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11/02/2009 | FRANCE | N°07-43204

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 11 février 2009, 07-43204


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l'article 1134 du code civil, et les articles L. 122-6, L. 122-8 et L. 122-14-3 du code du travail, devenus les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1235-1 du même code ;

Attendu que M. X..., engagé le 19 janvier 2001 en qualité de directeur de magasin par la société Menuiserie-bricolage de Aranjo frères exploitant les magasins à enseigne " Mr. Y... ", aux droits de laquelle se tient la société SADEF, a été licencié pour faute grave par lettre du 10 novembre 2004, l'emp

loyeur lui faisant grief d'avoir licencié pour faute grave en raison d'un aban...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l'article 1134 du code civil, et les articles L. 122-6, L. 122-8 et L. 122-14-3 du code du travail, devenus les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1235-1 du même code ;

Attendu que M. X..., engagé le 19 janvier 2001 en qualité de directeur de magasin par la société Menuiserie-bricolage de Aranjo frères exploitant les magasins à enseigne " Mr. Y... ", aux droits de laquelle se tient la société SADEF, a été licencié pour faute grave par lettre du 10 novembre 2004, l'employeur lui faisant grief d'avoir licencié pour faute grave en raison d'un abandon de poste, une salariée que l'intéressé avait lui-même dispensée de présence sur son lieu de travail, à l'insu de sa hiérarchie ;

Attendu que pour déclarer que le grief était réel mais non sérieux et en déduire que le licenciement de M. X... était abusif, la cour d'appel retient que la lettre de licenciement reprochait seulement au salarié d'avoir dissimulé la lettre de dispense remise à Mme Z..., et les conséquences lourdes qu'il en résultait pour la société obligée de réparer le préjudice de la salariée en raison de son licenciement abusif, que la délégation de pouvoir dont bénéficiait le salarié dans l ‘ exercice de ses fonctions ne faisait pas référence au pouvoir de recruter et de licencier du personnel et que le directeur de magasin n'était pas autonome quant au recrutement des salariés et à l'exercice du pouvoir disciplinaire sur eux, et enfin que la modification du contrat de travail de la salariée qui reprenait son emploi après un congé parental, aurait nécessairement donné lieu à un litige avec l'employeur ;

Qu'en statuant ainsi, alors d'abord que la lettre de licenciement qui mentionnait le fait pour le salarié d'avoir " licencié pour abandon de poste une collaboratrice que vous aviez dispensée de présence " faisait clairement grief à l'intéressé d'avoir abusivement licencié cette employée ; alors ensuite que la délégation de pouvoir délivrée au salarié le 26 juin 2002 comportait la faculté pour celui-ci, pour veiller à l'absence de discrimination ou de rupture d'égalité de traitement dans l'entreprise, " de prendre toutes les mesures nécessaires qu'elles soient d'urgence ou non " et notamment " de prendre les sanctions immédiates qui s'imposeraient ", ce dont il résulte que M. X... disposait bien d'un pouvoir disciplinaire réel sur les salariés, qu'il avait effectivement exercé, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs de la lettre de licenciement et de la délégation de pouvoir ;

Et attendu que le fait pour un salarié, directeur de magasin, de délivrer à une salariée une dispense de se présenter sur les lieux de son travail, puis de la licencier pour abandon de poste, sans avertir sa hiérarchie de l'autorisation d'absence ainsi délivrée, constitue une violation de l'obligation de loyauté tant à l'égard de la salariée que de l'employeur rendant impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, et constitue une faute grave, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et vu l'article 627 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a rejeté la demande de rappel de salaires en application du contrat de travail du salarié, l'arrêt rendu le 11 mai 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Dit que le licenciement de monsieur X... est justifié par une faute grave ;

Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de Longwy du 13 février 2006 ;

Dit que les dépens afférents devant le conseil de prud'hommes et la Cour de cassation seront supportés par M. X... ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du onze février deux mille neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils pour la société SADEF.

Il est fait grief à l'arrêt du 11 mai 2007 D'AVOIR dit que le licenciement de Monsieur X... est dépourvu de cause réelle et sérieuse et D'AVOIR en conséquence condamné la société SADEF à payer au salarié une somme de 25. 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, une somme de 10. 263 euros à titre d'indemnité de préavis, outre 1. 026, 30 euros à titre de congés payés afférents, euros à titre d'indemnité de licenciement, 2. 605, 34 euros à titre de rappel de salaire sur la période de mise à pied, outre 260, 53 euros à titre de congés payés afférents

AUX MOTIFS QU'il ressort de la lecture de la lettre de licenciement que sont reprochés au salarié d'une part la dissimulation de la lettre de dispense remise à madame Z..., et d'autre part les conséquences lourdes qui en ont résulté pour la société SADEF mise dans l'obligation de réparer le préjudice subi par la salariée du fait de son licenciement abusif par le versement d'une indemnité transactionnelle de 15. 000 euros ; que s'agissant du grief relatif à la dissimulation par Monsieur X... de l'existence de la lettre de dispense remise à Madame Z... de présence sur les lieux de son travail le 1er mars 2004, il n'apparaît pas que la copie du fax versée aux débats par Monsieur X... portant la date du 3 mars 2004 à 14h19, prétendument joint à l'expédition au siège de la société SADEF la lettre de dispense remise à Madame Z..., établisse la preuve de la transmission de cette pièce, et par là même de sa prise de connaissance, à la société SADEF ; que Monsieur A... ne donne au surplus aucune explication sur le décalage dans le temps entre la date de dispense du 1er mars 2004 et sa transmission par fax en date du 3 mars 2004 ; que sont au surplus, les attestations circonstanciées de Madame B... et de Messieurs C... et D..., affirmant avoir assisté à la communication téléphonique échangée le octobre 2004 entre Monsieur X... et Monsieur E..., responsable des ressources humaines, au cours de laquelle Monsieur X... a démenti avoir écrit la lettre de dispense remise à Monsieur Z... dont venait de prendre connaissance Monsieur E... le jour même par transmission d'une télécopie de l'avocat de la société SADEF ; que le grief relatif à la dissimulation par Monsieur X... de l'existence de la lettre de dispense est donc caractérisé ; que s'agissant des conséquences subies par la société SADEF consistant, selon elle, en l'existence d'un licenciement abusif au préjudice de Madame Z... que l'employeur a dû réparer par le versement d'une indemnité transactionnelle de 15. 000 euros, les éléments du dossier font apparaître qu'en tout état de cause se posait la question du retour de Madame Z... au sein de la société SADEF au terme d'un congé parental à effet du 24 août 1996 expirant le 27 février 2004 avec reprise de poste le 1er mars suivant ; qu'il ressort du second contrat de travail de Monsieur X... daté du 19 janvier 2002 que ce dernier engagé en qualité de directeur de magasin de LEXY dirigera, coordonnera, contrôlera le personnel placé sous son autorité ; que le courrier de délégation de pouvoir accordée à monsieur X... par Monsieur D..., Président et supérieur hiérarchique de l'intéressé, précise que Monsieur X... se voyait déléguer les missions de gestion du personnel sans référence au pouvoir de recrutement et de licenciement ainsi que de veiller à l'égalité de traitement et à l'absence de discrimination entre les salariés, devant notamment veiller à ce que l'ensemble des décisions adoptées par la société en matière de recrutement, de rémunération, de licenciement ou de sanctions disciplinaires n'entraînent aucune discrimination ou rupture d'égalité de traitement entre des salariés placés dans des situations équivalentes ; que l'absence d'autonomie en matière de gestion du personnel quant au recrutement et au pouvoir disciplinaire de Monsieur X... est corroborée par la production au dossier des mails échangés entre Madame Sophie F..., rattachée au service des ressources humaines de la société, et Monsieur X... les 18 février et 25 mars 2004 lui adressant les courriers et avenant à remettre à Madame Z... dans le cadre de sa reprise de poste l'avisant de ses nouvelles conditions de travail et de son refus de faire droit à ses demandes d'aménagement de poste ; que l'avenant rédigé par la direction des ressources humaines de la société SADEF impose à Madame Z... un poste de caissière réassortisseuse manifestement différent du poste précédemment occupé par l'intéressée en qualité de secrétaire lors de sa prise de congé parental d'éducation, et ce en contradiction avec les dispositions de l'article L. 122-28-3 du code du travail ; qu'il apparaît ainsi qu'en tout état de cause, la société SADEF se trouvait confrontée aux conditions de reprise et de maintien de poste de Madame Z... dont le refus de modification de son contrat de travail, dans les conditions telles qu'elles ressortent des courriers échangés entre les parties, n'était pas susceptible de justifier un licenciement aux torts de la salariée lequel aurait été nécessairement à l'origine d'un litige entre Madame Z... et son employeur ; qu'il en résulte que le grief tiré de la dissimulation par Monsieur X... de l'existence de la lettre de dispense constitue un grief réel, mais non sérieux, privant dès lors son licenciement de cause réelle et sérieuse ; que le préjudice subi de ce chef par ce dernier, compte tenu de son âge et de son ancienneté limitée, sera réparé par l'allocation d'une somme que la cour est en mesure de fixer à 25. 000 euros ;

1°) ALORS QUE les juges du fond ne doivent pas dénaturer les documents qui leur sont soumis ; qu'en l'espèce, la lettre de licenciement reprochait au salarié, d'une part d'avoir licencié pour abandon de poste une collaboratrice qu'il avait lui-même dispensée de présence dans l'entreprise, d'autre part d'avoir dissimulé cette dispense y compris au cours de la préparation de la phase de conciliation dans l'instance diligentée par la salariée à tort licenciée pour abandon de poste, ces faits ayant engendré de lourdes conséquences pour l'entreprise ; qu'en affirmant que l'employeur n'invoquait à titre de grief que la « dissimulation » de la dispense litigieuse ainsi que les « conséquences lourdes » en étant résultées pour l'entreprise (arrêt attaqué p. 3), et en omettant en conséquence d'examiner le grief pris de ce que Monsieur X... avait licencié pour abandon de poste une collaboratrice qu'il avait lui-même dispensée de présence, la cour d'appel a dénaturé les énonciations claires et précises de la lettre de licenciement et violé l'article 1134 du code civil, ensemble l'article L 122-14-2 du code du travail ;

2°) ALORS QUE commet une faute grave justifiant son licenciement immédiat, indépendamment même des conséquences en résultant pour l'employeur, le salarié qui dissimule pendant plusieurs mois avoir dispensé de toute présence dans l'entreprise une collaboratrice ultérieurement licenciée, à tort, pour abandon de poste ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a expressément constaté que Monsieur X... avait dissimulé avoir dispensé Madame Z... de présence dans l'entreprise ; qu'en affirmant que la société SADEF aurait été en tout état de cause confrontée à un litige avec la collaboratrice licenciée sur les conditions de son retour dans l'entreprise à l'issue de son congé pour en déduire que le « grief tiré de la dissimulation » constituait un « grief réel » mais « non sérieux », lorsque la seule dissimulation de la dispense donnée, et ce pendant plusieurs mois, rendait en elle-même impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la période du préavis, indépendamment même des conséquences en résultant pour l'employeur, la cour d'appel a violé les articles L 122-6 et L 122-8 du code du travail ;

3°) ALORS en outre QUE l'employeur qui propose à une salariée de retour de congé parental une modification de son contrat de travail en vue de sa réintégration peut soit mettre en oeuvre cette mesure, en cas d'acceptation de la salariée, soit y renoncer, en cas de refus de cette dernière, soit enfin licencier la salariée en invoquant un motif économique de licenciement ; qu'en se bornant à relever que la proposition de réintégration faite à la salariée impliquait une modification de son contrat de travail pour en déduire que le refus de l'intéressée « n'était pas susceptible de justifier un licenciement aux torts de la salariée » et qu'un tel licenciement aurait été « nécessairement » à l'origine d'un litige entre Madame Z... et son employeur, lorsque ni la perspective d'un litige entre les parties ni même l'impossibilité de licencier la salariée à raison d'un motif économique de licenciement n'étaient inéluctables au moment où la collaboratrice avait été licenciée pour abandon de poste, la cour d'appel a violé les articles L 122-3-8 et L 122-14-3, ensemble l'article 1134 du code civil ;

4°) ALORS QUE les juges du fond ne peuvent dénaturer les écrits qui leur sont soumis ; que dans la délégation de pouvoirs du 26 juin 2002, l'employeur indiquait à Monsieur X... qu'en raison de sa qualité de directeur de magasin, il lui déléguait une partie de ses pouvoirs et attributions en matière de « gestion du personnel » et « d'égalité de traitement et absence de discrimination » ; qu'à ce dernier titre, le salarié était « chargé de respecter et de faire respecter les dispositions légales, réglementaires et conventionnelles relatives à l'égalité de traitement et à l'absence de discrimination entre l'ensemble des salariés », en vue de quoi il devait : « veiller à que l'ensemble des décisions adoptées par la société en matière de recrutement, de rémunération, de licenciement ou de sanctions disciplinaires n'entraînent aucune discrimination ou rupture d'égalité de traitement entre des salariés placés dans des situations équivalentes » ; que la lettre indiquait encore : « les attributions et pouvoirs précités comprennent ceux de mettre en oeuvre toutes les mesures nécessaires qu'elles soient d'urgence ou non (mesures d'organisation, mesures de sécurité …) et de prendre les sanctions immédiates qui s'imposeraient. Dans le cadre de la présente délégation, vous disposerez de l'intégralité des moyens matériels, techniques et financiers nécessaires à l'accomplissement de la mission » ; que le salarié avait donc reçu une délégation de pouvoir de sanctionner les salariés placés sous sa responsabilité ; qu'en retenant que Monsieur X... n'aurait eu aucune autonomie quant « au pouvoir disciplinaire », la cour d'appel a dénaturé la délégation de pouvoirs du 26 juin 2002 et violé l'article 1134 du code civil ;

5°) ALORS QU'en relevant que Monsieur X... n'aurait pas eu d'autonomie en matière de licenciement, lorsqu'une telle circonstance n'était nullement de nature à excuser la dissimulation qui lui était reprochée, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants et privé sa décision de base légale au regard des articles L 122-6, L 122-8 et L 122-14-3 du code du travail ;


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 07-43204
Date de la décision : 11/02/2009
Sens de l'arrêt : Cassation partielle sans renvoi
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Nancy, 11 mai 2007


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 11 fév. 2009, pourvoi n°07-43204


Composition du Tribunal
Président : M. Bailly (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Balat, SCP Gatineau et Fattaccini

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2009:07.43204
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