Attendu selon l'arrêt attaqué (Paris, 21 janvier 2007) que Mme X... a été engagée par la Société suisse d'assurances générales pour la vie humaine, le 11 septembre 1989, en qualité de contrôleur des comptes et des procédures comptables ; qu'au dernier état de son contrat de travail, la salariée assurait les fonctions de responsable de la comptabilité du groupe, au niveau II, classe 7, de la convention collective des sociétés d'assurance ; que par lettre du 18 juillet 2001, Mme X... a démissionné en indiquant qu'elle souhaitait quitter l'entreprise le 26 octobre 2001 ; que le 17 septembre 2001, elle a sollicité le paiement d'heures supplémentaires et par courrier du 20 septembre 2001 s'est prévalue d'un changement dans ses conditions de travail et d'une modification de ses attributions qui l'avait conduite à démissionner ; qu'elle a saisi, le 5 février 2002, la juridiction prud'homale afin d'obtenir le paiement d'heures supplémentaires et de voir requalifier la rupture de son contrat de travail en licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Sur le pourvoi de l'employeur :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur le moyen qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Sur le pourvoi de la salarié
Sur le moyen unique :
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt d'avoir dit la rupture du contrat de travail imputable à une démission et de l'avoir en conséquence déboutée de ses demandes tendant au paiement des indemnités de préavis, de licenciement, et de dommages-intérêts pour licenciement non causé alors, selon le moyen :
1° / que lorsque la rupture est consécutive à un non-respect par l'employeur de ses obligations contractuelles, elle s'analyse en un licenciement non causé, peu important que la lettre de rupture ne fasse pas mention des griefs ; que la cour d'appel qui a constaté qu'à la date de la rupture, l'employeur était redevable à sa salariée de 105 700 euros à titre de rappel de salaires pour heures supplémentaires impayées outre les congés payés et les repos compensateurs, n'a pas tiré de ses constatations les conséquences qui s'en déduisaient au regard des articles L. 122-4, L. 122-13 et L. 122-14-3 du code du travail.
2° / qu'elle faisait valoir qu'elle avait été soumise à un surmenage physique et intellectuel tel que toute liberté de démissionner était exclue, surmenage qui au demeurant l'avait conduite à être mise en arrêt de travail pendant la durée du préavis ; qu'en n'examinant pas cette argumentation, et en s'en tenant aux motifs inopérants de la haute qualification de la salariée et de l'absence de réclamation préalable, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard desdites dispositions ;
Mais attendu que la démission est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail ; que lorsque le salarié, sans invoquer un vice du consentement de nature à entraîner l'annulation de sa démission, remet en cause celle-ci en raison de faits ou manquements imputables à son employeur, le juge doit, s'il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines de la démission qu'à la date à laquelle elle a été donnée, celle-ci était équivoque, l'analyser en une prise d'acte de la rupture qui produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient ou dans le cas contraire d'une démission ;
Et attendu que la cour d'appel a relevé que la lettre de démission ne comportait aucune réserve et que la salariée, qui ne justifiait d'aucun litige antérieur ou contemporain de celle-ci avec son employeur, n'avait formulé une réclamation au titre des heures supplémentaires et imputé la responsabilité de la rupture à son employeur que deux mois plus tard ; qu'elle a pu en déduire que rien ne permettait de remettre en cause sa démission ; qu'elle a ainsi légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
Dit n'y avoir lieu à statuer sur le pourvoi principal ;
REJETTE le pourvoi incident ;
Laisse à chaque partie la charge des dépens afférents à son pourvoi ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un janvier deux mille neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit au pourvoi principal par la SCP Vuitton et Ortscheidt, avocat aux Conseils pour la Société suisse d'assurances générales sur la vie humaine.
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR condamné la Société SUISSE d'ASSURANCES GENERALES SUR LA VIE HUMAINE à payer à Mme X... une somme de 105. 700, 05 à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires, 10. 570 au titre des congés payés y afférents, 76. 452, 76 à titre de repos compensateurs et 7. 645, 27 au titre des congés payés y afférents ;
AUX MOTIFS QUE pour s'opposer à la demande formée à ce titre, la Société SUISSE d'ASSURANCES GENERALES SUR LA VIE HUMAINE soutient d'abord que Mme X... s'est abstenue de solliciter le paiement des heures supplémentaires pendant plus de 12 ans ; que cependant cette circonstance ne peut valoir renonciation à en demander le paiement ni aveu de leur non accomplissement ; que la société SUISSE fait ensuite valoir, concernant la période antérieure au 1er février 2000, que Mme X..., cadre supérieur classe 7 au plus haut niveau de la hiérarchie qui jouissait de la plus grande liberté pour gérer seule son travail et la planification de ses activités et de celles de ses collaborateurs et percevait une rémunération forfaitaire, ne pouvait prétendre au paiement d'heures supplémentaires ; que si Mme X... était effectivement cadre classe 7 niveau 2 correspondant au dernier échelon des cadres fonctionnels selon la classification conventionnelle, elle n'avait pas pour autant la qualité de cadre dirigeant compte tenu des conditions d'exercice de ses fonctions et du niveau de sa rémunération, comme n'en disconvient pas au demeurant la société SUISSE, dans la mesure où elle ne faisait pas partie du comité exécutif de la société, elle disposait d'une autonomie limitée agissant dans le cadre de sa délégation de pouvoir et sous le contrôle de M. Y..., sous directeur du département comptabilité qui visait et signait les demandes d'autorisation de congés, de modification d'horaire et de travail le samedi la concernant ; qu'ainsi, ni sa qualité de cadre ni l'existence d'une liberté d'organisation liée à l'exécution de son travail dont atteste M. Y... ne suffisent à exclure le droit au paiement d'heures supplémentaires, sauf à constater l'existence d'un salaire forfaitaire compensant des dépassements d'horaires résultant des impératifs de la fonction assurée ; que la société SUISSE à qui incombe la charge de prouver l'existence d'un salaire forfaitaire qu'elle invoque, en veut pour preuve les bulletins de salaire ; que cependant ceux-ci, loin de mentionner aucune référence horaire, comme elle le prétend, portent mention de l'horaire de base mensuel global avec la précision qu'il correspond au nombre d'heures payées, sans aucune référence à un quelconque forfait, au demeurant non prévu contractuellement, et sans que soit déterminé le nombre d'heures supplémentaires inclus dans cette rémunération ; que les lettres du 30 juin et du 22 décembre 1999 de l'inspecteur du travail n'ont pas la portée que la Société SUISSE entend leur donner dans la mesure où la non prise en compte des heures de travail « écrêtées » des cadres de classe 7, sans aucune précision, est la conséquence nécessaire du contrôle limité effectué en septembre et octobre 1999 par l'Inspecteur du travail sur un certain nombre de salariés du siège dont les bulletins de salaire lui avaient été transmis ; qu'au surplus il résulte des notes établies, visées et signées par M. Y..., suite à l'accord d'entreprise du 17 mars 1997 en vigueur au 1er avril 1997 applicable à tous les collaborateurs des services internes sauf dérogation particulière dont il n'est pas justifié qu'elle viserait les cadres de classe 7, qui prévoit des heures supplémentaires à l'initiative des responsables de service et un horaire mobile de travail de 38 h 30 sure une semaine de 5 jours avec plages fixes 9 h 15 – 12 h, 14 h – 16 h 30, dont le décompte est effectué au moyen d'un badge d'accès, que Mme X... était soumise à un horaire réglementé et contrôlée donnant lieu éventuellement à des aménagements : changement de l'horaire d'arrivée, travail le samedi à la demande expresse de son supérieur hiérarchique ; que s'agissant de la période postérieure la société SUISSE fait valoir que Mme X... ne justifierait pas avoir satisfait au « très lourd formalisme » prévu pour l'accomplissement des heures supplémentaires par l'article 5 de l'accord collectif d'entreprise signé le 18 janvier 2000 exigeant une demande formelle et écrite de la hiérarchie et par le règlement relatif à l'organisation du temps de travail – horaire mobile ajoutant la nécessité de l'accord préalable du Département des Ressources Humaines ; que cependant la société SUISSE ne saurait utilement contester l'existence d'une demande de la hiérarchie d'accomplissement d'heures supplémentaires par l'intéressée pour le compte de l'entreprise dès lors qu'il est établi par les pièces produites au débat que la directrice des ressources humaines était destinataire des demandes d'autorisation de travailler certains samedis quelques fois avec une arrivée plus matinale, validée par M. Y... suivant notes établies par lui en 2000 et que la société par son directeur adjoint M. Z... après avoir informé par lettre du 8 août 2001 Mme A... Directrice des ressources humaines du dépassement par Mme X... du contingent annuel conventionnel de 100 heures et de l'existence d'une obligation de récupération des 159 heures 49 minutes comptabilisées par la hiérarchie, en a avisé l'intéressée par lettre du 3 septembre puis l'a mise en oeuvre par lettre du 10 septembre 2001, permettant à Mme X... de présenter par écrit à M. Z... qui les a signées, des demandes de récupération de ces heures supplémentaires, nécessairement accomplies avec l'accord de l'employeur et pour son compte, conformément à la note du 3 septembre 2001 et d'en récupérer effectivement une partie avant son départ de l'entreprise ; qu'il résulte des attestations précises et concordantes de Mesdames B... et C..., collègues de travail, que le dépassement d'horaire avait lieu pour Mme X... le dimanche, le samedi ou tard le soir à la demande expresse de sa hiérarchie ; que par suite Mme X... est en droit de demander le paiement des heures supplémentaires qu'elle avait été amenée à accomplir ; qu'à l'appui de sa demande, Mme X... au débat un tableau récapitulatif de calcul des heures supplémentaires pour toute la période considérée en fonction des majorations applicables et leurs décomptes mensuels présentés à partir de relevés journaliers très détaillés établis à partir de la liste des résultats journaliers émanant de l'entreprise et correspondant à des relevés de « badgeage » ; qu'alors que la Société SUISSE dispose des éléments de contrôle des horaires au moyen de badgeage mis en place dès 1981 impliquant de pointer électroniquement à chaque entrée et sortie, elle ne produit aucun élément de nature à établir les horaires effectivement réalisés par Mme X... ni même à contredire ses décomptes, étant observé que l'attribution de jours de congés prévue à l'article 7 de l'accord cadre ne peut tenir lieu de règlement d'heures supplémentaires et ne fait en tout état de cause l'objet d'aucun décompte de la part de l'employeur et que et que la récupération qui a été seulement partielle a été prise en compte par la salariée ; qu'au vu de ces éléments de fait et de preuve fournis par les parties, il apparaît que Mme X... a accompli des heures supplémentaires qui n'ont pas été rémunérées ; qu'il convient, en conséquence, d'infirmer le jugement et de faire droit aux demandes d'heures supplémentaires outre les congés payés et partant de repos compensateur et des congés payés incidents » ;
1°) ALORS QUE dans ses conclusions déposées à l'audience et reprises oralement, la Société SUISSE d'ASSURANCES GENERALES SUR LA VIE HUMAINE ne soutenait pas que Mme X... n'avait pas la qualité de cadre dirigeant, mais simplement qu'il « n'a jamais été allégué qu'elle était membre de la direction » (concl., p. 12) ; que la Société SUISSE d'ASSURANCES GENERALES SUR LA VIE HUMAINE ajoutait que la salariée était un cadre supérieur au plus haut niveau de la hiérarchie, rattachée à la direction générale de l'entreprise et totalement autonome (concl., p. 12) ; qu'en statuant comme elle l'a fait, motif pris que la Société SUISSE d'ASSURANCES GENERALES SUR LA VIE HUMAINE ne « disconvient pas » que Mme X... n'avait pas la qualité de cadre dirigeant, la Cour d'appel a dénaturé les écritures claires et précises de cette société, en violation de l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE le cadre dirigeant est celui à qui sont confiées des responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de son emploi du temps, qui est habilité à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoit une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans l'entreprise ou dans l'établissement ; qu'ainsi, en décidant que Mme X... n'avait pas la qualité de cadre dirigeant au motif inopérant qu'elle « ne faisait pas partie du comité exécutif de la société », qu'elle agissait « dans le cadre de sa délégation de pouvoirs et sous le contrôle de M. Y... sous directeur du département comptabilité qui visait et signait les demandes d'autorisation de congés, de modification d'horaires et de travail le samedi la concernant », ces éléments ne permettant pas d'exclure que Mme X... se serait vue confier des responsabilités importantes impliquant une grande indépendance dans l'organisation de son emploi du temps, qu'elle était habilitée à prendre des décisions de façon largement autonome et percevait une rémunération se situant parmi les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans l'entreprise, la Cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 212-15-1 du Code du travail.
Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat aux Conseils pour Mme X....
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit la rupture du contrat de travail imputable à une démission de Mme X... et de l'avoir en conséquence déboutée de ses demandes tendant au paiement des indemnités de préavis, de licenciement, et de dommages et intérêts pour licenciement non causé
AUX MOTIFS QUE une démission, à défaut de laquelle il est impossible d'imputer au salarié la rupture de son contrat de travail, ne peut résulter que d'une manifestation non équivoque de volonté de sa part ; que lorsqu'un salarié justifie sa démission par des manquements de l'employeur à ses obligations, celle-ci s'analyse en une prise d'acte de la rupture de son contrat de travail qui produit les effets, soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, si les faits invoqués la justifier, soit, dans le cas contraire, d'une démission ; qu'en l'espèce, la lettre manuscrite de démission du 18 juillet 2001 par laquelle Mme X... qui était en mesure d'en comprendre la portée eu égard à sa haute qualification, se borne en termes explicites et dénués d'ambiguïté à présenter sa démission à son employeur avec un départ souhaité le 26 octobre 2000, en précisant qu'elle était à sa disposition pour convenir avec lui des modalités de son départ, n'est assortie d'aucun grief ou allégation à l'égard de l'employeur ; que ni la réclamation relative au paiement d'heures supplémentaires formée postérieurement et pour la première fois le 17 septembre 2001 soit près de deux mois plus tard, ni la lettre du septembre 2001 imputant à l'employeur la responsabilité de la rupture, ni non plus la saisine de la juridiction prud'homale intervenue encore 5 mois plus tard, ne sont de nature à remettre en cause une démission dont il n'est pas prétendu qu'elle aurait été précédée d'une quelconque réclamation à l'encontre de l'employeur pour quelque manquement que ce soit à ses obligations, alors surtout qu'il est établi qu'à la date de la notification de la rupture Mme X... se trouvait nécessairement dans la perspective du nouveau poste qu'elle occupera chez un autre employeur la société AXA en qualité de responsable consolidation dès le 5 novembre 2001, soit 5 jours après l'expiration du préavis initialement prévu ; qu'il s'ensuit que Mme X... a exprimé sa volonté claire et non équivoque de démissionner
ALORS QUE, D'UNE PART, lorsque la rupture est consécutive à un non respect par l'employeur de ses obligations contractuelles, elle s'analyse en un licenciement non causé, peu important que la lettre de rupture ne fasse pas mention des griefs ; que la Cour d'appel qui a constaté qu'à la date de la rupture, l'employeur était redevable à sa salariée de 105 700 euros à titre de rappel de salaires pour heures supplémentaires impayées outre les congés payés et les repos compensateurs, n'a pas tiré de ses constatations les conséquences qui s'en déduisaient au regard des articles L. 122-4, L. 122-13 et L. 122-14-3 du Code du travail
ALORS surtout QUE, Mme X... faisait valoir qu'elle avait été soumise à un surmenage physique et intellectuel tel que toute liberté de démissionner était exclue, surmenage qui au demeurant l'avait conduite à être mise en arrêt de travail pendant la durée du préavis ; qu'en n'examinant pas cette argumentation, et en s'en tenant aux motifs inopérants de la haute qualification de la salariée et de l'absence de réclamation préalable, la Cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard desdites dispositions.