LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu les articles 1134 du code civil et L. 122-14-3, alinéa 1, phrase 1, et alinéa 2, devenu L. 1232-1 et L. 1235-1 du code du travail ;
Attendu qu'une modification du contrat de travail prononcée à titre disciplinaire ne peut être imposée au salarié ; que le refus de celui-ci d'accepter cette modification, qui n'est pas fautif, ne peut constituer une cause de licenciement ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé le 27 novembre 2000, par contrat écrit à durée indéterminée à temps complet, en qualité d'agent d'exploitation, niveau 4, échelon 3 de la convention collective des entreprises de prévention et de sécurité, par la société Sécuritas France ; qu'un premier avenant, du 15 octobre 2001, a spécifié qu'il percevrait à compter du 1er septembre 2001 une prime de poste "liée au site Total Fina Elf", où il occupait l'emploi de "chef de poste" chargé de la surveillance de la piscine de ce client à la Défense ; qu'un second avenant, du 19 février 2002, a intégré cette prime dans la rémunération mensuelle brute du salarié ; que M. X... s'est vu notifier, le 22 octobre 2003, une mutation disciplinaire au poste d'agent de surveillance au CNIT de La Défense, au motif qu'il profitait de sa qualité de maître nageur pour donner des cours particuliers de natation aux salariés de la société cliente Total ; que contestant la faute qui lui était reprochée, l'intéressé a refusé son changement d'affectation ; qu'il a été licencié pour faute grave le 16 décembre 2003 au motif que son absence irrégulière désorganisait le planning du site et succédait à sa précédente sanction ; que M. X... a saisi la juridiction prud'homale afin d'obtenir le paiement d'indemnités de rupture et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Attendu que pour débouter le salarié de l'ensemble de ses demandes, l'arrêt retient qu'il résulte des stipulations du contrat de travail exigeant du salarié polyvalence fonctionnelle et mobilité géographique, que ne constitue pas une modification du contrat le fait d'affecter un salarié sur un site différent, fût-ce en perdant la responsabilité de chef de poste avec les primes qui correspondaient, expressément attribuées temporairement pour la seule période du 1er septembre 2001 au 15 janvier 2002, dès lors que l'intéressé ne peut revendiquer, en application du contrat, d'affectation stable à aucun site ni à aucun type ou niveau de fonction ; que M. X... n'avait donc aucun droit acquis au maintien sur le site de la piscine de Total Fina Elf; étant précisé que sa qualification de maître nageur, non évoquée dans le contrat , n'impliquait pas nécessairement d'affectation en rapport avec cette compétence particulière ; que son refus de déférer à une mutation non constitutive de modification du contrat de travail, caractérisait dès lors une cause réelle et sérieuse de licenciement ; qu'enfin, la sanction de mutation prise à la suite de ses manquements professionnels consistant à pratiquer des cours particuliers pendant les horaires de travail était proportionnée à la faute commise et que le refus du salarié de rejoindre son poste rendait impossible le maintien du contrat de travail, ce qui caractérisait une faute grave ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la mutation disciplinaire du salarié emportait modification de son contrat de travail dans la mesure où elle le privait de ses responsabilités de chef de poste et des avantages afférents, définitivement attribués, selon avenant du 19 janvier 2002, par l'inclusion de la prime de poste dans la rémunération mensuelle, de sorte que le refus de l'intéressé de cette modification, n'était pas fautif, et alors que le licenciement était motivé par ce seul refus d'accepter la mutation imposée à titre de sanction, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 29 juin 2006, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;
Condamne la société Sécuritas France aux dépens ;
Vu les articles 700 du code de procédure civile, et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991, condamne la société Sécuritas France à payer à la SCP Gaschignard la somme de 2 500 euros à charge pour elle de renoncer à la part contributive de l'Etat ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mars deux mille neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Gaschignard, avocat aux Conseils pour M. X....
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir débouté un salarié, Monsieur X..., licencié pour faute grave, de ses demandes en paiement d'indemnités de préavis et de licenciement et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
AUX MOTIFS QUE le licenciement d'un salarié fondé sur le seul refus d'accepter une modification du contrat de travail est sans cause réelle et sérieuse ; que l'absentéisme reproché au salarié, qui concrétise son refus d'accepter sa nouvelle affectation sur le site du CNIT de la Défense, ne peut donc lui être reproché que dans la mesure où cette mutation ne traduit pas une modification du contrat de travail ; qu'aux termes du contrat de travail, «l'activité de surveillance exigeant une polyvalence tant sur la nature des fonctions que sur le lieu d'affectation, la mission du salarié, son planning et son lieu de travail peuvent être modifiés en fonction des nécessités ou des possibilités d'affectation par rapport à l'évolution des sites et des contrats clients, sans constituer une modification substantielle» ; qu'ainsi ne constitue donc pas un modification du contrat de travail le fait d'affecter un salarié sur un site différent, fût-ce en perdant la responsabilité de chef de poste avec les primes qui correspondaient, expressément attribuées pour la seule période du 1er septembre 2001 au 15 janvier 2002, dès lors que l'intéressé ne peut revendiquer, en application de son contrat, d'affectation stable à aucun site ni à aucun type de fonction ; que la qualification de maître-nageur n'est pas évoquée dans le contrat de travail, qui n'impliquait donc pas nécessairement d'affectation en rapport avec cette compétence particulière ; qu'il s'ensuit que la mutation en cause ne constituait pas une modification du contrat de travail ; que caractérise une cause réelle et sérieuse de licenciement le refus par le salarié de déférer à cette mutation, dès lors qu'elle ne modifiait pas le contrat de travail ;
ET AUX MOTIFS ENCORE QUE, si des attestations établissent la pratique des cours particuliers pendant les horaires de travail chez les chefs de poste avant même l'arrivée de M. X..., et la connaissance par la société TOTAL FINA ELF de celle-ci, il n'en résulte pas pour autant l'accord, fût-il tacite, de la société SECURITAS FRANCE ; que par lettre du 22 octobre 2003, l'employeur a notifié à Monsieur X... une mutation disciplinaire à compter du 3 novembre 2003 ; que les cours particuliers dispensés par le salarié caractérisaient une faute professionnelle, puisqu'ils se déroulaient pendant ses horaires de travail et portaient ainsi atteinte à son obligation contractuelle de consacrer son temps à la fourniture de travail à son employeur pendant les heures prévues à cet effet et risquaient d'entraîner la mise en cause de l'employeur en cas d'accident ; que la sanction de mutation était proportionnée à la faute ; que le refus manifesté par Monsieur X... de rejoindre son nouveau poste, alors que sa mutation avait tout lieu de ne pas être remise en cause, prouve l'impossibilité de poursuivre la relation de travail et la faute grave ;
1° ALORS QUE l'employeur ne peut apporter au contrat de travail du salarié des modifications auxquelles il n'aurait pas consenti ; qu'ayant constaté que la mutation imposée à Monsieur X... lui faisait perdre sa responsabilité de chef de poste, la cour d'appel ne pouvait en déduire que celle-ci n'entraînait pas de modification du contrat de travail ; d'où il suit que la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 122-14-3 du Code du travail et 1134 du Code civil ;
2° ALORS subsidiairement QUE l'employeur convenait dans ses conclusions que «dans le dernier état de ses fonctions, Monsieur X... était chef de poste affecté sur le site de Michelet Paris La Défense de la société TOTAL FINA ELF», ce qui était également soutenu par le salarié ; qu'en retenant que la responsabilité de chef de poste avait été attribuée au salarié pour la seule période du 1er septembre 2001 au 15 janvier 2002, ce qu'aucune des parties ne soutenait, la Cour d'appel a modifié les termes du litige et violé les articles 4 et 5 du nouveau Code de procédure civile ;
3° ALORS tout aussi subsidiairement QU'il résultait des pièces versées au dossier que, par avenant en date du 19 février 2002, l'employeur avait intégré à la rémunération, de manière définitive, la prime de poste allouée par un précédent avenant jusqu'au 15 janvier 2002 ; qu'en affirmant que la responsabilité de chef de poste et les primes afférentes avaient été attribuées pour la seule période du 1er septembre 2001 au 15 janvier 2002, la Cour d'appel a dénaturé le contrat de travail et les avenants qui s'y étaient incorporés, et violé ainsi l'article 1134 du Code civil ;
4° ALORS en toute hypothèse QU'aucune clause du contrat de travail ne peut permettre à l'employeur d'en modifier unilatéralement un élément essentiel, tel que la nature et le niveau des fonctions exercées ; qu'en retenant que le contrat de travail écrit prévoyait que le salarié ne pouvait revendiquer d'affectations stable à «aucun type ou niveau de fonction», de sorte que l'employeur pouvait unilatéralement le muter des fonctions de maître nageur sauveteur, dans lesquelles il avait été affecté et pour lesquelles il avait été recruté, à celles de vigile dans une quelconque entreprise, et que le salarié avait commis une faute grave en refusant de rejoindre cette nouvelle affectation, la Cour d'appel a violé, ensemble, les articles 1134 du Code civil, L. 121-1, L. 122-6 et L. 122-8 du Code du travail ;
5° ALORS, subsidiairement aux quatre branches qui précèdent, QUE le refus d'un salarié de se soumettre à une sanction qu'il conteste et d'accepter une mutation fût-elle autorisée par le contrat de travail, ne peut, à lui seul, caractériser une faute grave ; qu'en décidant, au motif inopérant que la sanction de mutation antérieurement prononcée était justifiée, que le salarié avait commis une faute grave en refusant de rejoindre son nouveau poste, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision au regard des articles L. 122-6, L. 122-8 et L. 122-9 du Code du travail.