LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 14 septembre 2006), que soutenant avoir été de 1961 à 1985 au service de la société Editions techniques, aux droits de laquelle sont venues les sociétés Lexis Nexis et Les éditions techniques et médicales Elsevier, M. X... a, le 3 juin 1997, saisi la juridiction prud'homale de demandes en paiement d'une somme et d'une rente annuelle pour la perte de droits à pension de retraite résultant de son défaut d'affiliation au régime de retraite de base ;
Sur le pourvoi incident des sociétés Lexis Nexis et Les éditions techniques et médicales Elsevier :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Sur le pourvoi principal de M. X... :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de limiter la réparation de son préjudice à l'allocation d'une somme de 25 000 euros, alors, selon le moyen :
1°/ qu'il réclamait, d'une part, la somme de 181 109,43 euros au titre de la réparation du préjudice subi du fait de la perte des pensions de retraite non perçues depuis 1989 jusqu'à l'introduction de la présente instance à savoir le 3 juin 1997, et, d'autre part, et distinctement, une rente viagère annuelle indexée de 20 123,27 euros à compter de juin 1997 ; qu'en lui allouant une somme globale à titre de dommages et intérêts couvrant les deux chefs distincts de demande, la cour d'appel, qui a modifié l'objet du litige, a violé l'article 5 du code de procédure civile ;
2°/ que l'indemnité allouée étant censée réparer le préjudice subi par lui du fait qu'il ne pouvait percevoir de retraite de base, la cour d'appel ne pouvait en fixer le montant sans déterminer au préalable le montant des pensions de retraite dont il avait été privé par le passé et dont il serait privé à l'avenir ; qu'en se bornant à se référer aux "éléments de la cause", sans davantage les analyser, pour ramener à une somme forfaitaire de 25 000 euros le préjudice liquidé, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
3°/ qu'il versait régulièrement aux débats d'appel une lettre adressée le 26 octobre 1965 par le directeur des Editions techniques au ministère des relations intérieures du Vénézuéla, appelant son attention sur le cas de "notre collaborateur M. Pablo X...",certifiant que ce dernier a bénéficié d'une expérience "qui a duré plus de trois ans à travers des voyages répétitifs et de longs séjours", et le qualifiant de "responsable de la diffusion", ainsi qu'une lettre que lui avait adressée la société Editions techniques, le 19 juin 1967, fixant sa rémunération à compter du 1er janvier 1967 ; qu'en affirmant que l'intéressé ne rapportait "aucun élément susceptible de démontrer l'existence d'une relation de travail" antérieurement à 1970, sans s'expliquer sur ces documents, la cour d'appel a derechef violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu que les juges du fond peuvent, sans modifier l'objet du litige, allouer à la victime d'un dommage un capital à la place d'une rente ;
Attendu, ensuite, que le moyen ne tend qu'à remettre en discussion devant la Cour de cassation la valeur et la portée des éléments de preuve soumis au débat devant la cour d'appel qui a retenu que M. X... ne pouvait se prévaloir d'un contrat de travail pour la période antérieure à 1970 et, sans être tenue de mieux s'expliquer sur le choix des critères d'évaluation qu'elle retenait, ni de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a souverainement apprécié l'existence et l'étendue du préjudice subi par l'intéressé au regard des manquements de son employeur concernant le défaut d'affiliation au régime de retraite de base, ainsi que le montant de l'indemnité propre à en assurer la réparation intégrale ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois, tant principal qu'incident ;
Laisse à chaque partie la charge de ses dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trois mars deux mille neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyen produit au pourvoi principal par la SCP Gaschignard, avocat aux Conseils pour M. X....
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir limité la réparation du préjudice subi par Monsieur X... à l'allocation d'une somme de 25 000 ,
AUX MOTIFS QUE si, avant 1970, Monsieur X... ne rapporte aucun élément susceptible de démontrer l'existence d'une relation de travail avec la société EDITIONS TECHNIQUES, il verse pour la période postérieure divers documents établissant une telle relation ; que, quand bien même il aurait bénéficié parallèlement d'un contrat de travail avec la société PRAXIS MEDICA, il est bien établi par ces pièces qu'il disposait également d'un contrat de travail ; que force est de constater que les EDITIONS TECHNIQUES n'ont, depuis 1970, procédé à aucune affiliation de Paolo X..., commettant une faute qu'il appartient aux défenderesses de réparer, le préjudice subi par le demandeur qui n'a pu bénéficier d'une retraite de base en France étant incontestable ; que ce préjudice sera réparé par l'allocation de dommages et intérêts évalués, compte tenu des éléments de la cause, à la somme de 25 000 euros ; qu'il n'y a pas lieu, en revanche, de faire droit à la demande de versement d'une rente viagère qui ferait double emploi avec les dommages et intérêts alloués ;
1° ALORS QUE le salarié réclamait, d'une part, la somme de 181 109,43 euros au titre de la réparation du préjudice subi du fait de la perte des pensions de retraite non perçues depuis 1989 jusqu'à l'introduction de la présente instance à savoir le 3 juin 1997, et, d'autre par, et distinctement, une rente viagère annuelle indexée de 20 123,27 euros à compter de juin 1997 ; qu'en lui allouant une somme globale à titre de dommages et intérêts couvrant les deux chefs distincts de demande, la cour d'appel, qui a modifié l'objet du litige, a violé l'article 5 du nouveau Code de procédure civile ;
2° ALORS QUE l'indemnité allouée étant censée réparer le préjudice subi par le salarié du fait qu'il ne pouvait percevoir de retraite de base, la cour d'appel ne pouvait en fixer le montant sans déterminer au préalable le montant des pensions de retraite dont le salarié avait été privé par le passé et dont il serait privé à l'avenir ; qu'en se bornant à se référer aux « éléments de la cause », sans davantage les analyser, pour ramener à une somme forfaitaire de 25.000 le préjudice liquidé, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
3° ALORS QUE le salarié versait régulièrement aux débats d'appel une lettre adressée le 26 octobre 1965 par le directeur des EDITIONS TECHNIQUES au Ministère des relations intérieures du Venezuela, appelant son attention sur le cas de « notre collaborateur Monsieur Paolo X... », certifiant que ce dernier a bénéficié de d'une expérience « qui a duré plus de trois ans à travers des voyages répétitifs et de longs séjours », et le qualifiant de « responsable de la diffusion », ainsi qu'une lettre que lui avait adressée la société EDITIONS TECHNIQUES, le 19 juin 1967, fixant sa rémunération à compter du 1er janvier 1967 ; qu'en affirmant que l'intéressé ne rapportait « aucun élément susceptible de démontrer l'existence d'une relation de travail » antérieurement à 1970, sans s'expliquer sur ces documents, la cour d'appel a derechef violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile.
Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Bachellier et Potier de La Varde, avocat aux Conseils pour les sociétés Lexis Nexis et Les éditions scientifiques et médicales Elsevier.
La société LEXIS NEXIS et la société LES EDITIONS SCIENTIFIQUES ET MEDICALES ELSEVIER reprochent à l'arrêt attaqué d'avoir considéré que Monsieur X... était lié depuis 1970 aux EDITIONS TECHNIQUES par un contrat de travail et de les avoir condamnées au paiement de dommages et intérêts.
AUX MOTIFS QUE, si avant l'année 1970, le demandeur au contredit ne rapporte aucun élément susceptible de démontrer l'existence d'une relation de travail avec la société EDITIONS TECHNIQUES, il verse pour la période postérieure, divers documents établissant une telle relation ; qu'en effet, il est produit, tout d'abord, un ensemble de courriers émanant de la société EDITIONS TECHNIQUES à PARIS, datés de janvier, février, mars, mai et décembre 1970 faisant état de la création d'une agence des EDITIONS TECHNIQUES en Argentine, et de l'engagement du demandeur comme chef d'agence ; qu'il y est fait allusion au contrat conclu entre les parties, de la rémunération du salarié (salaire fixe et commissions) et de la mission qui lui sera confiée ; que la lecture de ces courriers ne laisse aucun doute sur la nature des relations entre les parties et sur la subordination dans laquelle est placé Paolo X... ; qu'il est également versé divers courriers datés de 1973 à 1977 de la société défenderesse aux termes desquels celle-ci définit le travail du demandeur et lui envoie ses instructions ; que pour cette même période, il n'est pas contesté que Paolo X... était rémunéré par les EDITIONS TECHNIQUES selon diverses modalités ; que, par ailleurs, c'est à l'initiative de cette société que le salarié a été affecté à MADRID ainsi qu'en attestent les courriers du 17 juin 1977 et du 12 août 1977, lettre par laquelle la société LES EDITIONS TECHNIQUES informe Paolo X... de ce qu'il va pouvoir « assumer ses fonctions à MADRID : direction de PRAXIS MEDICA et animation des ventes en Espagne » ; que ce même courrier prévoit la rémunération du demandeur et la prise en charge de son rapatriement d'ARGENTINE par la société elle-même ; que ce document constitue à l'évidence un contrat de travail consenti par les EDITIONS TECHNIQUES ; que cette interprétation est confirmée par le document intitulé « Memorandum » mettant un terme au contrat de travail conclu entre le demandeur et Monsieur Philippe Z..., en ses qualités d'administrateur unique de la société PRAXIS MEDICA qui prévoit le versement par cette dernière d' « une indemnité de licenciement » égale à 18 mois de commissionnement, « conformément aux dispositions de la convention collective française de l'édition » ; qu'ainsi, quand bien même le demandeur aurait bénéficié parallèlement d'un contrat de travail avec la société PRAXIS MEDICA, il est bien établi par ces pièces ainsi que par de nombreux courriers datés de 1978 à 1983, qu'il disposait également d'un contrat de travail avec la maison mère, les EDITIONS TECHNIQUES, dont il recevait directement les instructions ;
ALORS QUE le contrat de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination de convention, mais des conditions de fait dans lesquelles la prestation de travail est fournie ; qu'ainsi, en se fondant exclusivement sur les termes de quelques courriers et sur le document intitulé « Memorandum », pour conclure à l'existence d'un contrat de travail, sans rechercher et analyser ainsi qu'elle y était invitée si les conditions dans lesquelles Monsieur X... accomplissait sa mission n'étaient pas exclusives de toute subordination avec les EDITIONS TECHNIQUES, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 121-1 du Code du travail (article L. 1221-1 nouveau).