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25/03/2009 | FRANCE | N°07-42075;07-42076

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 25 mars 2009, 07-42075 et suivant


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu leur connexité, joint les pourvois n° E 07-42.076 et n° D 07-42.075 ;
Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche qui est commun aux deux pourvois :
Vu les articles L. 122-1, alinéa 1er, L. 122-1-1, L. 122-3-10, alinéa 2, et D. 121-2 respectivement devenus L. 1242-1, L. 1242-2, L. 1244-1 et D. 1242-1 du code du travail, ensemble les clauses 1 et 5 de l'accord-cadre sur le travail à durée déterminée conclu le 18 mars 1999 et mis en oeuvre par la Directive 1999/70/CE du 28 juin 1999 et l'article 14

de la convention collective nationale des hôtels, cafés, restaurants ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu leur connexité, joint les pourvois n° E 07-42.076 et n° D 07-42.075 ;
Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche qui est commun aux deux pourvois :
Vu les articles L. 122-1, alinéa 1er, L. 122-1-1, L. 122-3-10, alinéa 2, et D. 121-2 respectivement devenus L. 1242-1, L. 1242-2, L. 1244-1 et D. 1242-1 du code du travail, ensemble les clauses 1 et 5 de l'accord-cadre sur le travail à durée déterminée conclu le 18 mars 1999 et mis en oeuvre par la Directive 1999/70/CE du 28 juin 1999 et l'article 14 de la convention collective nationale des hôtels, cafés, restaurants du 30 avril 1997 ;
Attendu que s'il résulte de la combinaison des articles susvisés du code du travail que dans les secteurs d'activité définis par décret ou par voie de convention ou d'accord collectif étendu, certains des emplois en relevant peuvent être pourvus par des contrats de travail à durée déterminée lorsqu'il est d'usage constant de ne pas recourir à un contrat à durée indéterminée, en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois, et que des contrats à durée déterminée successifs peuvent, en ce cas, être conclus avec le même salarié, l'accord-cadre susvisé, qui a pour objet, en ses clauses 1 et 5, de prévenir les abus résultant de l'utilisation de contrats à durée déterminée successifs, impose de vérifier que le recours à l'utilisation de contrats successifs est justifié par des raisons objectives qui s'entendent de l'existence d'éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l'emploi ;
Attendu, selon les arrêts attaqués, que M. X... et M. Y... ont été respectivement engagés en qualité de chef sommelier et de second maître d'hôtel par la société Hôtel Juana, le premier entre le 1er avril 1996 et le 28 octobre 2002 aux termes de sept contrats à durée déterminée à caractère saisonnier, le second entre le mois d'avril 1992 et le mois d'octobre 2002, dans le cadre de onze contrats à durée déterminée également à caractère saisonnier ; que ces contrats conclus chaque année, pour la période courant début avril à fin octobre, correspondaient à l'ouverture de l'établissement ; que leur dernier contrat à durée déterminée n'ayant pas été renouvelé, les salariés ont été recrutés les 20 mai et 2 juin 2003 par contrats à durée indéterminée, M. Y... en qualité de maître d'hôtel, M. X... en qualité de chef sommelier, par la société Les Pêcheurs qui les a licenciés pour motif économique le 17 novembre 2004 ; qu'ils ont saisi la juridiction prud'homale pour obtenir la requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et faire condamner la société Hôtel Juana à leur payer diverses sommes à titre d'indemnité de requalification, d'indemnité compensatrice de préavis, de congés payés sur préavis, d'indemnité de licenciement et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et procédure irrégulière ;
Attendu que pour rejeter les demandes des salariés, la cour d'appel retient que la société Hôtel Juana relève d'un secteur d'activité, l'hôtellerie et la restauration, pour lequel il est d'usage constant, par application de l'article D. 121-2 du code du travail de ne pas recourir à un contrat à durée indéterminée et que la convention collective des hôtels, cafés, restaurants institue en son article 14 l'usage du recours au contrat à durée déterminée pour le travailleur saisonnier en prévoyant que lesdits contrats qui peuvent comporter une clause de reconduction pour l'année suivante, peuvent être conclus pour toute la durée de la saison correspondant aux dates d'ouverture et de fermeture de l'entreprise et que dans ce cas là, s'ils le sont pendant trois années consécutives, ils pourront être considérés comme établissant avec le salarié une relation de travail à durée indéterminée sur la base des périodes effectives de travail ; qu'outre le fait que les salariés, après l'expiration de leur dernier contrat qui contenait une clause de reconduction, n'en aient nullement sollicité la poursuite pour la saison suivante, leur acceptation, les 20 mai et 2 juin 2003, d'un autre emploi à durée indéterminée au sein d'une autre société, implique implicitement mais nécessairement renonciation de leur part à se prévaloir du dernier alinéa de l'article 14 de la convention collective, de sorte qu'ils ne peuvent rétroactivement prétendre avoir été embauchés en contrat à durée indéterminée par la société Hôtel Juana ;
Qu'en se déterminant ainsi par des motifs inopérants, alors qu'elle avait constaté que les deux salariés avaient travaillé, l'un plus de six années, l'autre plus de dix années, sous contrats à durée déterminée saisonniers, sans rechercher si l'utilisation de ces contrats à durée déterminée successifs était justifiée par l'existence d'éléments concrets et précis établissant le caractère par nature temporaire de cet emploi, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS, sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, les arrêts rendus le 26 février 2007, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant lesdits arrêts et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Condamne la société Hôtel Juana aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à M. X... et à M. Y... la somme globale de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des arrêts cassés ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mars deux mille neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen commun produit aux pourvois n° D 07-42.075 et n° E 07-42.076 par la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat aux Conseils pour MM. X... et Y....
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué infirmatif d'AVOIR dit qu'il n'y avait pas lieu à requalification des contrats à durée déterminée successifs et d'avoir en conséquence débouté Monsieur X... de l'ensemble de ses demandes, y compris celle formée au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
AUX MOTIFS QU'il résulte de la combinaison des articles L.122-1, L 122-1-1 al.3, L 122-3-10 et D.121-2 du Code du travail, d'abord, que, dans les secteurs d'activité définis par décret, ou par voie de convention ou d'accord collectif étendu, certains emplois en relevant peuvent être pourvus par des contrats de travail à durée déterminée lorsqu'il est d'usage constant de ne pas recourir un contrat de travail à durée déterminée en raison du caractère par nature temporaire de ces emplois, ensuite, que des contrats à durée déterminée successifs peuvent être conclus avec le même salarié, enfin, que l'office du juge, saisi d'une demande de requalification d'un contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, est seulement de rechercher, par une appréciation souveraine, si pour l'emploi concerné, et sauf si une convention collective prévoit dans ce cas le recours au contrat à durée indéterminée, il est effectivement d'usage constant de ne pas recourir à un tel contrat ; que l'existence de l'usage doit être vérifiée au niveau du secteur d'activité défini par l'article D.121-2 du Code du travail ou par une convention ou accord collectif étendu ; attendu qu'en l'espèce la S.A.S. HOTEL JUANA relève d'un secteur d'activité, hôtellerie et restauration, pour lequel il est d'usage constant par application de l'article D.121-2 du Code du travail de ne pas recourir à un contrat à durée indéterminée ; qu'attendu ensuite que la convention collective applicable, celle des hôtels, cafés, restaurants, institue en son article 14 l'usage du recours au contrat à durée déterminée pour le travailleur saisonnier en prévoyant que ledit contrat peut être conclu notamment « pour toute la durée de la saison correspondant aux dates d'ouverture et de fermeture de l'entreprise » de sorte que le fait que Monsieur Laurent X... ait été embauché à plusieurs reprises pendant toute la période d'ouverture de l'entreprise est insuffisant, contrairement à ce qu'il soutient, à établir une relation de travail d'une durée globale à durée indéterminée ; qu'attendu enfin que l'article 14 susvisé prévoit d'une part que « Les contrats à caractère saisonniers peuvent comporter une clause de reconduction pour l'année suivante. S'il la comporte, et seulement dans ce cas, l'une ou l'autre des parties (ou les deux parties) devra confirmer par lettre recommandée sa volonté de renouvellement du contrat au moins deux mois à l'avance. En cas de non confirmation, la clause de reconduction devient caduque », d'autre part que « Les contrats saisonniers conclus pendant trois années consécutives..., et couvrant toute la période l'ouverture de l'établissement pourront être considérés comme établissant avec le salarié une relation de travail d'une durée indéterminée sur la base des périodes effectives de travail » ; qu'en l'espèce, outre le fait que Monsieur Laurent X... n'a nullement sollicité la mise en oeuvre après l'expiration de son dernier contrat de la clause relative à la reconduction de celui-ci pour la saison suivante, il apparaît que le texte susvisé n'instaure aucune requalification de droit des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée mais seulement la possibilité d'une requalification, laquelle dépend donc des conditions de fait dans lesquelles les parties, et plus spécialement le salarié, en faveur de laquelle cette clause est instituée, ont entendu voir évoluer leur situation ; qu'en l'espèce Monsieur Laurent X... a accepté le 20 mai 2003 un autre emploi en contrat à durée indéterminée, peu importe qu'il s'agisse d'un emploi dans une société ayant des actionnaires communs avec la société HOTEL JUANA, impliquant implicitement mais nécessairement renonciation de sa part à se prévaloir du dernier alinéa de l'article 14 susvisé, et ne peut, au prétexte d'un licenciement intervenu dans son nouvel emploi, dix-huit mois plus tard, le 17 novembre 2004, et pour lequel il a d'ailleurs été indemnisé par le Conseil des prud'hommes, rétroactivement prétendre avoir été embauché en contrat à durée indéterminée par la S.A.S. HOTEL JUANA et avoir été abusivement licencié alors qu'à aucun moment avant l'acceptation de son nouvel emploi il n'a sollicité, comme la possibilité lui en était offerte, la poursuite de son contrat au sein de la S.A.S. HOTEL JUANA ; que la faculté par un employeur de conclure des contrats à durée déterminée successifs avec le même salarié afin de pourvoir un emploi saisonnier n'étant assorti, en dehors des limitations prévues par la convention collective susvisée, d'aucune limite au-delà de laquelle s'instaurerait entre les parties une relation de travail globale à durée indéterminée, c'est donc à tort que le Conseil des prud'hommes a requalifié les contrats à durée déterminée saisonniers, ayant lié les parties, en contrat à durée indéterminée ; qu'il y a donc lieu d'infirmer le jugement déféré.
ALORS QU'il ressort des dispositions des articles L.122-1-1 3° et L.122-3-10 alinéa 2 du Code du travail que si la faculté pour un employeur de conclure des contrats à durée déterminée successifs avec le même salarié afin de pourvoir un emploi saisonnier n'est en principe assortie d'aucune limite au-delà de laquelle s'instaurerait entre les parties une relation de travail globale à durée indéterminée, tel n'est en revanche pas le cas lorsque le salarié est employé au moins deux années consécutives pendant toute la période d'ouverture ou de fonctionnement de l'entreprise ; que cette dernière circonstance suffit à elle seule à justifier la requalification de la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée, et ce, même si la convention collective prévoit la possibilité de recourir au contrat à durée déterminée pour toute la durée de la saison correspondant aux dates d'ouverture et de fermeture de l'entreprise ; qu'en considérant que l'article 14 2 a) de la convention collective nationale des hôtels, cafés, restaurants du 30 avril 1997 autorisait l'usage du contrat à durée déterminée pour toute la durée de la saison correspondant aux dates d'ouverture et de fermeture de l'entreprise, de sorte que le fait que Monsieur X... ait été embauché à plusieurs reprises pendant toute la période d'ouverture de l'entreprise était insuffisant à établir une relation de travail d'une durée globale à durée indéterminée, la Cour d'appel a violé ensemble les articles L.122-1-1 3° et L.122-3-10 alinéa 2 du Code du travail et l'article 14 2 a) de la convention collective nationale des hôtels, cafés, restaurants du 30 avril 1997.
ALORS surtout QUE la requalification d'un contrat à durée déterminée d'usage en contrat à durée indéterminée ne dépend pas de la volonté éventuellement exprimée par le salarié de voir renouveler son contrat de travail à son expiration ; qu'en écartant la requalification au motif tiré de ce que Monsieur X... avait renoncé à se prévaloir de la clause de reconduction en acceptant le 20 mai 2003 un autre emploi en contrat à durée indéterminée, la Cour d'appel a statué par un motif inopérant et, partant, violé ensemble les articles L.122-1-1 3° et L.122-3-10 alinéa 2 du Code du travail et l'article 14 2 c) de la convention collective nationale des hôtels, cafés, restaurants du 30 avril 1997.
ALORS en toute hypothèse QU'il résulte de la combinaison des articles L.122-1, L.122-1-1, L.122-3-10 et D.121-2 du Code du travail que dans les secteurs d'activités définis par décret ou par voie de convention ou d'accord collectif étendu, certains des emplois en relevant peuvent être pourvus par des contrats à durée déterminée lorsqu'il est d'usage constant de ne pas recourir à un contrat à durée indéterminée, en raison du caractère par nature temporaire de ces emplois, qu'en outre des contrats à durée déterminée successifs peuvent être conclus avec le même salarié et, enfin, que l'office du juge saisi d'une demande de requalification d'un contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée est seulement de rechercher si, pour l'emploi concerné, la convention collective prévoit le recours au contrat à durée déterminée ; que l'article 14 2 a) de la convention collective nationale des hôtels, cafés, restaurants du 30 avril 1997 se bornait à autoriser le recours au contrat à durée déterminée pour un travailleur saisonnier, sans pour autant viser l'emploi de sommelier, ce dont il résultait que le recours au contrat à durée déterminée n'était pas autorisé en la cause ; qu'en décidant le contraire, la Cour d'appel a violé ensemble les articles L.122-1, L.122-1-1, L.122-3-10 et D.121-2 du Code du travail et l'article 14 2 a) de la convention collective nationale des hôtels, cafés, restaurants du 30 avril 1997.
ALORS encore en toute hypothèse QU'il résulte de la combinaison des articles L.122-1, L.122-1-1, L.122-3-10 et D.121-2 du Code du travail qu'en l'absence de stipulations conventionnelles prévoyant le recours au contrat à durée déterminée pour un emploi déterminé, un tel recours est néanmoins autorisé, si l'employeur rapporte la preuve de ce qu'il est d'usage constant au niveau de son secteur d'activité de ne pas recourir à un contrat à durée indéterminée pour un tel emploi ; qu'en considérant que l'HÔTEL JUANA avait régulièrement eu recours à des contrats à durée déterminée successifs pour l'emploi de Monsieur X..., sans rechercher si l'employeur avait fait la preuve de ce qu'il était d'usage constant dans l'hôtellerie de ne pas recourir à un contrat à durée indéterminée pour l'emploi de sommelier, la Cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L.122-1, L.122-1-1, L.122-3-10 et D.121-2 du Code du travail et de l'article 14 2 a) de la convention collective nationale des hôtels, cafés, restaurants du 30 avril.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 07-42075;07-42076
Date de la décision : 25/03/2009
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 26 février 2007


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 25 mar. 2009, pourvoi n°07-42075;07-42076


Composition du Tribunal
Président : Mme Mazars (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Choucroy, Gadiou et Chevallier, SCP Masse-Dessen et Thouvenin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2009:07.42075
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