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21/01/2009 | FRANCE | N°08-82460

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 21 janvier 2009, 08-82460


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Nidoimi,

contre l'arrêt du tribunal supérieur d'appel de MAMOUDZOU, chambre correctionnelle, en date du 19 février 2008, qui, pour séjour irrégulier et aide aggravée au séjour irrégulier, l'a condamné à un an d'emprisonnement, à trois ans d'interdiction du territoire français et a ordonné la confiscation des scellés ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 26, 28 et 28-1 de l'

ordonnance 2000-373 du 26 avril 2000 relatives aux conditions d'entrée et de séjour des étrang...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Nidoimi,

contre l'arrêt du tribunal supérieur d'appel de MAMOUDZOU, chambre correctionnelle, en date du 19 février 2008, qui, pour séjour irrégulier et aide aggravée au séjour irrégulier, l'a condamné à un an d'emprisonnement, à trois ans d'interdiction du territoire français et a ordonné la confiscation des scellés ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 26, 28 et 28-1 de l'ordonnance 2000-373 du 26 avril 2000 relatives aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers à Mayotte, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Nidoimi Y...coupable d'entrée irrégulière sur le territoire national et d'aide et assistance à l'entrée sur le territoire national d'étrangers avec cette circonstance d'avoir exposé les étrangers à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente et l'a condamné à une peine d'un an d'emprisonnement et à l'interdiction de territoire national pendant trois ans ;

" aux motifs que le tribunal a déclaré, à juste titre, Nidoimi Y...et Anli Z... coupables d'avoir au large de Kani-Keli et à Mayotte, le 3 décembre 2007, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non couvert par la prescription, étant étrangers, pénétré ou séjourné à Mayotte sans document, visa ou titre les autorisant ou après la durée d'autorisation de leur visa, par aide directe ou indirecte, facilité ou tenté de faciliter l'entrée, la circulation ou le séjour irrégulier d'étrangers à Mayotte, avec cette circonstance que ladite aide a été commise dans des circonstances ayant exposé directement les étrangers à un risque immédiat de mort ou de blessures, de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente, en l'espèce, en transportant entre l'Ile d'Anjouan et Mayotte, 38 passagers à bord d'une embarcation dépourvue du matériel de sécurité nécessaire pour le sauvetage de toutes les personnes présentes à bord et en infraction aux dispositions législatives et réglementaires sur la sauvegarde de la vie humaine en mer et l'habitabilité à bord des navires ; qu'en effet, la seule défense invoquée par le prévenu est de soutenir l'état de nécessité et le défaut d'intention de mettre en danger la vie d'autrui, aucune brassière de sécurité ne se trouvant à bord pour qui que ce soit ; que, toutefois, il résulte des dispositions de l'article 121-3 du code pénal, que, s'il n'y a pas de délit sans intention de le commettre, il y a cependant délit lorsque la loi le prévoit, en cas de faute d'imprudence, de négligence ou de manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement ; qu'en l'espèce, la mise en danger de la vie d'autrui est constituée par le seul fait d'avoir embarqué plusieurs dizaines de passagers sur une petite embarcation dépourvue de tout matériel de sécurité alors qu'il s'agissait de parcourir plus de soixante kilomètres sur un océan qui se révèle parfois très dangereux, le nombre de noyés ne se comptant plus dans ce canal du Mozambique appelé le plus grand cimetière de l'océan indien ; que, selon les dispositions de l'article 122-7 du code pénal, l'état de nécessité allégué suppose un danger actuel ou imminent et concurremment, l'accomplissement d'un acte nécessaire à la sauvegarde de la personne, le seul péril imminent constaté étant celui d'une noyade possible des personnes à protéger, ce qui est tout à fait contraire aux dispositions précitées ; que les faits ont donc été établis par le dossier et les débats, qu'ils ont été reconnus et qu'ils ont été exactement qualifiés ;

" et aux motifs adoptés qu'il résulte du dossier et des débats à l'audience que Nidoimi Y...et Anli Z... se sont rendus coupables des faits qui leur sont reprochés, qu'il convient de les déclarer coupables et de leur faire application de la loi pénale ; que la nature des faits et la personnalité de Nidoimi Y...et Anli Z... justifient une peine d'emprisonnement ferme conformément à l'article 132-19 du code pénal, la confiscation des scellés en vue de leur destruction et l'interdiction du territoire français pour une durée de trois ans ;

" alors que tout jugement ou arrêt en matière correctionnelle doit énoncer les faits dont le prévenu est déclaré coupable et constater l'existence de tous les éléments constitutifs de l'infraction retenue ; que, pour retenir le délit d'entrée irrégulière sur le territoire national incriminé par l'article 26 de l'ordonnance n° 2000-373 du 26 avril 2000 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers à Mayotte, les juges doivent établir l'identité étrangère de la personne poursuivie, son entrée sur le territoire national et son intention d'y entrer en sachant qu'elle était en situation irrégulière ; que, pour retenir le délit d'aide ou d'assistance d'un étranger à entrer sur le territoire national incriminé par l'article 28 de l'ordonnance précitée, les juges doivent constater que le prévenu a aidé des personnes à entrer sur le territoire national, qu'elles étaient étrangères sans disposer d'un titre leur permettant d'entrer sur le territoire national, et que le prévenu le savait ; qu'en l'espèce, en se contentant de reprendre les termes de la prévention, le tribunal supérieur d'appel retient ces deux délits sans préciser les faits en cause et caractériser aucun des éléments constitutifs de ces infractions et sans expliquer ce qui permet d'imputer le délit d'aide à l'entrée et au séjour irrégulier sur le territoire français au prévenu ; qu'ainsi, il n'a pas constaté la nationalité étrangère du prévenu et des passagers de l'embarcation dans laquelle ils se seraient trouvés, l'absence de titre les autorisant à entrer sur le territoire national, la volonté d'entrer sur ce territoire en sachant qu'elles ne disposaient d'aucun titre leur permettant de le faire et le fait que le prévenu le savait ; que la seule constatation que le prévenu avait causé un risque aux passagers, sans préciser en quoi le fait lui était imputable, n'a pu caractériser l'aide apportée à l'entrée irrégulière sur le territoire national d'étrangers ne disposant pas d'un titre leur permettant d'y entrer, d'autant moins que le tribunal supérieur d'appel n'a pas expliqué quel moyen de défense proposé pour le prévenu, il rejetait, ce qui ne permet pas de s'assurer qu'il avait l'intention d'apporter une telle aide ou assistance aux personnes visées à la prévention ;

" alors qu'en retenant la circonstance aggravante de risque causé à autrui, sans préciser en quoi consistait le moyen de défense du prévenu sur ce point, le tribunal supérieur d'appel ne permet pas à la Chambre criminelle d'exercer son contrôle sur la caractérisation de cette circonstance et cette défense " ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que le tribunal supérieur d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, caractérisé en tous leurs éléments, tant matériels qu'intentionnel, les délits de séjour irrégulier et d'aide aggravée au séjour irrégulier à Mayotte dont elle a déclaré le prévenu coupable ;

D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 28 et 28-1 de l'ordonnance n° 2000-373 du 26 avril 2000 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers à Mayotte, 131-30-1 du code pénal, 132-19 et 132-24 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

" en ce que l'arrêt attaqué, après avoir déclaré Nidoimi Y...coupable d'entrée irrégulière sur le territoire national et d'aide et assistance à l'entrée sur le territoire national d'étrangers avec cette circonstance d'avoir exposé les étrangers à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente, l'a condamné à une peine d'un an d'emprisonnement, a ordonné la confiscation des scellés en vue de leur destruction et a prononcé une interdiction du territoire français pour une durée de trois ans ;

" aux motifs adoptés que la nature des faits et la personnalité du prévenu justifient une peine d'emprisonnement ferme conformément à l'article 132-19 du code pénal et l'interdiction du territoire français pour une durée de trois ans ; qu'il convient, en outre, d'ordonner la confiscation des scellés en vue de leur destruction ;

" alors que, d'une part, en matière correctionnelle, la juridiction ne peut prononcer une peine d'emprisonnement sans sursis qu'après avoir spécialement motivé le choix de cette peine, en fonction des circonstances de l'infraction et de la personnalité du prévenu ; qu'en considération que la nature des faits et la personnalité du prévenu justifient une peine d'emprisonnement, reprenant les termes de l'article 132-24 du code pénal, sans plus s'en expliquer au vu des faits de l'espèce, le tribunal supérieur d'appel, qui n'a pas spécialement motivé sa décision de prononcer un emprisonnement ferme à l'encontre du prévenu a méconnu les articles précités ;

" alors que, d'autre part, en matière correctionnelle, le tribunal ne peut prononcer l'interdiction de territoire français que par une décision spécialement motivée au regard de la gravité de l'infraction et de la situation personnelle et familiale de l'étranger s'il se trouve dans l'un des cas définis par l'article 131-30-1 du code pénal ; qu'en considérant que la nature des faits et la personnalité du prévenu justifient une interdiction du territoire national, reprenant les termes de l'article 131-30-1 du code pénal, sans plus s'en expliquer au vu des faits de l'espèce, le tribunal supérieur d'appel, qui n'a pas spécialement motivé sa décision de prononcer une interdiction de territoire français à l'encontre du prévenu, a méconnu les articles précités ;

" alors qu'enfin, la confiscation d'un bien ne peut être prononcée que dans les conditions prévues par les articles 28 et 28-1 de l'ordonnance du 26 avril 2000 ; que, selon l'article 28 II de l'ordonnance du 26 avril 2000, la confiscation ne peut porter que sur la chose qui a servi à commettre l'infraction ; qu'en vertu de l'article 28-1 II de la même ordonnance, portant sur les peines complémentaires de l'aide au séjour aggravée, la confiscation peut porter sur l'ensemble des biens de la personne physique condamnée ; que, dès lors, en confirmant le jugement entrepris en ce qu'il a ordonné la confiscation des scellés, sans dire quels biens ils concernent, le tribunal supérieur d'appel ne met pas la chambre criminelle en mesure d'exercer son contrôle et de s'assurer que sont en cause des biens ayant servi à commettre l'infraction ou des biens appartenant au prévenu et donc susceptibles de confiscation " ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que le tribunal supérieur d'appel a prononcé une peine d'emprisonnement sans sursis par des motifs qui satisfont aux exigences de l'article 132-19 du code pénal ;

D'où il suit que le moyen, inopérant en ses deuxième et troisième branches, les juges n'étant pas tenus, d'une part, hormis les cas expressément prévus par la loi, de motiver spécialement le choix de la sanction qu'ils appliquent dans les limites légales, et, d'autre part, de préciser les termes du dispositif lorsqu'il confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris, doit être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Le Gall conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Arnould conseiller rapporteur, Mme Koering-Joulin conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Lambert ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 08-82460
Date de la décision : 21/01/2009
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Tribunal supérieur d'appel de Mamoudzou, 19 février 2008


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 21 jan. 2009, pourvoi n°08-82460


Composition du Tribunal
Président : M. Le Gall (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2009:08.82460
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