LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu que par décisions successives du préfet de Gironde, des 8 octobre et 8 novembre 1993, M. X... a été interné en milieu psychiatrique sous le régime de l' hospitalisation d'office du 8 octobre au 21 décembre 1993 ; qu'il a ensuite été placé sous le régime de l'hospitalisation à la demande d'un tiers jusqu'à sa sortie du centre hospitalier spécialisé le 21 janvier 1994, dans le cadre d'une sortie d'essai, que cette mesure d'hospitalisation a pris fin le 16 septembre 1996 ; que, par assignation des 27 et 29 août 2003, M. X... a assigné le Centre hospitalier spécialisé Charles Perrens (CHS), le maire de la commune de Saint-Aubin de Medoc et l'agent judiciaire du Trésor en paiement de dommages-intérêts ; que l'arrêt attaqué (Paris, 14 septembre 2007), constatant que le tribunal administratif de Bordeaux avait, par jugement du 15 mars 2007 annulé l'arrêté préfectoral du 8 novembre 1993 maintenant la mesure d'hospitalisation d'office, a indemnisé M. X... pour atteinte à sa liberté individuelle du 8 novembre 1993 au 21 décembre 1993 ;
Sur le moyen unique :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de l'avoir déclaré irrecevable en son action indemnitaire en réparation du dommage subi du
fait de la première mesure initiale d'internement d'office ordonnée le 8 octobre 1993 par le préfet de la Gironde, alors, selon le moyen :
1°/ que la cour d'appel a énoncé que l'absence de notification individuelle de la mesure d'internement d'office ordonnée le 8 octobre 1993 par le préfet de la Gironde, n'était pas de nature à faire ignorer à M. X..., à l'issue de son hospitalisation, la mesure dont il avait fait l'objet ; qu'en statuant ainsi, sans tenir compte de l'incidence de ce défaut de notification sur la connaissance, par M. X..., de l'irrégularité éventuelle de la mesure et donc de l'existence de sa créance de réparation, connaissance dont dépend pourtant le point de départ des délais non seulement de recours contentieux, mais aussi de l'action indemnitaire fondée sur l'illégalité de la décision, la cour d'appel a violé les articles 1 et 3 de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 et 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
2°/ que lorsque le préfet s'abstient de porter à la connaissance de l'intéressé les motifs de la mesure qu'il prescrivait ainsi que les délais et voies de recours, non seulement l'annulation de l'acte administratif est encouru sans condition de délai, mais aussi le délai de prescription quadriennale applicable à la créance de réparation du préjudice n'a pas commencé à courir ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a méconnu les dispositions des articles 5 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 9 du pacte international de New-York relatif aux droits civils et politiques, 1 et 3 de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;
Mais attendu, d'une part, que l'absence de notification d'un arrêté d'hospitalisation d'office, qui se rapporte à l'exécution de la mesure de placement d'office, étant sans influence sur sa légalité et n'ouvrant droit qu'à l'indemnisation de l'usager devant le juge judiciaire et, d'autre part, que la cour d'appel qui a, à bon droit, fixé le point de départ du délai de la déchéance quadriennale au 1er janvier 1997, date de la fin des mesures d'internement, a, sans méconnaître les dispositions des articles 5 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 9 du pacte international de New-York relatif aux droits civils et politiques, fait une exacte application de la loi du 31 décembre 1968 ;
D'ou il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses deux branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Gilles X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq février deux mille neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils pour M. X...,
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevable l'action indemnitaire engagée par Gilles X..., en réparation du dommage étant résulté de la mesure d'internement d'office ordonnée le 8 octobre 1993 par le préfet de la GIRONDE, contre l'agent judiciaire du trésor, la commune de SAINT AUBIN DE MEDOC et le CHS CHARLES PERRENS, pour cause de prescription de sa créance ;
AUX MOTIFS QUE, en vertu des articles 1er et suivants de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968, la déchéance quadriennale à l'encontre d'un créancier agissant en réparation d'un dommage résultant d'un internement d'office commence à courir le premier jour de l'année au cours de laquelle s'est produit le fait générateur du dommage allégué ; que le point de départ de ce délai doit être fixé à la fin des mesures d'internement, sauf si le créancier n'a pu alors agir pour cause de force majeure ou par ignorance de sa créance ; que le défaut de notification de la mesure n'était pas de nature à faire ignorer à Gilles X..., à l'issue de son hospitalisation, la mesure dont il avait fait l'objet ; que c'est donc par une juste analyse des faits de la cause et du droit, que la cour fait sienne, que les premiers juges ont dit que le délai de prescription avait couru à compter du 1er janvier 1997, l'hospitalisation à la demande d'un tiers s'étant achevée en septembre 1996 de sorte que tout obstacle à l'action avait alors disparu ; que Gilles X... ne peut prétendre que l'action qu'il a introduite le 31 juillet 1998 à l'encontre du docteur Z..., a interrompu la prescription quadriennale, alors que selon l'assignation délivrée, la responsabilité de celui-ci était sans portée sur le présent litige dont l'objet est autre ; que la prescription était acquise le 1er janvier 2001 et qu'en août 2003, Gilles X... a donc introduit son action en responsabilité tardivement ;
1) ALORS QUE le délai de prescription quadriennale applicable à la créance de réparation du préjudice causé par une décision administrative illégale ne peut commencer à courir qu'à compter de l'exercice au cours duquel ladite décision a fait l'objet d'une notification individuelle régulière ; que la cour d'appel a énoncé que l'absence de notification individuelle de la mesure d'internement d'office ordonnée le octobre 1993 par le préfet de la GIRONDE, n'était pas de nature à faire ignorer à Monsieur X..., à l'issue de son hospitalisation, la mesure dont il avait fait l'objet ; qu'en statuant ainsi, sans tenir compte de l'incidence de ce défaut de notification sur la connaissance, par Monsieur X..., de l'irrégularité éventuelle de la mesure et donc de l'existence de sa créance de réparation, connaissance dont dépend pourtant le point de départ des délais non seulement de recours contentieux, mais aussi de l'action indemnitaire fondée sur l'illégalité de la décision, la cour d'appel a violé les articles 1 et 3 de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 et 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
2) ALORS QUE lorsque le préfet s'abstient de porter à la connaissance de l'intéressé les motifs de la mesure qu'il prescrivait ainsi que les délais et voies de recours, non seulement l'annulation de l'acte administratif est encouru sans condition de délai, mais aussi le délai de prescription quadriennale applicable à la créance de réparation du préjudice n'a pas commencé à courir ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a méconnu les dispositions des articles 5 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 9 du pacte international de New York relatif aux droits civils et politiques, 1 et 3 de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968.