LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 617 du code civil ;
Attendu que l'usufruit s'éteint par la mort naturelle de l'usufruitier ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 10 janvier 2008), que M. X..., par acte authentique du 13 avril 2001, a promis unilatéralement à M. Y... de lui vendre la nue-propriété d'un immeuble grevé d'usufruit au profit de sa mère, Mme X..., la levée de l'option devant intervenir dans les quatre mois de la notification du décès de l'usufruitière ; qu'à la suite du décès de M. X..., survenu le 25 mai 2004, Mme Z..., sa veuve, a assigné M. Y... en nullité de la promesse ; que l'usufruitière étant décédée le 2 janvier 2006, Mme Z..., par l'intermédiaire de son conseil, a notifié ce décès à M. Y... qui, le 7 mai 2006, a levé l'option ;
Attendu que pour débouter M. Y... de sa demande reconventionnelle en réalisation forcée de la vente de la pleine propriété de l'immeuble, l'arrêt retient que les clauses de l'acte qui visent comme objet de la vente les seuls droits que détenait le promettant en qualité de nu-propriétaire, ainsi que les conditions d'un transfert de "propriété" possible seulement après le décès de l'usufruitière, sont incompatibles entre elles, en sorte qu'il convient de rechercher quelle a été l'intention de M. X... le jour de la signature de la promesse ; qu'il résulte expressément de la désignation de l'objet de la vente que le promettant a conféré au bénéficiaire la faculté d'acquérir la nue-propriété de l‘immeuble, occupé par sa mère qui en était usufruitière ; que les termes utilisés dans l'acte au titre des conditions de la vente éventuelle, visant le transfert de propriété de cet immeuble ainsi que les modalités de l'entrée en jouissance, sont ceux utilisés communément dans les clauses types des contrats de vente immobilière et ne peuvent éclairer sur la volonté du promettant dès lors que la clause relative à l'affectation destinée à la garantie du remboursement de l'indemnité d'immobilisation mise à la charge du bénéficiaire vise de son côté expressément la nue-propriété de l'immeuble ; que le changement dans la situation juridique de la propriété de l'immeuble après l'extinction de son démembrement suite au décès de l'usufruitière ne peut ipso facto modifier la nature de l'obligation à laquelle s'est engagé unilatéralement le promettant ;
Qu'en statuant ainsi, alors que, sauf stipulation d'une réserve d'usufruit, la promesse de vente de la nue-propriété d'un bien grevé d'usufruit a nécessairement pour objet, en cas d'extinction de l'usufruit, la pleine propriété de ce bien, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 janvier 2008, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Condamne Mme Z... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de Mme Z... et la condamne à payer à M. Y... la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit janvier deux mille neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Thomas-Raquin et Bénabent, avocat aux Conseils pour M. Y... ;
MOYEN UNIQUE DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté Monsieur Y..., bénéficiaire d'une promesse unilatérale de vente consentie le 13 avril 2001 par Paul X..., de sa demande tendant à voir ordonner la réitération de la vente en pleine propriété de l'immeuble sis aux Saintes-Maries-de-la-Mer à la suite du décès de Simone X..., usufruitière de cet immeuble ;
AUX MOTIFS QUE « les clauses de l'acte litigieux qui visent comme objet de la vente les seuls droits que détenait le promettant, en qualité de nu-propriétaire, ainsi que les conditions d'un transfert de "propriété" possible seulement après le décès de l'usufruitière, sont incompatibles entre elles, en sorte qu'il convient de faire application des dispositions de l'article 1156 du Code civil et de rechercher, s'agissant d'un acte unilatéral, quelle a été l'intention de Monsieur Paul X... le jour de la signature de la promesse de vente ; qu'il résulte expressément de la désignation de l'objet de la vente que le promettant a conféré au bénéficiaire la faculté d'acquérir la nue-propriété de l'immeuble à usage d'habitation, sis aux Saintes Maries de la Mer, occupé par sa mère qui en était usufruitière ; que les termes utilisés plus loin dans l'acte au titre des conditions de la vente éventuelle, visant le transfert de propriété de cet immeuble ainsi que les modalités de l'entrée en jouissance, sont ceux utilisés communément dans les clauses types des contrats de vente immobilière et ne peuvent éclairer sur la volonté du promettant dès lors que la clause relative à l'affectation hypothécaire destinée à la garantie du remboursement de l'indemnité d'immobilisation mise à la charge du bénéficiaire vise de son côté expressément la nuepropriété de l'immeuble objet de la promesse de vente ; que l'engagement unilatéral signé par Mademoiselle Ghislaine Z... le 7 avril 2004, et donc antérieurement à son mariage avec Monsieur Paul X... célébré le 28 avril 2004, de régulariser sitôt mariée l'acte authentique de vente de la "propriété" des Saintes Maries de la Mer pour laquelle son futur époux avait signé la promesse de vente litigieuse, n'est pas davantage significatif, s'agissant d'un document rédigé par l'intimée en des termes non juridiques ; que le fait que le délai de levée de l'option ait été fixé par le promettant postérieurement au décès de l'usufruitière, ne peut à lui seul caractériser l'intention de Monsieur X... de vendre au décès de sa mère la pleine propriété de l'immeuble, dès lors que seule la nue-propriété a été visée à l'acte comme objet de la vente et que le changement dans la situation juridique de la propriété de l'immeuble après l'extinction de son démembrement suite au décès de l'usufruitière ne peut ipso facto modifier la nature de l'obligation à laquelle s'est engagé unilatéralement le promettant ; qu'enfin il n'est pas démontré par les pièces produites aux débats que le prix proposé par le promettant corresponde à la valeur en pleine propriété du bien immobilier litigieux ; qu'il en résulte que la vente ne peut être considérée comme parfaite qu'en ce qui concerne la nue-propriété de l'immeuble, l'assignation délivrée à la requête de Madame Veuve Ghislaine X... en nullité de la promesse de vente par acte du 31 octobre 2005, et donc antérieurement à la levée de l'option, ne pouvant être qualifiée de rétractation de cet acte dès lors que la procédure n'était motivée que par la contestation de la réclamation de Monsieur Y... d'acquérir en pleine propriété et non en nue-propriété ; que la demande de réitération forcée de la vente qu'il forme ne concernant que la pleine propriété, ce dernier doit être débouté de l'ensemble de ses prétentions » ;
ALORS QUE l'usufruit s'éteint par la mort naturelle de l'usufruitier ; que le nu-propriétaire devient alors propriétaire à part entière ; qu'en l'espèce la promesse qui portait sur une nue-propriété sous l'usufruit de Simone X... acquérait nécessairement pour objet la pleine propriété du fait du décès de celle-ci puisqu'il n'existait plus d'usufruit séparé ; qu'en retenant néanmoins que la vente n'aurait pu être considérée comme parfaite qu'en ce qui concernait la nue-propriété de l'immeuble, pour débouter Monsieur Y... de sa demande de réitération forcée de la vente de la pleine propriété de cet immeuble, la Cour d'appel a violé l'article 617 du Code civil.