LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Agen, 21 novembre 2006), que Mme X..., engagée par l'association Instep formation (l'association) le 30 octobre 1986 et en dernier lieu cadre comptable, a été licenciée pour faute grave le 4 mars 2003 ;
Sur le pourvoi incident de l'employeur, qui est préalable :
Attendu que l'association fait grief à l'arrêt d'avoir écarté la faute grave et en conséquence de l'avoir condamné à verser diverses sommes et indemnités, alors, selon le moyen que le refus réitéré et injustifié du salarié d'exécuter les ordres de son employeur constitue une faute grave justifiant un licenciement immédiat surtout lorsque le refus du salarié de respecter ses obligations contractuelles est de nature à causer un préjudice à l'entreprise ; qu'en l'espèce les juges du fond ont constaté le refus injustifié de Mme X... de procéder aux inventaires entrant dans sa mission, et dont l'absence était de nature à exposer l'entreprise à des poursuites pénales et civiles pour tenue irrégulière de comptabilité ; qu'en refusant de qualifier de faute grave cette insubordination réitérée et injustifiée, la cour d'appel a violé l'article L. 122-6 du code du travail ;
Mais attendu que la cour d'appel a pu décider que, compte tenu de l'ancienneté de service de la salariée et du fait fautif unique qui lui était reproché, l'insubordination de Mme X... ne constituait pas une faute grave ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal de la salariée :
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt d'avoir dit que le licenciement était intervenu pour une cause réelle et sérieuse et de l'avoir déboutée de ses demandes indemnitaires, alors, selon le moyen :
1° / que ne justifie pas légalement sa solution au regard des articles L. 120-1 et suivants et spécialement L. 122-14-4 du code du travail l'arrêt attaqué qui estime justifié par une cause réelle et sérieuse le licenciement de Mme X..., engagée pour travailler à Aiguillon, au motif que les inventaires que celle-ci avait refusé d'effectuer à Pau, Orthez, en Gironde et en Lot-et-Garonne entraient dans ses fonctions, faute de s'être expliqué sur le moyen des conclusions de la salariée faisant valoir qu'en seize ans de fonctions au sein de l'Association Instep formation, il ne lui avait jamais été demandé d'effectuer d'inventaire impliquant des déplacements ;
2° / que viole l'article 455 du code de procédure civile pour défaut de motifs l'arrêt attaqué qui retient que le licenciement de Mme X... était justifié par une cause réelle et sérieuse, sur la considération qu'il n'est pas démontré que l'association Instep formation a tenté de faire démissionner la salariée, en refusant par principe et sans motif de tenir compte des attestations produites par la salariée, par la reprise de la déclaration des premiers juges que « les attestations produites par Gilles Y..., Robert Z..., Alexandre B..., ne seront pas prises en considération par le conseil » ;
3° / qu'en écartant, sans le moindre examen ni le moindre motif, les attestations versées aux débats par la salariée, l'arrêt attaqué a méconnu les droits de la défense de cette dernière et les règles du procès équitable, en violation de l'article 6. 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Mais attendu que la cour d'appel, qui n'était tenue ni de s'expliquer sur les pièces qu'elle décidait d'écarter ni d'entrer dans le détail de l'argumentation des parties, n'encourt pas les griefs du moyen ;
Sur le second moyen du pourvoi principal de la salariée :
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de l'avoir débouté de sa demande en paiement d'une indemnité conventionnelle de licenciement alors, selon le moyen, que le salarié lié par contrat de travail à durée indéterminée et qui est licencié alors qu'il compte deux ans d'ancienneté ininterrompue au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à l'indemnité légale ou, le cas échéant, à l'indemnité conventionnelle de licenciement ; qu'ayant constaté que Mme X... avait plus de seize ans d'ancienneté dans l'entreprise au moment de son licenciement et que ce licenciement n'était pas justifié par une faute grave, viole la convention collective des organismes de formation et les articles L. 122-9 et L. 131-1 et suivants du code du travail l'arrêt attaqué qui refuse à la salariée le droit à l'indemnité conventionnelle de licenciement ;
Mais attendu que, sous couvert d'un grief de violation de la loi, le moyen critique une omission de statuer sur un chef de demande ; que l'omission de statuer pouvant être réparée par la procédure prévue par l'article 463 du code de procédure civile, le moyen n'est pas recevable ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois, tant principal qu'incident ;
Laisse à chaque partie la charge de ses dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept janvier deux mille neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Choucroy, Gadiou et Chevallier, avocat aux Conseils pour Mme X..., demanderesse au pourvoi principal
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
:Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR con-firmé le jugement du Conseil de Prud'hommes d'AGEN du 30 avril 2004 en ce qu'il avait dit que le licenciement de Mademoiselle X... était intervenu pour une cause réelle et sérieuse et avait débouté la salariée de ses demandes en paiement d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de dommages et intérêts en réparation du préjudice distinct lié aux circonstances ayant précédé et entouré le licenciement ;
AUX MOTIFS PROPRES QU'en droit, la faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis ; que, dans le cas présent, il résulte du courrier recommandé en date du 2 janvier 2003 qu'à sa reprise de travail à l'issue de ses congés maternité et de ses congés payés, l'INSTEP a demandé à Christine X... d'effectuer l'inventaire complet de tout son équipement (équipement en fonction, date d'achat, date de vétusté du matériel …) lui demandant de commencer par le département des Pyrénées-Atlantiques et de se rendre, à cet effet, dès le lundi 6 au matin à PAU puis de continuer sur ORTHEZ et de réaliser ensuite, ce même travail en Gironde puis en Lot-et-Garonne sur l'ensemble de ses sites, l'employeur précisant que s'il était nécessaire de passer plusieurs jours dans les Pyrénées-Atlantiques, les frais d'hôtel et de repas seraient remboursés à la salariée sur les bases de frais INSTEP (factures à l'appui) ; que Christine X... s'étant trouvée en situation d'arrêt de travail pour cause de maladie à compter du 6 janvier 2003 et jusqu'au 17 février 2003, l'employeur lui a fait sommation par ministère d'huissier, le 17 février 2003, alors qu'elle se trouvait, à la reprise de ses fonctions, sur le site d'AIGUILLON, d'avoir à réaliser, sans délai, l'inventaire du matériel dans les locaux de l'Association situés à PAU, ce que l'intéressée a expressément refusé ; que, cependant, la mission ainsi dévolue à Christine X..., entrait indiscutablement dans le cadre de ses attributions, celle-ci ayant la qualification de cadre comptable et étant de ce fait, responsable de la tenue courante des comptes de l'Association en comptabilité générale et analytique et étant chargée, dès lors, en tant que telle de rassembler, de coordonner, de vérifier les données comptables et d'établir régulièrement les documents comptables légaux tels que les bilans annuels, les comptes de résultats ainsi que toutes informations comptables ponctuelles demandées par la direction parmi lesquelles précisément celles relatives à l'inventaire du matériel figurant à l'actif ; que ne constitue pas une modification substantielle du contrat de travail, le fait pour l'employeur de demander à la salariée d'effectuer une tâche qui lui incombe et ce, même si l'accomplissement de cette tâche nécessite un déplacement sur plusieurs sites de l'entreprise et n'est pas seulement limité au seul lieu du travail tel que visé au contrat de travail, à savoir, au cas d'espèce, à l'IEP d'AIGUILLON, dès lors qu'il s'agissait pour l'intéressée d'effectuer une mission ponctuelle et que celle-ci avait en charge la tenue de la comptabilité des sites en cause, étant ajouté qu'il résulte de la relation même des faits telle que consignée par Christine X... dans sa pièce 65 versée aux débats que celle-ci s'était déjà rendue à PAU pour l'exercice de son activité professionnelle, celleci précisant notamment dans ce document qu'elle est « toujours allée (de sa propre initiative) à PAU régulièrement quand le besoin s'en faisait ressentir pour récupérer des informations comptables » ; qu'aucun élément suffisamment probant ne permet d'établir la réalité des allégations de Christine X... selon lesquelles les instructions qui lui ont été ainsi données par l'employeur auraient résulté du refus qu'elle aurait opposé à ce dernier de démissionner ;
ET AUX MOTIFS DES PREMIERS JUGES QUE l'insistance présupposée de sa direction de la faire démissionner n'est nullement avérée, Mademoiselle X... ne pouvant produire qu'un document où elle raconte les faits de façon unilatérale ; que, vu l'article 202 du Nouveau Code de Procédure Civile, les attestations produites par Gilles Y..., Robert Z..., Alexandre B..., ne seront pas prises en considération par le Conseil ;
ALORS D'UNE PART QUE ne justifie pas légalement sa solution au regard des articles L. 120-1 et suivants et spé-cialement L. 122-14-4 du Code du Travail l'arrêt attaqué qui estime justifié par une cause réelle et sérieuse le licenciement de Mademoiselle X..., engagée pour travailler à AIGUILLON, au motif que les inventaires que celle-ci avait refusé d'effectuer à PAU, ORTHEZ, en Gironde et en Lot-et-Garonne entraient dans ses fonctions, faute de s'être expliqué sur le moyen des conclusions de la salariée (p. 7) faisant valoir qu'en 16 ans de fonctions au sein de l'Association INSTEP FORMATION, il ne lui avait jamais été de-mandé d'effectuer d'inventaire impliquant des déplacements ;
ALORS D'AUTRE PART QUE viole l'article 455 du Nouveau Code de Procédure Civile pour défaut de motifs l'arrêt attaqué qui retient que le licenciement de Mademoiselle X... était justifié par une cause réelle et sérieuse, sur la considération qu'il n'est pas démontré que l'Association INSTEP FORMATION a tenté de faire démissionner la salariée, en refusant par principe et sans motif de tenir compte des attestations produites par la salariée, par la reprise de la déclaration des premiers juges que « les attestations produites par Gilles Y..., Robert Z..., Alexandre B..., ne seront pas prises en considération par le Conseil » ;
ALORS QUE, de surcroît, en écartant, sans le moindre examen ni le moindre motif, les attestations versées aux débats par la salariée, l'arrêt attaqué a méconnu les droits de la défense de cette dernière et les règles du procès équitable, en violation de l'article 6. 1 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
:Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté la salariée de sa demande en paiement d'une indemnité conventionnelle de licenciement ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE le licenciement dont Christine X... a fait l'objet doit donc être considéré comme procédant d'une cause réelle et sérieuse de sorte que l'intéressée doit être déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
ET AUX MOTIFS DES PREMIERS JUGES QUE le Conseil dira que le départ immédiat de l'entreprise par Mademoiselle X... n'est pas nécessaire pour le « calme » de l'entreprise ; que c'est pourquoi le Conseil dira que le licenciement prononcé par l'INSTEP à l'encontre de Mademoiselle X... relève du licenciement pour cause réelle et sérieuse et non pour faute grave ;
ALORS QUE le salarié lié par contrat de travail à durée indéterminée et qui est licencié alors qu'il compte deux ans d'ancienneté ininterrompue au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à l'indemnité légale ou, le cas échéant, à l'indemnité conventionnelle de licenciement ; qu'ayant constaté que Mademoiselle X... avait plus de 16 ans d'ancienneté dans l'entreprise au moment de son licenciement et que ce licenciement n'était pas justifié par une faute grave, viole la convention collective des organismes de formation et les articles L. 122-9 et L. 131-1 et suivants du Code du Travail l'arrêt attaqué qui refuse à la salariée le droit à l'indemnité conventionnelle de licenciement.
Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils pour l'association Instep formation, demanderesse au pourvoi incident
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que la faute de Mademoiselle X... n'était pas une faute grave et d'AVOIR en conséquence condamné l'association INSTEP FORMATION à lui verser des indemnités de licenciement et un rappel de salaires pour la période de sa mise à pied
AUX MOTIFS QUE Mademoiselle X... a refusé « de manière réitérée » et sans justifier d'un motif légitime de se conformer aux instructions de l'employeur dans l'exercice normal du pouvoir de direction de ce dernier ; qu'il s'agit de la part de la salariée d'une « violation avérée de ses obligations contractuelles » (cf. arrêt p. 7 § 3) ; que l'absence de mise en garde et d'avertissement au cours des seize ans de carrière de la salariée ne suffit pas à caractériser la faute grave mais seulement la cause réelle et sérieuse du licenciement rendant impossible la continuation du contrat de travail sans dommages pour l'entreprise.
ALORS QUE le refus réitéré et injustifié du salarié d'exécuter les ordres de son employeur constitue une faute grave justifiant un licenciement immédiat surtout lorsque le refus du salarié de respecter ses obligations contractuelles est de nature à causer un préjudice à l'entreprise ; qu'en l'espèce les juges du fond ont constaté le refus injustifié de Mademoiselle X... de procéder aux inventaires entrant dans sa mission, et dont l'absence était de nature à exposer l'entreprise à des poursuites pénales et civiles pour tenue irrégulière de comptabilité ; qu'en refusant de qualifier de faute grave cette insubordination réitérée et injustifiée, la Cour d'appel a violé l'article L. 122-6 du Code du travail.