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13/01/2009 | FRANCE | N°07-17692

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 13 janvier 2009, 07-17692


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 27 mai 2007), que le Syndicat des producteurs du miel de France (SPMF) a demandé à ce qu'il soit fait interdiction à l'Union nationale de l'apiculture française (UNAF) et au Syndicat national de l'apiculture (SNA) de se présenter sous la dénomination de syndicat ou d'union de syndicats faute de réunir exclusivement des personnes exerçant habituellement l'activité professionnelle d'apiculteur au sens du droit fiscal ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal du SM

PF :

Attendu que le SPMF fait grief à l'arrêt de l'avoir débouté de s...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 27 mai 2007), que le Syndicat des producteurs du miel de France (SPMF) a demandé à ce qu'il soit fait interdiction à l'Union nationale de l'apiculture française (UNAF) et au Syndicat national de l'apiculture (SNA) de se présenter sous la dénomination de syndicat ou d'union de syndicats faute de réunir exclusivement des personnes exerçant habituellement l'activité professionnelle d'apiculteur au sens du droit fiscal ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal du SMPF :

Attendu que le SPMF fait grief à l'arrêt de l'avoir débouté de ses demandes, alors, selon le moyen :

1°/ qu'il ressort de l'article L. 411-2 du code du travail que ne peuvent se prévaloir de ces dispositions que les syndicats ou associations professionnels de personnes exerçant la même profession, des métiers similaires ou des métiers connexes, concourant à l'établissement de produits déterminés, ou la même profession libérale ; que la condition de concourir à l 'établissement d'un produit déterminé, serait-ce en vendant ce produit et en en retirant des revenus occasionnels n'est donc pas suffisante pour satisfaire aux exigences de ce texte ; de sorte qu'en statuant par les motifs qui reviennent à faire abstraction de la condition par ailleurs énoncée par l'article L. 411-2 du code du travail relative à la qualité de professionnel des membres d'un syndicat, la cour d'appel a méconnu les dispositions de ce texte ;

2°/ qu'en déboutant le SPMF de sa demande tendant à voir interdire au SNA et à l'UNAF de se présenter sous la dénomination de syndicat après avoir constaté qu'il résultait de leurs statuts que ceux-ci ne pouvaient avoir pour membres que des groupements constitués en syndicats, d'où il se déduisait que ces entités pouvaient avoir tout au plus la qualité d'unions de syndicats et non de syndicats, la cour d'appel, qui n'a pas déduit de ses propres constatations les conséquences légales qui s'en évinçaient nécessairement, a en toute occurrence violé l'article L. 411-2 du code de travail, ensemble l'article L. 411-21 du même code ;

3°/ qu'en déboutant le SPMF de sa demande tendant à voir interdire au SNA et à l'UNAF de se présenter sous la dénomination d'unions de syndicats sans rechercher, ainsi qu'elle y était pourtant invitée, si cette qualification ne se trouvait pas exclue par le fait que la plupart des groupements adhérant au SNA ou à l'UNAF n'étaient pas des syndicats, qualité qu 'ils devaient pourtant avoir pour adhérer à une union de syndicats, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 411-21 du code du travail ;

Mais attendu, d'abord, que selon l'article 2 de la Convention n° 87 de l'OIT ratifiée par la France et relative à la liberté syndicale et à la protection du droit syndical, les travailleurs et les employeurs, sans distinction d'aucune sorte, ont le droit de constituer des organisations de leur choix et que, selon l'article 5, ces organisations ont le droit de former d'autres groupements ;

Attendu, ensuite, que c'est à bon droit que la cour d'appel a retenu que l'article L. 411-2, devenu l'article L. 2131-2 du code du travail, qui suppose l'existence d'activités rémunérées à l'exclusion des activités désintéressées ou philanthropiques, ne distingue pas selon que ces activités sont exercées à titre exclusif, accessoire ou occasionnel, ni selon que les revenus qui en sont tirés constituent un revenu principal ou accessoire de sorte que peuvent constituer un syndicat tous les producteurs de miel et que doit être considéré comme tel tout apiculteur qui commercialise ses produits ;

Que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident du SNA :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi principal ;

Déclare non admis le pourvoi incident ;

Condamne le SPMF aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, le condamne à payer à l'UNAF et au SNA la somme de 2 000 euros chacun ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize janvier deux mille neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP VINCENT et OHL, avocat aux Conseils pour le SPMF, demandeur au pourvoi principal

En ce que l'arrêt attaqué, par confirmation du jugement dont appel, a débouté le SPMF de sa demande tendant à faire défense à l'UNAF et au SNA de se présenter sous la dénomination de syndicat ou union de syndicats et à les voir condamnés chacun à lui payer la somme de 75 000 euros à titre de dommages-intérêts.

Aux motifs que l'article L 411-1 du code du travail dispose à son alinéa premier que "les syndicats ou associations professionnels de personnes exerçant la même profession, des métiers similaires ou des métiers connexes, concourant à l'établissement de produits déterminés ou la même profession libérale peuvent se constituer librement" ; que le SNA fait exactement observer que l'article L 411-1 du code du travail, s'il exclut de la définition des syndicats ou associations professionnels les activités désintéressées ou philanthropiques, ne distingue pas, en revanche, selon que les activités rémunérées concernées sont exercées à titre exclusif, accessoire ou occasionnel, ni si les revenus qui en sont tirés constituent un revenu principal ou accessoire ; qu'il ressort de l'audit de la filière MIEL d'août 2005 de l'OONIFHLOR, produit aux débats par le SPMF, que les apiculteurs professionnels, définis comme ceux qui disposent de plus de 150 ruches, ne représentent que 2,6 % des apiculteurs et détiennent ensemble 45 % des ruches, soit environ 600.000 ruches, alors que les apiculteurs exploitant moins de 10 ruches représentent 78 % des apiculteurs et détiennent ensemble près de 22 % des ruches (ceux exploitant de 11 à 70 ruches et de 70 à 150 ruches représentant respectivement 10,7 % et 23 % des ruches) ; que le SNA fait observer, sans être contredit, que près de 60 % des miels commercialisés est vendu directement aux consommateurs par les apiculteurs dits amateurs, le reste étant vendu par les apiculteurs professionnels et semi professionnels aux grandes sociétés de négoce et aux coopératives pour être vendu, après conditionnement, en pots à la grande distribution ; qu'il fait exactement valoir que tous les apiculteurs – producteurs, quels que soient leurs statuts juridiques, professionnels ou pluriactifs exerçant parallèlement à leur activité agricole des activités à caractère artisanal ou commercial, concourent, conformément aux dispositions de l'article L 411-2 du code du travail, à l'établissement d'un produit déterminé, en l'occurrence le miel ; que c'est dès lors à juste titre que les premiers juges ont déclaré que tout apiculteur peut être considéré comme producteur dès lors qu'il commercialise les produits de sa ruche ;

que dans ces conditions, le SNA, qui à sa création regroupait des apiculteurs ou des associations apicoles, et qui aux termes de l'article 3 de ses statuts actuellement en vigueur, a notamment pour but de "favoriser et de promouvoir le développement de l'apiculture française et la production de miel indigène, d'améliorer les connaissances techniques des apiculteurs…" et "de centraliser les demandes d'achat du matériel et des fournitures apicoles émanant de ses adhérents.. de faciliter à ses adhérents la vente du miel et des produits des ruchers…" et dont l'article 5 des statuts précise que "seuls peuvent faire partie de la Fédération des groupements constitués en syndicats conformément aux lois du 31 mars 1884, du 12 mars 1920 et du 25 février 1927…" satisfait aux conditions des articles L 411-1 et L 411-2 du code du travail ; qu'il en est de même pour l'UNAF dont le but statutaire précisé à l'article 5 de ses statuts actuellement en vigueur est, notamment, "d'unir sur le plan apicole tous les groupements syndicaux s'y rattachant…et de défendre les intérêts de tous les apiculteurs.." et dont peuvent être membres, selon l'article 6 de ses statuts, "toutes les organisations syndicales et groupements syndicaux apicoles régulièrement constitués suivant les lois des 21 mars 1884, 12 mars 1920 et 25 février 1927" (arrêt attaqué, pages 3 à 5) ;

1°/ Alors qu' il ressort de l'article L.411-2 du code du travail que ne peuvent se prévaloir de ces dispositions que les syndicats ou associations professionnels de personnes exerçant la même profession, des métiers similaires ou des métiers connexes, concourant à l'établissement de produits déterminés, ou la même profession libérale ; que la condition de concourir à l'établissement d'un produit déterminé, serait-ce en vendant ce produit et en en retirant des revenus occasionnels n'est donc pas suffisante pour satisfaire aux exigences de ce texte ; de sorte qu'en statuant par les motifs sus-reproduits qui reviennent à faire abstraction de la condition par ailleurs énoncée par l'article L.411-2 du code du travail relative à la qualité de professionnel des membres d'un syndicat, la cour d'appel a méconnu les dispositions de ce texte ;

2°/ Alors, au surplus, qu' en déboutant le SPMF de sa demande tendant à voir interdire au SNA et à l'UNAF de se présenter sous la dénomination de syndicat après avoir constaté qu'il résultait de leurs statuts que ceux-ci ne pouvaient avoir pour membres que des groupements constitués en syndicats, d'où il se déduisait que ces entités pouvaient avoir tout au plus la qualité d'unions de syndicats et non de syndicats, la cour d'appel, qui n'a pas déduit des ses propres constatations les conséquences légales qui s'en évinçaient nécessairement, a en toute occurrence violé l'article L. 411-2 du code de travail, ensemble l'article L. 411-21 du même code ;

3°/ Et alors enfin qu' en déboutant le SPMF de sa demande tendant à voir interdire au SNA et à l'UNAF de se présenter sous la dénomination d'unions de syndicats sans rechercher, ainsi qu'elle y était pourtant invitée (cf. conclusions d'appel du syndicat des producteurs du miel de France signifiées le 27 février 2007, p. 9, § 11), si cette qualification ne se trouvait pas exclue par le fait que la plupart des groupements adhérant au SNA ou à l'UNAF n'étaient pas des syndicats, qualité qu'ils devaient pourtant avoir pour adhérer à une union de syndicats, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 411-21 du code du travail.

Moyen produit par la SCP ROCHETEAU et UZAN-SARANO, avocat aux Conseils pour le SNA, demandeur au pourvoi incident

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté le SNA tendant de sa demande de condamnation du SPMF pour procédure abusive,

AUX MOTIFS QU'au soutien de sa demande, le SNA explique que l'action engagée par l'appelant n'est en réalité qu'une basse manoeuvre de concurrence syndicale, qui fait suite à d'autres tentatives de sa part qui ont échoué, le SPMF menant contre lui une campagne de dénigrement dans la presse et auprès des plus hautes autorités intervenant dans le domaine apicole, y compris la FNSEA dans le seul but de s'assurer le contrôle de la filière miel en devenant le syndicat unique ; qu'il produit aux débats une lettre du SPMF daté de juillet 1996, dans laquelle ce syndicat expose les raisons de l'action en « déqualification » qu'il a engagée contre le SNA et l'UNAF ; que la diffusion par le SPMF d'une lettre « ouverte » pour expliquer les raisons de l'action en justice de « déqualification syndicale » qu'il a engagée contre le SNA ne caractérise pas une intention malicieuse de sa part ;

ALORS QUE l'abus du droit d'agir n'est pas subordonné à l'existence d'une intention nocive ou malicieuse ; qu'il peut être caractérisé en présence d'une erreur grossière, ou même d'une légèreté blâmable ; que tel est en particulier le cas lorsque l'action, par elle-même, ou à raison des circonstances l'entourant, est de nature à porter atteinte à l'honneur ou aux intérêts primordiaux de la personne qu'elle vise ; qu'en l'espèce, en écartant le caractère abusif de la procédure, au seul motif, inopérant, qu'il n'y avait pas d'intention malicieuse de la part du SPMF, sans rechercher si l'attitude de ce dernier ne révélait pas son erreur grossière équipollente au dol ou même sa légèreté blâmable, caractérisant l'abus du SPMF qui avait inconsidérément diffusé une lettre ouverte faisant état de l'action en « déqualification syndicale » engagée à l'encontre de l'exposant, de nature à porter gravement atteinte aux intérêts de ce dernier, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1382 et suivants du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 07-17692
Date de la décision : 13/01/2009
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Analyses

SYNDICAT PROFESSIONNEL - Constitution - Conditions - Détermination - Portée

CONVENTIONS INTERNATIONALES - Accords et conventions divers - Convention internationale du travail n° 87 - Application - Article 2 - Liberté syndicale

L'article 2 de la Convention n° 87 de l'Organisation internationale du travail relative à la liberté syndicale et à la protection du droit syndical, ratifiée par la France, prévoit que les travailleurs et les employeurs, sans distinction d'aucune sorte, ont le droit de constituer des organisations de leur choix, et l'article 5 que ces organisations ont le droit de former d'autres groupements, l'article L. 411-2 devenu L. 2131-2 du code du travail qui suppose l'existence d'activités rémunérées à l'exclusion des activités désintéressées ou philanthropiques, ne distingue pas selon que ces activités sont exercées à titre exclusif, accessoire ou occasionnel, ni selon que les revenus qui en sont tirés constituent un revenu principal ou accessoire. C'est dès lors à bon droit qu'une cour d'appel décide que peuvent constituer un syndicat tous les producteurs de miel, que doit être considéré comme tel tout apiculteur qui commercialise ses produits et rejette, en conséquence, la demande d'une organisation professionnelle tendant à faire interdiction à d'autres organisations de se présenter sous la dénomination de syndicat ou d'union de syndicats faute de réunir exclusivement des personnes exerçant habituellement l'activité professionnelle d'apiculteur au sens du droit fiscal


Références :

articles 2 et 5 de la Convention internationale du travail n° 87

article L. 411-2 devenu L. 2131-2 du code du travail

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 27 mai 2007


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 13 jan. 2009, pourvoi n°07-17692, Bull. civ. 2009, V, n° 11
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2009, V, n° 11

Composition du Tribunal
Président : Mme Collomp
Avocat général : M. Aldigé
Rapporteur ?: M. Béraud
Avocat(s) : Me Brouchot, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, SCP Vincent et Ohl

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2009:07.17692
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