LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Joint les pourvois n° R 07-18.649 et n° J 08-11.402 ;
Attendu, selon les arrêts attaqués (Rennes, 6 juin 2007 et 24 octobre 2007), que M. X..., propriétaire de locaux donnés à bail à la société Clémie, l'a assignée aux fins de faire déclarer leurs rapports locatifs éteints à la date du 29 février 2008 et en libération des lieux ; que par le premier arrêt, la cour d'appel a donné acte au preneur de son intention de tenir leurs rapports locatifs pour éteints et, en tant que de besoin, a ordonné la libération des lieux sous astreinte ; que, par le second arrêt, rectificatif, la cour d'appel a retranché ces deux chefs du dispositif, au motif qu'ils répondaient à une chose non demandée ;
Sur le moyen unique du pourvoi n° J 08-11.402 de M. X... :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'accueillir la demande de retrait de deux chefs du dispositif, alors, selon le moyen :
1°/ que le juge, qui s'est prononcé sur une chose non demandée, peut retrancher de son jugement sauf à rétablir, s'il y a lieu, le véritable exposé des prétentions respectives des parties et de leurs moyens ; qu'en retranchant de son arrêt le chef du dispositif ayant condamné le preneur à libérer les lieux à compter du 1er mars 2008, au prétexte que ce dernier ne l'aurait pas offert, quand le bailleur avait sollicité à titre subsidiaire, pour le cas où la qualification commerciale du bail serait retenue, de dire et juger que la société Clémie n'avait aucun droit au renouvellement dudit bail et serait en conséquence, ainsi que tout occupant de son chef, occupante sans droit ni titre des lieux appartenant à M. X... à compter du 27 février 2008, la cour d'appel a violé les articles 463 et 464 du code de procédure civile, ensemble les articles 4 et 5 du même code ;
2°/ que dès son prononcé, le jugement dessaisit le juge de la contestation qu'il tranche ; qu'en retranchant de son arrêt la disposition par laquelle elle avait donné acte au preneur de son intention de tenir le rapport locatif pour éteint à la date du 29 février 2008, au prétexte qu'il n'avait pas offert de quitter les lieux à l'échéance du contrat, se livrant ainsi à une nouvelle appréciation juridique des éléments de la cause au vu desquels elle avait admis la renonciation du preneur à son droit au renouvellement du bail, dès lors qu'elle constatait que le bailleur lui contestait tout droit à ce renouvellement et que le preneur ne s'était pas opposé à la demande de libération dont il avait été l'objet, la cour d'appel a violé l'article 481 du code de procédure civile, ensemble les articles 4, 5, 463 et 464 du même code ;
Mais attendu qu'ayant retenu que l'arrêt antérieur de la cour d'appel avait dit que la société Clémie, titulaire d'un bail commercial, offrait de tenir le rapport locatif éteint pour le 29 février 2008 et demandait qu'il lui en soit donné acte, alors que la locataire n'avait ni exprimé son intention de libérer les lieux ni renoncé au droit au renouvellement, et ordonné, en conséquence et autant que de besoin, la libération des lieux sous astreinte, sans se prononcer sur la dénégation par le bailleur du droit au renouvellement, la cour d'appel, qui en a déduit que ces deux chefs de dispositifs devaient être retranchés de l'arrêt, a légalement justifié sa décision ;
Sur le moyen unique du pourvoi n° R 07-18.649 de la société Clémie, ci-après annexé :
Attendu que le pourvoi n° J 08-11.402 de M. X... contre l'arrêt rectificatif du 14 octobre 2007 étant rejeté, le moyen est devenu sans portée ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois ;
Laisse les dépens à la charge du Trésor public ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre février deux mille neuf.
Moyen annexé au présent arrêt
Moyen produit au pourvoi n° R 07-18.649 par la SCP Le Bret-Desaché, avocat aux Conseils pour la société Clémie.
MOYEN UNIQUE DE CASSATION :
- PRIS DE CE QUE l'arrêt attaqué du 6 juin 2007 a donné acte à la Société CLEMIE de son intention de tenir le rapport locatif pour éteint à la date du 29 février 2008 et l'a condamnée en tant que de besoin, ainsi que tous occupants de son chef, à libérer les lieux à la date du 1er mars 2008, ce sous astreinte de 100 par jour de retard à compter du 1er avril 2008 et pendant un délai de deux mois passé lequel il sera de nouveau fait droit ;
- AUX MOTIFS QUE, sur le constat que la SARL CLEMIE n'entend pas, a priori, se maintenir dans les lieux au-delà de l'expiration du bail, le 29 février 2008, il est évident que la question du droit au renouvellement de la convention de location telle que posée par l'appelante en page 11 (§ 1 et 2) de ses dernières écritures est sans objet ; qu'il n'y sera donné aucune suite et, acte étant donné à l'intimée de son intention de libérer les lieux, son expulsion sera ordonnée, autant que de besoin, selon les termes visés au dispositif de l'arrêt ;
- ALORS, D'UNE PART, QUE l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; qu'aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 5 avril 2007, la Société CLEMIE n'a, à aucun moment, fait état de son intention de quitter les lieux à l'issue du bail commercial la liant à Monsieur Bernard X..., le 29 février 2008, et n'a formulé a fortiori aucune demande qu'il lui en soit donné acte ; qu'en retenant pourtant que cette société n'entendait pas se maintenir dans les lieux au-delà du 29 février 2008 et en lui donnant acte de son intention de libérer les lieux à cette date, la Cour d'Appel a violé les articles 4 et 5 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
- ET ALORS, D'AUTRE PART, QU'il ressort des dernières conclusions de la Société CLEMIE, signifiées le 5 avril 2007, que celle-ci n'exprimait de prétentions qu'en ce qui concerne la soumission du bail la liant à Monsieur X... au statut des baux commerciaux et, à titre subsidiaire, l'octroi d'un délai pour quitter les lieux s'il devait être considéré qu'elle était occupante sans droit ni titre, s'opposant pour le reste aux demandes de Monsieur X... s'agissant, notamment, d'un prétendu manquement à son obligation d'entretien ; qu'en retenant qu'elle avait exprimé l'intention de tenir le rapport locatif pour éteint à la date du 29 février 2008 et lui donnant acte de son intention de libérer les lieux à l'expiration du bail, la Cour d'Appel a tout à la fois dénaturé le sens et la portée des conclusions de la Société CLEMIE et modifié les termes du litige, violant ensemble les articles 1134 du Code Civil et 4 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Moyen annexé au présent arrêt
Moyen produit au pourvoi n° J 08-11.402 par la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat aux Conseils pour M. Bernard X....
MOYEN DE CASSATION
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir, à la requête d'un preneur (la société CLEMIE), retranché d'un précédent arrêt deux chefs du dispositif lui ayant donné acte de son intention de tenir pour éteint le rapport locatif à la date du 29 février 2008 et ayant fait droit à la demande du bailleur (M. X..., l'exposant) tendant à la libération des lieux à compter de cette date ;
AUX MOTIFS QUE les dernières écritures signifiées et déposées le 5 avril 2007 par la société CLEMIE sur appel de M. X... portaient sur la qualification commerciale du bail pages 6 à 15, subsidiairement sur une demande de délai au cas où la cour considérerait qu'elle était occupante sans droit ni titre depuis le 1er décembre 2004 et sur une demande annexe d'entretien des locaux ; qu'en aucun endroit elles n'indiquaient que le preneur entendait quitter les lieux à l'issue du bail le 29 février 2008 ; que le dispositif concluait au contraire à la confirmation du jugement rendu par le tribunal qui n'avait pas été saisi de la demande de M. X... tendant à voir dire que la société CLEMIE n'avait pas droit au renouvellement ; qu'en donnant acte à la société CLEMIE, qui ne l'avait pas demandé, de son intention de tenir le rapport locatif pour éteint à la date du 29 février 2008, la cour s'était prononcée sur une chose non demandée ; qu'il n'y avait pas dénaturation des conclusions de la société CLEMIE qui étaient muettes sur ce point (arrêt attaqué, p. 3, alinéas 3 à 7) ;
ALORS QUE, d'une part, le juge qui s'est prononcé sur une chose non demandée peut retrancher son jugement sauf à rétablir, s'il y a lieu, le véritable exposé des prétentions respectives des parties et de leurs moyens ; qu'en retranchant de son arrêt le chef du dispositif ayant condamné le preneur à libérer les lieux à compter du 1er mars 2008, au prétexte que ce dernier ne l'aurait pas offert, quand le bailleur avait sollicité à titre subsidiaire, pour le cas où la qualification commerciale du bail serait retenue, de «dire et juger que la société CLEMIE n'a(vait) aucun droit au renouvellement dudit bail et sera(it) en conséquence, ainsi que tout occupant de son chef, occupante sans droit ni titre des lieux appartenant à M. X... à compter du 27 février 2008», la cour d'appel a violé les articles 463 et 464 du Code de procédure civile, ensemble les articles 4 et 5 du même Code ;
ALORS QUE, d'autre part, dès son prononcé, le jugement dessaisit le juge de la contestation qu'il tranche ; qu'en retranchant de son arrêt la disposition par laquelle elle avait donné acte au preneur «de son intention de tenir le rapport locatif pour éteint à la date du 29 février 2008», au prétexte qu'il n'avait pas offert de quitter les lieux à l'échéance du contrat, se livrant ainsi à une nouvelle appréciation juridique des éléments de la cause au vu desquels elle avait admis la renonciation du preneur à son droit au renouvellement du bail, dès lors qu'elle constatait que le bailleur lui contestait tout droit à ce renouvellement et que le preneur ne s'était pas opposé à la demande de libération dont il avait été l'objet, la cour d'appel a violé l'article 481 du Code de procédure civile, ensemble les articles 4, 5, 463 et 464 du même Code.