadre de la vie privée ne peut justifier une mesure de licenciement ; qu'à ce titre, seul est sanctionnable par l'employeur l'éthylisme sur les lieux et au temps du travail ; que l'exposant avait pertinemment fait valoir que « les faits qui ont entraîné le placement en garde à vue de Monsieur X... ne se sont pas produits sur le lieu de travail. Ils se sont produits dans sa vie privée. Ils ne peuvent donc servir de base au prononcé d'une sanction. » (conclusions d'appel p. 4, § 5) ajoutant encore, s'agissant du second grief contenu dans la lettre de licenciement que « à supposer même que le concluant ait consommé de l'alcool les 11 et 12 novembre 2002, il l'aurait fait dans sa vie privée. Cette circonstance ne peut autoriser le prononcé par l'employeur d'une sanction disciplinaire... » (conclusions d'appel p 5); qu'en retenant, à la charge de l'exposant, la consommation dans l'avion qui devait l'amener à Dubaï, d'un apéritif, d'une bière et d'un quart de vin, et le fait qu'il ait reconnu avoir consommé de l'alcool à Dubaï mais « modérément » « un seul soir et en dehors de l'entreprise », sans nullement répondre au moyen dont elle était saisie, tiré de ce que ces faits ne s'étaient pas produits sur les lieux et au temps du travail mais relevaient de la vie privée du salarié, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
ALORS D'AUTRE PART QUE, saisis d'un moyen en ce sens, les juges du fond qui ont l'obligation de vérifier la cause exacte du licenciement, doivent rechercher si le licenciement ne repose pas sur un autre motif que celui invoqué par l'employeur dans la lettre de licenciement ; que l'exposant avait fait valoir que la raison véritable de son licenciement résidait dans la volonté de son employeur d'opérer une réduction des effectifs de la société, ce qui ressortait notamment du fait qu'en 1999, 380 salariés avaient été licenciés, et qu'en 2003 de nombreux salariés employés en qualité de prospecteur, catégorie à laquelle il appartenait, avaient été licenciés, et indiquait que le motif invoqué par l'employeur dans la lettre de licenciement et tenant à l'alcoolisme n'était qu'un prétexte pour tenter de justifier la rupture du contrat de travail (conclusions d'appel p 5); qu'en ne recherchant pas, ainsi qu'elle y était pourtant expressément invitée, si le véritable motif du licenciement de l'exposant n'était pas la volonté de l'employeur de procéder à une réduction des effectifs de la société, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale, au regard des articles L.122-14-3, L.122-6 et L.122-9 du Code du travail ;
ALORS DE TROISIÈME PART QUE la faute grave étant celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, la mise en oeuvre de la procédure de licenciement doit intervenir dans un délai restreint après que l'employeur a eu connaissance des faits fautifs allégués ; qu'en ne recherchant pas, ainsi qu'elle y était pourtant expressément invitée (conclusions d'appel p. 4, § 2 et ss. et 5 § 5 et ss.), si le fait que l'exposant, postérieurement à sa libération le 5 novembre 2002, avait continué à être employé au sein de la société sur la base de Dubaï jusqu'au mois de décembre, soit pendant une période d'un mois après que l'employeur ait eu connaissance des faits fautifs allégués, n'excluait pas la qualification de faute grave au soutien du licenciement la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L.122-6 et L.122-9 du Code du travail ;
DEUXIÈ
ME MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)LE POURVOI REPROCHE A L'ARRÊT ATTAQUÉ D'AVOIR dit que le licenciement du salarié reposait sur une faute grave et rejeté toutes ses demandes ;
AUX MOTIFS QU'il résulte des documents versés aux débats que Monsieur X... avait déjà fait l'objet le 25 juin 2002 d'une mise à pied de trois jours, après s'être présenté sur son lieu de travail en état d'ébriété ; qu'il n'avait alors pas été licencié, s'étant engagé à suivre une cure de désintoxication au sein d'un établissement spécialisé ; qu'il avait, cependant, été informé que si de tels agissements venaient à se renouveler, son départ de la société serait alors envisagé ; que l'employeur affirme que le 1er novembre 2002, Monsieur X... a manqué l'avion qui devait l'amener au Yémen, son nouveau lieu d'affectation ; qu'il a alors pris un avion pour Dubaï ; que lors du vol, il a dit à un passager, originaire des Emirats, qu'il ressemblait à « Ben Laden » ; que la plainte de ce dernier, ainsi que l'état dans lequel il se trouvait après avoir consommé plusieurs verres d'alcool a abouti à son emprisonnement et au retrait de son passeport, dès sa descente d'avion ; que l'employeur verse aux débats une « lettre de suivi des opérations », ainsi qu'un courrier en date du 26 décembre 2002, rédigé par Monsieur X... ; que celui-ci reconnaît avoir consommé dans l'avion, un apéritif, une bière et un quart de vin, mais affirme que sa consommation n'était pas suffisante pour être dans un état d'ébriété avancée ; qu'il reconnaît également avoir dit à un homme avec une grande barbe « qu'il ressemblait à Ben Laden » ; que celui-ci ayant l'air fâché, il s'était excusé, mais que le passager avait tout de même porté plainte dans l'aéroport ce qui avait occasionné son incarcération ; que l'employeur indique que Monsieur X... a été libéré grâce à l'intervention de l'ambassade de France et du responsable local de la Compagnie Générale de Géophysique ; qu'il s'est de nouveau présenté à ce dernier en état d'ébriété, durant son séjour à Dubaï ; que Monsieur X... reconnaît avoir consommé de l'alcool à Dubaï, mais « modérément », un seul soir et en dehors de l'entreprise ; que l'employeur a envoyé un autre salarié au Yémen ; qu'il a rapatrié Monsieur X... et a procédé à son licenciement ; qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que le comportement du salarié a rendu impossible son maintien dans l'entreprise pendant la période de préavis et était constitutif d'une faute grave ; qu'il y a lieu d'infirmer le jugement déféré ; que Monsieur X... a été licencié pour faute grave ; qu'il doit être débouté de ses demandes de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour préjudice financier ; qu'il doit, également, être débouté de ses demandes d'indemnité conventionnelle de licenciement et d'indemnité compensatrice de préavis, en application des dispositions des articles L.122-6 et L.122-9 du Code du travail ;
ALORS QUE la faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié, qui constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importante telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; qu'en retenant que le fait pour un salarié comptant 25 ans d'ancienneté dans l'entreprise, d'avoir, lors d'un vol à destination de son lieu d'affectation à l'étranger, « consommé plusieurs verres d'alcool » et « dit à un passager originaire des Emirats qu'il ressemblait à Ben Laden », et d'avoir reconnu avoir consommé de l'alcool à l'étranger « mais modérément, un seul soir et en dehors de l'entreprise », constituait une faute grave, la Cour d'appel, qui n'a pas même relevé le fait que le comportement du salarié aurait occasionné un trouble caractérisé au sein de l'entreprise, n'a pas caractérisé la faute grave et a violé les articles L.122-6 et L.122-9 du Code du travail ;