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19/03/2009 | FRANCE | N°07-12290

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 19 mars 2009, 07-12290


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur les trois moyens réunis, tels qu'ils figurent au mémoire en demande :

Attendu qu'à l'occasion de l'inventaire des oeuvres d'Alexandre Calder, Mmes Y... et X..., ses héritières, prétendant que vingt oeuvres détenues par la famille Z... ou la galerie éponyme n'avaient pas été restituées, ont obtenu l'autorisation de faire pratiquer des saisies revendication ; que, se prévalant ensuite de la précarité ou de l'équivoque affectant leur possession par les consorts Z..., elles ont assigné ce

ux-ci en revendication mobilière ;

Attendu que la cour d'appel a relevé que...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur les trois moyens réunis, tels qu'ils figurent au mémoire en demande :

Attendu qu'à l'occasion de l'inventaire des oeuvres d'Alexandre Calder, Mmes Y... et X..., ses héritières, prétendant que vingt oeuvres détenues par la famille Z... ou la galerie éponyme n'avaient pas été restituées, ont obtenu l'autorisation de faire pratiquer des saisies revendication ; que, se prévalant ensuite de la précarité ou de l'équivoque affectant leur possession par les consorts Z..., elles ont assigné ceux-ci en revendication mobilière ;

Attendu que la cour d'appel a relevé que la possession d'Aimé Z..., puis, après son décès survenu en 1981, celle de ses ayants droit, sur la sculpture " Morning Cobweb ", ainsi que celle de la Fondation sur les oeuvres " Les renforts " et " Ten restless disks " revêtaient les caractères exigés par l'article 2229 du code civil, s'étant prolongées depuis 1969 sans la moindre restriction ni réserve, tant du vivant de l'artiste décédé en novembre 1976 que postérieurement à son décès, et jusqu'au 9 août 2002, date de la sommation de restituer délivrée, soit pendant plus de trente ans ; qu'elle en a exactement déduit, sans encourir le grief contenu dans la seconde branche du moyen qui manque ainsi en fait, que la prescription acquisitive édictée par les dispositions de l'article 2262 du code civil, pouvait être opposée aux héritières d'Alexandre Calder ;

Que par ces motifs qui rendent inopérants les deux premiers moyens, l'arrêt est légalement justifié ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mmes Y... et X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf mars deux mille neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP LYON-CAEN, FABIANI et THIRIEZ, avocat aux Conseils pour Mmes Y... et X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevables les demandes de restitution de Sandra Y... et Mary X... fondées sur la qualité de marchand d'art d'Aimé Z...,

AUX MOTIFS QU'aux termes de la transaction précitée, conclue au visa exprès des dispositions des articles 2044 et suivants du Code civil et à la suite du versement prévu à l'article 2 par « la succession Aimé Z... » à « la succession CALDER » d'une somme qualifiée de forfaitaire et définitive de 1. 000. 000 francs, chacune des parties a non seulement considéré (article 5) « que l'intégralité du différend né du non règlement des oeuvres d'Alexandre CALDER par la succession Aimé Z... se trouve avoir pris fin », mais a expressément contracté l'engagement suivant (article 6) : « D'une façon générale, chaque partie s'engage à ne formuler à l'encontre de l'autre partie quelque revendication que ce soit dont l'origine se trouverait dans les relations commerciales ayant existé entre Monsieur Alexandre CALDER et Monsieur Aimé Z... et leurs successions ; qu'il en découle que par application des dispositions des articles 2044, 2048, 2049 et 2052 du Code civil ainsi que 122 du nouveau Code de procédure civile, les prétentions de Mmes Y... et X... dirigées contre Adrien Z... et Sylvie C..., doivent être déclarées irrecevables en ce qu'elles sont fondées sur les relations commerciales entretenues par leur auteur avec Aimé Z..., pris en sa qualité de marchand d'art, alors que les appelantes soutiennent que les oeuvres objet du présent litige sont parvenues en possession d'Aimé Z... en raison de la remise que lui en a faite Alexandre CALDER en considération et dans le cadre de l'exercice de la profession de marchand d'art de celui-ci, impliquant nécessairement un rapport commercial entre l'artiste et le galeriste ;

ALORS QU'en vertu de l'article 2048 du Code civil, les transactions se renferment dans leur objet, et la renonciation qui y est faite à tous droits, actions et prétentions, ne s'entend que de ce qui est relatif au différend qui y a donné lieu ; que l'objet d'une transaction, qui emporte renonciation conventionnelle à un droit, doit donc être interprété restrictivement ; qu'en l'espèce, selon les termes du préambule de la transaction de 1986 entre les successions CALDER et Z..., son objet était de mettre fin à la contestation née entre les deux successions au sujet d'oeuvres peintes par Alexandre CALDER et à propos desquelles celui-ci avait confié un mandat de vente à la Galerie Aimé Z..., et de prévoir les modalités de règlement de la somme due par la succession Z... à la succession CALDER en contrepartie des ventes effectuées par la Galerie Aimé Z... sans désintéresser l'artiste ; que la transaction visait expressément les oeuvres concernées ; qu'elle ne visait pas les oeuvres concernées par l'action en revendication, et que son objet était explicitement limité aux oeuvres ayant fait l'objet d'une vente par Aimé Z... ou sa succession à des tiers, ce qui n'était pas le cas des trois oeuvres litigieuses qui étaient toujours possédées par les consorts Z... ; qu'en conséquence, la transaction de 1986 ne pouvait faire obstacle aux demandes de restitution de Sandra Y... et Mary X... fondées sur la qualité de marchand d'art d'Aimé Z... à propos de la propriété d'oeuvres non visées dans la transaction et qui n'avaient pas fait l'objet d'une vente de la part d'Aimé Z... ou de sa succession ; que, dès lors, en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE a violé l'article 2048 du Code civil, ensemble l'article 2049 du même code.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief est à l'arrêt attaqué d'avoir jugé infondée l'action en revendication de Mesdames Y... et X... concernant les oeuvres « Les Renforts », « Ten restless disks » et « Morning Cobweb », rejeté l'ensemble de leurs demandes, et fait droit à la demande de mainlevée des saisies pratiquées concernant ces trois oeuvres,

AUX MOTIFS QUE s'agissant des demandes des appelantes dirigées tant contre la Fondation, non partie à la transaction précitée et dont l'objet social ne saurait lui conférer la qualité de marchand d'art, que contre les autres intimés en ce qu'elles se fondent non sur l'activité commerciale d'Aimé Z..., mais sur ses qualités personnelles de collectionneur d'oeuvres d'art et de mécène ainsi que sur les relations amicales suivies pendant plusieurs décennies entre ce dernier et Alexandre CALDER, qu'aucune des dispositions du Code de la propriété intellectuelle n'instaure un statut particulier, dérogatoire au droit commun, concernant les actions relatives à la propriété matérielle de l'oeuvre d'art, au sens de l'article L. 111-3 du même Code, dont ce texte précise qu'elle est indépendante du droit de propriété incorporelle exclusif reconnu à l'auteur sur son oeuvre par l'article L. 111-1 de ce Code ; qu'il s'ensuit que les appelantes, qui ne se prévalent pas dans le cadre de la présente instance du droit de propriété incorporelle de leur auteur sur les oeuvres qu'elles revendiquent-droit au demeurant nullement contesté par les intimés-, ne sont pas fondées à invoquer une présomption de propriété sur les sculptures litigieuses, en tant que support matériel de l'oeuvre, tirée de leur seule qualité d'ayants droit d'Alexandre CALDER ; qu'il leur appartient au contraire de rapporter la preuve, qui leur incombe, de ce qu'au jour de son décès, leur auteur avait conservé la propriété matérielle des oeuvres d'art qu'elles revendiquent et de renverser la présomption dont bénéficient les intimés, dont il est constant qu'ils se trouvent en possession des oeuvres litigieuses, par application des dispositions des articles 2230 et 2279 du Code civil ;

ALORS QUE la remise d'une oeuvre effectué par l'artiste entre les mains d'un marchand d'art est présumée, dans les rapports entre l'artiste et le marchand d'art, être effectuée à titre précaire, si bien que le possesseur ne peut invoquer le bénéfice de l'article 2279 du Code civil et ne peut combattre la présomption que par la preuve contraire dans les conditions de l'article 1341 du Code civil ; que, dès lors, en décidant que Mesdames Y... et X... n'étaient pas fondées à invoquer une présomption de propriété sur les sculptures litigieuses, en tant que support matériel de l'oeuvre, tirée de leur seule qualité d'ayants droit d'Alexandre CALDER et qu'il leur appartenait de rapporter la preuve, qui leur incombait, de ce qu'au jour de son décès, leur auteur avait conservé la propriété matérielle des oeuvres d'art qu'elles revendiquaient et de renverser la présomption dont bénéficiaient les consorts Z..., qui se trouvaient en possession des oeuvres litigieuses, par application des dispositions des articles 2230 et 2279 du Code civil, la Cour d'appel a renversé la charge de la preuve et violé les articles 2230 et 2279 du Code civil.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief est à l'arrêt attaqué d'avoir jugé infondée l'action en revendication de Mesdames Y... et X... concernant les oeuvres « Les Renforts », « Ten restless disks » et « Morning Cobweb », rejeté l'ensemble de leurs demandes, et fait droit à la demande de mainlevée des saisies pratiquées concernant ces trois oeuvres,

AUX MOTIFS QU'en l'état du rejet par le premier juge, en des motifs que la Cour fait siens, du caractère probant des pièces sur lesquelles les appelantes fondaient leurs prétentions, la simple attestation délivrée par Daniel D...et complétée manuscritement par ce dernier le 25 novembre 2004 est insuffisante à rapporter la preuve dans les termes du droit commun de ce que les intimés ont reconnu le droit d'Alexandre CALDER sur le support matériel des oeuvres litigieuses et se sont soumis à une obligation de restitution, pas plus qu'elle ne démontre le caractère précaire ou équivoque de leur possession ; par ailleurs, que la Cour ne saurait, sans inverser la charge de la preuve procédant de l'application des principes ci-dessus retenus, tenir pour établi le caractère précaire ou équivoque de la possession des intimés comme résultant de la simple constatation de l'absence de production par ceux-ci d'un titre translatif de propriété portant sur les oeuvres objet du présent litige ; qu'en outre, ainsi que l'a à juste titre relevé le premier juge, la possession d'Aimé Z..., puis après son décès survenu en 1981 celui de ses ayants droit, sur la sculpture « Morning Cobweb », ainsi que celle de la Fondation sur les oeuvres « Les renforts » et « Ten restless disks » qui revêtaient les caractères exigés par l'article 2229 du Code civil, s'étant prolongées depuis 1969 sans la moindre restriction ni réserve, tant du vivant de l'artiste décédé en novembre 1976, que postérieurement à son décès, et jusqu'au 9 août 2002, date de la sommation de restituer délivrée par les appelantes, soit pendant plus de trente ans, il en découle que les intimés sont fondés à opposer à l'action en revendication des appelantes les dispositions de l'article 2262 du même Code ;

ALORS, D'UNE PART, QUE ne peut bénéficier de la présomption de l'article 2279 du Code civil celui dont la possession a été acquise dans des circonstances de fait ou de droit qui entachent son titre de précarité ou d'équivoque ; qu'en écartant le caractère équivoque de la possession des consorts Z..., sans rechercher si les circonstances de fait dans lesquelles Aimé Z... avait acquis les oeuvres litigieuses et qui étaient à l'origine de cette possession, ne pouvaient pas la rendre équivoque ou précaire, compte tenu notamment des relations commerciales et amicales existant à l'époque entre Alexandre CALDER et Aimé et Marguerite Z..., la Cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 2279 du Code civil, ensemble les articles 1341 et 1348 du même code ;

ALORS, D'AUTRE PART, QUE selon l'article 2231 du Code civil, quand on a commencé à posséder pour autrui, on est présumé posséder au même titre, s'il n'y a preuve contraire, et que, selon l'article 2236 du même code, ceux qui possèdent pour autrui ne prescrivent jamais par quelque laps de temps que ce soit ; qu'en conséquence, en retenant que, la possession d'Aimé Z..., puis après son décès survenu en 1981 celui de ses ayants droit, sur la sculpture « Morning Cobweb », ainsi que celle de la Fondation sur les oeuvres « Les renforts » et « Ten restless disks » qui revêtaient les caractères exigés par l'article 2229 du Code civil, s'étant prolongées depuis 1969 sans la moindre restriction ni réserve, tant du vivant de l'artiste décédé en novembre 1976, que postérieurement à son décès, et jusqu'au 9 août 2002, date de la sommation de restituer délivrée par les appelantes, soit pendant plus de trente ans, il en découlait que les consorts Z... étaient fondés à opposer à l'action en revendication de Mesdames Y... et X... les dispositions de l'article 2262 du même Code, sans rechercher si les circonstances de fait dans lesquelles la remise des oeuvres à Aimé Z... avait pu s'effectuer, et qui étaient à l'origine de cette possession, ne la rendaient pas équivoque ou précaire, la Cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 2229 du Code civil, ensemble les articles 2231 et 2236 du même code.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 07-12290
Date de la décision : 19/03/2009
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

PRESCRIPTION ACQUISITIVE - Conditions - Possession - Caractères - Caractérisation - Portée

POSSESSION - Caractères - Caractérisation - Portée

En présence d'une possession exercée sur divers objets mobiliers pendant plus de trente ans, revêtant les caractères exigés par l'article 2229 du code civil, la cour d'appel en a exactement déduit que la prescription acquisitive édictée par les dispositions de l'article 2262 du code civil pouvait être opposée à la partie adverse


Références :

articles 2229 et 2262 du code civil

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 26 octobre 2006


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 19 mar. 2009, pourvoi n°07-12290, Bull. civ. 2009, I, n° 60
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2009, I, n° 60

Composition du Tribunal
Président : M. Bargue
Avocat général : M. Domingo
Rapporteur ?: Mme Crédeville
Avocat(s) : Me Blondel, SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2009:07.12290
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