LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique pris en ses trois branches tel qu'il figure au mémoire en demande et est reproduit en annexe au présent arrêt :
Attendu que suivant acte du 19 mai 2003 Alain X... a consenti au groupement agricole d'exploitation en commun Bourcier (le GAEC) un prêt de terres agricoles, devant prendre fin le 11 novembre 2003 ; que les héritiers du prêteur, décédé le 28 mai 2003, ayant refusé de poursuivre l'exécution de ce contrat, le GAEC les a assignés en paiement de dommages-intérêts en se plaignant de n'avoir pu récolter les foins sur les parcelles concernées ; que l'arrêt confirmatif attaqué (Riom, 8 mars 2007) lui a alloué une certaine somme à ce titre ;
Attendu, d'abord, que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des faits que la cour d'appel a constaté que la remise au GAEC des terres prêtées résultait du dépôt auprès de la Mutualité sociale agricole, qui avait reçu ce document le 23 mai 2003, du bulletin de mutation de superficies, signé par Alain X... ; qu'ensuite, le prêt à usage devant permettre à l'emprunteur de se servir personnellement de la chose, c'est sans encourir le grief de violation de l'article 1875 du code civil que l'arrêt attaqué retient, pour répondre à l'argumentation selon laquelle l'emprunteur ne perçoit pas les fruits, que le prêt en cause ayant été conclu pour un usage agricole des terres prêtées, devait permettre au GAEC de faire consommer l'herbe par ses animaux ou de la récolter ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les consorts X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande du GAEC Bourcier ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit février deux mille neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Thomas-Raquin et Benabent, avocat aux Conseils pour les consorts X....
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir jugé que le prêt à usage consenti par Monsieur X... était valable et emportait le droit de s'approprier l'herbe et d'avoir en conséquence condamné les consorts X... à payer au GAEC BOURCIER la somme de 6 000 à titre de dommages-intérêts ;
AUX MOTIFS QUE « le 19 mai 2003, M. Alain X... a consenti au GAEC BOURCIER un contrat de prêt sur diverses parcelles lui appartenant ; que M. X... est décédé le 28 mai 2003 et ses héritiers ayant refusé d'en poursuivre l'exécution, le GAEC les a assignés en réparation de son préjudice constitué par l'impossibilité de récolter les foins sur les parcelles concernées ; que pour obtenir la réformation du jugement qui a partiellement fait droit aux prétentions indemnitaires du GAEC, les appelants reprennent l'argumentation développée devant le Tribunal et prétendent de plus que le contrat litigieux n'est pas un commodat mais un prêt à la consommation ; que le contrat produit intitulé « contrat de prêt à usage » fait expressément référence aux articles 1875 et suivants du Code civil ; qu'il porte sur des terres agricoles dont il est bien évident qu'elles ne peuvent être détruites par l'usage, élément qui caractérise le prêt de consommation ; que le contrat du 19 mai 2003 prévoit encore l'obligation de restitution ; que la nature du contrat ne peut ainsi être remise en cause seulement au vu des déclarations ultérieures de l'épouse de l'un des membres du GAEC qui n'était pas partie au contrat ; que contrairement à ce qui est soutenu, M. X... avait un intérêt personnel à consentir un prêt notamment en raison de sa situation puisqu'il n'avait alors plus l'intention d'exploiter son bien dont il conservait cependant la libre disposition en vue de le vendre, le commodat ayant encore l'avantage pour lui d'en assurer l'entretien dans cette attente de lui éviter le paiement de cotisations sociales afférentes, dès lors qu'il ne conservait pas la qualité d'exploitant ; que la conclusion d'un tel contrat ne constitue pas par ailleurs une fraude au statut du fermage, étant observé qu'une telle fraude serait au contraire imputable à Monsieur X... lui-même ; que les appelants contestent également la validité du contrat de prêt alors que dans un premier temps leur propre notaire n'avait fait état que d'une caducité qui ne mettait ainsi pas en cause la validité ; (…)
Que la tradition matérielle des biens prêtés s'est opéré par le dépôt du bulletin de mutation auprès de la MSA sans qu'il y ait lieu d'exiger du commodataire des actes matériels d'exploitation autres que ceux de récolte du foin qui allait être exécutée fin mai-début juin ; (…)
Que le GAEC s'étant ainsi vu régulièrement concéder la jouissance des terres appartenant à M. X... jusqu'au 11 novembre 2003, ses héritiers ne devaient rien faire qui puisse troubler cette jouissance ; qu'ils ont méconnu l'engagement de leur auteur en la concédant à des tiers et privé le GAEC de la possibilité de faire consommer l'herbe par ses animaux ou de la récolter ; que le GAEC a dû recourir à d'autres approvisionnements ; que les factures versées aux débats montrent que pour l'année 2002 il avait acquis du foin sur pied auprès d'un nommé Y... pour un prix unitaire de 152 l'hectare ; qu'appliqué à la superficie de 54 ha dont a été privé le GAEC, le préjudice serait de 8 200 environ, somme de laquelle il convient de déduire les frais de fenaison non exposés de sorte que l'appréciation du Tribunal sera entérinée ; que cette indemnisation trouve sa cause dans le refus par les héritiers de respecter l'engagement de leur auteur et non pas dans l'exécution du contrat conclu par ce dernier de sorte que le caractère prétendument ruineux dudit contrat n'est pas avéré puisque l'exécution normale du contrat n'aurait occasionné aucune dépense pour le propriétaire ; que le prêt ayant été conclu pour un usage agricole des terres prêtées, il va de soi que cet usage ne pouvait qu'inclure l'appropriation de la résulte d'herbe soit par la fenaison soit par consommation des animaux, à défaut de quoi le commodat n'aurait eu aucun intérêt » ;
ALORS D'UNE PART QUE le prêt à usage est un contrat réel qui ne se forme que par la remise matérielle de la chose ; qu'en jugeant que la tradition matérielle des biens prêtés s'était opérée par le dépôt du bulletin de mutation auprès de la MSA sans constater aucun acte matériel de remise de la chose de la part de Monsieur X..., la cour d'appel a violé l'article 1875 du Code civil ;
ALORS D'AUTRE PART QUE le prêt à usage confère à l'emprunteur le droit d'user de la chose mais non d'en récolter les fruits ; qu'en jugeant que le prêt à usage consenti au GAEC BOURCIER autorisait celui-ci à profiter des fruits des terres prêtées en récoltant le foin, la cour d'appel a violé l'article 1875 du Code civil ;
ALORS ENFIN QUE si le prêt à usage confère à l'emprunteur le droit d'user de la chose, le transfert du droit d'en récolter les fruits constitue une donation de fruits ; que l'acte qui permet à la fois à l'emprunteur d'user de la chose et d'en récolter les fruits est un acte complexe portant à la fois prêt à usage et donation de fruits ; qu'à ce titre, il doit être passé par acte authentique ; que la cour d'appel, qui a retenu que le contrat consenti par Monsieur X... au GAEC BOURCIER emporterait droit de récolter les fruits, sans constater que s'agissant alors d'une donation de fruits, l'acte sous seing privé litigieux était nul, a violé les articles 931 et 1875 du Code civil.