LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique du pourvoi principal, ci-après annexé :
Attendu qu'ayant retenu que la société compagnie des immeubles du Midi (CIM) ne démontrait pas avoir renoncé avant le 15 novembre 1997, date limite fixée pour la levée de l'option, à la condition suspensive d'obtention d'un prêt dans le délai de quarante cinq jours, soit au plus tard le 11 août 1997, la cour d'appel a exactement déduit de ces seuls motifs que les prétentions de la société CIM qui ne bénéficiait pas à la date de la vente à la commune d'un droit concurrent sur l'immeuble devaient être rejetées, la caducité de la promesse dont elle bénéficiait étant acquise ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le pourvoi incident éventuel de la société Habitation de Haute Provence :
REJETTE les pourvois ;
Condamne la société CIM aux dépens des pourvois ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société CIM à payer la somme de 2 500 euros à la société Habitation de Haute Provence, la somme de 2 500 euros à la commune de Manosque et la somme de 1 000 euros à la société Foncière Masséna ; rejette la demande de la société CIM ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, troisième chambre civile, et prononcé à l'audience publique du quatorze janvier deux mille neuf, par M. Cachelot, conseiller le plus ancien faisant fonction de président, conformément à l'article 452 du code de procédure civile.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Choucroy, Gadiou et Chevallier, avocat aux Conseils pour la société Compagnie des Immeubles du Midi, (demanderesse au pourvoi principal).
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR refusé d'annuler la vente intervenue entre la Ville de MANOSQUE et la Société SOCIM, et de constater la perfection de la vente au profit de la Société CIM, aux conditions de la promesse de vente du 27 juin 1997 ;
AUX MOTIFS QU'en droit le bénéficiaire d'une promesse de vente est fondé à invoquer contre une personne, même étrangère à cette promesse, soit la fraude à laquelle celle-ci se serait associée, soit seulement la faute dont elle se serait rendue coupable en acceptant d'acquérir un immeuble qu'elle savait faire l'objet de la promesse ; que le juge du fond a la liberté d'accorder le mode de réparation qui lui paraît le plus adéquat au dommage subi, et, en l'absence d'un texte l'édictant, l'annulation de la vente critiquée est une faculté et non une obligation ; qu'en l'espèce la connaissance de la promesse unilatérale de vente résultait évidemment de la procédure de préemption faisant suite à la déclaration d'intention d'aliéner ; que contrairement à ce qu'a jugé le Tribunal Administratif, dont le jugement du 7 janvier 1999 a été annulé et les motifs substitués en appel, l'arrêté de préemption du 19 septembre 1997 a bien été notifié au notaire du propriétaire le 29 septembre 1997, soit dans le délai de 2 mois à compter du 4 août 1997 de sorte qu'il n'existait aucun vice de forme ; que la Société CIM, qui a déposé son recours le 20 novembre 1997, n'a pas cherché à obtenir en référé la suspension des effets de l'arrêté municipal et n'a fait enregistrer que le 16 mars 1998 une requête aux fins de sursis à exécution de l'arrêté litigieux, postérieurement à la vente intervenue le 25 février 1998, alors que la Société CIM entretenait avec la Société SOCIM des rapports permanents, les deux promoteurs ayant convenu que si le prix de vente n'était pas réglé dans les 6 mois à compter du 12 novembre 1997, ils concluraient l'affaire (courrier CIM à SOCIM du 18 novembre 1997 et sa réponse du 26 novembre 1997) ; que la Société CIM pouvait également obtenir des renseignements par l'intermédiaire de son notaire Maître Y...
X... auprès de ses confrères Maîtres Z... et A... ; qu'il n'est pas indifférent de rappeler l'objet incontesté, quoique tardivement invoqué par la Commune (d'où l'illégalité) invoqué dans la délibération du 20 novembre 1997 relatif à la mise en oeuvre d'une politique sociale et urbaine qui s'est effectivement concrétisée par le bail emphytéotique au profit de la SOCIETE D'HLM ; que de son côté la Ville de MANOSQUE n'a pas commis de faute par la seule circonstance qu'elle a empêché l'opération de promotion convenue et a privé la Société CIM de bénéfices escomptés alors que la Société CIM qui avait cessé les recherches de financement pour des raisons compréhensibles suite à la préemption ne démontre pas avoir informé la Ville de MANOSQUE de la renonciation à la condition suspensive relative à l'obtention du prêt de sorte que rien n'indiquait au 25 février 1998 que la Société CIM bénéficiait alors d'un droit concurrent sur l'immeuble ; que d'ailleurs même l'assignation délivrée le 18 février 2003 à la Ville de MANOSQUE ne comporte toujours pas la matérialisation de la renonciation à la condition suspensive tenant au prêt puisqu'elle en revendique expressément devait (sic) le bénéfice et que ce n'est que par conclusions d'appel du 2 mars 2007 que la Société CIM devait renoncer formellement au bénéfice de ladite condition ; que l'ensemble de ces circonstances est exclusive non seulement d'une fraude mais également d'une faute de nature à justifier les prétentions telles que formulées par la Société CIM ;
ALORS QUE, D'UNE PART, l'annulation de la décision de préemption est rétroactive et le titulaire du droit de préemption, en conséquence de cette annulation, est censé avoir renoncé à préempter ; qu'il en résulte que la vente conclue au bénéfice du titulaire du droit de préemption est nulle ; que l'action en nullité peut être exercée par l'acquéreur évincé titulaire d'une promesse de vente ; qu'ainsi, en jugeant que « le juge du fond a la liberté d'accorder le mode de réparation qui lui paraît le plus adéquat au dommage subi, et, en l'absence d'un texte l'édictant, l'annulation de la vente critiquée est une faculté et non une obligation », la Cour d'Appel n'a pas justifié légalement sa décision au regard des articles 1134 et 1176 du Code Civil ;
ET ALORS, D'AUTRE PART, QUE l'annulation de la préemption et de la vente entraîne la réitération de la promesse de vente initiale ; qu'ainsi, dès lors qu'il résultait de ses propres constatations que la Société CIM bénéficiait d'un délai expirant au 15 novembre 1997 pour lever l'option et que la Ville de MANOSQUE avait exercé son droit de préemption le 19 septembre 1997, et que la condition suspensive insérée dans la promesse de vente l'était au seul profit de la Société CIM, ce qui autorisait celle-ci à y renoncer, ce qu'elle avait fait à tout le moins au jour de l'arrêt, la Cour d'Appel ne pouvait refuser de constater la vente au profit de la Société CIM sans violer les dispositions des articles 1176, 1584 et 1589 du Code Civil.
Moyen produit par la SCP Baraduc et Duhamel, avocat aux Conseils pour la société Habitation de Haute Provence, (demanderesse au pourvoi incident éventuel).
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté l'exception d'incompétence au profit de la juridiction administrative ;
AUX MOTIFS QUE l'article L. 911-4 du Code de justice administrative permet à l'acquéreur évincé, partie intéressée par la décision d'annulation d'un arrêté de préemption, de demander à la cour administrative d'appel qui a rendu la décision d'en assurer l'exécution en procédant à la définition des mesures nécessaires, en fixant des délais et des astreintes ; que cette faculté pour la société CIM lui était fermée dès lors que le titulaire du droit de préemption a entre-temps cédé le bien illégalement préempté ce qui était le cas depuis le 25 février 1998 jour de l'établissement d'un bail emphytéotique d'une durée de 99 ans consenti par la commune de Manosque au profit de la SA d'HLM DES ALPES DE HAUTE PROVENCE, conférant au preneur un droit réel d'usage et de jouissance publié aux hypothèques près de deux ans avant la décision de la cour administrative d'appel de Marseille ; que ce pouvoir d'injonction, au demeurant impossible en l'espèce, n'empêche nullement à l'acquéreur évincé de saisir le juge judiciaire, sans litispendance, l'annulation de la décision de préemption, détachable du contrat, n'affectant pas directement ce dernier, le contrat continuant à produire ses effets tant qu'une résiliation amiable n'est pas signée ou que sa nullité n'est pas constatée par le juge judiciaire ; que c'est donc sans porter atteinte au principe de la séparation des autorités administratives et judiciaires que l'acquéreur évincé peut demander l'annulation du contrat au juge judiciaire en se fondant sur les droits qu'il détient de l'avant contrat ;
ALORS QU'il appartient à la seule juridiction administrative de prononcer les mesures nécessaires à l'exécution d'une décision d'annulation d'un arrêté de préemption ; qu'en rejetant cependant l'exception d'incompétence soulevée par la société HABITATIONS DE HAUTE PROVENCE au profit de la juridiction administrative, la cour d'appel a violé l'article 75 du Code de procédure civile et la loi des 16-24 août 1790.