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18/02/2009 | FRANCE | N°08-87831

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 18 février 2009, 08-87831


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Stéphane,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de RENNES, en date du 7 novembre 2008, qui l'a renvoyé devant la cour d'assises d'ILLE-et-VILAINE des chefs de non-assistance à personne en danger, non-dénonciation de crime et recel de malfaiteur, délits connexes au crime de meurtre reproché à Marc Y... et Michaël Z... ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 122-2, 223-6,

223-16, 434-1, 434-6 et 434-44 du code pénal, 211, 214, 574-1, 591 et 593 du co...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Stéphane,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de RENNES, en date du 7 novembre 2008, qui l'a renvoyé devant la cour d'assises d'ILLE-et-VILAINE des chefs de non-assistance à personne en danger, non-dénonciation de crime et recel de malfaiteur, délits connexes au crime de meurtre reproché à Marc Y... et Michaël Z... ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 122-2, 223-6, 223-16, 434-1, 434-6 et 434-44 du code pénal, 211, 214, 574-1, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a ordonné le renvoi de Stéphane X... devant la cour d'assises d'Ille-et-Vilaine pour y répondre des chefs de recel de malfaiteur, non-assistance à personne en péril et non-dénonciation de crime ;
"aux motifs propres qu'il résulte de la procédure les faits suivants : le 30 avril 2008, au moment où il a clôturé son instruction ouverte à la suite du décès, le 22 juillet 2006, de Ludovic A..., tué sous les coups de Marc Y... et de Michaël Z..., le juge d'instruction a renvoyé Stéphane X... devant la cour d'assises d'Ile-et-Vilaine pour y répondre des délits de non-assistance à personne en danger, non-dénonciation de crime et recel de criminel ; que, pour que le délit de non-assistance à personne en péril soit constitué, il faut, d'une part, que la personne en état de porter secours ait connu l'existence d'un péril immédiat et constant rendant son intervention nécessaire et, d'autre part, qu'elle se soit volontairement refusée à intervenir par les modes qui lui était possible d'employer en vue de le conjurer ; que, si l'assistance requise peut être personnelle, lorsque celle-ci n'est pas possible, notamment parce qu'elle est trop dangereuse pour celui à qui elle s'impose, ou parce que son secours serait impossible ou inefficace, c'est l'assistance par un tiers qui est requise ; que cette assistance par un tiers est le plus souvent celle des services de secours ou des services de police ; qu'aux termes de l'article 434-1 est punissable de trois ans d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende « le fait, pour quiconque ayant connaissance d'un crime dont il est encore possible de prévenir ou de limiter les effets, ou dont les auteurs sont susceptibles de commettre de nouveaux crimes qui pourraient être empêchés, de ne pas en informer les autorités judiciaires ou administratives » ; que « sont exceptés des dispositions qui précèdent, sauf en ce qui concerne les crimes commis sur les mineurs de 15 ans : 1°) les parents en ligne directe et leurs conjoints, ainsi que les frères et soeurs et leurs conjoints, de l'auteur ou du complice du crime ; 2°) le conjoint de l'auteur ou du complice du crime, ou la personne qui vit notoirement en situation maritale avec lui » ; que ce texte n'édicte pas une obligation générale de délation à l'égard de toute personne que l'on sait coupable d'un crime présentant les caractéristiques énumérées par la loi ; que ce n'est pas l'identité ou le refuge du criminel qui doit être porté à la connaissance des autorités mais seulement le crime lui-même afin de permettre à ces autorités de prendre les mesures propres à éviter qu'il soit suivi d'autres crimes ; qu'aux termes de l'article 434-6 du code pénal, est punissable de trois ans d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende « le fait de fournir à la personne auteur ou complice d'un crime… un logement, un lieu de retraite, des subsides, des moyens d'existence ou tout autre moyen de la soustraire aux recherches ou à l'arrestation » ; que « sont exceptés des dispositions qui précèdent : 1°) les parents en ligne directe et leurs conjoints, ainsi que les frères et soeurs et leurs conjoints, de l'auteur ou complice du crime ; 2°) le conjoint de l'auteur ou du complice du crime ou la personne qui vit notoirement en situation maritale avec lui » ; que, pour que l'élément intentionnel de l'infraction soit réalisé, il suffit que le receleur ait su que la personne à laquelle il a volontairement donné asile ou fourni son assistance avait commis un crime ; qu'aux termes de l'article 122-2 « n'est pas pénalement responsable la personne qui a agi sous l'emprise d'une contrainte à laquelle elle n'a pu résister » ; que si la contrainte morale peut, comme la contrainte physique, exonérer l'auteur d'un crime ou d'un délit de toute responsabilité pénale, c'est à la condition qu'il n'ait pas été possible d'y résister ; qu'une menace ne peut constituer la contrainte que prévoit l'article 122-2 du code pénal qu'autant que le péril qu'elle fait craindre est imminent et qu'elle met celui qui en est l'objet dans la nécessité de commettre l'infraction ou de subir les violences dont il est menacé ; que, sur les délits de non-assistance à personne en danger et non-dénonciation de crime : Ludovic A... a été tué le 23 juillet 2006, aux environs de 23 heures, alors qu'il faisait presque nuit, au milieu de l'eau d'un des étangs d'Apigné ; que ce meurtre a eu notamment pour témoins, Stéphane X... et Elie B..., restés sur la berge et qui se trouvaient alors à une distance significative des deux agresseurs ; que Stéphane X... disposait alors sur lui d'un téléphone portable ainsi qu'il l'a reconnu lors de sa quatrième audition par les policiers, le 7 décembre 2006, en déclarant « oui j'avais personnellement mon portable, je ne l'ai pas utilisé. Je n'y ai pas du tout pensé » ; qu'Elie B... disposait également d'un téléphone portable puisque l'enquête a démontré que Stéphane X... avait appelé Elie B... sur son portable, le soir du meurtre, à 23 heures 33, soit une demi-heure, environ, après qu'ils aient quitté les lieux ; que force est de constater que ni Stéphane X... ni Elie B... n'ont fait usage de leur téléphone pour prévenir les pompiers, le SAMU ou la police, alors que cette démarche, qui aurait sauvé la vie de Ludovic A..., était à la fois facile et discrète et ne pouvait donc pas être remarquée par Michaël Z... et Marc Y... qui étaient alors dans l'eau, occupés à frapper leur malheureuse victime ; que ce coup de fil, qu'ils pouvaient passer sans risque pour eux, mais qu'ils n'ont pas passé, alors qu'il pouvait encore limiter les effets du crime qui se commettait sous leurs yeux en provoquant l'intervention des secours, suffit à caractériser les charges des délits de non-assistance à personne en danger et non-dénonciation de crime à l'encontre de Stéphane X... et Elie B... ; que, sur le délit de recel de malfaiteur : Stéphane X... a toujours désigné Marc Y... comme celui qui, avec Michaël Z..., avait donné la mort à Ludovic A... ; qu'il a indiqué qu'il avait vu Marc Y... sortir de l'eau et déclarer « ça y est, c'est fini » ; que, le 5 décembre 2006, devant les policiers, Stéphane X... a indiqué qu'il connaissait Marc Y... depuis dix ans ; qu'il l'avait hébergé une première fois quelques nuits dans un logement qu'il occupait alors à Saint-Jacques de la Lande ; qu'après s'êtres perdus de vue, ils s'étaient retrouvés en 2001 ou 2002, et que Marc Y... avait vécu sporadiquement chez lui ; qu'à partir de 2004, Marc Y... avait déposé ses affaires à son domicile et y avait vécu de manière régulière ; qu'il disposait d'un trousseau de clefs de l'appartement ; qu'il a continué à vivre chez lui après les événements intervenus le 22 juillet 2006 ; que Stéphane X... a reconnu que Marc Y... « allait et venait » comme il voulait et qu'il lui arrivait souvent de s'absenter pendant plusieurs jours ; qu'ainsi, le mardi 5 décembre 2006, quand il était interrogé par les policiers, Marc Y... était absent de son domicile depuis le dimanche 3 décembre ; que les éléments matériels du délit de recel de malfaiteur à savoir la fourniture d'un logement à l'auteur d'un crime sont caractérisés ; que l'intention coupable est également caractérisée ; que Stéphane X... savait que Marc Y... avait commis un crime et était recherché de ce fait par les autorités policières ou judiciaires ; qu'il a reconnu qu'il se tenait informé des développements de l'enquête par les journaux qu'il consultait fréquemment ; que le recel d'un criminel est une infraction continue dont l'exécution se prolonge dans le temps ; que l'infraction est punissable dès que la mauvaise foi existe, même si, comme en l'espèce, celle-ci ne survient que postérieurement au début de l'acte matériel de recel soit, en l'espèce, l'hospitalité offerte à Marc Y... par Stéphane X... ; que le recel « à retardement » est donc punissable comme le recel « immédiat » ; que Stéphane X... ne saurait s'abriter derrière la contrainte pour éviter de répondre de ses actes ; qu'en effet, pour constituer la contrainte que prévoit l'article 122-2 du code de procédure pénale, les menaces dont le receleur a pu être l'objet doivent avoir été assez pressantes pour leur enlever toute liberté d'esprit, et les dangers auxquels ils se sont crus exposés assez imminents pour ne pas leur laisser d'autres moyens de les éviter que de commettre l'acte de recel qui leur était demandé ; que la soumission à Marc Y... mise en avant par Stéphane X... ne présentait pas le caractère de gravité exigé par la loi pour justifier qu'il continue d'héberger Marc Y..., ce d'autant que pendant des périodes plus ou moins longues, ce dernier s'absentait de chez X... ; que Stéphane X... ne saurait prétendre enfin que l'hébergement qu'il avait accordé à Marc Y... n'avait pas eu pour effet de soustraire celui-ci aux recherches et à son arrestation ; qu'en effet, force est de constater que cette domiciliation n'a pas facilité les recherches des policiers puisque Marc Y... n'a pas été interpellé en même temps que les autres protagonistes du dossier mais quarante-huit heures plus tard ; qu'il existe donc des charges suffisantes du délit de recel criminel contre Stéphane X... lequel devra en répondre également devant la cour d'assises d'Ille-et-Vilaine (arrêt, pages 2, 3, 5 à 7) ;
"et aux motifs, adoptés, du premier juge, que les faits de soustraction d'un criminel aux recherches et à son arrestation apparaissent également établis à l'encontre de Stéphane X..., lequel a admis avoir continué à héberger Marc Y... après les faits ; qu'il n'est certes pas contesté qu'il hébergeait l'intéressé avant les faits, mais ce serait certainement ajouter aux textes que d'alléguer que ce seul fait l'exonérerait du présent délit ; qu'il demeure que Stéphane X... avait parfaitement connaissance du crime qui venait d'être commis, pour en avoir été le témoin direct et que c'est, dès lors, en toute connaissance de cause qu'il a hébergé Marc Y... postérieurement ; que, dans ces conditions, il existe contre lui charges suffisantes d'avoir commis ce délit ; qu'il apparaît également charges suffisantes contre Stéphane X... et Elie B... d'avoir commis les délits connexes de non-assistance à personne en danger et de non-dénonciation du crime commis par Marc Y... et Michaël Z... ; qu'en effet, ils n'ont pas porté secours à la victime - volontairement - et alors qu'ils pouvaient le faire sans risque pour eux-mêmes ou les tiers, notamment en contactant les secours ; que, d'une part, il ne saurait être retenu, en l'état, l'existence d'une contrainte irrésistible dominant la volonté de l'un ou de l'autre et ne leur laissant pas la faculté d'agir autrement qu'ils ne l'ont fait ; qu'il n'est pas fait état de violences commises sur eux par Marc Y... ou Michaël Z... le jour des faits, ni de menaces proférées par les mêmes à leur encontre ; que, si Stéphane X... comme Elie B... ont pu faire état de la peur que leur inspiraient les deux autres, compte tenu de violences passées, et si Michaël Z... et Marc Y... ont pu indiquer que, selon eux, Stéphane X... et Elie B... n'auraient pas eu les moyens d'intervenir, ils n'ont su nullement s'en expliquer ; qu'en outre, à la question de savoir si des violences auraient été possibles en cas d'intervention, Michaël Z... a répondu qu'il ne savait pas, Marc Y... l'a exclu ; que, d'autre part, rien n'empêchait Stéphane X... et Elie B... de quitter les lieux pour prévenir des secours, au moment où les deux autres se trouvaient à l'eau en train de frapper Ludovic A... ; que, de même, Stéphane X... et Elie B... ont ensuite décidé de ne pas révéler les faits aux autorités judiciaires, alors qu'ils connaissaient le comportement extrêmement violent de Marc Y... et Michaël Z..., et la possibilité qu'ils commettent en conséquence de nouveaux crimes (ordonnance, pages 12 et 13) ;
"1°) alors que, pour caractériser le délit de recel de malfaiteur, le logement offert à une personne poursuivie doit avoir été fourni aux fins de soustraire celle-ci aux recherches ou à son arrestation ; que, dès lors, en se bornant à énoncer que la domiciliation de Marc Y... chez Stéphane X... n'a pas facilité les recherches des policiers, puisque l'intéressé n'a pas été interpellé en même temps que les autres protagonistes du dossier, mais quarante-huit heures plus tard, pour en déduire qu'il existe à l'encontre de Stéphane X... des charges suffisantes d'avoir commis le délit de recel de malfaiteur, sans rechercher, comme elle l'y était invitée par le mémoire du demandeur, en quoi celui-ci, qui s'était borné à ne pas mettre un terme, après le décès de Ludovic A..., à l'hébergement de Marc Y... qui était antérieur aux faits, aurait agi dans le but de soustraire ce dernier à son arrestation, la chambre de l'instruction s'est déterminée par des motifs inopérants, privant sa décision de toute base légale au regard de l'article 434-6 du code pénal ;
2°) alors qu'en estimant que Stéphane X... ne pouvait se prévaloir d'un état de contrainte au sens de l'article 122-2 du code pénal, l'ayant empêché de dénoncer le crime aux autorités et de prévenir les secours, dès lors que rien ne permet de considérer que le demandeur devait craindre des violences de la part de Marc Y... ou de la part de Michaël Z..., tout en relevant que le comportement extrêmement violent de ces derniers était connu de Stéphane X... qui, dès lors, ne pouvait ignorer le risque d'exécution de nouveaux crimes, ce dont il résulte que le demandeur pouvait légitimement craindre pour sa vie s'il révélait les faits aux autorités ou s'il alertait les secours, la chambre de l'instruction a omis de tirer les conséquences légales de ses propres constatations et violé le texte susvisé" ;
Attendu que les motifs de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la chambre de l'instruction, après avoir exposé les faits et répondu comme elle le devait aux articulations essentielles du mémoire dont elle était saisie, a relevé l'existence de charges qu'elle a estimé suffisantes contre Stéphane X... pour ordonner son renvoi devant la cour d'assises des chefs de non-assistance à personne en danger, non-dénonciation de crime et recel de malfaiteur ;
Qu'en effet, les juridictions d'instruction apprécient souverainement si les faits retenus à la charge de la personne mise en examen sont constitutifs d'une infraction, la Cour de cassation n'ayant d'autre pouvoir que de vérifier si, à supposer ces faits établis, la qualification justifie la saisine de la juridiction de jugement ;
Que, dès lors, le moyen ne peut qu'être écarté ;
Et attendu que la procédure est régulière et que les faits, objet principal de l'accusation, sont qualifiés crime par la loi ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : Mme Chanet conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, Mme Lazerges conseiller rapporteur, Mme Ponroy conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Daudé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 08-87831
Date de la décision : 18/02/2009
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rennes, 07 novembre 2008


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 18 fév. 2009, pourvoi n°08-87831


Composition du Tribunal
Président : Mme Chanet (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2009:08.87831
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