LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, ci-après annexé :
Attendu qu'ayant par motifs propres et adoptés constaté que les usages commerciaux incluaient dans l'activité de débit de tabac comme annexe et accessoire, l'activité de vente de communications téléphoniques, qu'il n'y avait pas lieu d'opérer de distinction relative au mode de commercialisation de ces communications téléphoniques soit par la présence d'une cabine téléphonique et par la vente de cartes de téléphone pour cabines de téléphone fixe soit eu égard à l'évolution normale des usages commerciaux et du marché du téléphone par la vente de cartes de recharge pour téléphones mobiles, qu'il s'agissait d'un même commerce qui s'adresse à la même clientèle avec le même but, celui de rendre un service de proximité au public, la cour d'appel a, sans dénaturation, souverainement retenu que l'activité de vente de cartes de recharge pour téléphones mobiles était incluse dans la destination contractuelle du bail ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les époux X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne les époux X... à payer aux époux Y... la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six janvier deux mille neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Hémery, avocat aux Conseils pour les époux X....
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir dit que la vente de communications téléphoniques au moyen de cartes de recharge pour téléphones mobiles est une activité incluse, annexe et accessoire à celle de débit de tabac et d'avoir en conséquence débouté les époux X... de toutes leurs demandes,
AUX MOTIFS QU'« est en cause le respect par les époux Y... de la clause de destination du bail en date du 13 octobre 1994 ; selon celle-ci, les preneurs peuvent, « à l'exclusion de toute autre utilisation de quelque nature importance et durée que ce soit » se livrer à l'activité de « LIBRAIRIE-DÉPÔT DE PRESSE-TABLETTERIE-ARTICLES DE PARIS-DÉBIT DE TABAC-LOTO ET LOTERIE NATIONALE » ; les époux X... font, en effet, grief aux époux Y... de vendre des cartes téléphoniques et, singulièrement, des cartes de téléphone mobile ; historiquement et statutairement, les débitants de tabac ont été soumis à des « charges d'emploi » que l'administration leur imposait dans un intérêt public notamment en rapport avec les communications que ce soit par courrier (vente de timbres postaux, boîtes aux lettres) ou par téléphone (cabine publique) ; l'évolution des conditions de vie a conduit à la diminution de ces charges et/ou à leur changement de modalités ; ainsi, les débitants de tabac ont, à la demande de l'administration et avec le concours de la SEITA, pris part au développement des outils de téléphonie moderne ; celle-ci, progressivement, a subi des transformations de support tant technologique (progression forte de la téléphonie mobile) que économique (fin du système monopolistique) ; ces fortes transformations n'ont pas changé la nature du service de liaison téléphonique rendu par les débits de tabac ; sa manifestation actuelle est la fourniture de prestations permettant la recharge de téléphonie mobile ; elle reste l'expression de la vocation des débits de tabacs à contribuer, par leurs activités annexes et accessoires, à l'intérêt général ; cette situation contemporaine s'inscrit, au reste, dans un contexte de déclin de la vente des produits destinés aux fumeurs dans un souci de protection de la santé publique ; il convient, dès lors, de confirmer la décision entreprise ; » (arrêt p.3)
ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QU' « il est vain de prétendre à l'instar des bailleurs que la vente des cartes de recharge pour téléphones mobiles n'est pas mentionnée dans la clause de destination du bail qui constitue la loi des parties et qui doit être interprétée strictement, dès lors que les parties s'accordent à reconnaître que les usages commerciaux incluent dans l'activité de débit de tabac comme annexe ou accessoire, l'activité de vente de communications téléphoniques ; que pour des raisons historiques, commerciales et de services rendus au public, les buralistes doivent satisfaire à des charges d'emploi imposées par l'administration en contrepartie du monopole de la vente de tabacs ; qu'il n'y a pas lieu d'opérer de distinction relative au mode de commercialisation de ces communications téléphoniques, soit traditionnellement par la présence d'une cabine de téléphone dans le commerce et la vente de cartes de téléphone pour cabines de téléphone fixe, soit eu égard à l'évolution normale des usages commerciaux et du marché du téléphone par la vente de cartes de recharge pour téléphones mobiles ; qu'il convient d'observer que dans les deux cas, il s'agit d'un même commerce, d'une même activité de vente de communications téléphoniques, certes par des moyens différents, qui s'adresse à la même clientèle, avec le même but, celui de rendre un service de proximité au public ; que dans ces conditions on ne voit pas bien pour quelle raison la vente par les buralistes de cartes de téléphone fixe serait incluse et annexe à l'activité de débit de tabac et la vente de cartes de recharge pour téléphones mobiles qui n'est qu'une évolution technique normale de la même activité, serait exclue de l'activité de buraliste et soumise aux formalités prévues par l'article L 145.47 du Code de Commerce sur la despécialisation partielle et la révision du loyer ; qu'une telle distinction qui serait parfaitement artificielle, contraire aux usages commerciaux, à l'intérêt du public et du consommateur doit être rejetée ; qu'aussi bien, la vente de cartes de recharge pour les téléphones mobiles étant naturellement incluse dans l'activité de buraliste, l'infraction à la clause destination reprochée par les consorts X... aux consorts Y... n'est pas constituée ; que dès lors, les consorts X... seront déboutés de l'ensemble de leurs demandes relatives à la résiliation de plein droit du bail du 13 octobre 1994 et à l'expulsion des consorts Y... »; (jugement p.4)
1°) ALORS QUE le bail commercial liant les époux X..., bailleurs, aux époux Y..., preneurs, stipule (p.4) que les lieux loués sont destinés à l'activité de « librairie – dépôt de presse – tabletterie – articles de PARIS – débits de tabacs – loto et loterie nationale… à l'exclusion de toute autre utilisation de quelque nature, importance et durée que ce soit, sous peine de résiliation immédiate du présent bail, si bon semble au bailleur » ; qu'en estimant que la vente de cartes téléphoniques et de cartes de téléphonie mobile était incluse, annexe et accessoire à celle de débit de tabac, quand il s'agit d'une activité n'ayant aucun lien avec celles énumérées de façon claire et limitative par le bail, la Cour d'appel a violé l'article 1134 du Code Civil ;
2°) ALORS QU'en fondant sa décision sur des motifs d'ordre général tirés de ce qu'historiquement et statutairement, les débitants de tabac ont été soumis à des charges d'emploi que l'administration leur imposait dans un intérêt public et de ce que leur vocation est de contribuer, par leurs activités annexes et accessoires de service de liaison téléphoniques, à l'intérêt général, sans préciser si, actuellement, les époux Y... étaient, en leur qualité de débitants de tabac, tenus de vendre des cartes de recharge de téléphonie mobile, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de Procédure Civile.