LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur la première branche du premier moyen :
Vu l'article 1253 du code civil ;
Attendu que le débiteur de plusieurs dettes a le droit de déclarer, lorsqu'il paye, quelle dette il entend acquitter ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., associé et salarié de la société CBR (la société), a obtenu condamnation de cette dernière, par décision du 18 avril 2001, à lui rembourser son compte courant d'associé et, par décision du 9 mai 2001, à lui payer diverses sommes à raison de son licenciement ; que la société a procédé à des règlements d'octobre 2001 à juillet 2002, avant d'être mise en redressement judiciaire le 26 septembre 2002, puis en liquidation judiciaire, Mme Y... étant désignée liquidateur ; que cette dernière ayant imputé ces règlements pour moitié sur chacune des créances de M. X..., celui-ci a saisi le juge de l'exécution aux fins que soit porté sur l'état des créances salariales de la société une créance complémentaire correspondant à la moitié des sommes réglées qu'il estime avoir été imputées à tort par le liquidateur sur sa créance salariale ;
Attendu que, pour confirmer le jugement ayant rejeté les demandes de M. X..., l'arrêt retient que, pour établir que les acomptes ont été imputés, avec l'accord de ce dernier, par moitié sur chaque créance, Mme Y..., ès qualités, ne se fonde pas seulement sur les déclarations en ce sens du dirigeant de la société mais aussi sur celles de son avocat, Mme Z..., conseil de la société, ayant confirmé, dans une lettre du 27 juin 2003, que la somme de 2 286,74 euros par mois avait bien été versée, jusqu'en juillet 2002, en exécution de chacune des deux condamnations ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans relever l'existence, au moment des paiements, d'une déclaration expresse de la société ou d'éléments de nature à établir, de manière non équivoque, quelle dette elle entendait acquitter, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 28 juin 2007, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Orléans, autrement composée ;
Condamne Mme Y..., ès qualités aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept février deux mille neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
.Moyens produits par la SCP Vier, Barthélemy et Matuchanski, avocat aux Conseils pour M. X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur X... de ses demandes tendant à porter une créance salariale complémentaire de 11.433,70 euros sur l'état des créances salariales de la société CBR en redressement judiciaire et à ordonner que le liquidateur soit contraint sous astreinte à établir un bordereau de demande d'avance à l'AGS pour ce montant ;
Aux MOTIFS QUE pour établir que les acomptes ont été imputés, avec l'accord de Monsieur X..., par moitié sur chaque créance, et non pas en totalité sur la créance de remboursement du solde créditeur du compte courant d'associé, Maître Y... ne se fonde pas seulement sur les déclarations en ce sens du dirigeant – qui, en sa qualité de représentant du débiteur, était cependant fondé à déclarer quelle dette il entendait acquitter, comme le précise l'article 1253 du code civil – de la société CBR, mais aussi sur celle de l'avocat de cette société et sur les circonstances de la cause ; que Maître Z..., conseil de la société CBR, a confirmé, dans une lettre du 27 juin 2003, que la somme de 2. 286, 74 euros par mois avait bien été versée jusqu'en juillet 2002 en exécution de chacune des deux condamnations ; que Monsieur X... n'a jamais prétendu, avant juillet 2002, que ce versement ne correspondait qu'à l'exécution de la condamnation prononcée par le tribunal de commerce à son profit, dont on ne voit d'ailleurs pas la raison précise pour laquelle elle aurait été seule exécutée ou par priorité ; que les deux décisions étant toutes deux frappées d'appel par la société CBR, on ne peut déduire que celle-ci aurait eu intérêt à régler l'une plutôt que l'autre dette ; que si l'huissier chargé du recouvrement semble indiquer, mais seulement dans des décomptes non antérieurs à octobre 2002, que tous les acomptes concernaient la créance commerciale, il n'est produit aucun document sur le mandat de recouvrement qu'il aurait exactement reçu avant juillet 2002 ni aucun document de nature à contredire l'affirmation du conseil de la société débitrice mentionnant l'affectation par moitié des acomptes versés avant juillet 2002 ; qu'enfin la cour d'appel ne comprend pas pourquoi, en présence de deux décisions concomitantes et bénéficiant toutes deux de l'exécution provisoire, Monsieur X... ne les aurait pas fait exécuter en même temps et aurait exigé, par priorité, l'exécution de la décision commerciale ;
ALORS QUE, D'UNE PART, Si le débiteur de plusieurs dettes a le droit de déclarer quelle dette il entend acquitter, c'est à la condition qu'il le fasse au moment du paiement ; qu'en considérant que le débiteur avait déclaré quelle dette il entendait acquitter en se fondant sur une attestation du dirigeant de la société CBR en date du 26 juin 2003 et sur une lettre de confirmation du conseil de la société CBR en date du 27 juin 2003, alors que les paiements litigieux avaient été effectués d'octobre 2001 à juillet 2002, ce dont il résultait que le débiteur n'apportait pas la preuve qu'il avait déclaré, en payant, quelle dette il entendait acquitter, la cour d'appel a violé par fausse application l'article 1253 du code civil
ALORS QUE, D'AUTRE PART, en l'absence de déclaration du débiteur et lorsque la quittance ne porte aucune imputation, le paiement doit être imputé sur la dette que le débiteur avait pour lors le plus d'intérêt d'acquitter entre celles qui sont pareillement échues ; qu'en se déterminant aux motifs inopérants que l'on ne voit pas la raison précise pour laquelle la condamnation prononcée par le tribunal de commerce aurait été seule exécutée ou par priorité, que les deux décisions étant frappées d'appel par le débiteur, on ne peut dire que celui-ci aurait plus intérêt à régler l'une plutôt que l'autre dette et que la cour d'appel ne comprend pas pourquoi, en présence de deux décisions concomitantes et bénéficiant toutes deux de l'exécution provisoire, Monsieur X... ne les aurait pas fait exécuter en même temps et aurait exigé, par priorité, l'exécution de la décision commerciale, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si la société CBR n'avait pas intérêt à s'acquitter en priorité de la créance faisant l'objet de poursuites, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 1256 du code civil ;
ALORS QU'ENFIN, en l'absence de déclaration du débiteur et lorsque la quittance ne porte aucune imputation, le paiement doit être imputé sur la dette que le débiteur avait pour lors le plus d'intérêt d'acquitter entre celles qui sont pareillement échues ; qu'il ressort des propres constatations des juges du fond que Monsieur Jacques X..., entre octobre 2001 et juillet 2002, période des versements litigieux, n'a mis en oeuvre aucune procédure d'exécution du jugement rendu par le Conseil de prud'hommes d'Orléans du 9 mai 2001, ce dont il résultait que la société CBR avait plutôt intérêt à s'acquitter des sommes dues en exécution des décisions des juridictions commerciales dont il était constant qu'elles faisaient l'objet d'une procédure de recouvrement ; qu'en refusant néanmoins d'imputer les paiements du débiteur sur sa dette commerciale qu'il avait le plus d'intérêt d'acquitter, la cour d'appel a méconnu les conséquences nécessaires de ses propres constatations et violé par refus d'application l'article 1256 du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur X... de ses demandes tendant à porter une créance salariale complémentaire de 11.433,70 euros sur l'état des créances salariales de la société CBR en redressement judiciaire et à ordonner que le liquidateur soit contraint sous astreinte à établir un bordereau de demande d'avance à l'AGS pour ce montant ;
Aux MOTIFS QUE pour établir que les acomptes ont été imputés, avec l'accord de Monsieur X..., par moitié sur chaque créance, et non pas en totalité sur la créance de remboursement du solde créditeur du compte courant d'associé, Maître Y... ne se fonde pas seulement sur les déclarations en ce sens du dirigeant – qui, en sa qualité de représentant du débiteur, était cependant fondé à déclarer quelle dette il entendait acquitter, comme le précise l'article 1253 du code civil – de la société CBR, mais aussi sur celle de l'avocat de cette société et sur les circonstances de la cause ; que Maître Z..., conseil de la société CBR, a confirmé, dans une lettre du 27 juin 2003, que la somme de 2. 286, 74 euros par mois avait bien été versée jusqu'en juillet 2002 en exécution de chacune des deux condamnations ; que Monsieur X... n'a jamais prétendu, avant juillet 2002, que ce versement ne correspondait qu'à l'exécution de la condamnation prononcée par le tribunal de commerce à son profit, dont on ne voit d'ailleurs pas la raison précise pour laquelle elle aurait été seule exécutée ou par priorité ; que les deux décisions étant toutes deux frappées d'appel par la société CBR, on ne peut déduire que celle-ci aurait eu intérêt à régler l'une plutôt que l'autre dette ; que si l'huissier chargé du recouvrement semble indiquer, mais seulement dans des décomptes non antérieurs à octobre 2002, que tous les acomptes concernaient la créance commerciale, il n'est produit aucun document sur le mandat de recouvrement qu'il aurait exactement reçu avant juillet 2002 ni aucun document de nature à contredire l'affirmation du conseil de la société débitrice mentionnant l'affectation par moitié des acomptes versés avant juillet 2002 ; qu'enfin la cour d'appel ne comprend pas pourquoi, en présence de deux décisions concomitantes et bénéficiant toutes deux de l'exécution provisoire, Monsieur X... ne les aurait pas fait exécuter en même temps et aurait exigé, par priorité, l'exécution de la décision commerciale
ALORS QUE, D'UNE PART, nul ne peut se constituer de preuve à lui-même ; qu'en se déterminant, pour faire droit aux conclusions de Maître Y..., ès-qualités de liquidateur de la société débitrice, au vu d'attestations du dirigeant de ladite société et de son conseil, la cour d'appel a violé l'article 1315 du code civil
ALORS QUE, D'AUTRE PART, par application du principe « fraus omnia corrompit », toute personne victime d'une fraude peut demander que l'acte frauduleux lui soit déclaré inopposable ; qu'en s'abstenant de rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si le comportement de Maître Y... ès-qualités qui entendait opposer à Monsieur X... l'expiration du délai pour produire sa créance, ne visait pas à réduire artificiellement le montant du passif admis, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard du principe « fraus omnia corrompit » ;
ALORS QU'ENFIN, méconnaissant les exigences de l'article 455 du nouveau code de procédure civile, la cour d'appel s'est abstenue de répondre aux moyens péremptoires soulevés par Monsieur X... dans ses conclusions d'appel pris en premier lieu de ce que nul ne peut se constituer de preuve à lui-même, pris en deuxième lieu de ce que la déclaration du débiteur concernant la dette qu'il entend acquitter doit être effectuée lorsqu'il paye et non a posteriori, pris en troisième lieu de ce que, en l'absence de précision sur l'imputation du paiement, celui-ci doit être imputé sur la créance faisant l'objet de poursuites plutôt que sur celle ne faisant l'objet d'aucune poursuite, le débiteur ayant intérêt d'acquitter la première plutôt que la seconde, pris en quatrième lieu de ce que selon l'article 1239 du code civil, le paiement doit être fait au créancier ou à quelqu'un ayant pouvoir de lui et de ce que l'huissier qui a reçu les paiements n'avait, à l'époque desdits paiements, mandat de percevoir que les sommes dues en exécution de la décision commerciale et non de la décision en matière sociale et pris enfin de ce qu'en tout état de cause, l'imputation devrait se faire proportionnellement selon l'article 1256 alinéa 2 du code civil.